R.G : 16/06084
Décision du tribunal de grande instance de Bourg -en- Bresse
Au fond du 30 juin 2016
RG : 15/00904
chambre civile
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 29 mars 2018
APPELANTS :
M. [G] [F]
né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1] (AIN)
Chez Mme [Z] [B]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1])
représenté par Me Philippe VILLEFRANCHE, avocat au barreau de l'AIN
SCI MADAMETAN
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Philippe VILLEFRANCHE, avocat au barreau de l'AIN
INTIMEE :
Le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages (FGAO) anciennement Fonds de Garantie Automobile
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Guillaume ROSSI de la SELAS AGIS, avocat au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 16 mai 2017
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 février 2018
Date de mise à disposition : 29 mars 2018
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Aude RACHOU, président
- Françoise CLEMENT, conseiller
- Vincent NICOLAS, conseiller
assistés pendant les débats de Audrey PERGER, greffier placé
A l'audience, Françoise CLEMENT a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Aude RACHOU, président, et par Audrey PERGER, greffier placé, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Le 8 août 1988, M. [G] [F] a été impliqué dans un accident de la circulation à [Localité 2] (Ain), au cours duquel Mme [Z] [U] a été grièvement blessée.
Par jugement du tribunal correctionnel de Belley en date du 19 décembre 1989, il a été déclaré coupable de diverses infractions au code de la route et la constitution de partie civile de Mme [U], représentée par son père en qualité d'administrateur légal a été reçue ; M. [F] a été déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident et une expertise médicale de la victime a été ordonnée, une provision de 150'000 francs étant mise à la charge du prévenu ; il a par ailleurs été donné acte au Fonds de garantie automobile de son intervention et le jugement lui a été déclaré opposable.
Par jugement sur intérêts civils du 3 mars 1994, le tribunal correctionnel de Belley a fixé le montant définitif du préjudice corporel subi par Mme [U] à la somme de 1'871'963,60 francs.
M. [F] n'étant pas assuré, le Fonds de garantie automobile est intervenu pour indemniser la victime à hauteur d'un montant qu'il indique être de 184'569,52 euros.
Le 17 novembre 2011, M. [F] a apporté à la SCI Madametan 2 biens immobiliers situés sur la commune de [Localité 3] (Ain), dont il a hérité pour une valeur estimée à 150'000 euros.
C'est dans ces conditions que par acte d'huissier du 17 février 2015, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages venant aux droits du Fonds de garantie automobile, a fait citer devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse M. [F] et la SCI Madametan en demandant que l'acte d'apport de ces biens immobiliers lui soit déclaré inopposable et qu'il soit dit qu'il pourra poursuivre l'intégralité de sa créance sur ces biens situés à [Localité 3] (Ain), sollicitant l'octroi d'une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 30 juin 2016, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a :
- dit que l'action du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages n'est pas prescrite,
- dit que le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages justifie d'une créance à l'encontre de M. [F] d'un montant de 138'270,23 euros,
- déclaré inopposable au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, l'acte d'apport des 2 biens immobiliers propriété de M. [F] situés sur la commune de [Localité 3] (Ain), fait par ce dernier à la SCI Madametan le 17 novembre 2011,
- dit que le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages pourra poursuivre l'intégralité de sa créance sur les biens ci-dessus désignés,
- condamné M. [F] aux dépens et à verser une somme de 1 000 euros au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Selon déclaration du 3 août 2016, M. [F] et la SCI Madametan ont formé appel à l'encontre de ce jugement.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 16 février 2017 par M. [F] et la SCI Madametan qui concluent à la réformation du jugement et au rejet des demandes présentées par le Fonds de garantie ou subsidiairement à la confirmation du jugement en ce qu'il a fixé la créance de ce dernier à la somme de 138'270,23 euros, sollicitant l'octroi d'une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 23 décembre 2016 par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages anciennement Fonds de garantie automobile, qui conclut à la confirmation du jugement critiqué sauf à voir porter à la somme de 184'569,52 euros le montant de sa créance à l'encontre de M. [F] et de la SCI Madametan, sollicitant enfin l'octroi à la charge in solidum de ces derniers, d'une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu la communication du dossier à Mme la procureure générale et les observations écrites de cette dernière en date du 18 janvier 2018, concluant à la confirmation de la décision.
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 16 mai 2017.
MOTIFS ET DECISION
I Sur la prescription de la demande du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages :
M. [F] et la SCI Madametan soutiennent aux termes des motifs de leurs conclusions que la créance dont se prévaut le Fonds de garantie est éteinte car prescrite par application de l'article 2270-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008.
Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages soutient quant à lui qu'en effectuant des remboursements réguliers de 1992 à 2012, ainsi qu'en atteste l'historique des événements financiers, le délai de prescription a été interrompu.
Sur ce :
L'action paulienne exercée en l'espèce par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages au visa des articles 1167 et 1382 ancien du code civil, constitue une action personnelle dont le délai de prescription est fixé par l'article 2224 du code civil qui prévoit qu'elle se prescrit par 5 ans à compter du jour où le créancier a connu ou aurait dû connaître l'acte frauduleux.
L'acte de cession à la SCI Madametan des biens immobiliers dont a hérité M. [F] est intervenu le 17 novembre 2011 ; le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages a engagé son action par acte d'huissier du 17 février 2015, soit dans le délai de 5 années susvisé et il convient en conséquence de dire et juger non prescrite l'action ainsi engagée.
Le jugement qui a déclaré recevable le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages mérite confirmation.
II Sur la créance du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages :
M. [F] et la SCI Madametan soutiennent que le Fonds de garantie a produit différentes quittances aux termes desquelles il résulte que les sommes versées s'élèveraient à 138'269,59 euros, les autres versements allégués ne constituant pas des quittances subrogatives.
Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages soutient que les documents versés aux débats établissent sa créance à hauteur de 184'569,52 euros.
Sur ce :
Les documents produits en cause d'appel par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages permettent à la cour de constater que ce dernier, selon quittances correspondantes, a réglé une somme globale de 184 569,52 euros au bénéfice de la victime de l'accident.
Le jugement qui a retenu une créance de 138 270,23 euros doit donc être réformé pour prendre en compte une créance certaine de 184 569,52 euros contre M. [F] en faveur du Fonds de garantie.
III Sur l'action paulienne :
Aux termes de l'article 1167 du code civil, les créanciers peuvent, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits.
L'action paulienne ainsi exercée suppose que le créancier rapporte la preuve de l'existence d'une créance certaine dans son principe et antérieure à l'acte frauduleux et de la connaissance par le débiteur, du préjudice qu'il cause à son créancier.
Il s'avère en l'espèce qu'en 1997, M. [F] a hérité dans le cadre d'une donation partage avec réserve d'usufruit au profit des donateurs, de deux biens immobiliers situés sur la commune de [Localité 3] (Ain) d'une valeur de 323 000 francs.
Les donateurs étant décédés en 2008 et 2011, il est alors devenu pleinement propriétaire de ces biens.
Le 17 novembre 2011, il a apporté ces deux biens à la SCI Madametan.
Cet apport a abouti à appauvrir d'autant son patrimoine alors même qu'il ne pouvait ignorer en raison des condamnations définitives prononcées à son encontre et des remboursements réguliers réalisés par virements de son compte bancaire au cours des années 1992 à 2012, l'existence et le montant de la créance antérieure que détenait le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages à son encontre.
L'apport ainsi fait des deux biens immobiliers dont il était devenu propriétaire a donc été fait en fraude des droits du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, rendant ainsi impossible pour ce dernier tout recouvrement à son encontre.
Le jugement qui a déclaré l'acte d'apport du 17 novembre 2011 inopposable au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et dit que le Fonds pourra poursuivre l'intégralité de sa créance sur les biens immobiliers de [Localité 3], doit en conséquence être confirmé.
IV Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité et la situation économique des parties commandent enfin l'octroi au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages d'une indemnité de 2 000 euros à la charge in solidum de M. [F] et de la SCI Madametan qui, succombant dans leurs prétentions en cause d'appel, doivent être déboutés en leur demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement rendu le 30 juin 2016 par le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse sauf à porter à la somme de 184 569,52 euros le montant de la créance détenue par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages à l'encontre de M. [G] [F],
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. [G] [F] et la SCI Madametan à payer au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [G] [F] et la SCI Madametan de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [G] [F] et la SCI Madametan in solidum aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
Audrey PERGERAude RACHOU