AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
R.G : 17/03390
Association AGS CGEA DE CHALON SUR SAONE
C/
X...
Y...
SELARL MJ F... H...
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT ETIENNE
du 12 Avril 2017
RG : 16/00495
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2018
APPELANTE :
L'Association AGS CGEA DE CHALON SUR SAONE
[...]
représentée par Me Cécile Z... de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. Z..., substituée par Me Françoise A..., avocats au barreau de LYON
INTIMÉS :
Jean-Louis X...
né le [...] à SAINT ETIENNE (42)
15 rue des Docteurs B...
42100 SAINT ETIENNE
représenté par Me Nathalie C..., avocat au barreau de LYON
ayant pour avocat Me Ingrid D..., avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
La SELARL MJ F... H... représentée par Fabrice Y... ès-qualités de Mandataire liquidateur de l'EURL LOGOLED
[...]
représentée par Me Anthony E... de la SELARL SVMH AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Juin 2018
Présidée par Thomas CASSUTO, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:
- Elizabeth I..., président
- Laurence BERTHIER, conseiller
- Thomas CASSUTO, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 21 Septembre 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Elizabeth I..., Président et par Elsa SANCHEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Monsieur Jean-Louis X... a été embauché par contrat à durée déterminée du 20 juillet 2015 au 19 juillet 2017 par la Société LOGOLED.
Le 12 août 2015, Monsieur X... a été victime d'un accident du travail qui a entraîné un arrêt de travail jusqu'au 31 juillet 2016.
Le 10 février 2016, la Société LOGOLED a fait l'objet d'une liquidation judiciaire prononcée par le Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE.
Le 18 février 2016, Monsieur X... a été convoqué par Maître Y... Mandataire Judiciaire à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour motif économique.
Par courrier du 21 Mars 2016, le mandataire judiciaire a informé Monsieur X... qu'il ne pouvait pas le reconnaître comme salarié.
C'est dans ces conditions que Monsieur X... a saisi le Conseil de Prud'hommes pour se voir reconnaître le statut de salarié et les droits qui en découlent.
Par jugement du 12 avril 2017, le conseil de prud'hommes de SAINT-ETIENNE a:
- Dit que Monsieur Jean-Louis X... est salarié de la Société LOGOLED,
- Dit que le contrat est toujours en cours,
- Déboute Monsieur Jean-Louis X... de sa demande de bulletin de paie.
- Déboute les parties de tous leurs autres chefs de demande,
- Déclare le présent jugement opposable au C.G.E.A dans les limites de sa garantie telles qu'énoncées aux articles L 3253-8 et suivants du Code du travail,
Le CGEA-AGS a régulièrement interjeté appel de cette décision le 10 mai 2017.
Selon conclusions régulièrement notifiées, il demande à la cour de:
- Dire et juger recevable et bien fondé son appel,
Infirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'un contrat de travail et statuant à nouveau,
- Dire et juger que Monsieur X... n'était pas lié à la société LOGOLED par un contrat de travail réel, sincère et sérieux et dire et juger qu'aucun lien de subordination ne peut être caractérisé,
- Subsidiairement, dire et juger que le contrat invoqué constitue un montage frauduleux et comme tel inopposable à l'AGS-CGEA,
- Débouter Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes,
- Rejeter toutes prétentions, fins et conclusions contraires,
En tout état de cause,
- Dire et juger que l'AGS ne garantit pas l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Dire et Juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-6 et L.3253-8 et suivants du Code du Travail, que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19, L.3253-20, L.3253-21 et L.3253-45 du Code du Travail et L.3253-17 du Code du Travail,
- Dire et Juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
Le mettre hors dépens.
Selon conclusions régulièrement notifiées, la SELARL MJ F..., représentée par Maître Y... ès qualité de Mandataire Liquidateur de l'EURL LOGOLED demande à la cour de:
- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de SAINT-ETIENNE en date du 12 avril 2017,
Et statuant à nouveau:
- Débouter Monsieur Jean-Louis X... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Le condamner aux entiers dépens.
Selon conclusions régulièrement notifiées, Monsieur X... demande à la cour de:
- DEBOUTER I'AGS-CGEA CHALON SUR SAONE de son appel principal et de ses demandes comme infondées,
- DEBOUTER la SELARL MJ F..., es qualité, représentée par Maître Y... de l'intégralité de ses demandes,
- DECLARER recevable et bien-fondé Monsieur X... de son appel incident,
Dès lors,
- CONFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Saint Etienne le 12 avril 2017 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur X... de sa demande de bulletins de paie,
- ORDONNER à Maître Y..., es qualité de mandataire liquidateur de la Société LOGOLED la remise des bulletins de paie de janvier 2016 à juillet 2017, sous astreinte journalière, pour chacune d'elles, de 100 euros par jour de retard, 10 jours à compter de l'arrêt à intervenir,
- ORDONNER à Maître Y..., es qualité de mandataire liquidateur de la Société LOGOLED la remise :
- du certificat de travail de Monsieur X..., sous astreinte journalière de 100 euros à compter de 10 jours après la date du prononcé de l'arrêt à intervenir, astreinte non limitée dans le temps,
- de l'attestation d'assurance chômage de Monsieur X..., sous astreinte journalière de 100 euros à compter de 10 jours après la date du prononcé de l'arrêt à intervenir, astreinte non limitée dans le temps,
- du reçu pour solde de tout compte de Monsieur X..., sous astreinte journalière de 100 euros à compter de 10 jours après la date de l'arrêt à intervenir, astreinte non limitée dans le temps.
- DIRE que l'astreinte ne sera pas limitée dans le temps,
- FIXER au passif de la liquidation de l'EURL LOGOLED la somme de 2 452,65 € au titre de paiement des salaires outre 245 € de congés payés afférents,
- FIXER au passif de la liquidation de I'EURL LOGOLED la somme de 2 950 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
- FIXER au passif de la liquidation de I'EURL LOGOLED la somme de 7 080 € au titre de l'indemnité de précarité,
- DIRE que toutes ces condamnations sont opposables à I'AGS,
- FIXER au passif de la Société LOGOLED la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens distraits au profit de Maître Ingrid D....
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 mai 2018.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont régulièrement notifiées.
MOTIFS DE LA DECISION
Le CGE-AGS et le mandataire liquidateur soutiennent que Monsieur X... n'est pas titulaire d'un contrat de travail en l'absence de lien de subordination vis-à-vis de la gérante de la société LOGOLED.
Subsidiairement, le CGEA-AGS soutient que le contrat de travail produit par Monsieur X... est le résultat d'un montage frauduleux et que ce contrat doit lui être déclaré inopposable.
Monsieur X... soutient rapporter la preuve de l'existence d'un contrat de travail conclu avec la société LOGOLED du fait qu'il a exécuté une prestation de travail pour laquelle il a été rémunéré. Il revendique l'existence d'un lien de subordination vis-à-vis de la société.
Il sollicite également le paiement de salaires, la remise des bulletins de salaires et des documents sociaux de fin de contrat.
Sur l'existence du contrat de travail,
En application de l'article L.1411-1 du code du travail, la juridiction prud'homale est compétente pour statuer sur tout litige ayant pour objet un différend relatif à l'existence d'un contrat de travail opposant le salarié et l'employeur prétendus.
Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail.
L'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.
En présence d'un contrat de travail écrit ou apparent, il appartient à celui qui entend en contester l'existence de rapporter la preuve de son caractère fictif.
En l'espèce, Monsieur X... produit un contrat à durée déterminée du 17 juillet 2015 conclu entre Monsieur X... et la société LOGOLED représentée par sa gérante Madame G... (pièce intimé n° 10). Ce contrat de travail mentionne la convention collective des commerces de quincaillerie, fournitures industrielles, fers-métaux et équipements de la maison.
Il appartient donc au CGEA-AGS et au mandataire liquidateur qui contestent la réalité de ce contrat de travail de rapporter la preuve de son caractère fictif.
Ils produisent:
- l'extrait K bis qui démontre que la société a été créée le 1er juin 2015 soit un mois et demi avant la conclusion du contrat de travail de Monsieur X..., et immatriculée le 30 juin 2015, avec un capital de 100 euros,
- un contrat de travail conclu entre Monsieur X... et la société LOGOLED du 15 juillet 2015 appliquant la convention collective boulangerie pâtisserie pour un poste de responsable achat Vietnam (pièce CGEA-AGS n°1, pièce liquidateur n° 3) qui démontre que le contrat produit par Monsieur X... a été établi ultérieurement à celui détenu par le mandataire liquidateur et qui du fait de la coexistence de ces deux versions du contrat de travail engendre un doute sur la réalité et la nature de l'emploi de Monsieur X...,
- les procédures collectives concernant les sociétés X... J..., OLEA SARL, dont Monsieur X... était co-gérant, G'DIODES EURL, Monsieur X... Jean-Louis (pièces CGEA-AGS n° 2, 3, 4 et 5) qui démontrent que Monsieur X... a assumé des fonctions de gérant et de chef d'entreprise,
- la déclaration de demande d'ouverture de liquidation judiciaire déposée le 2 février 2016 (pièce mandataire liquidateur n° 6) qui mentionne que la société a peu d'activité, et un seul salarié, Monsieur X..., en accident du travail.
Il résulte de ces pièces que la société LOGOLED à peine formée a embauché Monsieur X..., comme unique salarié, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée de 24 mois pour un surcroît d'activité. Cette formulation est contradictoire et ce, d'autant plus, que Monsieur X... ayant bénéficié d'un arrêt de travail à la suite de la déclaration d'un accident de travail le 12 août 2015, aucun salarié n'a été recruté pour le remplacer.
La gérante de droit de la société LOGOLED ne justifie d'aucun acte de gestion qui lui soit propre en dehors de la signature du contrat de travail litigieux et de la déclaration de demande de liquidation judiciaire qui mentionne au passif essentiellement la créance salariale de Monsieur X... et les créances de l'URSSAF et de l'AG2R.
Pour sa part, Monsieur X... ne produit aucune pièce tendant à démontrer qu'il a exécuter une prestation de travail entre le 20 juillet 2015, date de prise d'effet du contrat de travail, et l'accident du travail déclaré du 12 août 2015.
Monsieur X... n'apporte également aucun élément tendant à étayer l'affirmation selon laquelle il existait un lien de subordination vis-à-vis de la société LOGOLED et en particulier de sa gérante associée unique Madame G....
S'agissant de la coexistence de deux contrats de travail, Monsieur X... argue que le contrat aurait été rédigé par un cabinet comptable et régularisé ultérieurement par l'édition d'un nouveau document. Toutefois, cet argument est contredit par le fait que le mandataire liquidateur a été en possession de la version litigieuse de ce contrat mentionnant la convention collective de la boulangerie pâtisserie.
Monsieur X... ne justifie pas de la réalité du surcroît d'activité alors même qu'aucun autre salarié n'avait été recruté dans le cadre de cette très jeune société et que Monsieur X... soutient que la gérante demeurait dans l'agence pour l'accomplissement de tâches administratives. De plus, Monsieur X... ne conteste pas le montant particulièrement modeste du chiffre d'affaires réalisé qui démontre que l'activité de l'entreprise dépendait exclusivement de lui.
Monsieur X... ne justifie pas de la réalité de contacts avec un fournisseur vietnamien.
Monsieur X... entend justifier son statut de cadre. Toutefois, il n'apporte aucun élément justifiant que les tâches qui lui étaient confiées correspondaient à une telle classification.
Enfin, Monsieur X... ne conteste pas avoir géré dans le passé des entreprises dans le même secteur d'activité. De plus, il n'est pas démontré que la gérante de la société LOGOLED disposait de compétence adéquates de sorte et que Monsieur X... ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un lien de subordination vis-à-vis de celle-ci.
Il en résulte que le CGEA-AGS et le mandataire liquidateur de la société LOGOLED démontrent qu'il n'existait aucun contrat de travail entre Monsieur X... et la société LOGOLED. Le jugement sera dès lors infirmé.
En conséquence, Monsieur X... n'est pas fondé en ses demandes et sera débouté.
En outre, Monsieur X... doit être débouté de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par décision publique, contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugements déféré,
STATUANT à nouveau et y ajoutant,
DIT qu'il n'est justifié d'aucun contrat de travail entre Monsieur Jean-Louis X... et la société LOGOLED,
DEBOUTE Monsieur Jean-Louis X... de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
DEBOUTE Monsieur Jean-Louis X... de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur Jean-Louis X... aux dépens de première instance et d'appel.
La GreffièreLa Présidente
Elsa SANCHEZElizabeth I...