AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
R.G : 15/09791
[O]
C/
SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 01 Décembre 2015
RG : F 13/05119
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 18 MAI 2018
APPELANTE :
[I] [O]
née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Nicolas LAMBERT-VERNAY de la SELARL LAMBERT-VERNAY ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Jean-bernard MICHEL de la SELARL ELLIPSE AVOCATS LYON, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 16 Mars 2018
Présidée par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Lindsey CHAUVY, Greffier placé.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Elizabeth POLLE-SENANEUCH, président
- Laurence BERTHIER, conseiller
- Thomas CASSUTO, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 18 Mai 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
Madame [I] [O] a été engagée le 23 août 2010 par la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON par contrat à durée déterminée en qualité d'attachée marketing, statut ETAM coefficient 200, à raison de 35 heures par semaine.
La convention collective nationale du camping est applicable à la relation de travail.
En novembre 2012, la majorité des parts de la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON a été rachetée par Monsieur [Z].
Par note de service du 15 avril 2013, Madame [O] était directement rattachée à Monsieur [Z] et sa fonction devenait celle de 'responsable marketing' sans aucune modification contractuelle.
Les relations entre Madame [O] et Monsieur [Z] se sont dégradées au cours de l'année 2013.
Par courrier du 9 août 2013, la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON a invité Madame [O] à changer de comportement.
Madame [O] a été placée en arrêt maladie le 17 septembre 2013.
Le 25 septembre suivant, elle adressait un courrier à son employeur dans lequel elle lui reprochait :
- de ne pas avoir organisé de visite médicale d'embauche puis périodique
- de vouloir mettre fin à son contrat de travail en 'la poussant à bout' pour qu'elle démissionne ou accepte une rupture conventionnelle.
- de ne pas lui payer ses heures supplémentaires depuis son embauche.
Madame [O] a réitéré ses griefs par courrier du 17 octobre 2013.
Le 15 novembre 2013, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Le 18 décembre 2013, la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON a convoqué Madame [O] à une visite médicale de reprise, prévue le 2 janvier 2014.
A l'issue des visites de reprises qui se sont déroulées les 2 et 20 janvier 2014, le médecin du travail a déclaré Madame [O] inapte à occuper le poste de chargée de marketing en précisant qu'il n'y avait pas 'en l'état de possibilité de capacités restantes'.
Madame [O] a refusé les postes de reclassement qui lui ont été proposés.
Elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 13 mars 2014.
Par jugement du 1er décembre 2015, le conseil de prud'hommes a débouté Madame [O] de l'intégralité de ses demandes tendant à voir obtenir notamment, au titre de la résiliation valant licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis avec congés payés afférents, un solde d'indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages et intérêts et au titre de l'exécution fautive du contrat de travail, des dommages et intérêts et le paiement de rappels de salaire pour heures supplémentaires et congés payés afférents, des dommages et intérêts pour défaut d'information au titre des repos compensateurs et indemnité pour travail dissimulé outre la remise des documents sociaux sous astreinte et une indemnité procédurale.
Madame [O] a régulièrement interjeté appel du jugement le 24 décembre 2015.
Par ses dernières conclusions, elle demande à la cour de :
- réformer le jugement
- condamner la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON à lui payer, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes :
* 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail du fait de l'avertissement injustifié du 9 août 2013 et du défaut de visite médicale
* 27 110,92 € bruts au titres des heures supplémentaires du 23/08/2010 au 16/09/2013
* 2 711,09 € au titre des congés payés afférents
*8 468,04 € nets au titre des dommages et intérêts pour non information des droits à repos compensateurs
* 846,80 € nets au titre des congés payés
* 19 816,98 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé
- ordonner la résiliation du contrat de travail aux torts de la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON
- condamner la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON à lui payer les sommes suivantes outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes :
* 6 605,66 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis
* 660,56 € bruts au titre des congés payés afférents
* 506,37 € au titre du solde d'indemnité conventionnelle de licenciement
* 26 422,64 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON à lui remettre des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée au Pôle Emploi établis en fonction des condamnations prononcées sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
- condamner Madame [O] aux dépens de première instance et d'appel.
Par ses dernières conclusions, la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON demande à la cour de :
- confirmer le jugement
- débouter Madame [O] de l'intégralité de ses demandes
- condamner Madame [O] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
***
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.
La SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON a sollicité lors de l'audience le rejet de la pièce n°63 ('répartition du capital social de MTC commenté par Madame [O]') remise à la barre lors de l'audience par le conseil de son adversaire.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de rejet de pièce n°63
En vertu de l'article 16 du code de procédure civile le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
La pièce n°63 remise le jour de l'audience par l'appelante n'ayant pu être soumise à la contradiction au vu de sa production très tardive sera rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail
Sur la demande relative au courriel du 9 août 2013
Aux termes de l'article L 1331-1 du Code du travail :
'Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération'.
Madame [O] soutient qu'elle a reçu le 9 août 2013 un email portant une sanction disciplinaire d'avertissement en ce que son employeur a énoncé des griefs et l'a invitée à 'un changement de sa part et ce dès le début septembre' qui faisait suite à deux entretiens les 31 juillet et 7 août 2013. En l'absence de démonstration du caractère justifié des griefs formulés, et dans le doute, elle considère que cette sanction doit être annulée.
La SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON réplique que le courriel en cause ne constitue ni un avertissement, ni une quelconque sanction disciplinaire mais qu'il visait uniquement à attirer l'attention de la salariée sur son comportement relationnel et notamment à l'égard du dirigeant Monsieur [Z] à qui elle avait exposé qu'il n'avait aucune compétence en marketing, et ce à plusieurs reprises devant d'autres personnes.
***
Il ressort de la lecture du courriel du 9 août 2013 dont l'objet est 'points d'amélioration pour [I]' que Monsieur [Z] rappelle à Madame [O] qu'il souhaite avoir une équipe qui contribue au redressement de l'entreprise et qu'il est 'essentiel que tous les membres de cette équipe, dont tu es un membre important, contribuent au succès de MTC et donc de la nouvelle saison qui commence le 1er septembre'. Il confirme à Madame [O] 'les points sur lesquels je veux voir un changement de ta part et ce dès le début septembre' et développe ensuite les points en question concernant :
- La communication et le travail en équipe
- Le changement de ton à l'égard du dirigeant
- La gestion des problèmes
- La gestion des priorités,
assortis d'explications quant aux attentes de Monsieur [Z].
Celui-ci concluait 'Un changement est indispensable et tu dois être l'actrice principale de ce changement. Je suis prêt et décidé à t'aider pour que ce changement s'opère. Je suis persuadé que c'est possible, tu as démontré une attitude bien plus positive de mars à juin cette année.
Comme je te l'ai confirmé lors de notre dernier entretien, nous aurons une conversation pour fixer tes objectifs pour la saison qui vient, le 5 septembre matin dans les locaux d'Huttopia. Il est clair que les changements que je te demande d'opérer seront une partie importante de ces objectifs.
Afin que tu puisses préparer notre conversation, je te rappelle les 4 principes de MTC : 'Le client est au centre de tout, Nous gagnons en équipe, Nous rendons les problèmes visibles et nous avons une attitude de champions', qui doivent pouvoir t'aider dans ta réflexion et dans les changements à mettre en place. Je te mets en annexe quelques transparents qui illustrent ces principes.
J'espère que tu considéreras cet email comme une invitation, certes appuyée, au changer.
Je te souhaite de bonnes vacances et espère te revoir prête à affronter, avec toute l'équipe MTC, la nouvelle saison avec une attitude positive et dynamique dès la rentrée.
Bien à toi,
[P]'.
Les termes de ce message électronique de l'employeur attirant l'attention de la salariée sur son comportement et lui indiquant ce qu'il attend d'elle, n'est pas constitutif d'une sanction quand bien même celui-ci reprend certains griefs dès lors qu'il ne manifeste aucune intention de la sanctionner.
Aucune inexécution fautive du contrat de travail ne peut être retenue à ce titre.
Sur le défaut de visite d'embauche et l'absence de toutes visites médicales
Madame [O] fait valoir qu'elle n'a bénéficié ni de la visite médicale d'embauche, ni de visites périodiques, la première visite ayant eu lieu le 2 janvier 2014 (visite de reprise après arrêt de travail).
Elle fait valoir que le médecin du travail aurait pu préconiser un certain nombre d'aménagements du poste de sorte que son état ne se dégrade pas jusqu'à son licenciement.
La SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON ne conteste pas l'absence de visites médicales avant le 2 janvier 2014 mais prétend pour s'opposer à la demande que Madame [O] ne justifie d'aucun préjudice et que le licenciement n'a pas une origine professionnelle
***
La faute de l'employeur qui a omis d'organiser la visite médicale d'embauche puis les visites périodiques n'est pas contestée.
Madame [O] n'invoque toutefois aucun préjudice certain se contentant d'alléguer que le médecin du travail aurait pu préconiser des aménagements de poste et ce afin d'éviter un licenciement dont le caractère professionnel n'est toutefois ni justifié, ni même soutenu.
Il n'y a pas lieu dans ces conditions de faire droit à la demande de dommages et intérêts.
Sur l'organisation d'une visite médicale d'embauche le 2 janvier 2014 à [Localité 4]
Madame [O] invoque le fait qu'alors qu'elle devait reprendre le travail le 2 janvier 2014, l'employeur a organisé une visite médicale de reprise le même jour à 10 heures à [Localité 4], alors qu'elle aurait pu être reçue à [Localité 1] où elle travaille, et l'a ainsi fait venir en pleine 'trêve des confiseurs' la contraignant à quitter son domicile et sa famille dès le 1er janvier 2014, compte tenu du délai de route, ce qui lui a causé un préjudice moral.
La SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON fait valoir que cette visite a été organisée au lieu du siège social de l'entreprise en raison de la connaissance de l'entreprise par le médecin du travail et du fait que les services de santé du travail étaient saturés.
***
Il est constant que la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON est affiliée au service de la médecine du travail de [Localité 4], lieu de son siège social mais qu'il existait une possibilité pour elle de faire organiser une visite sur [Localité 1] où Madame [O] travaillait et résidait, moyennant une affiliation à cet organisme pour un coût de 90 euros environ qui s'avérait moins onéreux pour l'entreprise que le déplacement de Madame [O] à [Localité 4] qui impliquait des frais de transport, de restauration et de nuitée à l'hôtel. Il n'appartient toutefois pas à la cour de se faire juge des choix de gestion de l'employeur.
En revanche, il est constant que ce déplacement a contraint Madame [O] à prendre la route dès le 1er janvier 2014, jour férié, et ce alors qu'elle se trouvait toujours en arrêt de travail pour maladie et ce alors même qu'aucune saturation des services de la médecine du travail de [Localité 1] n'est justifiée par ailleurs.
Cette circonstance est constitutive d'un préjudice qui sera réparé par l'octroi d'une somme de 1.000 euros.
Sur la demande de restitution de l'ordinateur portable
Madame [O] invoque le fait qu'elle a dû restituer son ordinateur portable professionnel lors de son arrêt de travail alors que tel n'avait jamais été le cas par le passé en cette circonstance.
La SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON fait valoir que cette demande était liée à l'imminence d'un lancement de gamme et de deux événements importants qui impliquaient l'accès à certaines informations ne se trouvant que dans cet ordinateur. Elle ajoute que Madame [O] n'avait aucunement besoin de son ordinateur durant son arrêt de travail.
***
Madame [O] qui ne justifie, ni n'invoque aucun préjudice à ce titre doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur la demande de paiement des heures supplémentaires
Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
Pour étayer sa demande le salarié doit produire des éléments factuels suffisamment précis quant au volume de travail effectué en heures supplémentaires pour mettre l'employeur en mesure de répondre en fournissant ses propres éléments.
Il est de principe constant que le fait que le salarié n'a pas fait valoir ses droits pendant l'exécution du contrat de travail n'éteint pas la créance de salaire au titre des heures supplémentaires.
En l'espèce, pour étayer sa demande, Madame [O] expose que lorsqu'elle a été engagée, Monsieur [E], directeur, et son épouse, directrice marketing, travaillaient tous deux dans l'établissement situé à [Localité 5] et qu'elle-même travaillait dans les locaux qui étaient partagés avec ceux du groupe ALGONQUIN HUTTOPIA que les époux [E] dirigeaient aussi. Le personnel de ce groupe travaillant 39 heures par semaine, il lui a été demandé pour une raison de cohérence, de travailler sur le même horaire , sans déclaration de ses heures supplémentaires au personnel de [Localité 4] qui gérait ses heures, ce qu'elle n'a pas critiqué bien que son contrat de travail prévoit une durée de 35 heures hebdomadaires, son poste ayant vocation à devenir un poste de cadre à plus ou moins long terme.
Madame [O] produit les pièces 8 (annexe), 29, 30, 44-1, 44-2, 44-3,45-1, 45-2, 46 à 50, soit :
- Un tableau récapitulatif de ses horaires de travail entre août 2010 et septembre 2013 reprenant un nombre très variable d'heures supplémentaires prétendument effectuées chaque jour.
- Des listes de fichiers informatiques avec leur heure de modification faisant apparaître de nombreux horaires tardifs.
- Des copies de son agenda outlook qui mentionnent des rendez-vous ou des tâches après 18 heures.
- Des justificatifs de déplacements professionnels impliquant des arrivées ou retours tardifs à [Localité 1] ou [Localité 4].
- Des courriels adressés en dehors des horaires habituels de travail.
- Deux attestations de salariés de nature à justifier la réalisation d'heures supplémentaires de la salariée.
Il est ainsi apporté des éléments factuels suffisamment précis quant au volume de travail effectué.
Pour s'opposer à la demande la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON fait état de divers éléments qui ne sont toutefois pas de nature à combattre utilement les commencements de preuve apportés par la salarié dès lors que :
- Les quelques 'fiches d'heures' encore dénommées 'fiches de pointage' ne comportent aucun détail des heures effectuées (la colonne dédiée est systématiquement vierge) et il est manifeste qu'ainsi que l'indique la salariée celles-ci n'avaient pour objet que de répertorier les jours de présence de Madame [O] et non ses horaires.
- Les attestations produites par l'employeur et émanant de l'ancien et de l'actuel dirigeant de la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON et de membres de la direction du groupe se contentant d'indiquer que Madame [O] arrivait régulièrement après 9 heures ou passait des appels téléphoniques privés, ne sont pas de nature à remettre en cause les horaires détaillés produits par cette dernière.
- Rien ne permet d'affirmer que Madame [O] a comptabilisé ses temps de déplacement entre son domicile et son lieu de travail mais plutôt les temps de déplacement anormaux pour se rendre de [Localité 1] à [Localité 4] ou inversement.
- Madame [O] a par ailleurs déduit ses temps de pause déjeuner sauf déjeuner-travail.
En revanche, la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON indique de manière pertinente que les heures de travail à prendre en compte s'entendent des heures de travail effectif et qu'ainsi les jours fériés et de congés ne peuvent être assimilés à du travail effectif, le salarié n'étant alors pas à la disposition de l'employeur.
Il ressort de ces éléments que les heures supplémentaires effectuées, après déduction des jours fériés et de repos, doivent être calculées comme suit :
- Année 2010
* 23/08 au 31/12 :
- 113,5 heures x 16,48 € x 125 % = 2 338,10 euros
- 61,5 heures x 16,48 € x 150 % = 1 520,28 euros
Année 2011
* du 01/01 au 31/03 :
- 89,5 h x 16,48 € x 125 % = 1 843,70 euros
- 49 h x 16,48 € x 150 % = 1 211,28 euros
* du 01/04 au 30/11 :
- 183,5 h x 16,64 € x 125 % = 3 816,80 euros
- 72,5 h x 16,64 € x 150 % = 875,16 euros
* du 01/12 au 31/12 :
- 10,5 h x 16,90 € x 125 % = 221,82 euros
Année 2012
* du 01/01 au 30/04 :
- 90 h x 16,90 € x 125 % = 1 901,25 euros
- 19 h x 16,90 € x 150 % = 481,65 euros
* du 01/05 au 31/12 :
- 127,5 h x 17,19 € x 125 % = 2 739,66 euros
- 43,5 h x 17,19 € x 150 % = 1 121,65 euros
Année 2013 (du 01/01 au 16/09)
- 124,5 h x 17,19 € x 125 % = 2 675,19 euros
- 34,5 h x 17,19 € x 150 % = 889,58 euros.
Total : 21 636,12 euros.
La SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON sera condamnée au paiement de cette somme outre celle de 2 163,61 euros au titre des congés payés afférents.
Sur le demande de dommages et intérêts pour non information sur les droits à repos compensateurs
Madame [O] sollicite l'octroi d'une somme de 8 468,04 euros outre les congés payés afférents en opérant son calcul sur la base d'un contingent d'heures supplémentaires annuel de 130 heures. Elle ne formule aucun observation au soutien de sa demande.
L'employeur n'apporte aucune réponse à cette demande.
***
Le contingent annuel d'heures supplémentaires qui constitue le seuil de déclenchement de la contrepartie obligatoire en repos est défini par convention ou accord collectif ou de branche et à défaut par décret à 220 heures (art.D.3121-14-1 du code du travail).
Madame [O] ne fournit aucune explication sur le contingent de 130 heures qu'elle entend voir retenir et la convention collective n'en fait pas état. Il y a lieu de retenir un contingent de 220 heures dans ces conditions.
Dans les entreprises de plus de 20 salariés comme la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON la contrepartie est fixée à 100 %.
Il n'est pas discuté que Madame [O] n'a pas été informée de son droit au repos du fait de son employeur et qu'elle a droit de ce fait à l'indemnisation du préjudice subi.
Il est donc dû à ce titre à Madame [O] :
Année 2010 : néant, le nombre d'heures (175 h) étant inférieur au contingent (220 h)
Année 2011 : 405 - 220 = 185 h x (16,48 x3) + 16,64 x 8) + 16,90 x 100 % = 3 074,10 euros
12
Année 2012 : 280 - 220 = 60 h x (16,90 x 4) + (17,19 x 8) x 100 % = 1 025,40 euros
12
Année 2013 : néant le nombre d'heures (159 h) étant inférieur au contingent (220 h).
La SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON sera donc condamnée à verser à Madame [O] la somme de 4 099,50 euros (3 074,10 + 1 025,40) outre celle de 409,95 euros au titre des congés payés afférents.
Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé
Le travail dissimulé peut être constaté notamment lorsqu'il y a dissimulation d'emploi salarié, c'est-à-dire lorsque l'employeur s'est soustrait à la déclaration préalable à l'embauche prévue par l'article L.'1221-10 du Code du travail (art. L.'8221-5, 1° du code du travail), n'a pas remis de bulletin de paie en application de l'article L.3243-2 du code du travail ou a indiqué sur ce bulletin un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, à moins que cette mention ne résulte d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail (art. L.'8221-5, 2°). Quelle que soit la modalité constitutive du travail dissimulé, celui-ci doit avoir été commis de manière intentionnelle, que l'auteur de l'infraction ait agit positivement ou se soit volontairement abstenu.
Selon l'article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus par l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire et au regard de la nature de sanction civile de cette indemnité, ces dispositions ne font pas obstacle au cumul de l'indemnité forfaitaire qu'elles prévoient avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture de la relation de travail.
Madame [O] invoque la connaissance par l'employeur des heures supplémentaires qu'il s'est refusé à payer.
La SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON fait valoir que Madame [O] exerçait ses missions sur un site 'hors de contrôle' de la direction, près de [Localité 1], et qu'elle ne peut prétendre que la société a tenté de dissimuler une prestation de travail alors même que la salariée n'a jamais fait état de la réalisation d'heures supplémentaires.
***
En l'espèce, la mention sur les bulletins de salaire d'un nombre d'heures inférieur à celui réellement accompli ne peut avec certitude résulter d'un acte intentionnel de l'employeur, notamment par le biais d'un horaire hebdomadaire tronqué de 4 heures (39 h au lieu de 35 h) qui ne ressort d'aucun élément probant en dehors des seules affirmations de Madame [O], et ce alors que cette dernière ne justifie d'une réclamation du paiement que durant son arrêt de travail en septembre 2013.
Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de Madame [O] à ce titre.
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail
Il est constant que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation était justifiée et que c'est seulement s'il l'estime non fondée qu'il doit statuer sur le licenciement.
Il incombe au salarié qui sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail de démontrer le caractère réel et suffisamment grave des faits reprochés à son employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Si la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la date de la rupture devant être fixée au jour de la notification du licenciement intervenu en cours de procédure judiciaire
Madame [O] invoque au soutien de sa demande de résiliation du contrat de travail l'absence de visite médicale d'embauche puis de visites périodiques et l'absence de paiement des heures supplémentaires et contrepartie en repos.
La SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON réplique que si des heures supplémentaires sont retenues, ceci ne pouvait empêcher la poursuite du contrat de travail et donc justifier la rupture puisque Madame [O] avait la possibilité de saisir le juge et de solliciter le paiement des heures supplémentaires ou de mettre son temps de travail en adéquation avec la durée contractuelle. Elle ajoute que l'absence de visites d'embauche et périodiques n'a pas fait obstacle à la poursuite du contrat de travail.
***
Toutefois, le nombre important d'heures supplémentaires non réglées en l'espèce à la salariée et qui ont été effectuées jusqu'à son arrêt de travail alors qu'il appartenait en tout état de cause à l'employeur de mettre en place un système lui permettant de connaître le nombre d'heures effectuées par sa salariée qui travaillait sur un autre site, constitue un manquement grave de l'employeur à ses obligations, faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail. Madame [O] est par conséquent bien fondée en sa demande de prononcé de la résiliation du contrat de travail.
Il convient dans ces conditions de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail conclu entre les parties le 23 août 2010, aux torts de la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON et de fixer la date de cette rupture au 13 mars 2014, date de notification à Madame [O] de son licenciement pour inaptitude.
Cette résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle ouvre droit à des indemnités de rupture.
Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
Madame [O] sollicite l'octroi d'une indemnité compensatrice de préavis de 6 605,66 euros correspondant à deux mois de salaire outre les congés payés afférents. Elle estime que son salaire de référence s'établit à 3 302,83 euros du 1er janvier au 30 septembre 2013.
La SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON ne formule aucune observation ne serait-ce qu'à titre subsidiaire.
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L'indemnité compensatrice de préavis correspond aux salaires et avantages qu'aurait perçus le salarié s'il avait travaillé durant cette période et notamment au salaire correspondant aux heures supplémentaires constituant un élément stable et constant de la rémunération sur lequel le salarié était en droit de compter.
En l'espèce, il y a lieu de considérer que Madame [O] effectuait à tout le moins 16 heures supplémentaires par mois qui doivent être prises en compte pour le calcul de son salaire moyen annuel qui sera fixé à 2 617,84 € + (16h x 17,19 €) = 2.892,88 euros.
Il est dû la somme de 5 785,76 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis de deux mois (article 10 de l'avenant étendu du 19 janvier 2012 - annexe catégorielle ETDAM) et celle de 578,57 euros au titre des congés payés afférents.
Sur l'indemnité de licenciement
Madame [O] sollicite en outre un complément d'indemnité de licenciement de 506,37 euros (2 444,09 - 1937,72) au titre du différentiel de salaire de référence.
La SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON ne forme aucune observation sur ce point.
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Il apparaît que Madame [O] a perçu la somme de 1.937,72 euros d'indemnité de licenciement.
Celle-ci était en droit de percevoir une indemnité conventionnelle de licenciement de 3/15 de mois de salaire par année de présence depuis son entrée dans l'entreprise, calculée sur la base de la moyenne mensuelle de la rémunération des douze derniers mois, en incluant tous les éléments de salaire dont les heures supplémentaires (article 12 de l'annexe précitée).
Il est dû à Madame [O] la somme de (3/15 x 2.892,88) x 3) + (3/15 x 2.892,88) x 8/12 = 2 121,46 euros, soit un solde de 183,74 euros (soit 2 121,46 -1937,72).
Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En application des articles L 1235-3 du code du travail, Madame [O] ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l'absence de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Madame [O] âgée de 33 ans lors de la rupture, de son ancienneté de plus de 3 années, de ce qu'elle a pu retrouver un emploi le 1er juillet 2014 en créant sa propre entreprise, la cour estime que le préjudice résultant pour cette dernière de la rupture doit être indemnisé par la somme de 17 358 euros.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de Madame [O].
Sur la remise des documents
Il convient d'ordonner la remise par la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON du bulletin de salaire, du certificat de travail et d'une attestation destinée au pôle emploi modifiés en fonction du présent arrêt et ce sous astreinte comme précisé dans le dispositif de la présente décision.
Sur le remboursement des indemnités de chômage
En application de l'article 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnisation.
Sur les dépens et l'indemnité procédurale
La SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance, sur lesquels les premiers juges ont omis de statuer, et d'appel, ainsi qu'au versement d'une indemnité procédurale de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Rejette la pièce n°63 produite par Madame [O] devant la cour.
Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Madame [O] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON de sa demande d'indemnité procédurale.
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés.
Condamne la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON à verser à Madame [O] les sommes suivantes :
- 1 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail.
- 21 636,12 euros au titre des heures supplémentaires
- 2 163,61 euros au titre des congés payés afférents
- 4 099,50 euros au titre du défaut d'information sur les droits au repos
- 409,95 euros au titre des congés payés afférents.
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail conclu entre les parties le 23 août 2010, aux torts de la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON et fixe la date de cette rupture au 13 mars 2014.
Fixe le salaire mensuel moyen à la somme de 2.892,88 euros.
Condamne en conséquence la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON à verser à Madame [O] les sommes de :
- 5 785,76 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 578,57 euros au titre des congés payés afférents
- 183,74 euros au titre du solde de l'indemnité de licenciement
- 17 358 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Dit que les sommes allouées supporteront s'il y a lieu les cotisations ou contributions sociales.
Ordonne à la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON de remettre à Madame [O] un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt sous peine d'astreinte de 30 euros par jour pendant 30 jours.
Ordonne d'office à la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Madame [O] dans la limite de trois mois d'indemnisation,
Rappelle que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Y ajoutant,
Condamne la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON aux dépens de première instance.
Condamne la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON à payer Madame [O] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel,
Condamne la SAS MANUFACTURE DES TENTES CABANON aux dépens d'appel.
La GreffièreLa Présidente
Elsa SANCHEZElizabeth POLLE-SENANEUCH