R.G : 15/09864
Décision du tribunal de grande instance de Lyon
Au fond du 16 novembre 2015
4ème chambre
RG : 13/13971
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 29 Mars 2018
APPELANTS :
M. [K] [P]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1] (RHONE)
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par la SCP YVES HARTEMANN JOSEPH PALAZZOLO, avocat au barreau de LYON
Mme [P] [L] épouse [P]
née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 3] (RHONE)
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par la SCP YVES HARTEMANN JOSEPH PALAZZOLO, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
SA AXA FRANCE VIE
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par la SCP RIVA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 07 février 2017
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 février 2018
Date de mise à disposition : 29 mars 2018
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Aude RACHOU, président
- Françoise CLEMENT, conseiller
- Vincent NICOLAS, conseiller
assistés pendant les débats de Audrey PERGER, greffier placé
A l'audience, Françoise CLEMENT a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Aude RACHOU, président, et par Audrey PERGER, greffier placé, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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M. [K] [P] exerce la profession d'électricien au sein d'une société personnelle créée à cet effet au mois de juillet 2008.
Le 9 avril 2009, il a souscrit auprès de la société Axa France vie, un contrat d'assurance destiné à garantir les risques d'incapacité temporaire totale du travail et invalidité permanente partielle dans le cadre de son activité professionnelle.
En septembre 2010, il a appris, suite à un bilan biologique, qu'il était atteint d'une hépatite C ; il a bénéficié d'un arrêt de travail à compter du 27 juin 2012.
Ayant sollicité le bénéfice des prestations prévues au contrat d'assurance, M. [P] a été examiné par le médecin-conseil de la compagnie d'assurances qui a conclu dans son rapport du 26 novembre 2012, à l'antériorité de l'affection ayant justifié l'arrêt de travail, à la souscription du contrat d'assurance.
Par acte d'huissier du 29 mars 2013, M. et Mme [P] ont fait citer la société Axa France vie devant tribunal de grande instance de Lyon, en paiement des prestations dues au titre du contrat d'assurance, sollicitant le maintien de la garantie pour l'avenir, et en indemnisation de leur préjudice moral.
Par jugement rendu le 16 novembre 2015, le tribunal de grande instance de Lyon a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, :
- constaté la validité du contrat d'assurance en l'absence de fausse déclaration intentionnelle,
- constaté l'exclusion de garantie au titre de l'antériorité contractuelle de l'affection à l'origine de l'arrêt de travail,
- débouté M. et Mme [P] de l'ensemble de leurs demandes,
- dit n'y avoir lieu à indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. et Mme [P] aux dépens.
Selon déclaration du 28 décembre 2015, M. et Mme [P] ont formé appel à l'encontre de ce jugement.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 15 novembre 2016 par M. et Mme [P] qui concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté la validité du contrat d'assurance en l'absence de preuve d'une fausse déclaration intentionnelle et à sa réformation pour le surplus, demandant à la cour de :
- dire et juger que la compagnie Axa France vie doit sa garantie à M. [P] en application du contrat d'assurance prévoyance souscrit le 9 avril 2009,
- condamner la compagnie Axa France vie à verser à M. [P] les prestations dûes depuis le 28 juillet 2012, soit au 1er novembre 2013, 39 300 euros, outre de cette somme intérêts au taux légal à compter de cette date,
- dire que la garantie sera maintenue pour l'avenir dès lors qu'il répond aux conditions contractuelles d'ouverture des prestations,
- condamner la compagnie Axa France vie à verser à M. et Mme [P] la somme de 48'414,17 euros au titre de leur préjudice financier,
- condamner la compagnie Axa France vie à verser respectivement à M. [P] la somme de 10'000 euros et à Mme [P] la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral subi à la suite du refus garantie injustifié et de la résistance abusive dont a fait preuve l'assureur,
- condamner la compagnie Axa France vie aux dépens et à verser à M. [P] la somme de 2'000 euros en application de l'article 700 du code civil,
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 6 janvier 2017 par la société Axa France vie qui conclut à la réformation du jugement en ce qu'il a constaté la validité du contrat d'assurance prévoyance et demande à la cour de :
- dire et juger que le contrat d'assurance souscrit par M. [P] est nul en raison de la fausse déclaration intentionnelle commise lors de l'adhésion,
- débouter M. et Mme [P] de l'intégralité de leurs demandes,
À titre subsidiaire,
- déclarer irrecevables les nouvelles demandes formées par M. et Mme [P] en cause d'appel au titre de l'inopposabilité et de la nullité de la clause d'exclusion de garantie,
- subsidiairement constater l'opposabilité et la validité de cette clause d'exclusion de garantie,
- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté que l'affection à l'origine de l'arrêt de travail du 22 juin 2012 est exclue de la garantie,
En tout état de cause,
- rejeter la demande en dommages-intérêts pour préjudice moral et préjudice financier de M. et Mme [P],
- condamner M. et Mme [P] aux dépens et à payer une indemnité de 2 000 euros à la compagnie Axa France vie au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 7 février 2017.
MOTIFS ET DECISION
I. Sur la nullité du contrat d'assurance :
La société Axa France vie soutient que M. [P], interrogé sur ses antécédents de santé aux termes de questions précises et dénuées d'ambiguïté, a commis une fausse déclaration en ne mentionnant pas l'existence des résultats alarmants des derniers bilans réalisés en septembre 2008, janvier et mars 2009 ; elle ajoute que ces omissions étaient nécessairement intentionnelles de façon à éviter une surprime ou un refus de garantie ; qu'enfin cette fausse déclaration a vicié l'appréciation du risque pour l'assureur.
M. [P] prétend quant à lui n'avoir pas répondu à un questionnaire de santé précis et détaillé, se bornant à une déclaration de santé particulièrement succincte établie en termes généraux ne lui permettant pas de réponses précises ; il ajoute que l'assureur ne rapporte aucunement la preuve de sa mauvaise foi alors même qu'il a en toute bonne foi, déclaré n'être porteur d'aucune maladie ou affection quelconque ponctuelle chronique, lors de la signature du contrat d'assurance litigieux ; il expose enfin que la compagnie d'assurance ne démontre nullement que les résultats des analyses biologiques réalisées en janvier et mars 2009 auraient justifié des conditions de prise en charge restrictives.
Sur ce :
L'article L. 113-2 2° du code des assurances dispose que 'L'assuré est obligé de répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge.'
Aux termes de l'article L. 113-8 du code des assurances, 'Le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change la nature du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé a été sans influence sur le sinistre.'
Il appartient dès lors à l'assureur qui invoque la nullité du contrat d'assurance, de rapporter la preuve à la fois du caractère intentionnel de la déclaration incorrecte et de ce que celle-ci a changé l'objet du risque ou son appréciation.
La société AXA France vie produit en cause d'appel le formulaire de déclaration du risque soumis à M. [P] ; ce dernier ne conteste pas que les déclarations portées en annexe au certificat d'adhésion du 9 avril 2009 sous la rubrique 'déclarations de l'assuré', consistent bien dans ses réponses à la rubrique 'questionnaire médical simplifié' figurant au formulaire désormais produit.
Il ressort ainsi de la lecture des questions posées par l'assureur et réponses apportées par l'assuré, qu'à la question 'Avez-vous subi des examens spécialisés au cours des 12 derniers mois pour raison de santé '', M. [P] a répondu par la négative de même qu'il a répondu non à la question 'A votre connaissance, devez-vous être hospitalisé ou subir un bilan ''.
Le rapport du docteur [N], médecin conseil de la compagnie, produit au dossier par M. [P] lui-même, fait état :
- d'un bilan biologique de surveillance réalisé le 22 septembre 2008, objectivant des anomalies à plusieurs titres,
- d'un bilan biologique réalisé le 15 janvier 2009 objectivant une cytolyse hépatique,
- d'un bilan biologique réalisé le 26 mars 2009 objectivant une nouvelle fois les anomalies constatées le 22 septembre 2008,
- d'un courrier du docteur [B], médecin traitant de M. [P] qui rapporte l'existence de bilans occasionnels des transaminases sur les 10 dernières années et l'alerte donnée par le bilan du 22 septembre 2008, complété par une échographie abdominale montrant une simple hépatomégalie, alors que le patient qui rapportait une consommation d'alcool élevée, se trouvait à cette époque, sous Citalopram qui a été arrêté.
Alors même qu'il venait de subir trois bilans biologiques faisant état d'anomalies ayant justifié la réalisation d'un examen complémentaire spécialisé par échographie et justifiant une future consultation spécialisée en hépatologie à laquelle l'avait adressé son médecin traitant aux termes d'un courrier du 27 mars 2009, M. [P], régulièrement suivi depuis qu'il avait été traité pour une hépatite chronique active au VHB en 1986, ne pouvait ainsi répondre par la négative aux questions 'Avez-vous subi des examens spécialisés au cours des 12 derniers mois pour raison de santé '' et 'A votre connaissance, devez-vous être hospitalisé ou subir un bilan ''.
Contrairement à ce que soutient ce dernier, les termes 'examens spécialisés' et 'bilans' sont clairs et ne nécessitent aucune définition plus précise d'ordre médical.
Il est ainsi établi qu'en ne déclarant pas au moment de son adhésion au contrat d'assurance, le 9 avril 2009, qu'il avait fait l'objet d'examens spécialisés et qu'il devait se rendre en consultation auprès d'un service d'hépatologie, M. [P] a manifestement commis une fausse déclaration.
Son attention avait été attirée aux termes du formulaire de déclaration de risque, situé juste en dessous du questionnaire médical, sur l'importance de répondre avec exactitude aux questions posées et les conséquences pouvant résulter d'une omission ou d'une fausse déclaration telles que prévues par l'article L. 113-8 du code des assurances, en matière de nullité ou de réduction des indemnités.
Si M. [P] a pu ignorer en avril 2009, qu'il se trouvait atteint d'une maladie chronique diagnostiquée à l'automne 2010, il ne pouvait cependant ignorer que son état de santé était alarmant aux termes des trois examens de sang réalisés dans les mois ayant précédé la souscription de son contrat d'assurance, objectivant une destruction des cellules du foie qui avait conduit son médecin traitant à organiser une consultation en hépatologie.
En souscrivant le contrat d'assurance sans se rendre à cet examen spécialisé, sans en mentionner l'existence et sans mentionner l'existence des examens spécialisés qu'il venait de subir, il est démontré qu'il a commis intentionnellement cette fausse déclaration auprès de son assureur.
Cette fausse déclaration a nécessairement vicié l'appréciation du risque par la société Axa France vie qui informée des examens sanguins de M. [P] et de la réalisation prochaine d'un bilan, aurait pu légitimement exiger un examen médical et éventuellement émettre des conditions restrictives de garantie ou un refus d'affiliation.
Les conditions requises par les dispositions susvisées du code des assurances au titre de la nullité du contrat sont donc remplies et il convient en conséquence, réformant la décision du premier juge, de prononcer la nullité du contrat d'assurance souscrit par M. [P].
Il convient dès lors de débouter ce dernier et son épouse de l'intégralité de leurs demandes tendant à la fois à une prise en charge au titre du contrat d'assurance et à l'indemnisation des préjudice subis à la suite du refus de garantie émis par l'assureur.
II. Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité et la situation économique des parties commandent enfin l'octroi à la société Axa France vie d'une indemnité de 1 500 euros à la charge de M. [K] [P] et de Mme [P] [L] épouse [P] qui, succombant en cause d'appel, ne peuvent qu'être déboutés en leur demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement rendu le 16 novembre 2015 en ce qu'il a constaté la validité du contrat d'assurance souscrit par M. [K] [P] et Mme [P] [L] épouse [P], et l'exclusion de garantie au titre de l'antériorité contractuelle de l'affection à l'origine de l'arrêt de travail,
Réformant de ce chef et statuant à nouveau,
Prononce la nullité du contrat d'assurance souscrit le 9 avril 2009 par M. [K] [P],
Confirmant pour le surplus et y ajoutant,
Condamne M. [K] [P] et Mme [P] [L] épouse [P] à payer à la société Axa France vie une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. [K] [P] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [K] [P] et Mme [P] [L] épouse [P] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
AUDREY PERGER AUDE RACHOU