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30/03/2018 | FRANCE | N°16/08831

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 30 mars 2018, 16/08831


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 16/08831





[E]

C/

Association CHATEAU D'AIX







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTBRISON

du 17 Novembre 2016

RG : 15/00165



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 30 MARS 2018







APPELANT :



[Z] [E]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 2]



représenté par Me Laétitia PEYRARD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE





INTIMÉE :



Association CHATEAU D'AIX

[Localité 1]

ayant un établissement sis

[Adresse 3]

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Nelly COUPAT-WAWRZYNIAK de la ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 16/08831

[E]

C/

Association CHATEAU D'AIX

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTBRISON

du 17 Novembre 2016

RG : 15/00165

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 30 MARS 2018

APPELANT :

[Z] [E]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par Me Laétitia PEYRARD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

Association CHATEAU D'AIX

[Localité 1]

ayant un établissement sis

[Adresse 3]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Nelly COUPAT-WAWRZYNIAK de la SELARL CABINET NELLY COUPAT, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE substituée par Me Jean-pierre COCHET de la SELARL SEDOS CONTENTIEUX, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Février 2018

Présidée par Thomas CASSUTO, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Carole NOIRARD, Greffier placé.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Elizabeth POLLE-SENANEUCH, président

- Laurence BERTHIER, conseiller

- Thomas CASSUTO, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 30 Mars 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur [Z] [E] est entré au service de l'Association Château d'Aix (ci-après l'Association) en qualité de chef de service éducatif le 1er octobre 2013, par contrat à durée indéterminée, avec un salaire brut mensuel de 3 265,14 euros pour 151,67 heures.

Il a exercé sa fonction au sein du Foyer d'Accueil Médicalisé (FAM) situé à [Localité 3], qui accueille des adultes autistes.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle des établissements pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

Le foyer a été ouvert en mai 2013. Il était dirigé initialement par une directrice adjointe, Madame [F] [S], démissionnaire le 10 avril 2014 à laquelle a succédé un nouveau directeur adjoint, Monsieur [Y] [A].

Le 26 mars 2015, Monsieur [Z] [E] a reçu un courrier le convoquant à un entretien préalable, prévu le 2 avril 2015, en vue d'une sanction disciplinaire, alors qu'il est en arrêt de travail depuis le 24 mars 2015 pour un syndrome anxio-dépressif.

L'entretien est établi par Monsieur [B] [W], directeur de l'Association.

L'arrêt de travail de Monsieur [Z] [E] est successivement prolongé jusqu'au 9 juillet 2015.

Le 22 avril 2015, l'employeur convoque Monsieur [Z] [E] à un nouvel entretien fixé au 4 mai 2015, en vue d'un licenciement.

Le 13 mai 2015, Monsieur [Z] [E] est licencié pour les motifs suivants :

« Vous avez été convoqué à un entretien préalable pour le 04 mai 2015, au cours duquel nous vous avons exposé les motifs qui nous amenaient à envisager votre licenciement, à savoir : votre comportement envers les autres salariés de la structure vous empêche de pouvoir travailler sereinement, notamment avec l'équipe d'encadrement, et nuit à la qualité des services de notre établissement.

Nous avons pourtant déjà expressément attiré votre attention sur la nécessité d'évoluer dans votre comportement, et vous avons demandé d'être plus « collectif » dans votre pratique et dans vos rapports avec votre supérieur hiérarchique (notre lettre du 24 février dernier), sans aucune réaction positive.

Nous avons également déjà été contraints d'organiser deux réunions avec vous depuis le début de cette année pour poser le cadre de travail et mettre de la cohérence dans le fonctionnement général de l'établissement: vos actions ne s'harmonisent nullement avec celles des autres cadres de l'établissement, et dépassent très souvent votre domaine de compétence.

Nous vous avons écrit le 04 mars dernier une « lettre de cadrage » dans laquelle nous reprenions les changements que nous attendions de vous pour améliorer notre collaboration, et pour améliorer vos relations professionnelles avec vos collègues (en l'occurrence la psychologue).

Nous avons dû notamment vous demander de laisser chacun s'exprimer et travailler dans son champ de compétence professionnelle, indiquant même très clairement par exemple : «en résumé, vous n'êtes pas cadre infirmier ».

Mais vous persistez dans votre attitude ; nous vous avons ainsi indiqué notamment que vos agissements et vos propos ont créé chez plusieurs de vos collègues, et en particulier chez le médecin psychiatre et la psychologue un véritable mal être au sein de l'établissement.

Par ailleurs, nous vous rappelons que le 23 mars 2015, Monsieur [Y] [A], directeur de l'établissement, a adressé au personnel de l'établissement le texte de l'intervention de Monsieur [M] [L], lors d'un congrès qui s'est tenu à Paris les 13 et 14 mars 2015.

Cette lecture était « recommandée » par le Dr [H], médecin psychiatre de l'établissement.

Le jour même, 20 minutes après avoir reçu cet article, vous adressiez un message à l'ensemble des salariés de l'établissement en indiquant notamment : « je me permets de réagir à ce deuxième conseil de lecture (...) qui me surprend à nouveau de la part d'un professionnel qui a soutenu la création de cet établissement et qui aujourd'hui interpelle la phil osophie fondatrice de son projet, au travers des références diffusées qui s'inscrivent en faux vis-à-vis de la commande des tutelles, et ce de manière revendiquée (...) ».

Vous n'hésitez pas ensuite à jeter la suspicion sur le projet d'établissement et sur ses dirigeants: « je serais curieux de lire ce qu'il ([R] [I], co-président du groupe parlementaire dédié à l'autisme) pourrait écrire aujourd'hui vis-à-vis du tournant idéologique suggéré par les lectures du Dr [H] » ; « je m'interroge sur les récentes références idéologiques relayées par la direction » etc.

La diffusion générale de ce message, portant vos considération toutes personnelles, et vos commentaires déplacés, est inacceptable.

Par ailleurs, la psychologue de l'établissement nous a fait savoir récemment que les entraves que vous mettiez dans l'exercice de ses fonctions étaient telles qu'elle s'interrogeait sur sa possibilité à exercer véritablement son poste au sein de notre établissement.

La direction de l'établissement a également recensé un certain nombre de situations dans lesquelles votre comportement est répréhensible ; il fait notamment valoir votre « travail de destruction » auprès d'une partie de l'équipe, et l'impossibilité de pouvoir travailler avec vous « pour faire appliquer les décisions institutionnelles et hiérarchiques ».

Un tel comportement n'est pas compatible avec votre statut de cadre au sein de l'établissement.

Pour les motifs exposés ci-dessus, nous vous notifions donc votre licenciement pour motif réel et sérieux.

Cette mesure sera effective sous préavis de 4 mois qui débutera au jour de première présentation de cette lettre à votre domicile ».

Alors que Monsieur [Z] [E] exécute son préavis, il est convoqué à un nouvel entretien le 29 juin 2015.

Le 1er juillet 2015, l'employeur met fin à son préavis, au motif que le salarié a commis une faute grave.

Dans ce contexte, Monsieur [Z] [E] a saisi le Conseil des Prud'hommes de Montbrison aux fins de :

- Constater les manquements de l'Association Château d'Aix dans l'exécution de son contrat de travail et la condamner à lui verser la somme de 10 000 € pour le préjudice subi,

- Déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et,

En conséquence,

- Condamner l'Association Château d'Aix à lui verser la somme de 35 000 euros nette à titre de dommages et intérêts,

- Dire qu'il n'a commis aucune faute grave justifiant la rupture de son préavis et, en conséquence, condamner l'employeur à lui régler le solde de son préavis, soit 7 988,27 euros, outre 798,27 euros au titre des congés payés afférents,

- Dire que la moyenne des 3 derniers mois de salaire s'élève à la somme de 3 482,44 euros,

- Condamner l'Association Château d'Aix à lui régler la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700.

Par jugement du 17 novembre 2016, le conseil de prud'hommes de MONTBRISON a :

DÉBOUTE Monsieur [Z] [E] de l'intégralité de ses demandes,

CONDAMNE Monsieur [Z] [E] aux entiers dépens de l'instance,

Monsieur [Z] [E] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 7 décembre 2016.

Dans ses conclusions régulièrement signifiées, Monsieur [E] demande à la Cour de :

- Réformer intégralement le jugement du Conseil de Prud'hommes et statuant à nouveau,

- Déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- Déclarer non fondée sur une faute grave l'interruption anticipée de son préavis,

- Constater les manquements de l'employeur à l'exécution loyale du contrat de travail,

- Condamner en conséquence l'association LE CHATEAU D'AIX à lui verser les sommes suivantes :

* solde d'indemnité compensatrice de préavis : 7.988,27 euros,

*congés payés sur solde de préavis : 798,27 euros,

* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 35.000 euros,

* dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 10.000 euros

- Condamner l'association LE CHATEAU D'AIX au paiement d'une somme 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses conclusions régulièrement signifiées, l'association Château d'Aix demande à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, en ce qu'il a :

* Dit et jugé que la procédure de licenciement pour cause réelle et sérieuse prise à l'encontre de M. [E] est parfaitement régulière,

* Dit et jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

* Retenu la faute grave commise par M. [E] durant l'exécution de son préavis,

- En conséquence, débouté Monsieur [E] de l'ensemble de ses demandes,

- Au surplus, condamner Monsieur [E], à titre reconventionnel, à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La clôture est intervenue le 19 décembre 2017.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont régulièrement soutenues.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

Sur la compétence de l'autorité ayant prononcé le licenciement

Il est constant qu'un licenciement doit être prononcé par une autorité compétente ou ayant reçu délégation à cette fin.

En l'absence de disposition statutaire, il appartient au Directeur de l'Association ayant signé la lettre de licenciement de démontrer qu'il a reçu délégation du Président de l'Association, par autorisation du conseil d'administration de celle-ci.

Monsieur [E] soutient que Monsieur [W] Directeur ayant signé sa lettre de licenciement n'avait pas compétence pour prononcer une telle sanction disciplinaire.

L'Association réplique en produisant une délégation générale donnée par Monsieur [N], Président de l'Association.

En l'espèce, il est constant que Monsieur [W], Directeur de l'Association a signé la lettre de licenciement du 13 mai 2015. Sous sa signature figure la mention « pour le président et par délégation, le directeur » (pièce appelant n°7).

L'Association, en tant qu'employeur de Monsieur [E] dispose du pouvoir de recruter et de licencier des salariés. Elle exerce ces prérogatives par le truchement de ses organes désignés auxquels elle a délégué statutairement ses pouvoirs.

L'Association justifie (pièce intimée 31) que le 25 mars Monsieur [N], Président, avait expressément et spécialement délégué ses pouvoirs à Monsieur [W] afin « d'effectuer en [ses] nom et place toutes les formalités nécessaires dans le cadre de la procédure disciplinaire, et le cas échéant de licenciement, à l'encontre de M. [Z] [E] '] ». Cette délégation de pouvoir a été confirmée le 29 avril 2015 (pièces intimée 31bis).

Il n'est pas contesté que Monsieur [N] disposait lui-même du pouvoir de prononcer une telle mesure. Il résulte également des statuts de l'Association que le Président peut déléguer ses pouvoirs. Cette délégation est antérieure au licenciement.

De surcroît, l'Association justifie (pièce intimée 32) du procès verbal du conseil d'administration ayant approuvé le 29 avril 2015 à l'unanimité la procédure de licenciement engagée à l'encontre de Monsieur [E] et la désignation du cabinet SEDOS pour accompagner le Directeur général dans cette procédure.

Cette délégation est régulière.

Il en résulte que Monsieur [W] avait qualité et compétence pour engager et mener à son terme la procédure de licenciement de Monsieur [Z] [E].

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la régularité de la procédure

Monsieur [E] soutient que la procédure suivie à son encontre est irrégulière. Il invoque à cet égard, qu'il n'a pas fait l'objet de deux sanctions préalables nécessaires à celle de son licenciement et que les faits retenus à l'appui de son licenciement étaient soit prescrits soit purgés.

L'Association soutient que la procédure conventionnelle a été respectée.

S'agissant de l'existence de deux sanctions disciplinaires préalables à la procédure de licenciement,

Aux termes de l'article L.1331-1 du code du travail, constitue une sanction disciplinaire toute mesure autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par lui comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Il est de principe qu'un courrier par lequel l'employeur adresse à un salarié un certain nombre de reproches, et l'exhorte à un changement radical, avec mise au point ultérieure, constitue une sanction disciplinaire.

L'article 33 de la Convention Collective applicable dispose que :

« les mesures disciplinaires applicables aux personnels des établissements ou service s'exercent sous les formes suivantes :

- L'observation

- L'avertissement

- La mise à pied avec ou sans salaire pour un maximum de 3 jours

- Le licenciement.

L'observation, l'avertissement et la mise à pied dûment motivés par écrit sont prononcés conformément au règlement établi et déposé suivant les dispositions légales ('). Sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l'égard d'un salarié si ce dernier n'a pas fait l'objet précédemment d'au moins deux des sanctions citées ci-dessus, prises dans le cadre de la procédure légale (') » (pièce intimée n° 33).

L'Association produit le règlement intérieur qui stipule en son article 21 « discipline générale et sanctions » que :

« conformément à l'article L 122-24 du Code du Travail (') il est prévu les sanctions suivantes :

- L'observation écrite destinée à attirer l'attention

- L'avertissement disciplinaire, constatation écrite d'un comportement fautif,

- Mise à pied

- Licenciement disciplinaire avec ou sans préavis et indemnités de rupture selon le cas.

Toute sanction sera motivée et notifiée par écrit au salarié (') » (pièce intimée 34).

Il est de principe que, sauf faute grave, le préalable de deux sanctions disciplinaires constitue une garantie de fond de la régularité du licenciement faute de quoi, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Il s'en déduit que les sanctions antérieures doivent être régulières et justifiées.

Monsieur [E] ne conteste pas l'existence et le contenu du règlement intérieur.

L'Association soutient avoir adressé deux lettres d'observation les 24 février et 5 mars 2015.

L'Association produit en premier lieu un courrier (pièce intimée n° 7) signé E. [A] du 24 février 2015 remis en main propre le 26 février 2015 à Monsieur [E] sans objet mentionnant notamment « je vous écris ce jour, pour vous faire part de mon mécontentement vis-à-vis de votre manque de collaboration à mon égard. » Ce courrier articule plusieurs griefs :

- les difficultés de Monsieur [A] pour pouvoir s'entretenir avec Monsieur [E] après plusieurs jours d'absence,

- ses absences non justifiées lors des réunions du mardi après-midi avec la psychologue, la psychomotricienne, l'assistante sociale et le directeur adjoint,

- l'absence de contre-rendu du départ précipité d'une salariée suite à une agression dans l'établissement dont Monsieur [E] avait eu connaissance,

- un manque d'organisation dans la gestion de contrats de travail.

Ce courrier conclut « je suis très interrogatif sur la tournure que prend notre collaboration alors qu'il vous a été précisé par Monsieur le directeur lui-même que vous devriez être plus collectif dans votre pratique et dans les rapports avec votre supérieur hiérarchique. Bien entendu, j'adresse une copie de ce courrier à Monsieur [W], Directeur ».

Ainsi, ce courrier rédigé par le Directeur adjoint supérieur direct de Monsieur [E], transmis au Directeur, qui formule des griefs à l'encontre de Monsieur [E] et appelle de sa part un changement d'attitude, constitue manifestement une observation qui, aux termes du règlement intérieur, constitue une sanction disciplinaire. Situé en deçà de l'avertissement, une telle sanction, en l'absence de dispositions conventionnelles contraires, ne nécessite pas d'entretien préalable. Elle constitue une première sanction régulière.

L'association produit en second lieu un courrier (pièce intimée n° 8) du 4 mars 2015 adressé à Monsieur [E] et signé par Messieurs [W], Directeur et [A], Directeur adjoint. Elle mentionne en objet « lettre de cadrage pour Monsieur [E] Chef de service ». Cette lettre articule trois séries de griefs :

- L'élaboration par Monsieur [E] de sa fiche de poste qui, en deux points, « décrit une fonction qui ne laisse que peu de place à des collaborateurs et encore moins à une quelconque hiérarchie »,

- le manque de travail collectif « à plusieurs reprises je vous ai demandé de me tenir informé dans vos choix des remplaçants. Cette demande me semble-t-il légitime a provoqué chez vous une réaction par écrit qui reste pour moi énigmatique et disproportionné montrant bien sur le fond comme sur la forme que vous avez des difficultés à intégrer la légitimité d'une demande d'un supérieur hiérarchique. Lors de votre absence de la semaine 7 j'ai pu constater qu'un certain nombre d'éléments malgré mes demandes antérieures me manquaient pour établir le planning des semaines suivantes. Je vous demande donc à nouveau des destinataires des demandes d'absence ».

- Une remise en cause du bien-fondé de ses différentes interventions : sur la partie médicale, il est demandé à Monsieur [E] de laisser les infirmières organiser leur travail d'orienter leur questionnement vers les deux médecins dont elles dépendent hiérarchiquement et se contenter d'intervenir sur les plannings des personnes intervenant auprès des usagers en rappelant que Monsieur [E] n'est pas cadre infirmier ; sur les projets personnalisés des résidents, il lui est demandé d'organiser la finalisation des projets en cours.

Ainsi, ce courrier, co-signé par le Directeur et son adjoint, qui formule des griefs à l'encontre de Monsieur [E] et appelle de sa part un certain nombre de correctifs, constitue également une observation qui, aux termes du règlement intérieur, constitue une sanction disciplinaire qui ne nécessitait pas d'entretien préalable. Elle constitue une seconde sanction régulière.

Si Monsieur [E] conteste le fait que ces deux courriers sont des avertissements, il ne discute pas le fait que, ainsi que le soutient l'Association, il s'agit de deux observations qui en vertu de la Convention collective et du règlement intérieur applicables constituent des sanctions disciplinaires.

Il en résulte que Monsieur [E] a bien fait l'objet de deux sanctions disciplinaires les 24 février et 4 mars 2015.

L'existence de ces deux sanctions pouvait ouvrir la voie à l'engagement d'une procédure de licenciement sous réserve que la procédure soit respectée et que les motifs du licenciement portent sur des faits nouveaux et distincts.

S'agissant de la procédure préalable au licenciement,

L'article L.1332-2 du code du travail prévoit que toute sanction disciplinaire doit être prononcée dans le délai d'un mois à compter de l'entretien préalable.

Lorsque l'employeur ne prononce pas de sanction, il ne peut par la suite fonder un licenciement sur les seuls faits ayant motivé la première procédure disciplinaire.

Monsieur [E] soutient que les faits retenus à l'encontre de son licenciement sont prescrits ou purgés.

L'Association soutient que dans un premier temps, elle entendait prendre une simple sanction disciplinaire à l'encontre de Monsieur [E] à la suite du dénigrement public auquel il s'était livré à l'encontre du docteur [H]. Elle expose que son appréciation a évolué à partir du moment où elle a eu connaissance de faits de harcèlement moral imputable à Monsieur [E]. À cet égard l'association fait valoir qu'elle a pour obligation de protéger la santé et la sécurité de ses salariés et que la faute grave aurait pu être retenue.

L'association produit :

- Un courrier du 26 mars 2015 (pièce intimée n° 19) convoquant Monsieur [E] à un entretien préalable une sanction disciplinaire. Ce courrier ne mentionne pas l'éventualité d'un licenciement.

- Un courrier de Madame [K] [O] (pièce intimée n° 22), psychologue clinicienne du 17 mars 2015, reçu le 23 mars 2015, adressé à Monsieur [A] qui fait le bilan de ses interventions auprès de résidents et qui indique ensuite « dans le même temps, je me suis heurtée à de lourdes difficultés avec les équipes » et qui relate plusieurs épisodes :

- mi-janvier à la suite d'un différend, un professionnel lui propose d'en parler en chambre d'apaisement, et refuse de recevoir la psychologue dans son bureau ;

- sa mise en échec lors d'une sortie avec plusieurs résidents et le reproche qui lui a été formulé de ne pas assez « solliciter » une résidente, soit en substance, de ne pas l'avoir fait marcher assez vite ;

- l'irruption intempestive d'un professionnel alors qu'elle est occupée lors d'un temps de soins pour l'un des résidents dans la salle de balnéothérapie estimant que cette situation était de nature à mettre en danger le résident ;

- en mars une de ses collègues remet en cause sa manière d'interagir avec une résidente suivie de l'intervention d'un professionnel imposant physiquement à cette résidente de ramasser les objets qu'elle avait lancés et la plaçant à trois reprises en chambre d'apaisement alors que selon la psychologue il existait un décalage entre le geste pulsionnel interdit et la demande de réparation puis deux sanctions, la psychologue se disant sidérée par le comportement du personnel ;

- le refus qui lui a été opposé d'utiliser sa boîte mail personnelle afin de pouvoir travailler toute la semaine alors qu'elle n'est présente sur le FAM que deux jours par semaine ;

- la semaine précédent son courrier elle n'a pas été en mesure de finaliser le projet personnel de résidents, un professionnel de l'unité l'ayant informé qu'il avait fini de rédiger le sien en lui demandant de confirmer qu'elle n'avait rien à ajouter ;

- la découverte de la disparition de son matériel de test le jour même de son départ en formation.

Elle conclut son courrier en indiquant « étant constamment entravée dans les tâches qui me sont assignées, dans l'utilisation de la formation de mes compétences, dois-je renoncer à occuper mon poste de psychologue clinicienne au sein de votre établissement ' Je reste à votre disposition pour discuter de ces différents points de mon avenir au sein de notre institution ».

Monsieur [E] ne conteste pas formellement les faits qui lui sont imputés par la psychologue. Dans le cadre de la contestation des motifs du licenciement, il reconnaît ainsi deux épisodes, parmi lesquels celui au cours duquel celle-ci était en soin avec un résident autiste.

Ainsi, la proposition de s'entretenir en chambre d'apaisement constitue une démarche particulièrement vexatoire à l'encontre de cette professionnelle, cette chambre étant en effet par principe destinée aux résidents autistes en souffrance.

La mise en échec de la psychologue clinicienne dans sa relation avec une résidente lors d'une sortie ainsi qu'à l'occasion d'un repas constitue également des actes de nature à dégrader sérieusement la relation de travail au point, ainsi que l'écrit celle-ci, d'envisager la remise en cause de son intervention.

Ce courrier décrit en outre plusieurs séries d'agissements remettant en cause ses moyens et capacités de travail. Ce courrier démontre des faits de harcèlement à l'encontre de cette professionnelle destinée manifestement à l'évincer du FAM.

Ce courrier est corroboré par le courrier du 10 avril 2015 (pièce intimée n°23) rédigé par Monsieur [A] à l'attention de Monsieur [W] qui vient en réplique du courrier du 2 avril 2015 de Monsieur [E] mentionnant en objet « courrier d'alerte sur une situation de souffrance au travail ». Par son courrier, Monsieur [A] rapporte que depuis août 2014 Monsieur [E] a dénigré bon nombre de salariés et en particulier une infirmière qui « a été littéralement harcelée par ce monsieur ». Il rapporte également son comportement vis-à-vis d'une psychologue dont Monsieur [E] a contesté le recrutement et indiqué qu'il ne pourrait ni parler ni travailler avec elle, à la suite de quoi celle-ci est venue s'expliquer auprès de Monsieur [A] de ses difficultés. Il fait référence à la lettre que celle-ci a rédigée décrivant des situations où le chef de service l'a volontairement mise en grande difficulté ayant entraîné trois semaines d'arrêt maladie pour elle. Monsieur [A] s'interroge encore sur les risques pesant sur de jeunes professionnels. Monsieur [A] conclut «  à ce jour je ne vois pas de quelle manière faire évoluer favorablement cette situation vu l'attitude de Monsieur [E]. J'ai perdu toute confiance en lui pour un travail de collaboration notamment pour faire appliquer les décisions institutionnelles hiérarchiques ».

L'association justifie que ces courriers constituent des éléments nouveaux portés à sa connaissance et qu'elle a pu, le 22 avril 2015, convoquer Monsieur [E] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Par ailleurs l'association justifie avoir adressé le 21 avril 2015 un courrier en réponse à celui de Monsieur [E] du 2 avril 2015 relatif à la « situation de souffrance au travail ». Dans son courrier l'association évoque que les éléments relatifs aux échanges de mail sur l'article « dire l'indicible » font l'objet d'une procédure disciplinaire actuellement en cours et que l'association n'entend pas répondre à ces éléments dans ce cadre. L'association conclut néanmoins « pour autant, aucun des éléments que vous relevez ne permet de justifier vos allégations relatives à une souffrance au travail que vous subiriez ».

Ainsi, l'association démontre qu'après avoir engagé une première procédure en vue d'une sanction disciplinaire autre que le licenciement, elle a suspendu cette procédure et engagé une nouvelle procédure disciplinaire préalable à un licenciement. Cette seconde procédure apparaît fondée sur des éléments portés à sa connaissance les 23 mars 2015 et 10 avril 2015 de sorte que les faits invoqués par les deux courriers précités n'étaient pas prescrits.

C'est donc à tort que Monsieur [E] soutient d'une part que l'employeur avait purgé son pouvoir de sanction par la convocation à un entretien préalable le 26 mars 2015 non suivi d'une sanction et que les faits invoqués à l'appui de son licenciement prononcé le 13 mai 2015 étaient prescrits dès lors que les faits nouveaux évoqués dans la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement le 22 avril 2015 sont relatifs aux comportements rapportés par la psychologue et aux griefs articulés par Monsieur [A] dans son courrier du 10 avril 2015 relatifs au travail de destruction mené par Monsieur [E] auprès d'une partie de l'équipe recensée par la direction de l'établissement.

Sur les motifs du licenciement

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige et interdisent à l'employeur d'en invoquer de nouveaux.

Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Il est de principe que le salarié dispose dans l'entreprise, sauf abus, d'un droit à la liberté d'expression qui trouve sa limite dans les restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. À cet égard, il est admis que l'abus peut être caractérisé par des termes injurieux, diffamatoires ou excessifs. À cet égard, il convient de prendre en compte la teneur des propos, le contexte dans lequel ils ont été tenus et la publicité qu'en a fait le salarié.

La lettre de licenciement reproduite ci-dessus rappelle préalablement que malgré les deux courriers des 24 février et 4 mars 2015, Monsieur [E] a persisté dans son attitude. Cette lettre articule trois griefs qu'elle estime incompatibles avec son statut de cadre au sein de l'établissement :

- La diffusion de commentaires jugés déplacés à la suite de la diffusion de l'intervention de Monsieur [M] [L] par un message diffusé à l'ensemble des salariés l'établissement et qui interroge en ces termes : « je serai curieux de lire ce que [le coprésident du groupe parlementaire de l'autisme] pour écrire aujourd'hui vis-à-vis tournant idéologique suggéré par les lectures du docteur [H] » et « je m'interroge sur les récentes références idéologiques relayées par la direction » ;

- l'entrave à l'exercice des fonctions de la psychologue de l'établissement qui remet en cause ses possibilités d'intervention en son sein,

- le travail de destruction menée auprès de l'équipe et l'impossibilité de pouvoir travailler avec lui-même « pour faire appliquer les décisions institutionnelles hiérarchiques ».

Monsieur [E] conteste ces motifs.

Il soutient que l'échange de courriels concernant le docteur [H] relève de la liberté d'expression en appelant l'attention de chacun sur la référence à l'approche psychanalytique mise en avant par Monsieur [L] dans son intervention à l'encontre des préconisations de la Haute autorité de santé, du projet d'établissement et de l'approche préconisée par la Fédération Autisme 42 et l'Agence régionale de santé. Il considère que ce courrier ne comporte pas de propos injurieux diffamatoire ou excessif susceptible de constituer un abus de la liberté d'expression.

Il soutient également que les plaintes de la psychologue ne caractérisent aucune entrave à l'exercice de ses fonctions. Monsieur [E] ne conteste pas que deux faits peuvent lui être imputés à savoir l'incident survenu dans la salle de balnéothérapie et celui relatif au matériel de test pour une formation. Il en conteste néanmoins la portée.

Il soutient enfin que le grief général d'entrave au bon fonctionnement de l'association rapporté par Monsieur [A] n'est pas établi dès lors que le courrier de celui-ci n'a pas date certaine et ne serait qu'une preuve établie par l'employeur pour lui-même. Sur le fond il conteste le travail de destruction qui lui est imputé.

En l'espèce, Monsieur [E] ne conteste pas avoir recadré le cuisinier. Il reconnaît également s'être plaint de l'infirmière et rappelle qu'elle a quitté l'établissement.

Il résulte des pièces produites précédemment évoquées que :

- Monsieur [E] a eu une attitude de rejet à l'encontre de Madame [O], psychologue clinicienne. Il reconnaît deux épisodes, parmi lesquels celui au cours duquel celle-ci était en soin avec un résident autiste. Or, ainsi qu'elle le relève, son irruption brutale était de nature à mettre en danger l'intégrité psychologique du résident et sa sécurité physique. Il résulte également des échanges produits par Monsieur [E] (pièce appelant n° 24) que Monsieur [E] a annulé l'activité de balnéo alors que celle-ci avait été décidée à l'issue d'une réunion à laquelle avait notamment participé le docteur [H]. L'employeur est fondé à considérer qu'une telle attitude entrave la bonne prise en charge des résidents.

Monsieur [E] ne conteste pas formellement les autres épisodes relatés par cette professionnelle de santé qui démontrent une hostilité frontale et de principe de sa part, son dénigrement en l'assimilant à une personne autiste en lui proposant de s'expliquer dans la chambre d'apaisement et en refusant de la recevoir dans son bureau. Les épisodes relatés démontrent également que l'hostilité de Monsieur [E] s'est reportée sur les résidents, ceux-ci faisant les frais du rejet de Madame [O] par Monsieur [E] au détriment de leur sécurité psychique et de leur bien être dans l'établissement qui les accueille.

- Monsieur [E] a porté atteinte au bon fonctionnement de l'Association. Il est à cet égard symptomatique que celui-ci ait recueilli à l'encontre d'une infirmière des éléments à charge concernant des manquements professionnels qu'il lui impute sans justifier pour autant en avoir débattu avec le médecin attaché à l'établissement, alors même qu'il décrit les agissements de cette infirmière comme de nature à mettre en danger les résidents. Un tel manquement démontre, comme le soutient l'employeur, que Monsieur [E] est à l'origine d'une destructuration des liens professionnels et qu'en qualité de chef de service, il n'a mis en place aucune mesure de nature à remédier aux dysfonctionnements qu'il prétend avoir constaté. Pour sa part, Monsieur [E] se borne à justifier de courriels datant de l'été 2014 dénonçant à sa hiérarchie les manquements de l'infirmière.

- Monsieur [E] a réagi vivement à la diffusion d'une intervention de Monsieur [L]. Cette réaction est intervenue dans les 20 minutes de la réception du message soit particulièrement rapidement après la diffusion de ce document. Elle est intervenue dans des termes brutaux en ce qu'ils remettent en cause l'orientation de la prise en charge des résidents autistes au sein du FAM et jettent un discrédit sur la compatibilité de cette prise en charge avec les recommandations des autorités de tutelles. Dans un tel contexte, cette diffusion était de nature à avoir de graves conséquences pour l'Association. Cette réaction, dénuée de pondération et de recul, a été diffusée à l'ensemble du personnel sans que Monsieur [E], pourtant chef de service, ait pris la peine de s'expliquer préalablement avec le docteur [H] et avec sa direction sur la pertinence d'une telle diffusion. Or, il résulte tant du texte de l'intervention que du message du docteur [H] que cette diffusion n'a pas pour objet de substituer à une approche comportementaliste une approche psychanalytique de l'autisme, ni d'annoncer un changement d'orientation en ce sens, mais de partager le témoignage du père d'un enfant autiste et des apports éventuels d'une approche psychanalytique non exclusive et à destination non seulement des enfants mais également en l'espèce des parents. La démarche de Monsieur [E] manque à son devoir de réserve et outrepasse la liberté d'expression, les propos traduisent la volonté de dénigrer et de discréditer le médecin de l'Association et par la voie d'un amalgame, le projet de prise en charge par l'Association.

Il résulte également des recommandations des bonnes pratiques professionnelles de l'HAS et de l'ANESM produites par Monsieur [E] (pièce appelant n° 13 p. 25) que « l'absence de données sur leur efficacité la divergence des avis exprimés ne permet pas de conclure la pertinence des interventions fondées sur les approches psychanalytiques ['] Cette position ne doit cependant pas entraver d'éventuels travaux de recherches cliniques permettant de juger de l'efficacité de la sécurité des interventions de développement récent ». Ainsi, ces recommandations n'interdisent pas formellement la mise en 'uvre d'une approche psychanalytique et surtout laisse ouverte la voie à des recherches dans ce domaine. Le docteur [H] s'est borné à partager le retour d'expérience de Monsieur [L]. En imputant au docteur [H] au travers de cette diffusion une réorientation idéologique, Monsieur [E] a procédé par voie d'amalgame à une mise en cause grave non seulement de l'honnêteté intellectuelle et de l'intégrité professionnelle du docteur [H] mais également et surtout de la conformité des pratiques de l'Association avec les recommandations de bonnes pratiques professionnelles, de nature à entraîner des sanctions juridiques ou financières de la part des autorités de tutelle.

Ainsi, il résulte de ce qui précède que Monsieur [E], chef de service, s'est opposé à sa hiérarchie, a fait obstacle au travail de la psychologue clinicienne et a commis des actes caractérisant un harcèlement à l'égard d'une infirmière qui, plus particulièrement émanant d'un chef de service, constituent des fautes répétées dans l'exercice de ses fonctions. La répétition de ces fautes après deux lettres d'observations a porté atteinte à la confiance que l'Association avait investie en la personne de Monsieur [E] et affecté profondément et durablement l'organisation et du fonctionnement du Foyer d'Accueil Médicalisé de sorte que l'Association pouvait considérer légitimement qu'aucune solution autre que son licenciement ne pouvait être apportée face aux obstructions de Monsieur [E].

Dès lors les griefs invoqués à l'appui du licenciement de Monsieur [E] sont réels et sérieux. Le jugement déféré ayant dit bien fondé son licenciement sera confirmé de ce chef.

Sur la faute grave et la révocation du préavis

Il résulte des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que la faute grave est caractérisée par une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis.

Il appartient à l'employeur de démontrer l'exactitude des faits imputés et leur gravité.

Pour justifier la rupture du préavis, l'association soutient que Monsieur [E] a dénigré l'entreprise auprès de tiers dans des conditions de nature à remettre en cause son agrément et entraîner sa fermeture.

Elle produit le courrier du 1er juin 2015 de Monsieur [E] adressé au Président de la Fédération Autisme 42 ayant pour objet « information sur des orientations idéologiques non recommandées par la HAS dans un ESMS » qui dénonce à travers la recommandation de lecture du psychiatre de l'établissement la remise en cause des connaissances sur l'autisme, la critique de pratiques qui ont pourtant fait l'objet d'un consensus depuis mars 2012 au niveau de la Haute autorité de santé et l'instauration petit à petit d'un référentiel de clinique psychanalytique et qui laisse entendre que la représentation commune de la Fédération Autisme 42 avec l'Association du Château d'Aix pourrait dans l'avenir porter préjudice aux valeurs défendues par la Fédération.

Monsieur [E] ne conteste pas la transmission de ce courrier. Il soutient que sa démarche n'est pas répréhensible et que ses propos ne sont ni injurieux, ni diffamatoires, ni excessifs.

Toutefois, la démarche de Monsieur [E] apparaît manifestement comme une mesure de rétorsion à la suite de son licenciement dans un contexte conflictuel. À l'instar des propos tenus à l'encontre du docteur [H], ces propos non fondés, excessifs et diffamatoires étaient de nature à porter atteinte aux liens entre l'Association Château d'Aix et la Fédération Autisme 42 et par voie de conséquence de remettre en cause son agrément et son financement mettant en péril la pérennité de l'Association et des emplois qu'elle gère. Monsieur [E] a dénigré l'Association auprès de tiers exerçant une autorité de tutelle sur l'Association donnant ainsi une large publicité à des propos tenus sans aucune précaution ou vérification préalable. Ces propos traduisent une volonté fautive de nuire à l'Association. Monsieur [E] a sciemment détourné le sens de la recommandation de lecture du Docteur [H]. Alors que ses critiques à l'encontre de l'Association constituaient un grief dans le cadre du licenciement, Monsieur [E] n'a pas tenté de rechercher une explication sur la diffusion de l'intervention de Monsieur [L] et a persisté dans sa démarche de dénigrement public de l'Association. Une telle démarche engagée au cours de la période de préavis à la suite de faits répétés régulièrement sanctionnés par l'Association constituait manifestement une faute grave qui rendait impossible la poursuite du préavis.

L'Association étant fondée à rompre l'exécution du préavis consécutivement à la faute grave commise par Monsieur [E] durant cette période de fin d'exécution du contrat de travail, le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

L'article L. 1222'1 du Code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Monsieur [E] soutient que l'employeur a manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail. Il affirme que les relations de travail se sont dégradées avec l'arrivée de Monsieur [A]. Il dénonce :

- le dénigrement dont il a fait l'objet de la part de Monsieur [A],

- le manque de soutien qui lui a été apporté après une altercation avec le cuisinier,

- l'acharnement de Monsieur [A] à son encontre,

- sa mise à l'écart et le retrait de certaines fonctions.

Il conteste les reproches formulés à son encontre et estime que les agissements de son employeur ont vidé de sa substance son poste.

Il fait valoir que cette situation a eu pour conséquence de dégrader ses conditions de travail et de porter atteinte à son état de santé caractérisant des agissements de harcèlement moral au point de justifier plusieurs arrêts de travail.

Il produit :

- un courrier remis à un délégué syndical sur le traitement d'un résident par Monsieur [A],

- un courriel de Monsieur [A] à la suite du différend survenu avec le cuisinier,

- des échanges relatifs à l'organisation des congés,

- des échanges relatifs aux contrats non préparés,

- les courriers des 24 février et 4 mars 2015 précités,

- un courrier de reproche sur une absence d'une salariée,

- les organigrammes mettant en évidence l'évolution de son positionnement,

- les attestations de Monsieur [Q] et de Mmes [X], [J], [V] et [T] qui témoignent d'une réduction des responsabilités de Monsieur [E],

- des échanges visant à démontrer qu'il coopérait avec sa direction,

- les attestations de Mmes [C], [P], [D] et de Monsieur [Q] qui témoignent de leur bonnes relations avec Monsieur [E],

- une convocation à une réunion extraordinaire du CHSCT de l'Association Château d'Aix pour le 24 mars 2015 mentionnant à l'ordre du jour « points sur les arrêts de travail / mise en place des analyses des arrêts de travail par le biais de l'arbre des causes ».

Monsieur [E] ne rapporte toutefois pas avoir fait l'objet d'un dénigrement. Le courrier du 16 décembre 2014 (pièce 43 de l'appelant) remis au délégué du personnel constitue une pièce établie pour lui-même. Quant à son contenu, il est étonnant qu'un chef de service estime devoir porter à la connaissance de sa hiérarchie le comportement jugé inadapté de son supérieur par ce moyen.

Monsieur [E] ne peut invoquer le manque de soutien dans le conflit avec le cuisinier, sous son autorité, comme une forme de dénigrement. De surcroît, dans la réponse par courriel de Monsieur [E] produite par Monsieur [A], celui-ci l'invite à en reparler ce qui ne constitue pas, à l'évidence l'expression d'un manque de soutien.

Monsieur [E] ne démontre pas que Monsieur [A] lui aurait demandé de lui rendre compte de tout ce qu'il faisait. En toute hypothèse, alors que manifestement, Monsieur [E] agit de manière excessivement autonome, il n'est pas anormal que dans le cadre de son pouvoir de direction, le Directeur adjoint l'invite à lui rendre davantage compte ce qui constitue un mode de management qui n'est pas en soi critiquable.

S'agissant des congés, l'employeur démontre qu'un différend est né du fait que Monsieur [E] et Monsieur [A] souhaitaient prendre des congés la même semaine et que Monsieur [W] s'était proposé pour remplacer Monsieur [E]. La survenue d'une telle situation n'a, dans son principe, rien d'anormal. Monsieur [E] ne démontre pas qu'il a été privé anormalement de congés à cette occasion. En outre, contrairement à ce que soutient Monsieur [E], il est de bonne pratique que le Directeur adjoint ait pris une note de service sur l'organisation des congés afin qu'une telle situation ne se reproduise pas.

Le reproche formulé concernant les contrats n'est pas contesté par Monsieur [E]. De plus, Monsieur [E] n'a pas contesté les deux lettres d'observations des 24 février et 4 mars 2015 qui constituent, ainsi qu'il résulte précédemment, des sanctions disciplinaires.

Dans ce contexte, il n'est pas anormal de la part de Monsieur [A] de reprocher à Monsieur [E] d'avoir pris des initiatives de recrutement sans l'associer pleinement.

L'attitude de Monsieur [E] décrite par l'employeur est réelle. Elle ne s'inscrit pas dans un fonctionnement hiérarchisé fluide. L'employeur était fondé à prendre des mesures destinées à amener Monsieur [E] à rendre plus de comptes à sa hiérarchie et à défaut à réduire certaines de ses prérogatives. Les échanges produits par Monsieur [E] (pièces appelant n°61 à 64) sont particulières limités à 29 courriels sur une période d'août 2014 à mars 2015 constitués pour l'essentiel de messages libellés « pour info ». Monsieur [E] ne démontre pas en substance qu'il a rendu substantiellement compte de ses activités à sa hiérarchie au regard des obligations qui lui incombaient en qualité de chef de service et des difficultés observées au sein du FAM.

Par ailleurs, l'Association ne conteste pas avoir réduit le périmètre des prérogatives de Monsieur [E], fait qui est rapporté par les attestations produites par ce dernier. Cette situation n'est toutefois pas anormale dans la perspective de l'adaptation des responsabilités de cadres à l'évolution de la situation de l'entreprise, singulièrement lorsque, ainsi que l'Association le justifie, elle est affectée par la perte de confiance à l'égard d'un cadre.

Le courrier de Monsieur [E] (pièce appelant n° 4) relatif à sa situation de souffrance au travail constitue une pièce constituée pour lui-même qui doit être écartée, étant relevé que les griefs dénoncés constituent la remise en cause indirecte des observations formulées par son employeur à son encontre. Ce courrier est manifestement destiné à tenter de circonvenir les procédures disciplinaires engagées à son encontre.

De surcroît, Monsieur [E] ne démontre pas que le positionnement de son employeur est à l'origine de la dégradation de son état de santé dès lors qu'aucun élément autre que les affirmations du salarié ne viennent établir l'existence d'une souffrance au travail. De plus, ainsi qu'en justifie l'Association, la caisse primaire d'assurance maladie a refusé de prendre en charge ces arrêts de travail au titre de la maladie professionnelle. En outre, il ressort manifestement de ce qui précède que Monsieur [E], par ses manquements, est à l'origine de la réduction de ses responsabilités.

Compte tenu de sa position de chef de service et des manquements avérés qui lui sont imputés, Monsieur [E] ne peut invoquer un manquement de son employeur à l'obligation d'exécuter loyalement son contrat de travail. Il n'apporte au surplus aucun faits précis et concordants qui pris dans leur ensemble laissent présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral.

En effet, il résulte des pièces produites par l'employeur à l'appui du licenciement que les faits imputés par Monsieur [E] trouvent leur origine dans ses propres manquements à assumer son poste de chef de service, à travailler en équipe et manquements réels et sérieux qui lui sont reprochés dans le cadre de son licenciement.

Ainsi, Monsieur [E] n'est pas fondé en sa demande. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de faire à nouveau application à ce stade de la procédure de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimé.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [Z] [E] à verser à l'Association Château d'Aix la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [Z] [E] aux dépens de l'appel.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 16/08831
Date de la décision : 30/03/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°16/08831 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-30;16.08831 ?
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