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24/05/2018 | FRANCE | N°16/04037

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 24 mai 2018, 16/04037


R.G : 16/04037














Décision du tribunal de grande instance de Roanne


Au fond du 27 avril 2016





RG : 16/00052


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS








COUR D'APPEL DE A...





1ère chambre civile A





ARRET DU 24 Mai 2018











APPELANTE :





Mutuelle EOVI USMAR SERVICES ET SOINS


[...]





représentée par la SC

P JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de A...


assistée de la SELAS CMS BUREAU B... Z... A..., avocat au barreau de A...

















INTIMEE :





CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE ROANNE


[...]





représentée par la SELARL BLG, avocat au barreau de ROANNE


...

R.G : 16/04037

Décision du tribunal de grande instance de Roanne

Au fond du 27 avril 2016

RG : 16/00052

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE A...

1ère chambre civile A

ARRET DU 24 Mai 2018

APPELANTE :

Mutuelle EOVI USMAR SERVICES ET SOINS

[...]

représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de A...

assistée de la SELAS CMS BUREAU B... Z... A..., avocat au barreau de A...

INTIMEE :

CENTRE HOSPITALIER GENERAL DE ROANNE

[...]

représentée par la SELARL BLG, avocat au barreau de ROANNE

assistée de la SCP SARTORIO-LONQUEUE-SAGALOVITSCH & associés

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 07 mars 2017

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 mars 2018

Date de mise à disposition : 24 mai 2018

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Aude RACHOU, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Vincent NICOLAS, conseiller

assistés pendant les débats de Audrey PERGER, greffier placé

A l'audience, Françoise CLEMENT a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Aude RACHOU, président, et par Marion COUSTAL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Par acte notarié du 28 janvier 2010, le centre hospitalier de Roanne a conclu avec la mutuelle EOVI USMAR, une promesse synallagmatique de bail à construction, d'une durée de 70 ans, aux termes duquel la mutuelle s'engageait à construire sur un terrain appartenant à l'hôpital, un bâtiment à usage de centre de soins de suite et de réadaptation, devant être exploité conjointement par les deux parties dans le cadre d'un partenariat.

Plusieurs conditions suspensives figuraient à l'acte et il était prévu que la réitération de la promesse fasse l'objet d'un acte authentique avant le 15 octobre 2010.

Des courriers ont été échangés entre les parties à compter du 21 octobre 2010, aux termes desquels la mutuelle invoquait le non-respect par sa cocontractante de ses engagements ; par courrier du 21 décembre 2010, le président de la mutuelle informait le directeur du centre hospitalier de Roanne de ce que le conseil d'administration, face à la remise en cause des engagements antérieurs par le centre hospitalier et à l'augmentation des coûts liés à l'absence de décision prise par ce dernier, avait décidé de se retirer du projet malgré les sommes importantes déjà engagées (près de 2 millions d'euros).

Le 18 mai 2011, la mutuelle adressait au centre hospitalier de Roanne les factures afférentes aux fouilles archéologiques conduites et sollicitait leur paiement pour un montant de 573'615,95 euros TTC.

Par courrier du 24 février 2012, elle enjoignait au centre hospitalier de procéder au paiement de cette somme, de réitérer la promesse synallagmatique de bail par acte authentique dans un délai de huit jours et en l'absence de réitération, de procéder au paiement de la somme de 920'618,08 euros à titre de provision correspondant aux dépenses déjà engagées.

Une procédure judiciaire était ensuite initiée à l'initiative de la mutuelle EOVI USMAR et la discussion concernant la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif était tranchée par un arrêt rendu le 7 juillet 2014 par le tribunal des conflits qui consacrait la compétence de l'ordre judiciaire.

Par ordonnance du 30 octobre 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Roanne a dit n'y avoir lieu à référé au motif de l'existence d'une contestation sérieuse.

C'est dans ces conditions que par acte d'huissier du 12 mars 2015, invoquant la faute contractuelle du centre hospitalier qui n'aurait pas réitéré la promesse synallagmatique de bail à construction, la mutuelle EOVI USMAR a saisi le tribunal de grande instance de Roanne d'une demande tendant à voir condamner le centre hospitalier de Roanne à lui payer les sommes de 1'485'272,25 euros au titre des coûts d'études, de travaux de dépollution, de désamiantage, de démolition et d'élimination des déchets, 100'000 euros à titre de dommages-intérêts outre intérêts sur ces sommes à compter du 29 mars 2012, et 6000euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le centre hospitalier de Roanne a prétendu que la mutuelle n'avait pas respecté elle-même ses propres obligations et qu'elle avait résilié unilatéralement la convention, situation justifiant sa demande reconventionnelle en indemnisation.

Par jugement rendu le 27 avril 2016, le tribunal de grande instance de Roanne a :

- rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par le centre hospitalier de Roanne,

- déclaré la mutuelle EOVI USMAR recevable en ses demandes,

- rejeté les demandes de la mutuelle EOVI USMAR,

- condamné la mutuelle EOVI USMAR à payer au centre hospitalier de Roanne la somme de 1'156'500 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné la mutuelle EOVI USMAR à payer au centre hospitalier de Roanne la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties,

- condamné la mutuelle EOVI USMAR aux dépens.

Le tribunal de grande instance a considéré que la mutuelle avait été seule à l'initiative de la rupture de la promesse de bail à construction, qu'elle ne justifiait pas que l'ensemble des conditions suspensives prévues par la promesse avait été remplies et que le centre hospitalier de Roanne n'avait commis aucune faute contractuelle, subissant un préjudice consistant dans la perte de chance de pouvoir concrétiser un projet, évaluée à 15 % de la valeur cumulée de l'emprunt contracté pour le financement du projet et des loyers sur la durée du bail.

Selon déclaration du 25 mai 2016, la mutuelle EOVI USMAR a formé appel à l'encontre de ce jugement.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 29 novembre 2016 par la mutuelle EOVI USMAR services et soins qui conclut à la réformation du jugement et demande à la cour de condamner le centre hospitalier de Roanne à lui payer les sommes de :

- 1'485'272,25 euros au titre des coûts d'études, des travaux de dépollution, de fouilles archéologiques, de désamiantage, de démolition et d'élimination des déchets, outre intérêts à compter du 24 février 2012,

- 100'000 euros à titre de dommages-intérêts,

- 10'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens,

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 5 octobre 2016 par le centre hospitalier de Roanne qui conclut à la confirmation du jugement critiqué sauf à porter dans le cadre de son appel incident, à la somme de 2'668'936,45 euros, la condamnation de la mutuelle en indemnisation de son préjudice et demande à la cour de dire pour le cas où par extraordinaire, elle entrerait en voie de condamnation à l'encontre du centre hospitalier de Roanne, qu'il sera fait compensation entre les différentes condamnations, sollicitant par ailleurs la réduction des demandes présentées par la mutuelle qui devra être condamnée aux dépens et à lui payer une indemnité de 6 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 7 mars 2017.

MOTIFS ET DECISION

Le centre hospitalier de Roanne ne reprend pas aux termes du dispositif de ses conclusions, sa demande tendant à voir déclarer nulle l'assignation délivrée à l'initiative de la mutuelle EOVI USMAR ; la cour saisie uniquement des demandes présentées aux termes du dispositif des conclusions, n'a donc pas à examiner les moyens articulés en la matière par l'intimée dans le cadre des motifs de ses écritures.

I. Sur les demandes indemnitaires formées par la mutuelle EOVI USMAR service et soins:

La mutuelle EOVI USMAR service et soins soutient que :

- à titre principal : l'obligation de prise en charge des études des travaux de dépollution, de fouilles archéologiques, de désamiantage, de coût de démolition et d'élimination des déchets consistait dans une obligation autonome, stipulée indépendamment de la réitération par acte authentique de la promesse de bail,

- à titre subsidiaire : malgré sa mise en demeure du 24 février 2012 et alors même que les éléments produits au dossier démontrent que les conditions suspensives prévues à la promesse synallagmatique avaient été réalisées, seul le complet désengagement du centre hospitalier a conduit à l'échec de l'opération,

- la promesse de bail à construction prévoyait une enveloppe financière de 1'500'000€ à la charge du centre hospitalier au titre de la prise en charge de toutes les études et travaux que la mutuelle devait exécuter en application de la promesse de bail et il convient dès lors de prendre en compte l'intégralité des paiements déjà effectués à ce titre pour déterminer le montant exact de son préjudice,

- le centre hospitalier n'est pas fondé, pour échapper à ses obligations de paiement, à se prévaloir d'une nullité des contrats conclus par la mutuelle en raison de la non-application du code des marchés publics.

Le centre hospitalier de Roanne soutient quant à lui que :

- l'existence des travaux liés aux fouilles, désamiantage, démolition et dépollution ne s'entendait que par la réalisation du centre de soins et l'obligation de paiement afférente incombant au centre hospitalier était liée au respect, par l'autre partie, de ses obligations ; aucun paiement n'est donc dû en la matière indépendamment de l'aboutissement du projet de construction,

- l'absence de réitération de l'acte a pour origine la faute de la mutuelle dans la mesure où celle-ci qui souhaitait que la réitération intervienne à des conditions économiques très différentes de celles prévues à l'acte initial, a résilié unilatéralement et brutalement l'engagement empêchant toute réitération, les conditions suspensives nécessaires à cette réitération n'étant pas toutes réunies et notamment celle principale d'octroi d'un prêt,

- la rupture est intervenue avec abus et brutalité à l'initiative de la mutuelle qui fait preuve de la plus grande mauvaise foi.

Sur ce :

L'article 1134 du code civil dispose dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, que «Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.».

Si comme le soutient la mutuelle EOVI USMAR service et soins, il était prévu à la promesse synallagmatique de bail à construction signée devant notaire le 28 janvier 2010, que « toutes études des travaux de dépollution, de fouilles archéologiques, de désamiantage, de coût de démolition, d'élimination des déchets seront à la charge exclusive du BAILLEUR qui s'engage expressément à en supporter exclusivement les frais » et que « toutes autres recherches et travaux seront à la charge exclusive du preneur qui s'y engage », il convient de constater que cette clause figurait au paragraphe prévoyant les conditions suspensives et plus précisément au titre des 'règles générales' réglementant la condition numéro 6 intitulée « obtention d'un permis de construire ».

Il était en outre ajouté au paragraphe « conditions particulières » que « l'ensemble de ces travaux, études et recherches, seront réalisés par le PRENEUR dans le cadre du mandat à régulariser entre les parties. Toutes les autres études sur la faisabilité du projet seront à la charge du PRENEUR.

Le PRENEUR s'engage à réaliser lesdits travaux, études et recherches au plus tard avant la réitération des présentes en acte authentique et avant la mise en 'uvre des travaux de construction projetés par lui. »

La réalisation des études et recherches susvisées s'analyse en une obligation secondaire à la charge de la mutuelle dans sa mise en 'uvre avec un paiement supporté par le bailleur; elle est manifestement liée à l'obligation principale de construction d'un centre de suite et de réadaptation mise à la charge de la mutuelle et ne peut s'entendre indépendamment de la suite donnée à l'opération, quand bien même le séquençage des travaux du centre imposait de réaliser des travaux d'études et de recherches avant tous les autres, notamment en vue de la bonne réalisation des ancrages et fondations.

Aucune clause de la promesse synallagmatique ne prévoyait d'ailleurs qu'en cas de non réitération par acte authentique, le coût des études et recherches resterait à la charge du bailleur.

Contrairement à ce que soutient la mutuelle EOVI USMAR service et soins, aucune obligation autonome de prise en charge ne pesait en la matière sur le bailleur ; aucune condamnation de prise en charge ne saurait donc être prononcée indépendamment de la recherche qui s'impose à la cour en vue de déterminer quelle partie est à l'origine de l'inexécution de la promesse synallagmatique, de l'absence de réitération par acte authentique et de l'abandon final du projet.

Les parties ont convenu au chapitre « réitération par acte authentique » page 19 de la promesse synallagmatique, que cette dernière serait réitérée au plus tard le 15 octobre 2010 par acte notarié, et que : « Passé cette date, HUIT JOURS APRÈS ACCUSÉ DE RÉCEPTION D'UNE LETTRE RECOMMANDÉE ADRESSÉE PAR LA PARTIE LA PLUS DILIGENTE SOMMANT L'AUTRE DE S'EXÉCUTER, ET DEMEURÉE [...] :

1°) si les conditions suspensives sont toutes réalisées, et si l'une des parties ne pouvait ou ne voulait réitérer les présentes conventions par acte authentique, le BAILLEUR comme le PRENEUR pourra alors saisir le juge compétent afin qu'il fixe l'indemnité due à titre de clause pénale sans préjudice pour la partie saisissante de réclamer des dommages-intérêts et de la possibilité pour elle de contraindre l'autre partie par toutes voies de droit.

2°) si les conditions suspensives ne sont pas toutes réalisées le bailleur et le preneur reprendront leur entière liberté, et le dépôt éventuellement versé sera restitué au preneur, le bailleur autorisant d'ores et déjà le notaire à effectuer cette restitution. »

Il ressort des dispositions contractuelles susvisées que la mutuelle est fondée à solliciter une indemnisation du préjudice subi à la suite de l'absence de réitération de la promesse par acte authentique, si les trois conditions suivantes sont remplies :

- envoi d'une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception,

- réalisation de l'ensemble des conditions suspensives,

- absence de réitération de la promesse.

La lettre de la mutuelle adressée le 21 décembre 2010 au centre hospitalier de Roanne, aux termes de laquelle il était indiqué qu'elle avait prit la décision de se retirer du projet, ce qu'elle confirmait encore par courrier du 18 mai 2011, alors même que contrairement aux dispositions contractuelles de la promesse synallagmatique, elle n'avait pas encore sommé sa cocontractante de s'exécuter, n'a été d'aucun effet juridique ; en effet, seul le courrier en date du 24 février 2012, adressé au centre hospitalier par l'intermédiaire de son conseil, aux termes duquel le centre hospitalier a été expressément mis en demeure de réitérer dans les huit jours, la promesse par acte authentique, a constitué la mise en demeure prévue par les parties.

Huit conditions suspensives ont été convenues entre les parties au titre desquelles étaient notamment prévues l'obtention d'un permis de construire et l'obtention d'un prêt permettant le financement du projet.

Il était ainsi prévu au titre de la condition suspensive n° 6 que « La réalisation des présentes est par ailleurs soumises à la condition suspensive de l'obtention par le preneur d'un permis de construire, purgé de tout recours, avant le 30 septembre 2010 pour la réalisation sur le bien objet de la présente convention de l'opération suivante : construction d'un bâtiment à usage de centre de soins de suite, d'une surface d'environ 5 500 m², élevés de rez-de-chaussée, deux étages et sous sol. »

Il était par ailleurs précisé au paragraphe « mise en 'uvre », que « II : si le permis est accordé, le preneur s'engage à faire procéder à son affichage sur le chantier dans les huit jours de sa réception, et à justifier du tout auprès du bailleur, étant précisé que seul l'affichage sur le terrain fait courir à l'égard des tiers le délai de recours contentieux et ce à compter du premier jour d'une période continue de deux mois de cet affichage. Le preneur devra, en conséquence, faire constater à ses frais, par exploit d'huissier cet affichage à deux reprises : dans les cinq jours suivant la mise en place de l'affichage et dans les cinq jours suivant l'expiration du délai de recours des tiers. »

S'il est produit aux débats l'arrêté du maire de la commune en date du 26 mars 2010, accordant avec réserves, le permis de construire dont la demande avait été déposée le 16novembre 2009 par le preneur, ce dernier ne justifie cependant en rien avoir procédé à son affichage sur le terrain, se trouvant dès lors, en contravention avec les dispositions contractuelles susvisées, dans l'incapacité d'établir l'absence de recours des tiers.

La condition suspensive tenant dans l'obtention d'un permis de construire purgée de tout recours des tiers, doit donc être considérée comme n'ayant pas été réalisée.

Il s'avère par ailleurs qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir que la mutuelle ainsi qu'elle s'y était engagée aux termes de la condition suspensive n° 8 relative à l'obtention d'un prêt, a déposé le dossier d'emprunt de la somme de 7'500'000 euros auprès d'un établissement de crédit, avant le 30 avril 2010 ; elle ne justifie pas non plus avoir obtenu avant le 30 juin 2010, l'accord de prêt dont elle devait justifier auprès du bailleur par la production écrite de l'accord donné par l'organisme financier, les parties ayant convenu au paragraphe « mode de réalisation de la condition suspensive de demande de prêt » en page 6 de la promesse synallagmatique, que la production de cet accord rendrait la condition suspensive réalisée.

Le premier juge a alors justement retenu que la mutuelle EOVI USMAR service et soins ne justifiait pas de l'obtention d'un prêt par la production du seul extrait d'un procès-verbal de la réunion de son conseil d'administration en date du 24 juin 2010, lequel indiquait que la Caisse d'épargne aurait informé la mutuelle de ce que le contrat était prêt sans qu'il ait été toutefois encore adressé et décrivait les conditions d'octroi de deux prêts dont le montage était approuvé à l'unanimité.

La condition suspensive tenant dans l'obtention d'un prêt doit donc également être considérée comme n'ayant pas été réalisée.

Le premier juge a encore justement considéré, qu'il ne ressort pas des pièces produites, l'existence d'un comportement fautif du centre hospitalier de Roanne tenant dans l'absence d'acceptation par ce dernier de nouvelles conditions contractuelles, non prévues à la promesse synallagmatique de bail à construction, tenant dans sa prise en charge de 50 % des loyers et de la fourniture en électricité du nouveau bâtiment, dont la validation alléguée par l'Agence régionale de santé n'est d'ailleurs pas justifiée.

Alors même que d'une part, certaines des conditions suspensives prévues au bénéfice de la mutuelle n'ont pas été réalisées du simple fait de cette dernière et que d'autre part il ne peut être fait grief au centre hospitalier de Roanne de ne pas s'être engagé sur des conditions que lui soumettait la mutuelle dans le cadre de la réitération de la promesse de bail à construction et dont celle-ci ne justifie pas qu'elles aient été prévues initialement, la mutuelle EOVI USMAR service et soins apparaît mal fondée à invoquer l'inexécution de la promesse par sa cocontractante et à solliciter réparation de ce chef.

Le jugement qui l'a déboutée de ses demandes à ce titre mérite dès lors confirmation.

II. Sur la demande indemnitaire présentée par le centre hospitalier de Roanne :

La mutuelle EOVI USMAR service et soins soutient qu'en tout état cause la somme de 1'500'000 euros correspondant au coût des études des travaux doit être réglée par le centre hospitalier de Roanne à la mutuelle et doit nécessairement s'imputer sur le montant de l'indemnité allouée à cette dernière, l'engagement de ces dépenses ayant permis la construction d'un parking par l'établissement hospitalier.

Le centre hospitalier de Roanne prétend que son préjudice a été sous-évalué par le premier juge qui a pris en compte à tort l'existence des travaux effectués par la mutuelle ; il soutient que son manque-à-gagner est constitué de la perte des loyers du bail à construction, des frais occasionnés par l'obligation d'affecter et de réaménager la parcelle en parking et des diverses dépenses liées à la préparation du projet, auxquels doit être ajoutée la perte de chance de récupérer les biens immobiliers qui auraient du être construits et revenir en fin de bail dans le patrimoine de l'établissement, fixée à 20 % du coût du financement de l'opération.

Sur ce :

Le non respect par la mutuelle de ses engagements et l'abandon du projet de construction d'un centre de soins de suite et de réadaptation a causé un préjudice au centre hospitalier de Roanne qui a dû assumer le coût des travaux de remise en état de la parcelle réservée au projet, laquelle a été réaménagée en parking, les dépenses engagées en pure perte liées à la préparation du projet et n'a pu bénéficier ni des loyers convenus, ni de la propriété des biens en fin de bail.

Il ressort de la promesse synallagmatique en page 7, que la parcelle objet de la construction envisagée par les parties, était à usage de parking et de centre médico-psychologique.

Les travaux de dépollution, de fouilles archéologiques, de désamiantage, de démolition des bâtiments et d'élimination des déchets, réalisés par la mutuelle comme convenu entre les parties, avant même la signature de l'acte authentique, ont laissé la parcelle concernée dans un état qui ne permettait plus son utilisation, ni par le personnel de l'hôpital ni par les visiteurs compte tenu des excavations réalisées ; le centre hospitalier s'est donc trouvé dans l'obligation de remettre en état cette parcelle et si les frais de remise en l'état où elle se trouvait antérieurement doivent être mis à la charge de la mutuelle EOVI USMAR services et soins qui a engagé sa responsabilité dans l'abandon du projet, seuls les frais strictement nécessaires à cette remise en état antérieur doivent être retenus à ce titre à l'exclusion de toutes dépenses liées à une amélioration de l'état antérieur.

Les documents produits par le centre hospitalier au titre des marchés de travaux facturés en la matière permettent de constater que deux parkings de surface ont été aménagés en 2012, l'un réservé aux consultants du centre et l'autre aux visiteurs, pour un total de 262 places avec un dépose minute de 8 places, occupant une surface totale de 7 450 m² ; qu'ils ont fait l'objet de l' installation d'un système automatique de paiement, rentabilisant ainsi l'opération réalisée.

Le centre hospitalier de Roanne réclame à tort le remboursement du coût total des travaux s'étant élevés à la somme de 877 138,49 euros TTC à laquelle il ajoute celle de 81797,96euros correspondant aux frais engagés dans le cadre de la préparation du projet (levé topographique, document d'arpentage, frais d'avocat, travaux de démolition...) alors même qu'aucun élément du dossier ne permet à la cour de constater que le parking qui existait antérieurement bénéficiait d'un système de paiement ou d'un éclairage comportant 9 mâts d'éclairage tel que prévu au marché de travaux signé en février 2012 entre le centre hospitalier et la société Eurovia Dala.

Retenant donc seulement la remise en état d'un parking de surface par application après terrassement, d'un enrobé d'une superficie de 7 450 m², il convient de fixer à la somme de 450 0000 euros le montant des dommages-intérêts revenant au centre hospitalier et devant être mis à la charge de la mutuelle, somme à laquelle il convient d'ajouter la somme de 55000 euros représentant le coût des dépenses engagées en pure perte dans le cadre du projet abandonné, (démolitions, désamiantage, frais de relevés topographiques et de programmes, frais des bureaux de contrôle et frais de publicité), incluant les seuls frais d'avocats dont il est justifié qu'ils se rapportent à l'opération envisagée ; une somme de 505000 euros revient dès lors au centre hospitalier de ces chefs.

Par ailleurs et contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, il n'y a pas lieu de prendre en compte à ce titre, la prise en charge par la mutuelle des frais de fouilles préventives en archéologie dans le cadre du projet abandonné pour réduire la somme globale de 505000euros revenant ainsi au centre hospitalier ; le caractère obligatoire ou non des fouilles au titre de la construction d'un simple parking, non établi d'ailleurs par les documents du dossier, est effectivement inopérant et sans effet sur le montant du préjudice susvisé, alors même que la réalisation des études et recherches dans lesquelles s'inscrivent les fouilles, est considérée comme une obligation secondaire liée à l'opération principale n'ayant pas abouti.

La perte de chance de pouvoir concrétiser le projet de bail à construction en cas de réitération de la promesse synallagmatique constitue un préjudice actuel et certain subi par le centre hospitalier qui en demande justement réparation à son ex cocontractante.

La durée du bail à construction prévu pour 70 années et l'incertitude sur l'évolution du prix des immeubles à construire au terme d'une telle période permettent de retenir une perte de chance de 20 % de pouvoir encaisser les loyers prévus jusqu'à la fin du bail et de jouir de la propriété des immeubles en fin de bail ainsi qu'il était prévu à la promesse de bail en page 13.

Le loyer a été fixé à 3 000 euros par an ; l'évaluation d'un immeuble dépend de facteurs physiques, juridiques et économiques et il est parfaitement impossible à ce titre, de prévoir où en sera le cycle de l'immobilier en 2080 au terme de l'expiration du bail à construction envisagé par les parties, si le lieu d'installation des immeubles aura ou non pris de la valeur et si les immeubles auront bénéficié d'une expansion économique ou subi une crise ; il convient donc de partir de l' hypothèse d'une situation économique similaire à la situation actuelle.

Aucun élément du dossier n'est produit en la matière par le centre hospitalier qui permette de rechercher la valeur actuelle d'un immeuble similaire à l'immeuble prévu au titre du bail à construction, vieux de 70 ans ; de plus, sa spécificité tenant dans sa vocation à usage de service hospitalier de réadaptation et de soins de suite rend la comparaison très peu probable.

Il convient en conséquence de retenir, à défaut d'autres éléments, la valeur de la construction comme s'élevant à la somme de 7 500 000 euros représentant la somme qui devait être empruntée par le centre hospitalier et d'y appliquer, eu égard aux éléments rappelés ci-dessus, un coefficient de vétusté de 40 % pour estimer en fin de bail, la valeur des immeubles à construire à la somme de 4 500 000 euros.

Le montant de l'indemnité revenant de ce chef au centre hospitalier de Roanne doit donc alors être fixée à la somme de :

[(3 000 euros X 70 ans) X 20 % ] + [4 500 000 euros X 20 %] = 942 000 euros.

La mutuelle EOVI USMAR services et soins doit en conséquence être condamnée à payer au centre hospitalier de Roanne la somme globale de :

505 000 + 942 000 = 1 447 000 euros à titre de dommages-intérêts.

III. Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

Il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge des frais irréptibles exposés à l'occasion de la présente instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement rendu le 27 avril 2016 par le tribunal de grande instance de Roanne en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité, déclaré recevable les demandes de la mutuelle EOVI USMAR services, rejeté ces dernières en la condamnant aux dépens et au paiement d'une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice du centre hospitalier de Roanne,

Réformant pour le surplus et y ajoutant,

Condamne la mutuelle EOVI USMAR services et soins à payer au centre hospitalier de Roanne une somme de 1 447 000 euros à titre de dommages-intérêts,

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la mutuelle EOVI USMAR services et soins aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Marion COUSTAL Aude RACHOU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 16/04037
Date de la décision : 24/05/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°16/04037 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-24;16.04037 ?
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