N° RG 18/00806
Décision du Tribunal de Commerce de LYON
Au fond
du 06 novembre 2017
RG : 2016rj1202
SASU ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE
C/
SA GRAND HOTEL ET NOUVEL HOTEL REUNIS
SELARL ALLIANCE MJ
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRÊT DU 28 Juin 2018
APPELANTE :
SASU ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE, Société par action simplifiée à associé unique, prise en la personne de son représentant légal
[...]
[...]
Représentée par Me Gaël X... de la SCP BAUFUME ET X..., avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant, Me Philippe Y... substitué par Me Claire Z..., avocat au barreau de LYON
INTIMÉES :
SA GRAND HOTEL ET NOUVEL HOTEL REUNIS
[...]
Représentée par Me Romain A... de la SELARL A... & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant, Me Eric B..., avocat au barreau de NICE
SELARL ALLIANCE MJ, représentée par Me C... ou Me C..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA GRAND HOTEL ET NOUVEL HOTEL REUNIS,
[...]
Représentée par Me Aurélien D... de la SELARL SEIGLE D... ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
******
Date de clôture de l'instruction : 29 Mai 2018
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 31 Mai 2018
Date de mise à disposition : 28 Juin 2018
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Anne-Marie ESPARBÈS, président
- Hélène HOMS, conseiller
- Pierre BARDOUX, conseiller
assistés pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier
A l'audience, Hélène HOMS a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Anne-Marie ESPARBÈS, président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 6 décembre 2016, la société Elior services propreté et santé (société Elior) a déclaré au passif du redressement judiciaire de la société Grand hôtel et nouvel hôtel réunis (société Grand Hôtel) une créance chirographaire de 250885,75 € qui a été contestée par la débitrice mais admise sans examen de la contestation.
La société Elior a déposé une réclamation contre l'état des créances.
Par ordonnance du 6 novembre 2017, le juge-commissaire a constaté un accord transactionnel entre les parties et a admis la créance de la société Grand hôtel pour 100000 € à titre chirographaire.
Par déclaration reçue au greffe le 2 février 2018, la société Elior a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées le 3 mai 2018, la société Elior demande à la cour de :
' infirmer l'ordonnance déférée et statuant à nouveau,
' prononcer la résolution de l'accord de principe des parties compte tenu de l'absence de paiement par la société Grand hôtel de la somme de 100000 € avant le 30 novembre 2017,
' admettre sa créance au passif du redressement judiciaire de la société Grand hôtel pour le montant de 250885,75 € à titre chirographaire,
' condamner la société Grand hôtel au paiement de la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile tirés en frais privilégiés de la procédure de sauvegarde ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions déposées le 6 avril 2018, la société Grand hôtel demande à la cour de:
' constater et au besoin juger que la société Elior a expressément accepté de ramener sa créance à 100000€,
' constater et au besoin juger qu'aucune clause résolutoire n'était prévue à l'accord des parties,
' constater et au besoin juger qu'à défaut de clause résolutoire, la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire ne saurait remettre en cause l'accord intervenu,
par conséquent,
' confirmer l'ordonnance déférée,
' condamner la société Elior à lui régler la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Me A... avocat.
La SELARL MJ synergie représentée par Me C... ou Me C... ès qualités de liquidateur de la société Grand hôtel a constitué avocat mais n'a pas conclu.
Le dossier a été communiqué au ministère public qui n'a pas formulé d'avis écrit ou oral.
La cour a demandé aux parties de présenter leurs observations par note en délibéré sur l'impossibilité pour la société Grand hôtel de contester sa créance en invoquant un accord de paiement au regard des dispositions de l'article L. 622-7 du code de commerce.
Par note du 4 juin 2018, la société Elior fait valoir qu'elle ignorait que la proposition, qui lui a été faite en cours de redressement judiciaire et qu'elle a acceptée, ne pouvait être exécutée ; que l'objet de ce contrat qui contrevient effectivement à une règle d'ordre public, est illicite ; que la société Grand hôtel a manqué à son obligation de bonne foi en lui promettant de payer sa créance si elle la réduisait de plus de la moitié alors qu'elle savait qu'elle ne pouvait respecter cet engagement ; qu'en conséquence, elle demande à la cour de prononcer la nullité de l'accord et d'admettre sa créance.
Les autres parties n'ont pas présenté d'observations.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient tout d'abord de préciser, compte tenu du dispositif des conclusions de la société Elior visant parfois la procédure de sauvegarde parfois de redressement judiciaire, qu'au vu de l'extrait K bis produit, la société Grand Hôtel a été placée en redressement judiciaire par jugement du 12 octobre 2016 converti en liquidation judiciaire par jugement du 12 octobre 2017.
La société Elior fait d'abord valoir que le juge-commissaire a admis une créance de la société Grand hôtel alors que cette dernière est débitrice et non créancière.
Ensuite, elle soutient d'une part, que l'accord invoqué selon lequel elle acceptait de réduire sa créance à 100000 € était soumis à la condition d'un paiement au plus tard le 30 novembre 2017 et que ce paiement n'a pas été respecté ce qui lui permet de soulever l'exception d'inexécution et de demander à la cour de prononcer la résolution de l'accord et d'autre part, que sa créance est bien de 250885,75€.
Cet accord, qui a été concrétisé par un échange entre les parties au terme duquel, par lettre du 10 octobre 2017, la société Elior a accepté la proposition formulée par la société Grand hôtel par lettre du 9 octobre 2017, n'est pas contesté par cette dernière mais elle réplique que cet accord ne prévoyait pas de clause résolutoire et que dès lors, la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire et l'interdiction de payer toute créance antérieure à cette conversion, ne saurait être un motif pour remettre en cause l'accord conclu.
Il est exact que le juge-commissaire a admis une créance de la société Grand hôtel qui est débitrice.
Aux termes de l'article L. 622-7 du code de commerce le jugement ouvrant la procédure de sauvegarde emporte de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de dettes connexes.
Cette interdiction s'applique aux créances antérieures à l'ouverture d'un redressement judiciaire (article L. 631-14) et d'une liquidation judiciaire (article L. 641-3).
En l'espèce, la créance déclarée par la société Elior d'un montant de 250885,75€ concerne des factures émises en exécution d'un contrat de prestations de nettoyage pour la période d'octobre 2014 à octobre 2015 et est donc antérieure au jugement du 12 octobre 2016 ayant ouvert la procédure de redressement judiciaire de la société Grand Hôtel.
La société Grand hôtel ne peut donc se prévaloir d'un accord illicite pour prétendre à la réduction de la créance qui avait été acceptée par la société Elior en contrepartie d'un paiement qui ne pouvait avoir lieu.
Ne contestant pas autrement la créance, il y a lieu, par infirmation de l'ordonnance déférée, d'admettre au passif de la société Grand hôtel la créance de la société Elior d'un montant de 250885,75€ sans besoin de plus ample discussion et étant précisé qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge-commissaire, statuant sur la vérification des créances, et par-là de la cour statuant sur l'ordonnance qu'il a rendue en cette matière,
de prononcer la résolution ou la nullité d'un accord.
Il y a lieu d'ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective et de débouter les parties de leurs demandes en paiement d'une indemnité procédurale.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Infirme l'ordonnance entreprise,
Statuant à nouveau,
Admet la créance de la société Elior services propreté et santé au passif de la liquidation judiciaire de la société Grand hôtel et nouvel hôtel réunis pour un montant de 250885,75€ à titre chirographaire,
Déboute les parties de leur demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.
Le Greffier,Le Président,