AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
R.G : 16/03988
Association AGS CGEA DE CHALON-SUR-SAONE
C/
Me Bernard X... - liquidateur judiciaire de la SARL CARRELAGE VENDOME
Y...
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 03 Mai 2016
RG : F 15/02660
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 08 JUIN 2018
APPELANTE :
Association AGS CGEA DE CHALON-SUR-SAONE
[...]
Représentée par Me Jean-claude Z... de la SCP J.C. Z... ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON substitué par Me Françoise A..., avocat au barreau de LYON
INTIMÉS :
Me Bernard X... ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL CARRELAGE VENDOME
[...]
Représenté par Me B... C... de la SELARL SEIGLE BARRIE ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substitué par Me Françoise A..., avocat au barreau de LYON
Mohamed Y...
né le [...] à MAROC (99350)
[...]
[...]
Comparant en personne, assisté de Me Marie D..., avocat au barreau de LYON substituée par Me Claire-sophie E..., avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 26 Avril 2018
Présidée par Natacha LAVILLE, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ:
- Michel SORNAY, président
- Natacha LAVILLE, conseiller
- Sophie NOIR, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 08 Juin 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Michel SORNAY, Président et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Suivant contrat à durée indéterminée, la société CARRELAGE VENDOME a engagé Mohamed Y... en qualité de maître ouvrier, position 1, coefficient 250, à compter du 1er décembre 2010 à temps plein moyennant un rémunération mensuelle brute de 2 452 €.
La convention collective des ouvriers du bâtiment était applicable à la relation de travail.
Le tribunal de commerce de LYON a placé la société CARRELAGE VENDOME en redressement judiciaire suivant jugement du 24 septembre 2013 qui a nommé la SELARL AJ PARTENAIRES représentée par Maître Bruno F... en qualité d'administrateur judiciaire chargé d'assister le débiteur dans tous les actes concernant la gestion, et Maître Bernard X... en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 24 octobre 2013, le tribunal de commerce de LYON a placé la société CARRELAGE VENDOME en liquidation judiciaire et a nommé Maître Bernard X... en qualité de liquidateur judiciaire de la société CARRELAGE VENDOME.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 octobre 2013, Maître Bernard X..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société CARRELAGE VENDOME, a convoqué Mohamed Y... le 7 novembre 2013 en vue d'un entretien préalable à son licenciement pour motif économique .
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 novembre 2013, Maître Bernard X... en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société CARRELAGE VENDOME a notifié à Mohamed Y... son licenciement pour motif économique du fait de la fermeture de l'entreprise et de la suppression de tous les postes suite à sa liquidation judiciaire.
Par courrier du 18 novembre 2013, Maître Bernard X... en qualité de liquidateur judiciaire de la société CARRELAGE VENDOME a informé Mohamed Y... que l'examen de son dossier et la délivrance de ses documents sociaux étaient suspendus après que des incohérences ont été constatées dans la situation de ce salarié et de la société CARRELAGE VENDOME.
Le 10 février 2014, Mohamed Y... a saisi le conseil de prud'hommes de LYON pour obtenir le paiement d'un rappel de salaire et les congés payés afférents, d'une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, d'une indemnité de licenciement et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et pour obtenir la remise de l'attestation Pôle Emploi et le certificat de travail.
Par jugement rendu le 3 mai 2016, le conseil de prud'hommes:
- a jugé que Mohamed Y... a été salarié de la société CARRELAGE VENDOME du 1er décembre 2010 au 8 novembre 2013,
- a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société CARRELAGE VENDOME les créances suivantes au profit de Mohamed Y...:
* 4 904 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 990.90 € au titre des congés payés afférents,
* 1 830.92 € bruts au titre de l'indemnité de licenciement,
- a ordonné la remise par Maître Bernard X..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société CARRELAGE VENDOME, à Mohamed Y... des documents afférents à la rupture du contrat de travail sans astreinte,
- a débouté Mohamed Y... du surplus de ses demandes,
- a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société CARRELAGE VENDOME la créance de Maître D..., avocat de Mohamed Y..., la somme de 900 € au titre de l'article 700 alinéa 2 du code de procédure civile,
- a déclaré le jugement opposable à l'AGS (CGEA) de CHALON-SUR-SAONE,
- a condamné Maître Bernard X..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société CARRELAGE VENDOME, aux dépens.
La cour est saisie de l'appel interjeté le 23 mai 2016 par l'AGS (CGEA) de CHALON-SUR-SAONE.
Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 26 avril 2018, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, l'AGS (CGEA) de CHALON-SUR-SAONE demande à la cour d'infirmer le jugement, de dire que Mohamed Y... n'était pas salarié de la société CARRELAGE VENDOME, de débouter Mohamed Y... de l'intégralité de ses demandes, et à titre subsidiaire a rappelé les limites de sa garantie.
Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 26 avril 2018, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, Mohamed Y... conclut à la confirmation du jugement sauf à y ajouter en fixant ses créances au passif de la liquidation judiciaire de la société CARRELAGE VENDOME aux sommes suivantes:
- 9 743.95 € à titre de rappel de salaire de janvier 2011 à octobre 2013,
- 974.39 € au titre des congés payés afférents au rappel de salaire,
- 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 26 avril 2018, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, Maître Bernard X... en qualité de liquidateur judiciaire de la société CARRELAGE VENDOME demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter Mohamed Y... de l'intégralité de ses demandes, et à titre subsidiaire de limiter l'indemnité de licenciement.
MOTIFS
1 - sur le contrat de travail
Attendu qu'il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui
moyennant rémunération.
Attendu qu'en présence d'un contrat apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.
Attendu qu'en l'espèce, il est versé aux débats un contrat de travail conclu entre aux termes duquel la société CARRELAGE VENDOME a engagé Mohamed Y... en qualité de maître ouvrier, position 1, coefficient 250, à compter du 1er décembre 2010 à temps plein moyennant un rémunération mensuelle brute de 2 452 €.
Attendu qu'il y a donc une apparence de contrat.
Attendu que l'AGS (CGEA) de CHALON-SUR-SAONE fait valoir à l'appui de sa demande tendant à la reconnaissance d'un contrat de travail fictif entre Mohamed Y... et la société CARRELAGE VENDOME que cette entreprise n'avait aucune activité, que des incohérences affectent le contrat de travail, les bulletins de salaire de Mohamed Y... et les sommes perçues par ce dernier.
Attendu qu'il ressort des pièces produites par l'AGS (CGEA) de CHALON-SUR-SAONE que:
- Mohamed Y..., ouvrier carreleur de profession et illettré, a été le gérant de la société INTEXT CONSTRUCTION qui intervenait pour le compte de la société ART SOL dont le gérant était H... G... ;
- Mohamed Y... a en même temps été salarié de la société ART SOL de 2004 à 2010;
- la société INTEXT CONSTRUCTION a été placée en redressement judiciaire le 4 novembre 2009 puis en liquidation judiciaire le 6 janvier 2010; la société ARTSOL a quant à elle été placée en liquidation judiciaire le 16 février 2011;
- entre-temps, le 1er décembre 2010, Mohamed Y... a souscrit un contrat de travail avec la société CARRELAGE VENDOME représentée par Hanane G... qui n'est autre que l'épouse de H... G... ; l'anomalie de ce contrat de travail tient au fait que cette dernière n'avait aucun pouvoir pour conclure un contrat de travail puisque le gérant de la société CARRELAGE VENDOME était H... G... depuis sa création le 1er janvier 2009;
- ce contrat de travail entre Mohamed Y... et la société CARRELAGE VENDOME n'est de plus pas cohérent dès lors qu'il indique dans son intitulé qu'il s'agit d'un contrat à durée indéterminée et qu'il comporte un article 1er qui évoque un contrat à durée déterminée pour être intitulé 'MOTIF' et qu'il stipule que: 'Ce contrat est conclu pour des raisons d'accroissement d'activité';
- la date d'embauche de Mohames Y... ne peut pas être déterminée dès lors que d'une part la société CARRELAGE VENDOME a délivré à Mohamed Y... des fiches de paie pour les années 2011 et 2012 qui mentionnent une date d'embauche au 18 juin 2010 alors qu'il ressort du CV de Mohamed Y... qu'à cette date celui-ci était salarié de la société ART SOL; que d'autre part, seules les fiches de paie de Mohamed Y... établies à compter de janvier 2013 mentionnent la date d'embauche figurant au contrat de travail, soit le 1er décembre 2010;
- la rémunération, établie à la somme de 2 452 € selon le contrat de travail, a été réduite sur les fiches de paie sans explication à la somme de 2 410.04 € de janvier à juillet 2011, puis à celle de 1 516.70 € d'août à décembre 2011 et enfin à celle de 1 638.04 € à partir de janvier 2012;
- il n'est justifié d'aucune réclamation de la part de Mohamed Y... à l'encontre de son employeur visant l'ensemble des anomalies précitées;
- la SELARL AJ PARTENAIRES représentée par Maître Bruno F... en qualité d'administrateur judiciaire de la société CARRELAGE VENDOME souligne, dans la requête en conversion du redressement judiciaire de la société CARRELAGE VENDOME en liquidation judiciaire qu'elle a établie 16 octobre 2013, qu'il n'existe aucun document justifiant de la réalité d'un carnet de commandes et qu'il n'existe aucun élément disponible pour déterminer la situation de la trésorerie de l'entreprise et la situation du personnel à l'ouverture de la procédure;
- une enquête pénale est actuellement en cours depuis le signalement aux services du procureur de la république de SAINT-ETIENNE fait le 11 avril 2011 concernant les liquidations judiciaires des sociétés de H... G... au sein desquelles Mohamed Y... est intervenu en qualité soit de gérant, soit de salarié.
Attendu qu'il résulte de ces éléments que la société CARRELAGE VENDOME n'avait aucune activité, que Mohamed Y... n'a fourni aucun travail pour le compte de cette entreprise et que cette dernière n'a versé aucune rémunération à Mohamed Y... en contrepartie d'un travail.
Attendu que le contrat de travail souscrit entre Mohamed Y... et la société CARRELAGE VENDOME est dès lors fictif.
Attendu que les demandes de Mohamed Y... ne sont pas fondées.
Attendu qu'infirmant le jugement déféré, la cour dit qu'il n'a existé aucun contrat de travail entre la société CARRELAGE VENDOME et Mohamed Y... et déboute Mohamed Y... de l'intégralité de ses demandes.
2 - sur les dépens
Attendu que les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par Mohamed Y....
Attendu que Mohamed Y... sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.
Attendu que Mohamed Y... sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
STATUANT à nouveau,
DIT qu'il n'a existé aucun contrat de travail entre la société CARRELAGE VENDOME et Mohamed Y...,
DEBOUTE Mohamed Y... de l'intégralité de ses demandes,
CONDAMNE Mohamed Y... aux dépens de première instance et d'appel,
DEBOUTE Mohamed Y... de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président
Gaétan PILLIE Michel SORNAY