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21/09/2018 | FRANCE | N°16/07309

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 21 septembre 2018, 16/07309


AFFAIRE PRUD'HOMALE



DOUBLE RAPPORTEUR









R.G : 16/07309



X...



C/

S.A.S. MANUFACTURE DE FORAGE









décision du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT ETIENNE

Au fond

du 14 septembre 2016



RG : 15/00776

















COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRET DU 21 Septembre 2018







APPELANT :



M

. Y... X...

né le [...] à SAINT ETIENNE (42)

[...]



représenté par Me Jean-yves Z... de la SCP CROCHET-Z..., avocat au barreau de SAINT-ETIENNE





INTIMEE :



La S.A.S. MANUFACTURE DE FORAGE, prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

[...]



représentée par Me Gaë...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

R.G : 16/07309

X...

C/

S.A.S. MANUFACTURE DE FORAGE

décision du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT ETIENNE

Au fond

du 14 septembre 2016

RG : 15/00776

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRET DU 21 Septembre 2018

APPELANT :

M. Y... X...

né le [...] à SAINT ETIENNE (42)

[...]

représenté par Me Jean-yves Z... de la SCP CROCHET-Z..., avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMEE :

La S.A.S. MANUFACTURE DE FORAGE, prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

[...]

représentée par Me Gaël A... de la SCP BAUFUME ET A..., avocat au barreau de LYON

ayant pour avocat plaidant Me Elodie B..., avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Juin 2018

Présidée par Elizabeth F..., président et Laurence BERTHIER, conseiller, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré,

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Elizabeth F..., président

- Laurence BERTHIER, conseiller

- Thomas CASSUTO, conseiller

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 21 Septembre 2018 par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Elizabeth F..., président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS PROCEDURE PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur Gérard X... a été embauché le 17 octobre 1994 selon contrat à durée indéterminée en qualité de responsable du département négoce d'aciers par la société MANUFACTURE DE FORAGE, statut cadre coefficient 120.

Le 10 Juin 2009, Monsieur Gérard X... a déclaré un accident de travail survenu à l'occasion de la manipulation d'une barre d'acier et a été en arrêt de travail jusqu'au 15 Août 2010. La déclaration d'accident du travail mentionne qu'il s'est coincé le dos en se baissant pour prendre une élingue , que le siège des lésions se situe donc au niveau du tronc et de la région lombaire et la nature des lésions est une douleur à l'effort, lumbago.

Au 15 août 2010, l'état de santé de Monsieur Gérard X... a été déclaré consolidé par la CPAM.

Du 16 Août 2010 au 31 Janvier 2012, il a été placé en arrêt de travail pour maladie et s'est vu attribuer une indemnité en capital sur la base d'un taux d'incapacité permanente fixé à 5%, en raison de conclusions médicales de lombosciatalgies sur état antérieur.

Au 1er Février 2012, la CPAM a attribué à Monsieur Gérard X... une pension d'invalidité catégorie 2.

Le 13 Février 2012, à l'occasion de sa première visite de reprise , Monsieur Gérard X... a été déclaré inapte par le médecin du travail au poste qu'il occupait. Lors de la deuxième visite, le 28 février 2012, le médecin du travail a rendu l'avis suivant : «Inaptitude confirmée au poste antérieurement occupé, apte à un poste en dehors de l'atelier de production, à temps très partiel, ne sollicitant pas le rachis , pas de charge physique».

Selon courrier du 8 mars 2012, la société SAS MANUFACTURE DE FORAGE a informé Monsieur X... qu'il n'a pas été possible de trouver un poste correspondant à l'avis du médecin du travail et, le 9 mars 2012, l'a convoqué pour le 19 mars 2012 à 10 heures, un licenciement étant envisagé.

La société SAS MANUFACTURE DE FORAGE a, selon courrier du 26 mars 2012, procédé au licenciement de Monsieur X..., dans les termes suivants :

«Monsieur,

Nous faisons suite à notre entretien du 19 mars 2012, au cours duquel, nous avons recueilli vos explications après vous avoir exposé les motifs du licenciement envisagé.

A la suite de vos deux visites de reprises avec le médecin du travail, le docteur Alexandre C..., celui-ci a confirmé une inaptitude au poste antérieurement occupé, apte à un poste en dehors de l'atelier de production, à temps très partiel, ne sollicitant pas le rachis, pas de charge physique, lors de votre dernière visite du 28 février 2012.

Malgré nos recherches, conjointement avec le médecin du travail, vu la taille de l'entreprise et des entreprises du groupe, nous n'avons aujourd'hui aucun poste disponible susceptible de convenir à votre aptitude résiduelle.

Nous prenons donc la décision de vous notifier par la présente lettre votre licenciement.

La rupture de votre contrat de travail prend effet dès l'envoi de la présente lettre, compte tenu de votre inaptitude à exercer tout emploi au sein de l'entreprise durant votre préavis.

Nous vous ferons parvenir votre solde de tout compte ainsi que votre certificat de travail et votre attestation pour le Pôle Emploi.»

Le 10 Janvier 2013, Monsieur Gérard X... a saisi le conseil de prud'hommes de SAINT-ETIENNE aux fins de contester son licenciement et d'obtenir le paiement de rappels de salaires et diverses indemnités afférentes à l'exécution du contrat rompu.

Le 22 Janvier 2014, faute de diligences de Monsieur Gérard X..., le conseil de prud'hommes a radié l'affaire puis a procédé à son réenrôlement le 10 Décembre 2015 .

Par jugement du 14 Septembre 2016, le conseil de prud'hommes de SAINT-ETIENNE a condamné la société MANUFACTURE DE FORAGE à payer la somme 6424, 28€ au titre d'un rappel de congés payés mais a débouté Monsieur Gérard X... de l'ensemble de ses autres demandes.

Le conseil de prud'hommes a condamné la société MANUFACTURE DE FORAGE aux entiers dépens de l'instance et l'a déboutée de sa demande reconventionnelle.

Monsieur Gérard X... a interjeté appel de cette décision.

Selon conclusions régulièrement notifiées, auxquelles il est référé pour l'exposé complet des moyens, Monsieur Gérard X... demande à la cour:

- de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de SAINT-ETIENE le 14 Septembre 2016 en ce qu'il a condamné la société MANUFACTURE DE FORAGE à payer à Monsieur Gérard X... la somme de 6424, 28€ à titre de rappel de congés payés ;

- d'infirmer le jugement pour le surplus, et statuant à nouveau :

- de juger que l'inaptitude de Monsieur Gérard X... ayant motivé son licenciement a pour origine l'accident du travail du 10 Juin 2009 ;

- de juger que la société MANUFACTURE DE FORAGE a manqué à son obligation de sécurité de résultat et à son obligation de reclassement ;

- de juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

- de condamner la société MANUFACTURE DE FORAGE à lui payer les sommes suivantes, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour les créances salariales et à compter du jugement à intervenir pour les créances indemnitaires:

- 19 272, 84€ au titre de l'indemnité de préavis ;

- 1 927,28€ au titre des congés payés afférents au préavis ;

- 14 365, 40€ au titre du doublement de l'indemnité légale de licenciement ;

- 38 545, 68€ à titre de dommages et intérêts nets pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 20 630, 01€ au titre des conséquences sur le montant de la retraite.

- 3 600€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de la procédure qui incluront les frais de signification dans le délai d'un mois dès lors que la société MANUFACTURE DE FORAGE n'a pas cru devoir constituer avocat dans les délais prescrits.

Selon conclusions régulièrement notifiées, auxquelles il est référé pour l'exposé complet des moyens, la SAS MANUFACTURE DE FORAGE demande à la Cour :

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de SAINT-ETIENNE du 14 Septembre 2016 sauf en ce qu'il l'a condamné au paiement d'un rappel de congés payés et aux dépens,

- de constater que la juridiction prudhommale est incompétente pour statuer sur la demande de Monsieur Gérard X... en réparation de son préjudice consécutivement à l'accident du travail du 10 Juin 2009,

- de débouter Monsieur Gérard X... de l'intégralité de ses demandes,

- de condamner Monsieur Gérard X... au remboursement de la somme de 5 039, 41€ versés en réparation de son préjudice consécutif à l'accident du travail du 10 Juin 2009 et au règlement d'une indemnité de 3 600€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il sera référé aux écritures que les parties ont soutenu oralement à l'audience pour l'exposé complet de leurs moyens et prétentions.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 mai 2018.

MOTIVATION

Sur l'origine de l'inaptitude :

Monsieur Gérard X... fait valoir, à l'appui de ses prétentions que toutes les pièces versées aux débats rapportent la preuve que l'inaptitude retenue par le médecin du travail ayant conduit à son licenciement est directement liée, au moins partiellement, à son accident du travail du 10 Juin 2009.

Il ajoute que l'employeur ne verse aucun élément médical contraire et qu'au regard de ces considérations, l'inaptitude doit être considérée comme d'origine professionnelle.

La société MANUFACTURE DU FORAGE fait valoir que Monsieur Gérard X... a seulement contesté le taux d'IPP qui lui a été attribué sans jamais remettre en cause la date de consolidation de son état au 15 Août 2010. Selon elle, il apparaît qu'avant l'accident, Monsieur Gérard X... souffrait d'un état pathologique antérieur important, affectant la colonne lombaire.

Elle soutient à ce titre que c'est bien l'état pathologique préexistant de Monsieur Gérard X... qui a été à l'origine de son invalidité 2ème catégorie et des avis d'inaptitude du médecin du travail consécutifs.

Elle ajoute que Monsieur Gérard X... a transmis des arrêts de travail pour maladie simple du 16 Août 2010 au 31 Janvier 2012, soit pendant plus de 18 mois.

Elle rappelle que le 1er Février 2012, la CPAM lui a attribué une pension d'invalidité catégorie 2, supposant donc une incapacité de reprendre son travail après une maladie invalidante d'origine non professionnelle, et que les visites de reprises auprès de la médecine du travail ont été faites suite à une maladie non professionnelle, au cours desquelles le médecin du travail n'a jamais fait référence à l'accident du travail.

En l'espèce, il résulte des éléments versés aux débats par Monsieur Gérard X... que celui-ci démontre que l'inaptitude intervenue le concernant a pour origine au moins partielle l'accident du travail, peu important d'une part que la date de consolidation n'ait pas été contestée ni que le tribunal de l'incapacité fasse mention de lombosciatalgies sur état antérieur.

En effet, ces éléments s'ils ne permettent plus à Monsieur X... de demander à la CPAM la prise en charge des arrêts maladies et soins postérieurs à la date de la consolidation au titre de la législation professionnelle, n'empêchent pas le salarié de relier la constatation de l'inaptitude à un accident du travail .

Ici, il résulte de la déclaration de l'accident du travail dont le siège affectait le rachis, du certificat médical du docteur D... daté du 19 janvier 2011 rapportant que Monsieur X... a été opéré d'une hernie discale L5-S1 le 20 juillet 2010 pour névralgies sciatiques L 5 droites et qu'il s'agit donc d'une lombosciatique révélée ou aggravée par l'accident du travail du 10 juin 2009 qui a décompensé la hernie discale, Monsieur X... ayant jusqu'alors présenté des lombalgies banales, enfin des avis d'inaptitude prescrivant un poste ne sollicitant pas le rachis, que l'inaptitude retenue par le médecin du travail le 28 février 2012 a, au moins pour partie une origine professionnelle.

Dans ces conditions, au regard de ces éléments, l'employeur ne pouvait ignorer l'origine professionnelle au moins partielle de l'inaptitude.

L'article L1234-5 précise que si le licenciement fait suite à une inaptitude professionnelle, l'indemnité compensatrice de préavis est due.

De même, ce n'est qu'en cas de licenciement suite à une inaptitude professionnelle qu'une indemnité spéciale de licenciement est due.

Dans ces conditions, il convient de réformer la décision déférée de ces chefs et d'allouer à Monsieur X... 19 272, 84€ au titre de l'indemnité de préavis , 1 927,28€ au titre des congés payés afférents au préavis et 14 365, 40€ au titre du doublement de l'indemnité légale de licenciement ;

Sur le licenciement.

Monsieur X... soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, l'employeur ayant en effet manqué à son obligation de sécurité de résultat et à son obligation de reclassement.

- sur l'obligation de sécurité.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité envers ses salariés en matière de santé et de sécurité au travail.

Monsieur Gérard X... fait valoir qu'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité a été la cause de son accident du travail survenu le 10 Juin 2009, alors qu'il était «sur des barres à environ 2 mètres du sol et tirait une élingue d'une vingtaine de kilos lorsqu'il a ressenti une vive douleur au niveau du dos». Il fait valoir qu'il était seul lors de la survenance de l'accident.

Il ajoute qu'il lui avait été demandé d'effectuer un travail qui ne relevait en aucun cas de la définition de son poste dans son contrat de travail ou dans son avenant.

La société MANUFACTURE DE FORAGE fait valoir que cette question ne relève pas du conseil des prud'hommes mais du tribunal des affaires de sécurité sociale et en tout état de cause qu'un manutentionnaire était spécifiquement affecté aux tâches de sciage et de manutention et qu'elle n'avait jamais demandé à Monsieur X... d'effectuer la tâche à l'occasion de laquelle il s'est blessé.

Dans la mesure où Monsieur X... tire du manquement à l'obligation de sécurité que le licenciement intervenu serait sans cause réelle et sérieuse, l'examen du manquement allégué relève bien de la juridiction prudhommale .

Il ressort des documents versés aux débats que Monsieur Gérard X... était responsable du département négoce d'aciers statut cadre : il assurait notamment le suivi de la production.

A ce titre, il bénéficiait d'une certaine autonomie dans l'exercice de ses fonctions.

Au regard de l'attestation produite par l'employeur, il apparaît que Monsieur Gérard X... était responsable du dépôt acier et n'était en aucun cas chargé de manipuler ou scier les barres ; M. E... avait spécialement été affecté à ces tâches, sous les ordres de Monsieur Gérard X....

Alors que Monsieur Gérard X... n'apporte pas la preuve qu'il lui avait été demandé de manipuler les barres, la société justifie au contraire que les travaux de sciage et de manutention étaient effectués par un manutentionnaire embauché à cet effet depuis 2004.

Les éléments versés aux débats par le salarié sont donc insuffisants à établir que l'employeur lui aurait demandé d'effectuer une tâche ne relevant pas de ses fonctions et n'aurait pas organisé le service dont Monsieur X... était responsable, de sorte qu'il l'aurait mis en danger.

Dès lors, il ne ressort pas des éléments factuels du dossier que l'employeur aurait commis un manquement à son obligation de sécurité .

- sur l'obligation de reclassement :

En application des dispositions de l'article L 1226-2 du code du travail, il appartient à l'employeur, après que le salarié a été déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, de proposer à ce dernier un autre emploi approprié à ses capacités, en prenant en compte les conclusions du médecin du travail et les indications formulées, et en proposant un emploi aussi comparable que possible à celui précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagements du temps de travail.

Les recherches aux fins de reclassement doivent être sérieuses, loyales et personnalisées.

L'employeur doit, après l'avis d'inaptitude, prendre en considération les propositions émises par le médecin du travail pour rechercher les possibilités de reclassement.

Il est de principe que l'obligation de reclassement préalable au licenciement est une obligation de moyens et non de résultat ; et que l'accomplissement de cette obligation doit être apprécié au regard de l'effectif de l'entreprise et de ses capacités d'emploi.

La charge de la preuve de l'effectivité de la recherche de reclassement incombe à l'employeur.

Par rapport à la déclaration d'inaptitude, l'article 341-4 du code de la sécurité sociale dispose que, en vue de la détermination du montant de la pension, les invalides sont classés comme suit :

1°) invalides capables d'exercer une activité rémunérée ;

2°) invalides absolument incapables d'exercer une profession quelconque ;

3°) invalides qui, étant absolument incapables d'exercer une profession, sont, en outre, dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie.

Toutefois c'est le médecin du travail qui détermine si le salarié dispose d'une aptitude résiduelle ; il ne déclare pas nécessairement inapte à son poste de travail un salarié classé en invalidité 2ème catégorie par le médecin conseil.

Monsieur Gérard X... considère que l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement, notamment dans la mesure où il n'a pas pris en considération les propositions de mesures individuelles telles que des mutations ou transformations du poste de travail.

La SAS MANUFACTURE DE FORAGE fait valoir qu'elle a effectué des recherches de reclassement en concertation avec le médecin du travail sur un poste qui pouvait correspondre à l'aptitude résiduelle de Monsieur Gérard X.... Elle estime avoir tout mis en 'uvre afin de rechercher à le reclasser, compte tenu des propositions du médecin du travail et des indications formulées et notamment par la mise en 'uvre des mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

La société rappelle qu'elle n'a que 25 salariés avec une activité de production et que seul deux postes administratifs sont pourvus.

De plus, la société précise que la pension invalidité catégorie 2 attribuée par la CPAM à Monsieur Gérard X..., vise les personnes «invalides absolument incapables d'exercer une profession quelconque» : dans ces conditions, les recherches de reclassement ne pouvaient qu'être infructueuses, impossible en raison des capacités physiques de l'intéressé.

En l'espèce, le 13 Février 2012, lors de la première visite de reprise, le médecin du travail a déclaré Monsieur Gérard X... «inapte au poste antérieurement occupé, apte à un poste en dehors de l'atelier de production, à temps très partiel, ne sollicitant pas le rachis, pas de charge physique ; à revoir dans 15 jours».

Le 28 Février 2012, dans le cadre de la deuxième visite du médecin du travail, l'avis a été confirmé : «inaptitude confirmée au poste antérieurement occupé, apte à un poste en dehors de l'atelier de production à temps très partiel, ne sollicitant pas le rachis ni de charge physique».

La lettre de licenciement adressée à Monsieur Gérard X... par MANUFACTURE FORAGE est motivée de la manière suivante : «licenciement pour inaptitude physique suite à une maladie non professionnelle et impossibilité de reclassement».

Cependant, la société MANUFACTURE DE FORAGE ne justifie d'aucune des recherches qu'elle affirme avoir effectuées conjointement avec le médecin du travail, ni de l'impossibilité, au regard de la taille de l'entreprise de proposer à Monsieur X... un poste à temps partiel, en dehors de l'atelier de production et ne nécessitant ni charge physique ni sollicitation du rachis, ce conformément à l'aptitude résiduelle indiquée par le médecin du travail et nonobstant le classement en invalidité catégorie 2

La société MANUFACTURE DE FORAGE ne justifie pas en conséquence avoir rempli de manière sérieuse et loyale son obligation de reclassement de sorte qu'il convient de dire que le licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse, par réformation de la décision

déférée .

En application des articles L 1235-3 et L 1235-5 du code du travail, Monsieur X... ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Monsieur X... âgé de 49 ans lors de la rupture, de son ancienneté de plus de 18 années, de ce qu'il n'a pu retrouver un nouvel emploi avant son départ à la retraite, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture doit être indemnisé par la somme de 38 545, 68 euros .

Sur les congés payés :

L'article L3141-24, d'ordre public, dispose que tout salarié à droit à une indemnité égale au dixième de sa rémunération brute totale perçue au cours de la période de référence au titre des congés payés.

L'article L3145-5 précise que sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé :

1° Les périodes de congé payé ;

2° Les périodes de congé de maternité, de paternité et d'accueil de l'enfant et d'adoption ;

3° Les contreparties obligatoires sous forme de repos prévues aux articlesL. 3121-30,L. 3121-33etL. 3121-38;

4° Les jours de repos accordés au titre de l'accord collectif conclu en application de l'articleL. 3121-44;

5° Les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;

6° Les périodes pendant lesquelles un salarié se trouve maintenu ou rappelé au service national à un titre quelconque.

Monsieur Gérard X... estime qu'il avait acquis 60 jours de congés payés qui apparaissent sur ses bulletins de salaire jusqu'au mois de novembre 2011.

La MANUFACTURE DE FORAGE souligne que le droit à congés payés n'est pas acquis dans le cadre de la maladie et que si les périodes pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause de maladie professionnelle ou d'accident du travail sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé, ce n'est que dans la limite d'un an.

En l'espèce, Monsieur Gérard X... était en arrêt pour maladie simple à compter du 16 Août 2010. La période qui court à compter de cette date ne peut être assimilée à du temps de travail effectif dans le calcul des congés payés.

La période comprise entre le 10 Juin 2009 et le 15 Août 2010, période pendant laquelle le contrat est suspendu du fait de l'accident du travail survenu le 10 Juin 2009 est assimilable à du temps de travail effectif, dans la limite d'un an pour l'ancienneté et le droit à congés.

Les périodes de suspension du contrat à compter du 10 Juin 2010 ne sont pas assimilables à du temps de travail effectif pour le calcul des droits à congés payés.

Sur la période considérée, Monsieur X... avait donc acquis 30 jours de droits à congés qu'il n'avait pas pris du fait de son arrêt de travail pour accident.

La société MANUFACTURE DE FORAGE ne conteste pas ce droit à congés payés sur la période d'un an relative à l'accident du travail et ne précise pas ni ne justifie avir réglé ces jours de congés acquis à son salarié.

En revanche, au regard de ce qui précède, le solde de 60 jours de congés payés apparaissant à compter du mois de juin 2010 constitue une erreur matérielle qui ne saurait

être créatrice de droits pour le salarié au titre des congés payés.

Il convient en conséquence de réformer la décision déférée sur le solde de congés payés alloué à Monsieur X... et d'allouer à ce dernier la somme de 3212,14 euros au titre du solde de 30 jours de congés payés, que Monsieur X... avait acquis du 10 juin 2009 au 10 juin 2010.

Par ailleurs, alors que la société MANUFACTURE DE FORAGE a versé la somme de 5039,41 euros à Monsieur X... au titre de l'exécution provisoire, il convient de condamner ce dernier au remboursement de la somme de 1827,27 euros trop perçue par lui.

Sur les conséquences sur le montant de la retraite :

Monsieur Gérard X... estime qu'il justifie d'une perte de gain professionnelle et d'incidence professionnelle et fait valoir que son licenciement pour inaptitude a indiscutablement eu des conséquences sur le montant de sa retraite dès lors que la dernière et meilleure année retenue est l'année 2009.

La société MANUFACTURE DE FORAGE considère que la perte des droits à la retraite est déjà indemnisée par le mécanisme de la rente qui est versée à vie à son bénéficiaire, Monsieur Gérard X....

En l'espèce, Monsieur Gérard X... a bénéficié d'une indemnité en capital forfaitaire de 1845,14 euros basée sur une incapacité permanente fixée au taux de 5% à compter du 16 Août2010,suite à sa consolidation au15 Août 2010.
Monsieur Gérard X... a bénéficié également d'une pension d'invalidité attribuée à compter du 1er Février 2012 d'un montant mensuel de 1 215, 84€.

Conformément à l'article L 434-6 du code de la sécurité sociale, les rentes indemnisant l'incapacité permanente se cumulent avec les pensions d'invalidité ou de retraite auxquelles peuvent avoir droit les intéressés, avec une limitation toutefois dans le cas d'une pension d'invalidité allouée en raison d'infirmités ou de maladies résultant de l'accident qui a donné lieu à l'attribution de la rente.

Monsieur X... justifie que :

la retraite dont il bénéficie depuis le 1er décembre 2014 est de 1169,70 euros par mois,

la dernière année dont il a été tenue compte pour le calcul de cette retraite est l'année 2009 au cours de laquelle son salaire annuel a été de 28 827,23 euros,

il a été licencié le 26 mars 2012,

la moyenne de ses 12 derniers mois de salaire est de 3212,14 euros, ce qui correspond à un salaire brut annuel de 38 545,68 euros,

sur la base de ce salaire annuel , son salaire de base sur les 25 meilleures années aurait donc du être de 30 471,47 euros soit une retraite de 15 235,735 euros par an et de 1269,64 euros par mois,

en utilisant le barème de capitalisation publié par la Gazette du Palais 2013, il demande en conséquence la somme de 99,94 euros x 12 mois x 17,202= 20 630,01 euros.

Cette base de calcul n'est pas contestée par la société MANUFACTURE DE FORAGE, de sorte qu'il convient de faire droit à la demande formulée par Monsieur X... de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur X... ses frais non recouvrables.

En revanche, la société MANUFACTURE DE FORAGE sera déboutée de sa demande de ce chef.

Sur les dépens :

Il convient de mettre à la charge de la société MANUFACTURE DE FORAGE les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par décision publique, contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

INFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que l'inaptitude de Monsieur Gérard X... a pour partie une origine professionnelle,

CONDAMNE la société MANUFACTURE DE FORAGE à payer à Monsieur Gérard X... les sommes de :

- 19 272, 84€ au titre de l'indemnité de préavis ,

- 1 927,28€ au titre des congés payés afférents au préavis,

- 14 365, 40€ au titre du doublement de l'indemnité légale de licenciement ,

DIT que la société MANUFACTURE DE FORAGE a manqué à son obligation de reclassement,

DIT en conséquence que le licenciement intervenu est sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société MANUFACTURE DE FORAGE à payer à Monsieur Gérard X... la somme de 38 545, 68 euros à titre de dommages et intérêts,

LA CONDAMNE également au paiement de la somme de 20 630,01 euros au titre de la perte des droits à retraite,

DEBOUTE Monsieur Gérard X... de sa demande au titre du manquement à l'obligation de sécurité de résultat,

DIT que la société MANUFACTURE DE FORAGE est redevable envers Monsieur Gérard X... de la somme de 3212,14 euros au titre du solde des congés payés,

LA CONDAMNE au paiement de cette somme,

CONDAMNE Monsieur Gérard X... à rembourser à la société MANUFACTURE DE FORAGE la somme de 1827,27 euros nette trop versée de ce chef au titre de l'exécution provisoire,

DEBOUTE la société MANUFACTURE DE FORAGE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

LA CONDAMNE de ce chef à payer à Monsieur Gérard X... la somme de 1500 euros,

LA CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel.

La GreffièreLa Présidente

Elsa SANCHEZElizabeth F...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 16/07309
Date de la décision : 21/09/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°16/07309 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-09-21;16.07309 ?
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