AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 16/04687
X...
C/
SARL MORELLATO ET SECTOR FRANCE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON
du 26 Mai 2016
RG : F 13/00845
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 22 JUIN 2018
APPELANT :
Jean-Philippe X...
né le [...] à CUSSET (03300)
[...]
Comparant en personne, assisté de Me Patrice Y... de la SCP D.LARDANS-P.Y...-C.MICALEFF, avocat au barreau de MOULINS
INTIMÉE :
SARL MORELLATO ET SECTOR FRANCE
[...]
Représentée par Me Fabien Z..., avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Mai 2018
Présidée par Sophie NOIR, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:
- Michel SORNAY, président
- Natacha LAVILLE, conseiller
- Sophie NOIR, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 22 Juin 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Michel SORNAY, Président et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Jean-Philippe X... a été embauché par la SARL MORELLATO & SECTOR FRANCE à compter du 3 janvier 2011 en qualité de responsable des ventes du 'réseau 1", statut cadre dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, avec une rémunération fixe mensuelle de 50'000 € bruts annuels, soit 4 166,67 € bruts mensuels et une prime annuelle sur la base de la réalisation d'objectifs définis par l'employeur à chaque début d'année d'un montant de 8000 € en cas d'atteinte de ses objectifs à 80 % et de 10'000 € à 100 %.
La SARL MORELLATO ET SECTOR FRANCE est spécialisée dans la vente de montres et de bijoux fantaisie.
Jean-Philippe X... était en charge principalement 'd'assurer au nom et pour le compte de la SARL MORELLATO & SECTOR FRANCE le suivi et la formation des représentants, l'amélioration des résultats sur chacun des secteurs de l'ensemble de la force de vente de la SARL MORELLATO & SECTOR FRANCE dans une clientèle déterminée, le remplacement temporaire éventuel d'un représentant sur un secteur défini pour la vente des produits définis ci-après, la recherche et le suivi de nouveaux clients. (...)'
La relation de travail était soumise à la convention collective nationale de commerce de gros ' horlogerie (numéro 3152).
Par courrier recommandé avec accusée réception du 3 janvier 2013, Jean-Philippe X... a été convoqué à un entretien fixé au 14 janvier 2013, préalable un éventuel licenciement.
Il a été licencié par lettre recommandé avec accusé réception du 13 février 2013 dans les termes suivants:
'Nous vous avons reçu le 14 janvier dernier pour un entretien au cours duquel nous vous avons exposé les raisons qui vous ont conduit à engager à votre encontre une procédure de licenciement.
Au cours de cet entretien, non seulement vous ne nous avez fourni aucune explication permettant de modifier notre appréciation des différents reproches qui vous sont faits mais vous êtes contentés de nous suggérer de nous orienter plutôt vers une procédure de licenciement pour motif économique afin que puissiez bénéficier du dispositif de la CSP.
Nous vous informons par la présente, de notre décision de mettre un terme à votre contrat de travail pour les raisons qui vous sont ci-après rappelées :
1°) sur l'insuffisance de vos résultats
Vous avez été recruté par la société MORELLATO & SECTOR à compter du 3 janvier 2011 en qualité de responsable des ventes du 'réseau 1" (qui comprend les produits et marques : Bracelets et montres MORELLATO - montres CHRONOSTAR -Ecrin ARCA - Bijoux et montres MISS SIXTY) aux fins de développer le secteur France métropolitaine, Belgique et Luxembourg.
Aux termes de ce contrat, vous a été confiée la gestion d'un portefeuille de 343 clients actifs en bracelets de montres, notre produit principal, sur le premier semestre de l'année 2011 et 447 sur l'année 2011.
Cependant, au cours du premier semestre 2012, loin de développer la clientèle de la société MORELLATO & SECTOR comme nous étions en droit de l'attendre en recrutant un 'responsable des ventes', nous devions nous apercevoir que, non seulement vous enregistrez une performance négative (un chiffre d'affaires en recul de 12,50 % par rapport au premier semestre 2011) mais qu'en plus, vous aviez fait perdre la société 92 clients par rapport à la même période de l'année précédente, soit environ 25 % du portefeuille qui vous a été confié !
Constat fait de votre incapacité à occuper convenablement les fonctions qui vous ont été confiées, la société MORELLATO & SECTOR a pris la décision de recentrer votre activité sur le secteur Paris-Nord et sud-est, les deux secteurs prioritaires qui vous avaient été attribués.
En effet, s'agissant du secteur Paris-Nord, à la fin du deuxième semestre 2012, non seulement votre chiffre d'affaires est négatif (-22 %) en comparaison de celui réalisé l'année dernière sur la même période mais en plus, vous avez perdu 90 des 221 clients qui vous ont été confiés par la société MORELLATO & SECTOR, soit une perte d'un peu plus de 40 % de notre clientèle sur ce secteur !
Concernant le secteur sud-est, sur lequel vous aviez en charge plus particulièrement le business des bracelets de montres, vos résultats sont encore plus calamiteux puisque vous enregistrez un résultat négatif de -35 % et une perte de clientèle de 30 détaillants sur 73, soit un peu plus de 40 % de notre clientèle.
Cette situation ne s'explique pas autrement que par votre insuffisance professionnelle et, notamment, votre insuffisance de prospection.
À cette insuffisance de résultats vient en outre s'ajouter de graves insuffisances dans la gestion des tâches qui vous incombent.
2°) sur la gestion des tâches vous incombant et le non-respect de vos obligations contractuelles
Il n'est pas douteux que vos résultats, catastrophiques pour la société, sont imputables au fait que vous n'avez pas jugé bon, malgré nos relances, de mettre en place un programme d'actions commerciales.
De même, la quasi totale absence de compte rendu sur votre action commerciale ainsi que l'absence de rapport sur la situation du marché ou sur la situation de la concurrence, autant de tâches relevant de vos missions et que vous avez sciemment négligés, ont à l'évidence nuit à votre « performance » et partant, à notre société.
Il s'agit de surcroît d'un manquement non seulement à l'essence même des fonctions de responsable des ventes mais également à vos obligations contractuelles dès lors que votre contrat de travail prévoyait expressément l'obligation pour vous d'établir chaque semaine un compte rendu d'activité, ce que vous n'avez pas daigné faire malgré les termes du contrat et de relance en ce sens.
Enfin, nous avons également à déplorer un comportement manifestement peu compatible avec la poursuite de notre contrat.
3°) sur votre comportement
Le fait, à partir de novembre 2012, de ne répondre aux sollicitations de vos supérieurs hiérarchiques lorsque cela vous sied, caractérise, sinon une insubordination, à tout le moins une volonté délibérée de ne pas accomplir correctement votre travail, comportement que la société MORELLATO & SECTOR ne peut en aucun cas tolérer a fortiori lorsque ce comportement est le fait d'un responsable faisant partie de l'équipe d'encadrements.
Nous avions, compte tenu de l'ensemble de ce qui précède, de sérieux doutes sur le point de savoir si vous souhaitiez véritablement continuer à travailler pour le compte de la société MORELLATO & SECTOR mais l'attitude que vous avez adoptée lors de l'entretien préalable et, pis encore, le courrier que vous nous avez adressé le 16 janvier dernier nous ont convaincu du contraire.
En effet, au terme d'un stratagème aussi habile que malhonnête, vous avez tenté de nous contraindre à acter de la rupture de votre contrat de travail 'd'un commun accord' par le biais de votre acceptation aux dispositions de la CSP que nous ne vous avons jamais proposé, et pour cause ! !
Ce stratagème en dit long sur votre état d'esprit et l'ensemble des faits ci-dessus rappelés d'une part mettent gravement en cause le bon fonctionnement de la société MORELLATO & SECTOR et, d'autre part, ne permet plus la poursuite de notre relation de travail.
Aussi, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour insuffisance professionnelle. (...)
Nous vous rappelons que votre contrat de travail comporte une clause de non-concurrence à laquelle nous entendons expressément renoncer'.
Jean-Philippe X... a saisi le conseil de prud'hommes de LYON d'une contestation de ce licenciement le 26 février 2013.
Par jugement du 26 mai 2016, le conseil des prud'hommes de Lyon a :
- dit que le licenciement pour motif personnel de Jean-Philippe X... reposait bien sur une cause réelle et sérieuse
- débouté Jean-Philippe X... de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions
- débouté la SARL MORELLATO & SECTOR FRANCE de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné Jean-Philippe X... aux entiers dépens de l'instance.
Jean-Philippe X... a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 15 juin 2016.
Dans ses dernières conclusions, Jean-Philippe X... demande à la cour :
de déclarer son appel recevable et bien fondé
de réformer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau : de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse
de condamner la SARL MORELLATO & SECTOR FRANCE à lui payer la somme de 40'000 € à titre de dommages et intérêts
de condamner la SARL MORELLATO & SECTOR FRANCE Ã lui payer en outre les sommes suivantes :
- 10'000 € pour privation du droit à contrat de sécurisation professionnelle
- 10'000 € à titre de prime d'objectifs 2012 ou, à titre subsidiaire, d'indemnisation de la perte de chance d'obtenir cette prime
- 30'000 € au titre de la clause de non-concurrence figurant au contrat de travail
de condamner la SARL MORELLATO & SECTOR FRANCE aux dépens de la procédure ainsi qu'à une somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
De son côté, la SARL MORELLATO & SECTOR FRANCE demande à la cour :
de confirmer le jugement dans toutes ses dispositions
de condamner Jean-Philippe X... à lui payer la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur le bien-fondé du licenciement et la demande de dommages et intérêts :
Au soutien de sa contestation du bien-fondé du licenciement, Jean-Philippe X... fait tout d'abord valoir que l'entretien préalable du 14 janvier 2013 a porté sur un motif économique du licenciement et qu'à cette occasion, l'employeur lui a remis un dossier contrat de sécurisation professionnelle sans toutefois lui avoir au préalable notifié dans la lettre de convocation à entretien préalable du 3 janvier 2013 le motif économique du licenciement.
Il ajoute que l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par ses soins le 15 juin 2013 sans s'être vu notifier au préalable le motif économique du licenciement produit nécessairement les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il verse aux débats le double de ce contrat de sécurisation professionnelle et deux attestations censées établir la preuve de la remise du CSP à savoir une attestation de Aude A... datée du 27 janvier 2013 par laquelle cette dernière assure avoir vu la comptable de l'entreprise remettre à Jean-Philippe X... le 'dossier de la CSP' le 14 janvier 2013 et une attestation de Françoise B... datée du 14 février 2013 qui indique avoir déjeuné le jour même avec Aude A... et Jean-Philippe X..., lequel lui aurait indiqué que sa direction venait de lui remettre un dossier CSP.
De son côté, la SARL MORELLATO & SECTOR FRANCE conteste avoir évoqué un licenciement économique avec le salarié et remis à ce dernier un contrat de sécurisation professionnelle.
Elle précise:
- qu'au cours de l'entretien préalable, Jean-Philippe X... a demandé un licenciement pour motif économique de façon à lui permet de bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle et ainsi d'une indemnisation plus importante de POLE EMPLOI,
- qu'à l'issue de l'entretien elle a réservé sa réponse et a reçu avec surprise le courrier du 15 janvier 2013 dans lequel le salarié lui faisait part de son acceptation de la convention de CSP qui lui avait été proposée le 14 janvier 2013 et qui n'était d'ailleurs pas jointe à l'envoi,
- qu'elle a immédiatement réagi et contesté le caractère économique du licenciement,
- qu'elle a également réservé sa décision sur le devenir du contrat de travail,
- et que ce n'est que dans un second temps que le salarié lui a fait parvenir dans un courrier du 31 janvier 2013 le contrat de sécurisation professionnelle qu'il s'était procuré et qu'il a renseigné de sa main.
La lecture de ce contrat de sécurisation professionnelle mentionnant une date de remise le 14 janvier 2013 et une acceptation le même jour révèle qu'il ne comporte aucun cachet de la SARL MORELLATO & SECTOR FRANCE à l'endroit prévu à cet effet, qu'il a été rempli manuscritement par le seul Jean-Philippe X... et qu'il ne comporte aucun autre élément permettant d'établir l'intervention de l'employeur dans sa remise au salarié, ce qui contredit l'allégation de ce dernier.
De même, aucun des éléments du dossier ne démontre que l'employeur a évoqué un motif économique lors de l'entretien préalable dont la convocation du 3 janvier 2013 ne faisait aucunement mention.
Les témoignages de Aude A... et de Françoise B... produits aux débats ne peuvent pallier l'absence de toute signature par l'employeur du contrat de sécurisation professionnelle, d'autant qu'il n'est pas contesté que Aude A... était la compagne de Jean-Philippe X..., ce qui affaiblit l'objectivité de ses déclarations et que Françoise B... se borne à retranscrite les déclarations de Jean-Philippe X... mais n'a pas vu le contrat de sécurisation professionnelle censé avoir été remis à ce dernier très peu de temps auparavant.
De même, ces attestations ne prouvent pas le la teneur de l'entretien préalable auquel leurs auteurs n'ont évidemment pas participé.
C'est donc à juste titre que le jugement a écarté ce premier moyen.
Jean-Philippe X... conteste ensuite le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement pour insuffisance professionnelle.
En effet, par application de l'article L. 1232'1 du code du travail, tout licenciement individuel doit reposer sur une cause réelle et sérieuse.
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables, qu'il doit reprendre dans la lettre de licenciement prévue par l'article L1232-6 du code du travail, cette lettre fixant ainsi les limites du litige.
Il est constant que l'insuffisance professionnelle et l'insuffisance de résultats, sans présenter un caractère fautif, traduisent l'inaptitude du salarié à exercer de façon satisfaisante, conformément aux prévisions contractuelles, les fonctions qui lui ont été confiées et les objectifs qui lui ont été fixés. Si l'employeur est juge des aptitudes professionnelles de son salarié et de son adaptation à l'emploi et si l'insuffisance professionnelle et l'insuffisance de résultats subséquente peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, elles doivent être caractérisées par des faits objectifs, matériellement vérifiables et imputables au seul salarié.
En l'espèce, il résulte des termes de la lettre de licenciement que Jean-Philippe X... a été licencié pour insuffisance professionnelle en raison de 3 types de faits:
une insuffisance de résultats
une mauvaise gestion de ses tâches et le non-respect de ses obligations contractuelles
un mauvais comportement
Concernant l'insuffisance de résultats, la SARL MORELLATO & SECTOR FRANCE reproche plus précisément au salarié, notamment du fait de son insuffisance de prospection :
un recul du chiffre d'affaires en 2012 de 12,50 % par rapport au premier semestre 2011, la perte de 92 clients en 2012 par rapport à la même période de l'année précédente (27% du portefeuille),
une perte de chiffre d'affaires de 22% et de 90 clients sur les 221 attribués (40%) entre 2012 et 2013 et de 35 % et 30 détaillants sur 73 (40%) sur le secteur sud-et tous deux jugés prioritaires.
L'insuffisance de résultats ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement mais doit procéder soit d'une faute imputable au salarié soit d'une insuffisance professionnelle de ce dernier.
En l'espèce, Jean-Philippe X... fait valoir qu'avant la lettre de licenciement il n'avait jamais reçu la moindre observation sur l'exécution du contrat de travail, ce qui n'est pas contesté par l'employeur.
En outre, ce dernier ne verse pas aux débats les comptes-rendus d'entretien annuel d'évaluation du salarié permettant d'établir notamment l'insuffisance de prospection et surtout les objectifs assignés à ce dernier.
La simple baisse du chiffre d'affaires réalisé par Jean-Philippe X... en 2012 par rapport à 2011 est insuffisante à rapporter la preuve de l'insuffisance professionnelle de Jean-Philippe X....
Il est à cet égard indifférent que son embauche soit datée de moins de deux ans, ce délai apparaissant suffisant pour fixer les objectifs et apprécier l'activité de Jean-Philippe X....
Ce fait n'est donc pas établi.
Concernant la mauvaise gestion de ses tâches et le non-respect de ses obligations contractuelles, la lettre de licenciement reproche à Jean-Philippe X...:
de ne pas avoir jugé bon, malgré les relances, de mettre en place un programme d'action commerciale
Alors que Jean-Philippe X... verse aux débats un procès-verbal de réunion du 5 juillet 2012 faisant état du plan d'action pour l'année et le 'plan d'actions commerciales juin juillet 2021 (sic)', la SARL MORELLATO & SECTOR FRANCE ne rapporte pour sa part aucune preuve de l'absence de mise en place d'un programme d'action commerciale ou des relances adressées au salarié à ce sujet.
Ce fait n'est donc pas établi
de n'avoir quasiment jamais rendu compte de son action commerciale, de n'avoir pas réalisé de rapports sur la situation du marché où la situation de la concurrence alors que ces tâches correspondaient à l'essence même de sa fonction de responsable des ventes mais étaient également stipulées dans le contrat de travail qui obligeait le salarié à un compte rendu d'activité hebdomadaire
C'est à juste titre que l'employeur fait valoir que le contrat de travail obligeait le salarié à lui adresser chaque fin de semaine un compte rendu hebdomadaire l'activité comportant la liste des clients visités, les remarques faites sur les articles de la société, toutes remarques et avis jugés utiles sur la conduite de la politique commerciale de l'entreprise, les suggestions des clients visités en ce qui concerne les articles demandés par la clientèle et de façon générale, tout renseignement pouvant être utilisé par le service commercial, relatif aux réactions de la clientèle, à la concurrence etc.... ainsi qu'un commentaire sur l'organisation et la qualité du travail du représentant indiquant notamment les points à corriger et les lacunes observées.
Cependant, là encore, l'employeur ne rapporte aucune preuve de l'absence de comptes-rendus dont le salarié indique qu'ils étaient transmis sous forme de tableaux de bord chaque lundi à 12 heures, pas plus que des relances qu'il n'aurait pas manqué d'adresser si ces éléments, selon lui essentiels à la détermination de la politique commerciale de l'entreprise, étaient manquants.
La cour relève en outre que, comme le fait justement remarquer le salarié, le non-respect de cette obligation étant stipulé à peine de faute grave dans le contrat de travail, il était prévu une mise en demeure préalable qui n'est aucunement produite.
Ce fait n'est donc pas établi
un comportement manifestement peu compatible avec la poursuite du contrat
Ce fait est insuffisamment précis et ne peut donc fonder le licenciement.
Concernant le comportement de Jean-Philippe X...: la lettre de licenciement fait état:
d'une absence de réponse aux sollicitations des supérieurs hiérarchiques à partir de novembre 2012 caractérisant, sinon une insubordination, à tout le moins une volonté délibérée de ne pas accomplir correctement son travail
La SARL MORELLATO ET SECTOR FRANCE reproche plus précisément à Jean-Philippe X... d'avoir cessé de répondre aux demandes de ses supérieurs hiérarchiques sur l'organisation de réunions ou la mise en place de stratégies, ce qu'elle attribue à la lassitude du salarié et son projet professionnel de création d'entreprise.
Pour autant, la SARL MORELLATO & SECTOR FRANCE ne verse aux débats aucune pièce justifiant l'absence de réponse du salarié à ses sollicitations à partir du mois de novembre 2012 et le seul courriel d'Alessandro C..., directeur général, date du 12 décembre 2012 produit par l'appelant lui-même a été adressé pendant une période d'arrêt maladie du salarié durant laquelle ce dernier n'était pas censé répondre aux sollicitations de son employeur.
De son côté, Jean-Philippe X... justifie par un courriel de Véronique D... date du 20 février 2013 que sa boîte mails ne recevait plus les courriels d'Alessandro C... au mois de novembre 2012 en raison d'un 'blocage 'de l'adresse de ce dernier dans le 'profil profond de son compte' suite à une modification dont l'auteur est resté inconnu mais qui devait nécessairement parler ou comprendre l'italien et avoir des compétences certaines en informatique, aptitudes dont il n'est pas contesté que l'appelant était dépourvu.
Compte tenu de tous ces éléments, il n'est pas établi que Jean-Philippe X... a volontairement cessé de répondre aux demandes de sa hiérarchie à compter du mois de novembre 2012.
la fausse évocation d'un projet de licenciement économique et un stratagème aussi habile que malhonnête pour acter de la rupture du contrat de travail 'd'un commun accord' par le biais de son acceptation au dispositif de la CSP qui ne lui a jamais été proposé.
Il résulte des développements précédents que la SARL MORELLATO & SECTOR FRANCE n'a pas remis à Jean-Philippe X... de contrat de sécurisation professionnelle dont ce dernier a pourtant tenté de faire état pour obtenir le bénéfice d'un tel régime.
Ce fait, à la gravité certaine, constitue à lui seul une cause réelle et sérieuse de licenciement
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré le licenciement fondé et a rejeté la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
2- Sur la demande de dommages et intérêts pour privation du droit au contrat de sécurisation professionnelle :
En l'absence de toute preuve du motif économique du licenciement et de délivrance du contrat par l'employeur au salarié, il ne peut être valablement reproché à la SARL MORELLATO & SECTOR FRANCE de n'avoir pas transmis à POLE EMPLOI le contrat de sécurisation professionnelle.
La demande de dommages et intérêts pour privation du bénéfice des droits et avantages offert par un tel dispositif ne peut donc aboutir et le jugement sera confirmé sur ce point.
3- Sur la demande au titre de la prime d'objectifs de l'année 2012 ou de la perte de chance de la percevoir :
Le contrat de travail prévoyait une rémunération composée d'une partie fixe et d'une partie variable sous la forme d'une prime annuelle 'sur la base de la réalisation des objectifs définis chaque début d'année' et déterminée comme suit:
- 'prime annuelle de 8000 € si les objectifs sont atteints à 80%
- prime annuelle de 10 000 € si les objectifs sont atteints à 100%'.
La SARL MORELLATO & SECTOR FRANCE ne conteste pas l'absence d'objectifs assignés à Jean-Philippe X... en début d'année 2012 mais elle fait valoir que dans cette hypothèse, il appartient au juge de fixer le montant de la rémunération variable due au salarié en fonction des prévisions du contrat et en considération de l'application qui en a été faite antérieurement. Elle demande que cette rémunération variable soit fixée par référence aux objectifs de l'année 2011, soit un chiffre d'affaires de 1 500 000 €.
Le contrat de travail prévoyait une rémunération composée d'une partie fixe et d'une partie variable sous la forme d'une prime annuelle fixée comme suit:
- 8 000 € si les objectifs sont atteints à 80%
- 10 000 € si les objectifs sont atteints à 100%.
Il résulte des éléments du dossier que les objectifs servant de base à la détermination de la partie variable de la rémunération étaient fixés chaque année unilatéralement par l'employeur.
Par conséquent, c'est à tort que le jugement déféré a retenu qu'il appartenait au juge fixer les objectifs du salarié en fonction de la pratique des années antérieures et des usages de l'entreprise.
En l'espèce, il n'est pas contestable ni contesté que l'employeur n'a pas fixé d'objectifs au salarié pour l'année 2012, manquant en cela à ses obligations contractuelles, et Marie-Laure E..., directrice générale de la SARL MORELLATO & SECTOR FRANCE jusqu'au 31 juillet 2012 confirme dans son attestation qu'elle ne lui avait pas fixé d'objectifs quantitatifs et qualitatifs pour l'exercice 2012.
Or, dès lors que l'employeur s'est abstenu de fixer les objectifs nécessaires à la détermination de la partie variable de la rémunération, il doit être condamné à payer la totalité de la prime annuelle contractuellement fixée, soit la somme de 10 000 €.
Conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2013, date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation valant première mise en demeure de payer dont il soit justifié.
Le jugement, qui a rejeté la demande, sera donc ici infirmé.
4- Sur la demande au titre de la clause de non-concurrence:
Jean-Philippe X... sollicite une somme de 30'000 € à titre de dommages et intérêts pour avoir respecté la clause de non-concurrence stipulée au contrat sans contrepartie pécuniaire. Il ajoute que cette clause étant nulle, l'employeur n'avait pas le pouvoir de l'en dispenser.
Cependant, ainsi que le relève justement le jugement, si la clause de non-concurrence était effectivement nulle pour défaut de contrepartie financière, l'employeur à expressément renoncé à cette clause dans la lettre de licenciement du 13 février 2013.
En conséquence, le salarié ne peut se prévaloir d'aucun préjudice et la demande de dommages et intérêt doit être rejetée.
Le jugement sera confirmé sur ce point
5- Sur les demandes accessoires :
Partie perdante, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.
Jean-Philippe X... a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner cet employeur à lui payer sur le même fondement une indemnité 2 000 euros au titre des frais qu'il a dû exposer en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
CONFIRME le jugement déféré SAUF en ce qu'il a :
- rejeté la demande de rappel de prime d'objectifs 2012
- mis les dépens à la charge de Jean-Philippe X...
- rejeté la demande de ce dernier au titre des frais irrépétibles ;
STATUANT Ã nouveau sur ces points et y AJOUTANT :
- Condamne la SARL MORELLATO & SECTOR FRANCE à payer à Jean-Philippe X... la somme de 10'000 € (dix mille euros ) à titre de rappel de prime d'objectifs de l'année 2012, avec intérêts légaux à compter du 1er mars 2013 ;
- Condamne la SARL MORELLATO & SECTOR FRANCE aux dépens de première instance et d'appel;
- Condamne la SARL MORELLATO & SECTOR FRANCE à payer à Jean-Philippe X... la somme de 2 000 € (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel;
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Le GreffierLe Président
Gaétan PILLIEMichel SORNAY