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06/04/2018 | FRANCE | N°17/07517

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 06 avril 2018, 17/07517


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 17/07517





[Z]

SA ALTRAN TECHNOLOGIES



C/

Comité d'établissement ALTRAN RHÔNE-ALPES







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal de Grande Instance de LYON

du 16 Octobre 2017

RG : 17/08515

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 06 AVRIL 2018







APPELANTS :



[M] [Z]

agissant en sa qualité de Président du Comité d'Etablissement ALT

RAN RHÔNE-ALPES

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représenté par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Brigitte PELLETIER de la SELARL SEGUR Avocats, avocat au ba...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 17/07517

[Z]

SA ALTRAN TECHNOLOGIES

C/

Comité d'établissement ALTRAN RHÔNE-ALPES

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal de Grande Instance de LYON

du 16 Octobre 2017

RG : 17/08515

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 06 AVRIL 2018

APPELANTS :

[M] [Z]

agissant en sa qualité de Président du Comité d'Etablissement ALTRAN RHÔNE-ALPES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Brigitte PELLETIER de la SELARL SEGUR Avocats, avocat au barreau de PARIS

SA ALTRAN TECHNOLOGIES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Brigitte PELLETIER de la SELARL SEGUR Avocats, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

Comité d'établissement ALTRAN RHÔNE-ALPES

institution représentative du personnel

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

dûment représenté par Madame [V] [V], sa secrétaire en exercice, mandatée à cette fin par délibération du comité

représenté par Maître Stéphanie BARADEL de la SCP ANTIGONE AVOCATS, avocats au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 08 Février 2018

Présidée par Thomas CASSUTO, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Elizabeth POLLE-SENANEUCH, président

- Laurence BERTHIER, conseiller

- Thomas CASSUTO, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 06 Avril 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société ALTRAN TECHNOLOGIES SA et [M] [Z] agissant en sa qualité de Président du Comité d'établissement ALTRAN Rhône-Alpes ont fait assigner en la forme des référés devant le Président du tribunal de grande instance de Lyon par acte du 22 août 2017 le Comité d'établissement Milan Rhône-Alpes pour voir annuler ses deux délibérations en date du 27 avril 2017 désignant le Cabinet Syndex pour l'assister dans le cadre des dispositions de l'article L2325-35 du Code du Travail, en vue de la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l'entreprise prévue à l'article 2323-12 du Code du Travail et de la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi définie à l'article 2323-15 du Code du Travail, le voir condamner à lui payer la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par ordonnance du 16 octobre 2017, le Président du tribunal de grande instance de LYON statuant en la forme des référés a :

- Rejeté les demandes de la société ALTRAN TECHNOLOGIES,

- Enjoint la société ALTRAN TECHNOLOGIES de communiquer à la société Syndex désignée les documents requis pour réaliser ses missions.

- Condamné la société ALTRAN TECHNOLOGIES aux dépens.

- Condamné la société ALTRAN TECHNOLOGIES à payer au comité d'établissement ALTRAN Rhône-Alpes la somme de 2000 euros par application des dispositions de article 700 du Code de Procédure Civile,

- Rappelé que la présente décision est exécutoire par provision.

La société ALTRAN a régulièrement interjeté appel de cette décision le 26 octobre 2017.

Dans ses conclusions régulièrement signifiées, elle demande à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

' Rejeté les demandes de la société ALTRAN TECHNOLOGIES.

' Enjoint la société ALTRAN Technologies de communiquer à la société Syndex désignée les documents requis pour réaliser ses missions.

' Condamné la société ALTRAN TECHNOLOGIES aux dépens.

' Condamné la société ALTRAN TECHNOLOGIES à payer au comité d'établissement ALTRAN Rhône-Alpes la somme de 2000 (deux mille) euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

' Rappelé que la présente décision était exécutoire par provision.

Et statuant à nouveau de:

' Débouter le comité d'établissement ALTRAN Rhône Alpes de l'intégralité de ses demandes,

' Annuler les deux délibérations du comité d'établissement ALTRAN Rhône-Alpes en date du 27 avril 2017 désignant le cabinet SYNDEX pour l'assister dans le cadre des dispositions de l'article L. 2325-35 du Code du travail :

# En vue de la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l'entreprise, prévue à l'article L. 2323-12 du Code du travail,

# En vue de la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi, définie à l'article L 2323-15 du Code du travail,

' Dire que la société ALTRAN TECHNOLOGIES n'est pas tenue de remettre au cabinet d'expertise,

SYNDEX l'ensemble des informations et documents visés dans la lettre de mission du 11 juillet 2017 ni tout autre document requis pour réaliser ses missions et de verser la provision sur honoraires de 6 019,20 euros HT sollicitée par le cabinet SYNDEX ;

' Condamner le comité d'établissement ALTRAN Rhône-Alpes pris en la personne de son secrétaire à verser à la société ALTRAN TECHNOLOGIES une somme de 5 000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Me LAFFLY, Avocat sur son affirmation de droit.

Dans ses conclusions régulièrement signifiées, le comité d'établissement demande à la cour de :

- DEBOUTER la société ALTRAN TECHNOLOGIES et Monsieur [Z] de leur appel et de toutes leurs demandes ;

- CONFIRMER l'ordonnance du 16 octobre 2017 en toutes ses dispositions ;

Et, y ajoutant,

- CONDAMNER la société ALTRAN TECHNOLOGIES à payer au comité d'établissement la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER la même aux entiers dépens de première instance et d'appel.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont régulièrement signifiées.

MOTIFS DE LA DECISION

La société ALTRAN soutient que le comité d'établissement n'est pas fondé à recourir à un expert en vue des consultations sur la situation économique de l'entreprise (« bloc 2 ») et la politique sociale de l'entreprise issues (« bloc 3 ») de la loi dite Rebsamen. Elle estime que cette faculté relève de la seule compétence du comité central d'entreprise. Elle considère que la consultation du comité d'établissement sur le bilan social, est exclue, en l'absence de pouvoirs délégués au chef de l'établissement Rhône-Alpes dans ce domaine, de sorte qu'une telle expertise serait privée d'effet utile.

Le comité d'établissement soutient que l'expertise est de droit. Elle fait valoir que l'établissement Rhône-Alpes dispose d'une autonomie réelle en matière sociale et économique justifiant sa consultation laquelle doit pouvoir intervenir de manière utile avec l'appui d'une expertise indépendante.

En l'espèce, la société ALTRAN TECHNOLOGIES s'est constitué en Groupe. En 2006, le Groupe a procédé à la fusion de la majorité des filiales. Depuis 2012, la société ALTRAN TECHNOLOGIES et ses autres filiales constituent, en termes fonctionnel et organisationnel, une seule entreprise. Elle dispose d'un comité central d'entreprise. Elle regroupe 4 pôles dont un pôle ALTRAN Grand Est lui-même composé de 3 établissement, dont l'établissement ALTRAN Rhône-Alpes.

Le 30 décembre 2015, la DIRECCTE des Yvelines a fixé à sept le nombre des établissements distincts de la société ALTRAN TECHNOLOGIES pour l'institution des comités d'établissement répartis géographiquement dont l'établissement Rhône-Alpes. Chaque établissement dispose d'un comité d'établissement.

L'établissement Rhône-Alpes emploie 647 salariés répartis sur sept agences.

La société ALTRAN TECHNOLOGIES ne conteste pas que son directeur régional, Monsieur [Z] dispose de délégations de pouvoir en matière sociale (pièces appelante n°13 et 14) et en matière économique et financière (pièces 12 et 14). Elle a elle-même revendiqué auprès de la DIRECCTE (pièce intimé n° 5) une certaine autonomie au niveau des établissements. Bien qu'elle minimise l'importance de ces délégations de pouvoirs, il n'en demeure pas moins que Monsieur [Z] est compétent pour développer une politique sociale et adapter la politique économique de l'entreprise au niveau de l'établissement.

Le Comité d'établissement justifie (pièces intimé n°7, 12 et 41) qu'il a, depuis au moins 2012, toujours désigné un expert comptable d'indépendant pour l'assister dans le cadre de sa consultation sur la politique sociale, et ce, sans opposition de la direction de l'établissement. Le comité d'établissement démontre que c'est sur la base d'un précédent rapport que l'analyse de la situation sociale de l'établissement a pu être réalisée de manière précise et utile, sans aucune redondance avec celle du comité central d'entreprise, notamment en ce qui concerne les mouvements de personnel, les salaires, les carrières et les heures supplémentaires.

Le Comité d'établissement rapporte la preuve (pièce intimé n°20) que l'établissement Rhône-Alpes dispose d'un responsable des ressources humaines, d'un service achats et services généraux, et le chef d'établissement dispose des prérogatives lui permettant d'embaucher des salariés, de fixer leur rémunération, de déterminer les conditions de travail, de représenter juridiquement la société et de gérer les congés des salariés sous son autorité. Au sein de l'établissement sont organisées les négociations sociales obligatoires et des accords atypiques sont mis en 'uvre (pièces intimé n° 23, 25-1 et 25-2). L'établissement structure présente des résultats structurés sur les matières économiques, financières, commerciales et sociales à l'échelle de son périmètre. Il dispose d'un budget de formation important s'élevant à 426.836 euros au titre de l'exercice 2016.

Par ailleurs, l'établissement ne fait pas l'objet d'une analyse spécifique au niveau du comité central d'entreprise (pièces appelante n° 5, 19 et 20) de sorte que la société ALTRAN TECHNOLOGIES n'est pas en mesure de justifier des performances de l'établissement. Ainsi, le comité central d'entreprise n'est pas appelé à se prononcer sur la situation de chaque établissement et en particulier de l'établissement Rhône-Alpes.

Le Directeur d'établissement dispose donc bien de pouvoirs réels de gestion économique et sociale, quand bien même cette autonomie serait limitée par le fait qu'il dispose d'une délégation de pouvoirs du Directeur Général France qui cantonne ses pouvoirs.

Aux termes des articles L 2323-1 alinéa 1er et 2323-6 du code du travail applicable au litige, le comité d'entreprise qui a pour objet d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique de l'entreprise, à l'organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production, est consulté chaque année sur les orientations stratégiques de l'entreprise, la situation économique de l'entreprise, la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi.

Conformément à l'article L.2325-35, le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable de son choix en vue de la consultation annuelle sur la situation économique et financière prévue à l'article L 2323-12.

Conformément à l'article L 2327-15 alinéa 1er du code du travail, le comité d'établissement a les mêmes attributions que le comité d'entreprise dans la limite des pouvoirs confiés aux chef d'établissement.

La loi Rebsamen a entendu redistribuer et rationaliser l'articulation entre le CCE et les comités d'établissements en disposant aux termes de l'article L.2327-2 du code du travail que le CCE exerce les attributions économiques qui concernent la marche générale de l'entreprise, précisant qu'il est informé et consulté sur les projets économiques et financiers importants concernant l'entreprise notamment dans les cas définis aux articles L.2323-35 à L.2323-43 et est seul consulté sur les projets décidés au niveau de l'entreprise qui ne comportent pas des mesures d'adaptation spécifiques à un ou plusieurs établissements et sur les projets décidés au niveau de l'entreprise lorsque les éventuelles mesures de mise en 'uvre, qui feront ultérieurement l'objet d'une consultation spécifique au niveau approprié, ne sont pas encore définies. Cette distribution des compétences concerne donc les consultations dites ponctuelles.

Concernant les consultations récurrentes, il n'apparaît pas que le loi Rebsamen ait modifié la possibilité d'une double consultation, retenue par la jurisprudence antérieure à l'entrée en vigueur de cette loi, en ce qui concerne d'une part celle sur la situation économique et financière et celle sur la politique sociale.

En effet, non seulement les informations pertinentes et spécifiques doivent être données au comité d'établissement dans son périmètre mais encore, il apparaît que le comité d'établissement qui conformément à l'article L.2327-15 susvisé, a les mêmes attributions que le comité d'entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef d'établissement, doit être informé et consulté et peut donc avoir recours à un expert, dès lors que, par définition, l'existence d'un établissement implique son autonomie et suppose des modalités d'application décidées par le chef d'établissement.

En effet, aucune disposition de la Loi Rebsamen n'est venue, contrairement à ce qu'affirme l'appelante, supprimer les prérogatives du comité d'établissement en matière d'informations et de consultations récurrentes sur son périmètre d'intervention ni n'a limité ou supprimé la possibilité du recours à un expert-comptable dans le cadre de ces consultations.

Ainsi, dès lors que, comme en l'espèce, il a été relevé que l'établissement dispose d'une autonomie suffisante en matière de gestion du personnel et de conduite de l'activité économique et est doté d'un comité d'établissement, il appartient à l'entreprise de lui donner les moyens de fonctionner prévus par la loi et notamment le recours à l'expertise comptable de l'article L.2325-35 du code du travail, lui permettant ainsi d'avoir les éléments d'ordre économique et financier nécessaires à la compréhension des documents comptables de l'établissement et à l'appréciation de sa situation.

Dans ces conditions, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté les demandes de la société ALTRAN TECHNOLOGIES aux fins d'annulation de deux délibérations du comité d'établissement Rhône-Alpes, enjoint la société ALTRAN TECHNOLOGIES de communiquer à la société Syndex désignée les documents requis pour réaliser ses missions, condamne la société ALTRAN TECHNOLOGIES aux dépens et condamne la société ALTRAN TECHNOLOGIES à payer au comité d'établissement ALTRAN Rhône-Alpes la somme de 2000 euros par application des dispositions de article 700 du Code de Procédure Civile,

Il convient par ailleurs de condamner la société ALTRAN TECHNOLOGIES qui succombe à payer au comité d'établissement la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DEBOUTE la société ALTRAN TECHNOLOGIES de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

LA CONDAMNE de ce chef à payer au comité d'établissement ALTRAN Rhône-Alpes la somme de 1500 euros,

LA CONDAMNE aux entiers dépens d'appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 17/07517
Date de la décision : 06/04/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°17/07517 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-06;17.07517 ?
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