N° RG 14/06466
Décision du Tribunal de Grande Instance de Lyon
Au fond
du 15 juillet 2014
RG : 11/09004
X...
Y...
SARL LES GRIOTTINES
C/
Me C... Z... - Mandataire de SARL CHAMPIGNON
A...
B...
Z...
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRÊT DU 27 Septembre 2018
APPELANTS :
M. Frédéric X...
né le [...] [...]
[...]
Représenté par Me Jean M... N... CABINET M... ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
Mme Elise Y...
née le [...] [...]
[...]
Représentée par Me Jean M... N... CABINET M... ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
SARL LES GRIOTTINES
[...]
Représentée par Me Jean M... N... CABINET M... ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
INTIMES :
Me Z... C..., ès qualités de mandataire ad'hoc de la SARL CHAMPIGNON
[...] - allée 3
[...]
Représenté par Me Eric D..., avocat au barreau de LYON
M. O... E... A...
né le [...] à HANOÏ (VIETNAM)
[...]
Défaillant
Me Joël B..., notaire
[...]
Représenté par Me Roger F... de la SAS F... ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant, Me Véronique G...de la SCP P... H... G..., avocat au barreau de NIMES, substituée par Me Jean-Michel H..., avocat au barreau de NIMES
Mme C... Z...
née le [...] à HANOÏ (VIETNAM)
[...]
[...]
Représentée par Me Eric D..., avocat au barreau de LYON
et ayant pour avocat plaidant, Me Bertrand I..., avocat au barreau d'ANNECY
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 01 Décembre 2017
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 02 Juillet 2018
Date de mise à disposition : 27 Septembre 2018
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Anne-Marie ESPARBÈS, président
- Hélène HOMS, conseiller
- Pierre BARDOUX, conseiller
assistés pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier
A l'audience, Hélène HOMS a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt rendu par défaut par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Anne-Marie ESPARBÈS, président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte authentique du 17 mars 2010, passé devant Me B..., la SARL Champignon, représentée par Mme C... Z... et J... E... A..., a vendu à la SARL Les Griottines, représentée par M. Frédéric X... et Mme Elise Y..., un fonds de commerce restaurant-grill-plats à emporter-licence-restaurant situé [...] , pour un montant de 45 000 €.
Le même jour, et toujours selon acte notarié reçu par Me B..., Mme Z... et M. A... ont donné à bail à la société Les Griottines les locaux dans lesquels était exploité le fonds de commerce moyennant un loyer mensuel de 450 €.
La société Champignon a fait l'objet d'une liquidation amiable dont la clôture a été prononcée le 16 avril 2010.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 mai 2010, le syndic de la copropriété de l'immeuble a demandé à Mme Z... de mettre en demeure ses locataires de respecter la réglementation de l'immeuble en lui rappelant la décision de l'assemblée générale du 11 mai 1989 rappelée par celle du 26 janvier 2000 selon laquelle seule était tolérée dans le local, l'installation d'une salle de dégustation de plats prêts à emporter sous condition qu'il n'y ait pas de réception de clientèle après 20 heures.
L'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble dans lequel se trouvent les locaux loués, qui s'est tenue le 5 novembre 2010, a décidé de faire adresser à Mme Z..., par le syndic, une mise en demeure de faire cesser toute activité de restauration avec fabrication de plats sur place et toute activité de service après 20 heures et d'engager une action en justice si cette mise en demeure restait sans effet.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 avril 2011, Mme Z... a mis en demeure la société Les Griottines de lui régler les loyers et charges des mois de mars et avril 2011.
Par ordonnance du 31 mai 2011, le président du tribunal de commerce de Lyon a désigné Mme Z... en qualité de mandataire ad'hoc de la société Champignon.
Considérant qu'elle ne pouvait exploiter le restaurant dans des conditions conformes à la cession du fonds de commerce, la société Les Griottines a fait assigner Mme Z... et M. A... devant le juge des référés puis a attrait dans la cause le syndicat des copropriétaires.
Par ordonnance du 7 novembre 2011, le juge des référés a constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite existant dans l'exploitation du bail commercial et dit qu'à titre conservatoire, il y avait lieu de réduire le montant du loyer à 100 € par mois à compter du premier terme du loyer postérieur au 17 mars 2010.
Par actes d'huissier des 15, 24 et 27 juin 2011, la société Les Griottines, M. X... et Mme Y... ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Lyon, M. A..., Mme Z... et la société Champignon représentée par son mandataire ad'hoc Mme Z....
Par acte d'huissier du 7 mars 2012, Mme Z... a fait assigner en garantie Me B..., notaire.
Par jugement réputé contradictoire du 15 juillet 2014, le tribunal de grande instance a:
' débouté la société Les Griottines de ses demandes en nullité du contrat de bail et de l'acte de cession du fonds de commerce,
' débouté la société Les Griottines, Mme Y... et M. X... de leurs demandes à titre de dommages et intérêts,
' dit que Mme Z... a droit à l'intégralité des loyers depuis l'entrée dans les lieux,
' condamné in solidum la société Les Griottines, Mme Y... et M. X... à payer à Mme Z... la somme de 2500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamné Mme Z... à payer à Me B... la somme de 1000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamné in solidum la société Les Griottines, Mme Y... et M. X... aux dépens.
Par déclaration reçue le 30 juillet 2014, la société Les Griottines, M. X... et Mme Y... ont interjeté appel de cette décision.
En cours de procédure, un nouveau litige est né car la société Les Griottines s'est vu interdire l'accès aux toilettes se trouvant dans la cour de l'immeuble voisin, faisant partie de la location, et qui en fait appartiendraient à la copropriété qui avait fait couper l'alimentation en eau ce qui ne permettait plus l'exploitation du restaurant.
Par ordonnance de référé du 9 janvier 2017, le juge des référés a ordonné, pour ce motif, la suspension du paiement des loyers.
Par conclusions du 18 octobre 2017, fondées sur les articles 1110, 1116, 1134, 1147 et 1382 du code civil, la société Les Griottines, Mme Y... et M. X... demandent à la cour de :
' déclarer l'appel interjeté recevable et bien fondé,
y faisant droit
' infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
à titre principal,
' juger que le consentement des cogérants de la société Les Griottines au contrat de bail a été vicié par le dol commis par Mme Z... et M. A...,
' juger que le consentement des cogérants de la société Les Griottines à l'achat du fonds de commerce a été vicié par le dol commis par Mme Z... et M. A... ès qualités de cogérants de la société Champignon,
à titre subsidiaire,
' juger que le consentement des cogérants de la société Les Griottines au contrat de bail a été vicié par une erreur déterminante sur les qualités substantielles,
' juger que le consentement des cogérants de la société Les Griottines à l'achat du fonds de commerce a été vicié par une erreur déterminante sur les qualités substantielles,
en conséquence,
' prononcer la nullité du contrat de bail conclu entre la société Les Griottines et Mme Z... et M. A...,
' prononcer la nullité du contrat de cession du fonds de commerce conclu entre la société Les Griottines et la société Champignon prise en la personne de son mandataire ad'hoc Mme Z...,
à titre très subsidiaire,
' juger que l'absence de tout sanitaire constitue un vice caché antérieur à la vente rendant l'exploitation du fonds de commerce impossible eu égard aux règles d'hygiène applicables en matière de commerce de restauration,
' juger que le fonds de commerce cédé est affecté d'un vice caché rendant le commerce impropre à l'usage auquel il était destiné,
' juger que la cession du fonds de commerce et le contrat de bail commercial conclus par actes notariés le 17 mars 2010 sont indissociables,
en conséquence
' prononcer la résolution du contrat de cession du fonds de commerce conclu entre la société Les Griottines et la société Champignon,
' prononcer la résolution du contrat de bail conclu entre la société Les Griottines et Mme Z... et M. A...,
à titre infiniment subsidiaire,
' juger que Me B... a manqué à son obligation de conseil et commis une faute engageant sa responsabilité,
' juger que la société Les Griottines, Mme Y... et M. X... ont subi un préjudice financier résultant du manquement de Me B... à son devoir de conseil,
' condamner Me B... à payer à la société Les Griottines la somme de 22500€ en réparation de sa perte de chance,
' condamner Me B... à payer à M. X... et à Mme Y... la somme de 10000€ chacun en réparation de leur préjudice moral,
en tout état de cause,
' condamner in solidum, la société Champignon prise en la personne de son mandataire ad'hoc Mme Z..., Mme Z... et M. A... au remboursement du prix de cession du fonds de commerce à la société Les Griottines soit la somme de 45000€ outre intérêts à compter de la date de la cession du fonds,
' donner acte à la société Les Griottines de ce qu'elle s'engage, en contrepartie, à restituer le fonds de commerce tel que délivré par la société Champignon une fois la somme de 45000€ outre intérêts précités, consignée entre les mains de tel séquestre qu'il plaira de désigner,
' juger que Mme Z... et M. A... ès qualités de propriétaires du local et cogérants de la société Champignon ont manqué à leur obligation précontractuelle d'information,
' juger que cette faute a causé un préjudice à la société Les Griottines et un préjudice personnel aux cogérants Mme Y... et M. X... ,
' condamner in solidum la société Champignon prise en la personne de son mandataire ad'hoc Mme Z..., Mme Z... et M. A... à payer à la société Les Griottines, les sommes de :
* 40000€ en réparation du préjudice lié à la perte de chance de réaliser une plus-value,
* la somme de 30000€ par année d'exploitation en réparation du préjudice lié à la perte d'exploitation,
* la somme de 10059,05€ en réparation du préjudice lié au coût du prêt,
' condamner in solidum la société Champignon prise en la personne de son mandataire ad'hoc Mme Z..., Mme Z... et M. A... à payer à Mme Y... et M. X... la somme de 10000€ chacun en réparation de leur préjudice moral,
' condamner in solidum la société Champignon prise en la personne de son mandataire ad'hoc Mme Z..., Mme Z..., M. A... et Me B... à payer à la société Les Griottines, Mme Y... et M. X... la somme de 3000€ chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamner in solidum la société Champignon prise en la personne de son mandataire ad'hoc Mme Z..., Mme Z..., M. A... et Me B... aux entiers dépens.
Par conclusions du 28 mai 2015, fondées sur les articles 1110,1116,1315,1382 du code civil et les articles 13 et 25 de la loi du 10 juillet 1965, Mme Z... demande à la cour de :
' constater l'inopposabilité de l'assemblée générale du 11 mai 1989,
' constater que le règlement de copropriété n'interdit pas l'activité de restauration,
' constater l'absence de man'uvres frauduleuses et de caractère déterminant du prétendu dol,
' constater la pleine information des demandeurs et l'assistance qu'ils ont reçues de Me B... et de fait l'absence de toute erreur,
en conséquence,
à titre principal,
' rejeter l'intégralité des demandes de la société les Griottines, de M. X... et Mme Y...,
' confirmer dans son intégralité la décision de première instance,
' condamner la société Les Griottines à payer l'intégralité des loyers et charges depuis mars 2011 à ce jour,
' condamner solidairement la société Les Griottines, M. X... et Mme Y... à payer 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire et si par extraordinaire la cour prononçait la résolution d'actes,
' condamner Me B... à la garantir contre toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre ensuite de l'action engagée par la société Les Griottines, M. X... et Mme Y... y compris les dépens et les condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' la relever de ces éventuelles condamnations,
' condamner Me B... à 3000€au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par conclusions du 13 décembre 2016, fondées sur l'article 564 du code procédure civile et l'article 1382 du code civil, Me B... demande à la cour de :
' déclarer irrecevables comme nouvelles les prétentions émises pour la première fois devant la cour par les appelants à son encontre et subsidiairement, les déclarer infondées,
pour le cas où il serait fait droit aux prétentions des appelants à l'encontre de Mme Z...,
' débouter Mme Z... de ses demandes à son encontre afin d'être relevée et garantie,
en tout état de cause,
' juger qu'il n'a commis aucune faute,
' considérant l'absence de restriction à la réception de la clientèle commerciale dans le règlement de copropriété,
' considérant le défaut de validité et d'opposabilité de l'assemblée générale du 11 mai 1986 et de celle du 26 janvier 2010, qui n'ont pas été publiées au bureau des hypothèques, ni déposées au rang des minutes,
' débouter en conséquence, Mme Z... de ses demandes,
' juger qu'il n'est justifié d'aucun préjudice indemnisable,
' considérant le dol commis par Mme Z...,
' considérant la nullité des conventions et le retour au statut quo ante,
' considérant que le notaire n'est pas une partie aux actes qu'il a rédigés,
' débouter en conséquence de plus fort Mme Z... de l'intégralité de ses demandes, ne pouvant justifier d'aucun préjudice indemnisable,
' condamner solidairement les appelants à lui payer une somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel ces derniers distraits au profit de la SCP F... & Associés sur son affirmation de droit.
M. A... n'a pas constitué avocat.
Les appelants lui ont signifié la déclaration d'appel et assigné par acte du 23 octobre 2014 et leurs conclusions dont les dernières par acte du 3 novembre 2017 ; des procès-verbaux de recherches infructueuses ont été établis.
Mme Z... ès qualités de mandataire ad'hoc de la société Champignon a constitué avocat mais n'a pas conclu.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité du bail et de la cession de fonds de commerce
Le règlement de copropriété de l'immeuble dans lequel se trouve le fonds de commerce vendu à la société Les Griottines mentionne (page 21) que les locaux situés en rez-de-chaussée sont affectés à un usage commercial mais que sont exclus les commerces dangereux, insalubres et immoraux ou de nature à gêner les autres copropriétaires par le bruit ou par les odeurs ; que les baux consentis par les propriétaires devront contenir la déclaration par les locataires qu'ils se soumettent à l'obligation de se conformer à toutes les dispositions du règlement de copropriété et du règlement intérieur sous peine de résiliation des baux après constatation régulière des faits ; qu'en cas d'inobservation par un locataire et après un deuxième avertissement donné par le syndic au copropriétaire, celui-ci sera tenu de donner congé à son locataire et d'en poursuivre l'expulsion par toutes voies de droit et qu'en tout état de cause, le copropriétaire intéressé demeurera responsable à l'égard du syndicat des agissements de son locataire.
L'ordre du jour de l'assemblée générale des copropriétaires qui s'est tenue le 11 mai 1989 comprenait la question : 'activité de restauration exercée dans les locaux de la SCI K... (local nord du rez-de-chaussée) - décision éventuelle à prendre au regard du règlement de copropriété (page 21)'.
Le procès-verbal mentionne sur cette question : 'Mme K... expose aux copropriétaires qu'étant situé à moins de 150 m d'une école, leur local ne pourra jamais bénéficier d'une licence IV permettant l'activité de bar et le service d'alcool.
Après une discussion sur l'activité exercée dans les locaux de la SCI K..., les copropriétaires décident en définitive de tolérer l'installation d'une salle de dégustation de plats cuisinés prêts à emporter et donc l'exercice de l'activité actuelle, sous la réserve que les conditions de cet exercice ne soient pas modifiées et qu'il n'y ait pas de réception de clientèle après 20 heures'.
L'ordre du jour de l'assemblée générale des copropriétaires du 26 janvier 2000 comprenait au titre des questions intéressant la bonne marche de la copropriété les 'nuisances apportées dans l'immeuble par le local appartenant à la SCI Desplandel'. Le procès-verbal mentionne, après rappel de la décision du 11 mai 1989, : 'Cette autorisation excluait donc toute fabrication de plats sur place et interdisait donc toute activité de restauration traditionnelle.
Les copropriétaires présents se plaignent d'odeurs de cuisine en provenance du local appartenant à la SCI Desplandel en rez-de-chaussée, le syndic adressera à cette société un courrier recommandé avec accusé de réception lui rappelant les termes de la décision prise en 1989 et la mettant en demeure d'exiger de ses locataires de la respecter.
Dans le cas où ce courrier resterait sans suite, cette question sera inscrite éventuellement à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale pour toute prise de décision, en vue d'obtenir la cessation de toute nuisance constatée'.
L'acte d'achat en date du 4 mars 2008 du fonds de commerce par la société Le Champignon à M. et Mme L..., qui l'avait acheté à la société Le Galibier le 31 mai 2001, précise d'une part que le chiffre d'affaires des trois derniers exercices, qu'il indique, a été réalisé avec une ouverture du lundi au vendredi de 12 heures à 14 heures et fermeture le samedi et le dimanche ainsi que le mois d'août et d'autre part, que le cessionnaire déclare être parfaitement informé de l'interdiction de recevoir la clientèle après 20 heures et dispense le notaire de relater plus amplement cette interdiction, déclarant s'en référer au procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires en date du 11 mais 1989.
A la même date, M. et Mme L... ont vendu à Mme Z... et M. A... les locaux dans lequel le fonds était exploité et ces derniers ont signé avec la société Champignon un bail commercial d'une durée de 9 ans.
L'acte du 17 mars 2010 portant cession par la société Champignon à la société Les Griottines d'un fonds de commerce de restaurant-grill-plats à emporter, licence restaurant ne porte aucune information sur une restriction de l'activité.
Il ne mentionne que le chiffre d'affaires réalisé du 8 février au 31 décembre 2008 en précisant que la société Champignon a cessé son activité à cette date et il n'indique pas les heures d'ouverture de l'établissement.
Le bail des locaux dans lequel est exploité le fonds, conclu le même jour, ne précise pas, non plus, de restriction à l'exercice de l'activité à laquelle sont affectés les locaux.
Au titre des obligations du locataire il est indiqué que celui-ci devra jouir du bien loué en bon père de famille et ne rien faire qu'il puisse en troubler la tranquillité ni apporter un trouble de jouissance quelconque ou des nuisances aux voisins ; qu'il devra notamment prendre toutes les précautions pour éviter tous bruits, odeurs et trépidations et l'introduction d'animaux nuisibles, se conformer strictement aux prescriptions de tous règlements sanitaires, arrêtés de police, et autres et veiller à toutes les règles concernant l'hygiène, la salubrité et autres.
Il résulte de ces éléments d'une part, que Mme Z... et M. A..., propriétaires des locaux savaient que le règlement de copropriété exclut les commerces de nature à gêner les autres copropriétaires par le bruit ou par les odeurs ; que le 11 mai 1989, les copropriétaires ont envisagé de contraindre la SCI K... de faire respecter ces dispositions mais qu'après discussion sur l'activité exercée par le locataire de la SCI K... soit une salle de dégustation de plats cuisinés prêts à emporter, ils ont décidé de la tolérer sous réserve que les conditions d'exercice ne soient pas modifiées et qu'il n'y ait pas de réception de clientèle après 20 heures ; que le 26 janvier 2000, les copropriétaires ont décidé de faire adresser par le syndic à la SCI Desplandel une mise en demeure d'exiger de ses locataires de respecter la précédente décision et, au besoin, d'inscrire la question à l'ordre du jour d'une prochaine assemblée générale pour prendre une décision en vue d'obtenir la cessation des nuisances dont se plaignaient les copropriétaires ; que cette décision a été respectée par M. et Mme L... qui ont acquis le fonds de commerce le 4 mars 2008 puisqu'ils n'ont pas ouvert l'établissement le soir ce qu'ils ont porté à la connaissance de Mme Z... et de M. A... lors de la cession du fonds ; que les limitations apportées à l'exploitation du fonds de commerce vendu à la société Les Griottines et à la destination du bail qui lui a été consenti ne sont mentionnées sur aucun des deux actes ; que le bail ne contient pas non plus, comme l'impose le règlement de copropriété, une déclaration de la locataire qu'elle se soumet à l'obligation de se conformer à toutes les dispositions du règlement de copropriété et du règlement intérieur sous peine de résiliation du bail.
Dans ces conditions, Mme Z... ne démontre pas avoir porté à la connaissance de la société Les Griottines, alors qu'elle en était parfaitement informée, que le fonds de restaurant-grill-plats à emporter qu'elle lui cédait ne pouvait être exploité que sous certaines conditions.
Contrairement à ce que soutient Mme Z... et l'a retenu le tribunal de grande instance, les mentions de l'acte de cession sur l'origine de propriété du fonds ne démontrent pas la transmission à la société Les Griottines de l'acte de cession du fonds par M. et Mme L... à la société Champignon. En effet, les précisions sur le nom et l'adresse des cédants, sur le nom du notaire instrumentaire sur la participation du notaire assistant le vendeur démontrent que Me B... a eu connaissance de ces éléments mais non que l'acte a été transmis à la société Les Griottines, ce qui n'est pas précisé dans l'acte auquel l'acte de cession précédent n'est pas annexé.
C'est également à tort que Mme Z... soutient et que le tribunal de commerce a retenu, que l'obligation de jouissance paisible rappelée dans le bail et imposant au locataire notamment de prendre toutes les précautions pour éviter tous bruits et odeurs est une reprise des obligations contenues dans le règlement de copropriété.
En effet, cette obligation contractuelle ne peut être appréciée que dans le cadre du bail dont la destination est restaurant-grill-plats à emporter et non le cadre du règlement de copropriété qui exclut les commerces de nature à gêner les autres copropriétaires par le bruit ou par les odeurs et avec lequel la destination du bail est susceptible d'entrer en contradiction en fonction des conditions d'exploitation du commerce.
Cette mention ne peut remplacer la déclaration imposée par le règlement de copropriété selon laquelle le locataire se soumet à l'obligation de se conformer à toutes les dispositions du règlement de copropriété et du règlement intérieur sous peine de résiliation du bail ce qui implique que ces règlements soient annexés au bail ou à tout le moins qu'il soit indiqué que le locataire en a eu connaissance.
Quant au moyen d'inopposabilité et d'absence de validité de la décision de l'assemblée générale du 11 mai 1989 qui lui permettait, selon Mme Z..., de ne pas porter celle-ci à la connaissance du cessionnaire, il est inopérant.
En effet, en premier lieu, l'obligation légale de loyauté contractuelle imposait à la société Champignon, comme l'ont fait à son égard M. et Mme L..., de porter à la connaissance de sa cocontractante la décision de l'assemblée générale, qui avait une incidence directe sur les conditions d'exploitation du fonds, sans apprécier la régularité et l'opposabilité de cette décision de manière unilatérale puisqu'elle ne prétend pas avoir informé la copropriété de sa position, avoir recueilli ses observations ou avoir souhaité une nouvelle délibération.
En second lieu, l'ordre du jour de l'assemblée générale du 11 mai 1989 ne comportait pas une résolution interdisant l'activité de restauration et nécessitant qu'elle soit prise à l'unanimité et publiée mais 'une décision éventuelle à prendre au regard du règlement de copropriété (page 21)' qui concerne la procédure que doit suivre la copropriété pour contraindre le copropriétaire dont le locataire ne respecte pas le règlement de copropriété à le lui faire respecter et, le cas échéant, à résilier le bail.
L'assemblée générale n'a pas décidé de mettre en oeuvre cette procédure admettant, après discussion avec le copropriétaire concerné, que l'activité de restauration telle qu'exercée par son locataire était compatible avec les restrictions édictées par le règlement de copropriété sur le bruit et les odeurs.
Ce faisant, elle n'a pas modifié le règlement de copropriété.
S'agissant des attestations produites par Mme Z..., elles ne contredisent pas les éléments ci-dessus exposés.
En effet, M. L... déclare que l'exploitation du restaurant 'Le Galilier' qu'il a acheté en juin 2001 s'est passée sans problème avec la copropriété. Il ressort effectivement du dossier ci-dessus analysé, que la décision de l'assemblée générale du 26 janvier 2000 d'adresser une mise en demeure pour faire cesser les nuisances qu'il causait concernait le prédécesseur de M. L... lequel, n'a pas causé de nuisances n'ayant ouvert le restaurant qu'entre 12 et 14 heures la semaine, comme il l'a indiqué dans l'acte de cession du fonds de commerce, et il a informé la société champignon de la délibération du 11 mai 1989.
Quant aux attestations de la présidente du conseil syndical et de deux autres copropriétaires, elles font ressortir que l'activité de restauration, telle qu'exercée avant la cession du fonds à la société Les Griottines (pas d'ouverture le soir), est considérée par eux comme conforme au règlement de copropriété mais non l'activité telle qu'exercée par la société Les Griottines, qui ouvre le restaurant le soir ce qui génère beaucoup de bruit jusqu'à tard dans la soirée et des odeurs incommodantes, surtout l'été en raison de l'installation d'une terrasse et de l'ouverture des fenêtres des appartements.
Certes, comme l'indique Mme Z..., une de ces attestations met en exergue l'aggravation des nuisances causées par la société Les Griottines par comportement de cette dernière (fritures de poissons dégageant de fortes odeurs et dépôt des détritus directement dans les poubelles communes sans protection contre les odeurs). Cependant, c'est avant tout, l'exploitation d'un restaurant traditionnel avec cuisine sur place et ouverture le soir que les copropriétaires considèrent comme contrevenant au règlement de copropriété, ce que le syndicat des copropriétaires a confirmé lors de l'instance en référé qui a donné lieu à l'ordonnance du 7 novembre 2011, et ce, sans que la société Les Griottines en soit informée par la société Champignon et les bailleurs.
En conséquence, la société le Champignon d'une part, Mme Z... et M. A... d'autre part, ont commis une réticence dolosive en s'abstenant de porter à la connaissance, la première, du cessionnaire, les seconds, des locataires, les dispositions du règlement de copropriété excluant les commerces de nature à gêner les autres copropriétaires par le bruit ou par les odeurs, et les conséquences d'une contravention à ces dispositions, ainsi que la délibération de l'assemblée générale des copropriétaires du 11 mai 1989 qui définissait les conditions d'exploitation, qui selon elle, étaient compatibles avec l'absence de nuisances par les bruits et les odeurs.
Dès lors que la société Les Griottines avait l'intention d'exploiter un restaurant traditionnel en ouvrant le midi et le soir, ce que lui permettait l'objet du fonds et la destination du bail, il est évident que sans la réticence dolosive commise par ses cocontractants, elle n'aurait pas contracté.
En conséquence, il y a lieu, par infirmation du jugement entrepris, de prononcer la nullité de la cession du fonds de commerce et celle du bail commercial.
Sur les conséquences de la nullité des actes
La nullité d'un contrat emporte remise des parties dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat ce qui implique la restitution par chacune de ce qu'elle a reçu de l'autre en nature ou en valeur.
En conséquence, la société Les Griottines doit recevoir la restitution du prix d'achat du fonds de commerce et restituer le fonds de commerce dans l'état où il se trouvait le jour de l'entrée en jouissance.
Seule la société Champignon, cédante et créancière du prix de vente, en doit restitution ce qui conduit au débouté de la demande présentée à l'encontre de Mme Z... et de M. A....
Les intérêts sont dus sur le prix d'achat au taux légal à compter du jour du 27 juin 2011, date de l'assignation, et non à compter du versement du prix comme le demande la société Les Griottines.
Le fonds de commerce doit être restitué dans l'état où il se trouvait le jour de l'entrée en jouissance et la restitution devra intervenir dès que le prix de vente sera consigné entre les mains du séquestre que la société Les Griottines désignera à cet effet.
En ce qui concerne le bail commercial, la remise en l'état antérieur au contrat implique la restitution par les bailleurs des loyers perçus, ce qui ne permet pas à Mme Z... de solliciter paiement des loyers impayés et, ainsi que le fait valoir Mme Z..., la restitution par les locataires de la valeur de la jouissance ce qui les rend redevables d'une indemnité d'occupation.
Cependant, d'une part la société Les Griottines ne sollicite pas la restitution des loyers. D'autre part, Mme Z... n'énonce pas dans le dispositif de ses conclusions, qui doit reprendre les prétentions sur lesquelles seules la cour doit statuer, de demande en paiement d'une indemnité d'occupation.
Sur le manquement de Mme Z... et M. A... ès qualités de propriétaire du local et de gérants de la société Champignon à une obligation précontractuelle d'information
Les appelants soutiennent l'existence de ce manquement en invoquant la dissimulation des informations constituant la réticence dolosive, pour demander réparation de divers préjudices, sur le fondement de l'article 1382 du code civil.
D'une part, le débiteur d'une obligation précontractuelle d'information est le contractant, personne physique ou personne morale et non, dans ce dernier cas, les représentants de la personne morale.
De même, le créancier de cette obligation est le cocontractant et non les représentants de la personne morale.
D'autre part, dès lors que le manquement invoqué est constitué par les mêmes faits que la réticence dolosive et dans la mesure où ils ont déterminé le consentement de la société Les Griottines, ils sont sanctionnés par la nullité des contrats qui entraîne leur anéantissement rétroactif et exclut l'indemnisation de préjudices nés des conditions d'exploitation postérieures à la cession sur le fondement de la responsabilité délictuelle.
La société Les Griottines, M. X... et Mme Y... doivent donc être déboutés des demandes d'indemnisation qu'ils présentent de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, les intimés, parties perdantes à la demande principale en nullité des contrats pour dol doivent supporter les dépens générés par l'action dirigée contre les appelants et Mme Z... doit garder à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés.
Les intimés doivent également verser à la société Les Griottines une indemnité de 3000 € pour les frais irrépétibles qu'ils l'ont contrainte à exposer.
Par contre, M. X... et Mme Y... succombant dans leurs prétentions doivent être déboutés de leur demande de paiement d'une indemnité procédurale.
Sur la demande de garantie présentée par Mme Z... à l'encontre de Me B...
Il convient tout d'abord de noter que Mme Z..., qui ne conclut qu'en son personnel et non ès qualités de mandataire ad'hoc de la société Champignon, ne peut agir qu'en garantie des condamnations prononcées contre elle soit sa condamnation aux dépens afférents à l'action des appelants et au versement d'une indemnité procédurale à la société Les Griottines.
Me B... conteste avoir commis une faute au motif que le règlement de copropriété n'interdit pas l'activité de restauration et que l'assemblée générale des copropriétaires du 11 mai 1989 qui a modifié le règlement de copropriété n'est pas valable en ce qu'elle ne mentionne ni que la résolution était à l'ordre du jour ni le résultat d'un vote et qu'elle est inopposable faute de publication au bureau des hypothèques.
L'obligation d'information incombant au notaire rédacteur d'un acte imposait à Me B... d'informer la société Les Griottines, qui était sa cliente, que le règlement de copropriété interdit les commerces de nature à gêner les autres copropriétaires par le bruit ou par les odeurs ce qui peut être le cas d'un restaurant et il se devait de porter à leur connaissance, la position prise par les copropriétaires le 11 mai 1989 sur les conditions d'exercice d'une activité de restauration ne gênant pas les copropriétaires par le bruit et par les odeurs, tout comme le notaire rédacteur de l'acte de vente du fonds à la société Champignon l'avait mentionné, et ce, sans avoir à décider qu'il n'avait pas à communiquer ces éléments exposant ainsi les acquéreurs à la mise en oeuvre, par la copropriété, de la procédure prévue par le règlement de copropriété pour contraindre le bailleur à résilier le bail.
En s'abstenant d'informer l'acquéreur sur ces éléments qui pouvaient compromettre l'efficacité des actes et d'éclairer la cédante et les bailleurs sur le risque auquel était exposé la cessionnaire-locataire, Me B... a manqué à son obligation de conseil.
Cependant, le notaire, qui ne pourrait qu'être tenu de dommages-intérêts en lien causal avec la perte de chance corrélée à son manquement au devoir de conseil, n'est pas tenu de garantir les condamnations prononcées à l'encontre de Mme Z... qui a elle-même commis une réticence dolosive en dissimulant à la société Les Griottines que la destination du bail qu'elle lui consentait était incompatible avec l'exploitation d'un restaurant traditionnel en l'état des éléments dissimulés.
Mme Z... doit donc être déboutée de son recours.
Sur les demandes de Me B... relatives aux dépens et aux frais irrépétibles
Me B... sollicite la condamnation des appelants aux dépens et à lui verser une indemnité de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Me B... a été appelé en garantie devant le tribunal de grande instance par Mme Z... ; il a été intimé devant la cour par les appelants qui ont formulé à son encontre des demandes nouvelles à titre infiniment subsidiaire alors que Mme Z... a maintenu son recours en garantie dans lequel elle succombe.
En conséquence, les dépens générés par la mise en cause de Me B... incombent à Mme Z... et la demande d'indemnité procédurale dirigée contre les appelants doit être rejetée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par défaut,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Prononce la nullité du contrat de cession de fonds de commerce conclu entre la société Les Griottines et la société Champignon le 17 mars 2010,
Condamne la société Champignon représentée par Mme Z..., son mandataire ad'hoc, à restituer à la société Les Griottines le prix d'achat du fonds de commerce soit 45000€ avec intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2011 qui sera versé entre les mains du séquestre que la société Les Griottines désignera,
Condamne la société Les Griottines à restituer à la société Champignon représentée par Mme Z..., son mandataire ad'hoc, le fonds de commerce dans l'état où il se trouvait au jour de l'entrée en jouissance, dès consignation du prix de vente entre les mains du séquestre désigné,
Prononce la nullité du contrat de bail commercial conclu le 17 mars 2010 entre Mme Z... et M. A... et la société Les Griottines,
Constate que les parties ne formulent pas de demandes subséquentes à cette nullité,
Déboute la société Les Griottines du surplus de ses demandes,
Déboute M. X... et Mme Y... de leurs prétentions,
Déboute Mme Z... de ses demandes,
Condamne in solidum la société Champignon représentée par Mme Z... ès qualités de mandataire ad'hoc, Mme Z... et M. A... à payer à la société Les Griottines une indemnité de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme Z... aux dépens générés par la mise en cause de Me B... en première instance et en appel, ces derniers pouvant être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la société Champignon représentée par Mme Z... ès qualités de mandataire ad'hoc, Mme Z... et M. A... au surplus des dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier, Le Président,