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16/03/2018 | FRANCE | N°17/05200

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 16 mars 2018, 17/05200


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 17/05200





SAS LABORATOIRES ARKOPHARMA



C/

[U]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG EN BRESSE

du 03 Juillet 2017

RG : R 17/00026





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 16 MARS 2018





APPELANTE :



SAS LABORATOIRES ARKOPHARMA

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représent

ée par Me Romain LAFFLY, avocat postulant de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON

Ayant pour avocat plaidant Me Elodie MOINE, avocat au barreau de GRASSE ( cabinet FIDAL)







INTIMÉ :



[E] [U]

[Adresse 2]

[Adres...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 17/05200

SAS LABORATOIRES ARKOPHARMA

C/

[U]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG EN BRESSE

du 03 Juillet 2017

RG : R 17/00026

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 16 MARS 2018

APPELANTE :

SAS LABORATOIRES ARKOPHARMA

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Romain LAFFLY, avocat postulant de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON

Ayant pour avocat plaidant Me Elodie MOINE, avocat au barreau de GRASSE ( cabinet FIDAL)

INTIMÉ :

[E] [U]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Henri PARADO , avocat postulant de la SCP HAMEL ET PARADO, avocat au barreau de LYON

Ayant pour avocat plaidant Me Myriam DUBURCQ, avocat au barreau de GRASSE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 01 Février 2018

Présidée par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Carole NOIRARD, Greffier placé.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Elizabeth POLLE-SENANEUCH, président

- Laurence BERTHIER, conseiller

- Thomas CASSUTO, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 16 Mars 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS PROCÉDURE PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES.

[E] [U] a été embauché par la Société Laboratoires Arkopharma, par contrat à durée indéterminée du 21 mars 1990 en qualité d'attaché commercial, statut cadre.

Un avenant à ce contrat de travail prévoyait sa rémunération sur la base d'un fixe et d'une prime mensuelle sur objectifs, le remboursement des frais professionnels et la mise à disposition d'un véhicule de société, qu'il s'engageait à restituer lors de la cessation du contrat de travail pour quelque cause que ce soit.

Par lettre recommandée du 18 novembre 2016, la société a notifié à [E] [U] son licenciement pour motif économique et lui a proposé d'adhérer au congé de reclassement. La lettre de licenciement mentionne que «pendant toute la durée de votre préavis, vous conserverez votre véhicule professionnel, carte GR et péage ainsi que votre téléphone portable. Nous vous enverrons prochainement un courrier pour vous informer des modalités pratiques de retour, à l'issue de votre préavis, de votre véhicule et accessoires et de votre téléphone et accessoires. »

Monsieur [U] a accepté d'adhérer au congé de reclassement le 23 novembre 2016.

Le 6 février 2016, la société a mis en demeure Monsieur [U] de restituer le véhicule mis à sa disposition au terme de son préavis fixé selon elle au 22 février 2017, ce que ce dernier a contesté selon courrier du 13 février 2017 estimant que le préavis prendrait fin avec le reclassement.

Le 13 février 2017, un accord a été signé entre le salarié et la société sur les modalités de mise en oeuvre du congé de reclassement.

Le 27 février 2017, la société a mis en demeure le salarié de restituer le véhicule.

Le 27 avril 2017, après plusieurs échanges avec Monsieur [U] , la société a saisi le Conseil de prud'hommes de BOURG EN BRESSE en sa formation des référés, aux fins de restitution du véhicule de fonction sous astreinte et de paiement d'une provision au titre des dommages-intérêts.

Par ordonnance du 03 juillet 2017, le Conseil, au visa de l'article R.1455-5 du Code du travail, a :

- dit que la demande en référé de la société Laboratoire ARKOPHARMA est prématurée;

- constatant les circonstances très sérieuses et l'affaire non évidente,

- débouté la société Laboratoire ARKOPHARMA de ses demandes l'invitant à mieux se pourvoir au fond,

- laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens..

Pour statuer ainsi, le conseil a considéré qu'il existe une contestation sérieuse quant à la prolongation du contrat de travail et des avantages y afférents pendant le congé de reclassement et qu'il apparaît que la saisine de la formation des référés par la société a été faite vant la consultation du Comité d'entreprise comme prévu dans l'accord signé.

Le 12 juillet 2017, la société Laboratoires Arkopharma a régulièrement interjeté appel de cette ordonnance .

Par ses conclusions régulièrement signifiées , la société demande à la cour :

-d'infirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

-de condamner Monsieur [U] à lui restituer le véhicule de fonction et ses accessoires et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à venir, dont la cour se réservera la faculté de liquidation ;

- de condamner Monsieur [U] à lui payer la somme de 6.000 euros à titre de provision sur les dommages et intérêts ;

- de débouter M. [U] de toutes ses demandes ;

- de condamner M. [U] à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens avec distraction au profit de Me LAFFLY avocat sur son affirmation de droit.

La société soutient en substance pour justifier qu'aucune contestation sérieuse ne s'oppose à sa demande, d'une part que le salarié doit restituer le véhicule de fonction à l'issue de la durée de son préavis et ce quand bien même les effets de la rupture de son contrat de travail sont différés après la fin de son préavis, d'autre part que le congé de reclassement ne constitue pas une prolongation ou une suspension du contrat de travail , de sorte que le salarié devait dès lors restituer le véhicule à l'issue du préavis , le maintien du téléphone portable pendant le congé de reclassement étant indifférent .

Elle ajoute que l'article L.1233-72 du Code du travail ne saurait signifier que le salarié serait en préavis pendant toute la période de congé de reclassement , la volonté du législateur étant en réalité simplement de reporter l'établissement du solde de tout compte à l'issue du congé de reclassement de sorte qu'il n'y a aucun doute sur les dates de début et de fin du préavis en cas d'adhésion au congé de reclassement.

Elle invoque que l'accord collectif du 21 février 2006 ne porte pas sur les conditions de restitution des véhicules et n'impose donc pas de saisir préalablement le comité d'entreprise.

Elle soutient qu'il existe une urgence qui résulte des conséquences dommageables du défaut de restitution du véhicule de fonction par Monsieur [U] puisque du fait du défaut de restitution, elle a été contrainte de poursuivre la location du véhicule en cause et de louer un autre véhicule pour un autre salarié.

Elle indique que le défaut de restitution constitue un trouble manifestement illicite, Monsieur [U] ne disposant d'aucun droit, ni titre pour conserver le véhicule.

Par conclusions régulièrement signifiées Monsieur [U] demande à la cour, au visa des articles R.1255-5 et R.1255-7 du Code du travail et de l'accord d'entreprise conclu le 21 février 2006, de :

- confirmer l'ordonnance déférée ;

- débouter la société de ses demandes ;

- condamner la société au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur [U] réplique en substance que l'article 9 de l'accord d'entreprise relatif à l'utilisation des véhicules de fonction prévoit une procédure de conciliation préalable devant le comité d'entreprise ;

Il soutient que :

* la demande en restitution d'un véhicule s'analyse en une obligation de faire qui ne peut alors être fondée que sur les dispositions des articles R.1455-7 et éventuellement 8.1455-5 du Code du travail et qu'une contestation sérieuse s'oppose à la restitution , de sorte que le salarié doit conserver l'usage de son véhicule de fonction pendant une période de suspension du contrat de travail : en effet, si le contrat de travail a été rompu à la date d'envoi de la lettre de licenciement, les effets de cette mesure sont reportés jusqu'à la fin du préavis et du congé de reclassement, puisque pendant le congé de reclassement, il a toujours des obligations à l'égard de la société ;

Il précise que la société a d'ailleurs maintenu l'autre avantage en nature qui est la mise à disposition d'un téléphone,

Il ajoute que l'article R.1233-32 du Code du travail ne peut servir de fondement à la restitution du véhicule et que l'article L.1233-72 dispose que le préavis est reporté à la fin du congé de reclassement de sorte que pendant la période de préavis même s'il n'est pas exécuté, le salarié doit conserver le véhicule mis à disposition.

Il indique que l'article 6 du contrat de travail stipule que le véhicule de fonction est restitué lors de la cessation du contrat et fait référence à la cessation et non à la rupture du contrat , la cessation du contrat n'étant pas encore intervenue en l'état de l'acceptation du congé de reclassement. Il soutient ainsi que la discussion juridique démontre l'existence d'une contestation sérieuse ainsi que l'a retenu le conseil des prud'hommes et la nécessité d'un débat au fond, du reste porté devant le conseil des prud'hommes de Grasse.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il sera référé pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont régulièrement signifiées.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 16 janvier 2018.

MOTIVATION.

Sur la procédure de conciliation préalable :

L'article 9 de l'accord d'entreprise relatif à l'utilisation des véhicules de fonction des personnels commerciaux prévoit que : « En cas de litige individuel né à l'occasion de l'application de cet accord, les parties conviennent de le soumettre au Comité d'Entreprise ».

Le litige individuel en cause porte sur la restitution du véhicule de fonction et non sur l'application de l'accord. Or, aucune des stipulations de l'accord ne prévoit les modalités de restitution du véhicule. La société n'avait donc pas à soumettre préalablement le litige au comité d'entreprise contrairement à ce que Monsieur [U] prétend.

Sur la demande de restitution du véhicule.

L'article R 1455-5 du Code du travail dispose que dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. ».

L'article R.1455-6 du Code du travail dispose que la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »

L'article R.1455-7 du Code du travail dispose que « dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. »

Il résulte de l'article 6 de l'avenant au contrat de travail que Monsieur [U] s'est engagé à restituer le véhicule mis à sa disposition par la société lors de la cessation du contrat pour quelle que cause que ce soit.

Il résulte de l'accord sur les modalités de mise en oeuvre du congé de reclassement en son article 1 - durée du congé de reclassement que : "la durée du congé de reclassement est fixée à quinze (15) mois en ce compris la période de préavis. Sous réserve de la signature du présent accord par le salarié, le congé de reclassement débute le 02 décembre 2016 et s'achève le 01 mars 2018, cette dernière date constituant le terme du contrat de travail du salarié.(...)".

L'article L.1233-72 du code du travail dispose que :

"Le congé de reclassement est pris pendant le préavis, que le salarié est dispensé d'exécuter.

Lorsque la durée du congé de reclassement excède la durée du préavis, le terme de ce dernier est reporté jusqu'à la fin du congé de reclassement.

Le montant de la rémunération qui excède la durée du préavis est égal au montant de l'allocation de conversion mentionnée au 3 de l'article L.5123-2. Les dispositions des articles L.5123-4 et L.5123-5 sont applicables à cette rémunération."

En application des dispositions de l'article L.1234-5 du code du travail, le salarié dispensé de l'exécution de son préavis ne peut être tenu, même en application d'un engagement mis dans le contrat de travail, de restituer l'avantage en nature constitué par la mise à disposition d'un véhicule de fonction pour un usage professionnel et personnel.

En l'espèce, les éléments soumis à la Cour, statuant sur appel d'une ordonnance de référé démontrent qu'il est ici nécessaire d'analyser les clauses tant du contrat de travail que de l'accord sur les modalités de mise en oeuvre du congé de reclassement, au regard des textes applicables, pour déterminer la date à laquelle le contrat de travail a cessé et la date de restitution du véhicule de fonction.

Ces éléments de discussion constituent une contestation sérieuse qui s'oppose à la demande de restitution du véhicule devant le juge des référés .

Cette question relève donc du juge du fond , du reste d'ores et déjà saisi.

De plus le refus du salarié de restituer le véhicule de fonction mis à sa disposition pour un usage professionnel et personnel, sans que ne lui soit opposé aucune dégradation du matériel, ne caractérise pas un trouble manifestement illicite permettant d'obtenir la restitution dudit véhicule, laquelle sera en tout état de cause intervenue, lorsque la Cour aura rendu son délibéré.

Par suite, il y a lieu de confirmer l'ordonnance rendue dans toutes ses dispositions.

La société Laboratoires ARKOPHARMA qui succombe sera condamnée à payer à Monsieur [U] la somme de 1.200 € au titre de sa participation aux frais irrépétibles engagés en cause d'appel ainsi que les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Laboratoires Arkopharma à payez à [E] [U] la somme de 1.200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS Laboratoires Arkopharma aux entiers dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRESIDENTE

Malika CHINOUNE Elizabeth POLLE-SENANEUCH


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 17/05200
Date de la décision : 16/03/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°17/05200 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-16;17.05200 ?
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