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16/03/2018 | FRANCE | N°16/04988

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 16 mars 2018, 16/04988


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 16/04988

(Jonction avec le dossier 16/05413)





SA VETOQUINOL



C/

[L]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

du 23 Mai 2016

RG : F 15/00209

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 16 MARS 2018





APPELANTE :



SA VETOQUINOL

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représent

ée par Me Corinne BARON-CHARBONNIER, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE





INTIMÉE :



[I] [L]

née le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Comparante en personne, assistée de Me Michel NIEF, avocat au barreau de ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 16/04988

(Jonction avec le dossier 16/05413)

SA VETOQUINOL

C/

[L]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

du 23 Mai 2016

RG : F 15/00209

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 16 MARS 2018

APPELANTE :

SA VETOQUINOL

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Corinne BARON-CHARBONNIER, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

INTIMÉE :

[I] [L]

née le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Comparante en personne, assistée de Me Michel NIEF, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Janvier 2018

Présidée par Natacha LAVILLE, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Michel SORNAY, président

- Natacha LAVILLE, conseiller

- Sophie NOIR, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 16 Mars 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société VETOQUINOL exerce au sein de plusieurs agences implantées sur le territoire national une activité de préparation, fabrication, conditionnement, importation, exportation, achat, vente en gros et distribution de spécialités pharmaceutiques à usage vétérinaire et humain.

Elle applique la convention collective nationale de fabrication et commerce des produits à usage pharmaceutique, parapharmaceutique et vétérinaire.

Suivant contrat à durée indéterminée, la société ORSCO a engagé [I] [L] en qualité de responsable commerciale à compter du 21 mars 2002.

Le contrat à durée indéterminée a été transféré à compter du 1er février 2013 à la société VETOQUINOL avec maintien de l'ancienneté de la salariée à la suite du rachat de la société ORSCO par cette entreprise le 25 septembre 2012.

[I] [L] a alors exercé au sein au sein de l'agence de TARARE les fonctions de chef de zone ASIE, niveau 8, catégorie cadre, moyennant un salaire brut de 4 730 € outre une prime d'objectif, un 13ème mois, une prime de vacances et une prime d'intéressement et la rémunération des frais professionnels.

En dernier lieu, [I] [L], qui était sous la subordination hiérarchique de [X] [Y], percevait un salaire mensuel brut de 4 730 €.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 février 2015, la société VETOQUINOL a convoqué [I] [L] le 6 mars 2015 en vue d'un entretien préalable à son licenciement et lui a notifié sa mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 mars 2015, la société VETOQUINOL a notifié à [I] [L] son licenciement dans les termes suivants:

'Madame,

À la suite de l'entretien préalable à licenciement du 6 mars 2014 avec Monsieur [X] [Y], Directeur Groupe Asie Pacifique et Monsieur [J] [W], Responsable Ressources Humaines Hors Industriel VSA, et après réexamen des faits et des échanges intervenus au cours de cet entretien préalable, nous avons le regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour insuffisance professionnelle pour les motifs suivants :

Vous avez été embauchée par la société ORSCO le 21 mars 2002, en tant que Responsable Commercial.

La société ORSCO a été acquise par la société VETOQUINOL le 25 septembre 2012.

Depuis le 1er février 2013, vous occupez la fonction de Chef de Zone Export Asie, poste ouvert au recrutement à cette époque et sur lequel vous avez candidaté.

Votre fonction consiste à animer un réseau d'agents dans la zone dont vous avez la charge, en l'occurrence l'Asie, dans le but de réaliser les objectifs de chiffre d'affaires et de marge dans le respect des Politiques commerciales de VETOQUINOL.

Vos années 2013 et 2014 ont donné lieu à une évaluation en 4 dans le cadre du processus société 'PACTE' d'évaluation des collaborateurs, soit à un niveau en-deça du standard requis en raison d'une non-maîtrise des compétences fondamentales du poste sur la base d'écarts précédemment constatés.

Malgré les plans d'actions mis en oeuvre avec un suivi rapproché de votre hiérarchie, les carences identifiées durant les années précédentes ont persisté. Elles sont illustrées par des faits récents

Insuffisances en termes de rigueur de travail et non-respect des échéances

Votre manque de rigueur a eu pour conséquences des retards dans la préparation de projets importants pour VETOQUINOL. Les dossiers relevant de votre responsabilité directe sont repris soit par vos collègues de travail soit par votre hiérarchie afin de solutionner les situations en urgence. Ces insuffisances se sont accentuées depuis votre arrivée et les plans d'accompagnement réalisés n'ont pas été suffisants pour les résorber.

En tant que chef de projet interne, vous deviez préparer la participation de VETOQUINOL au congrès VIV qui se déroulait du 11 au 13 mars 2015, ainsi que l'organisation d'un séminaire avec nos distributeurs asiatiques les 9 et 10 mars 2015. Dans ce cadre, vous aviez notamment communiqué à notre distributeur qui devait nous apporter un support dans l'organisation de ce congrès et de ce séminaire, que vous prendrez en charge seule ce projet, compte tenu de votre expérience dans l'organisation de ce type d'évènement. En date du 28 octobre 2014, vous avez défini, en collaboration avec le Responsable Marketing et Technique Distributeurs Monde, un planning d'organisation, du salon VIV 2015 et séminaire distributeurs et cela faisant suite au déplacement que votre supérieur a organisé à Bangkok fin octobre 2014 en compagnie de toutes les parties prenantes afin de vous faciliter la prise en charge de ce dossier. Vous deviez alors organiser le déplacement, effectuer la réservation d'hôtel selon un cahier des charges défini, organiser le séminaire et préparer l'aménagement du stand de VETOQUINOL pour le congrès.

Le 9 janvier 2015, lors d'un point avec votre supérieur, celui-ci vous fait part de son inquiétude quant à l'avancement de ce projet et vous demande un point écrit complet devant indiquer : les actions réalisées et restant à effectuer avec les dates de réalisation, la liste des collaborateurs concernés par ces actions, ainsi que la liste des invités aux séminaires. En date du 13 janvier 2015, il vous demande par ailleurs de confirmer au plus vite la réservation de l'hôtel, de fournir le projet de programme du séminaire pour discussion et validation, la liste des décisions à prendre pour arbitrage en cas de désaccord et diffuser cette liste aux membres de l'équipe concernés par cet évènement. Ces missions ont été réalisées de façon très incomplète, dans la mesure où les actions n'ont pas été octroyées aux bonnes personnes compétentes pour les faire, et le rapport ne mentionnait aucune date de réalisation, ce qui laissait présager d'une dérive qui s'est confirmée par la suite.

Malgré plusieurs relances de votre hiérarchie et du Responsable Marketing et Technique, vous n'avez pas réussi à tenir les délais fixés. Un certain nombre de missions restait encore à réaliser. La réservation de l'hôtel n'était pas finalisée en raison d'hôtels présélectionnés tardivement en janvier 2015. Les hôtels se trouvaient alors en situation d'indisponibilité ou les prix proposés étaient inabordables à cette date. Ce retard dans la préparation a eu pour conséquence un non-respect du cahier des charges initialement défini.

Afin de ne pas mettre en péril l'organisation et suite à l'inquiétude tant du partenaire que des équipes, votre supérieur vous informe en date du 22 janvier 2015 de sa décision de ne plus vous confier ce projet. Vos collègues de travail ayant repris l'organisation de ce séminaire nous ont fait part de leur mécontentement quant à votre manque d'implication sur un évènement aussi important et relevant entièrement de votre fonction. Vous expliquez ce retard à vos collègues de travail en raison de votre absence du 21 au 28 janvier 2015 alors que celle-ci était prévue bien à l'avance (jours de repos planifiés suite à votre demande en date du 28 novembre 2014).

Les difficultés que vous éprouvez dans la préparation des dossiers est pénalisant pour le bon fonctionnement de l'activité. Elles ont pour conséquence de mettre le restant de l'équipe devant le fait accompli en les obligeant notamment à gérer des missions relevant de votre fonction au détriment de la réalisation des leurs. De plus, elles ne renvoient pas une image positive de notre laboratoire auprès de nos clients et distributeurs. Le partenaire thaïlandais habitué à collaborer avec VETOQUINOL depuis plus d'une décennie pour organiser cet évènement a été perturbé par le manque de professionnalisme et s'est inquiété de ne voir rien avancer alors que lui-même représentant quatre sociétés avait fait ce que nous aurions dû faire.

Ces difficultés s'illustrent également dans la qualité de votre travail.

Les compte rendus de visite sont bien souvent incomplets et ne répondent pas aux objectifs fixés avant vos déplacements Ainsi, vous vous êtes déplacée au Vietnam dans l'objectif de rencontrer nos distributeurs du pays en date du 17 au 23 octobre 2014. A ce titre, et après relances de votre hiérarchie, vous avez fait parvenir en date du 13 octobre 2014 le programme de votre déplacement. Votre programme de visite était insuffisamment détaillé. Il ne contenait des objectifs de visite qu'en faible nombre, malgré les objectifs attendus de votre poste et compte tenu de votre niveau de responsabilité et de votre expérience en tant que Responsable Commercial,

En effet, vous listez à plusieurs reprises les personnes que vous allez rencontrer sans définir les objectifs à atteindre lors de ces entretiens (problématique, vente éventuelle '...). De par votre niveau de responsabilité et votre expérience, vous devriez savoir qu'une rencontre n'est pas un objectif. Compte tenu de votre mission principale qui est de développer le chiffre d'affaires sur votre zone (raison d'être et mission n°1 de votre définition de fonction), nous attendons de votre part une analyse plus fine de vos déplacements et des objectifs précis et en lien pour chaque entretien.

Ces éléments sont d'autant plus insuffisants dans la mesure où votre rapport de visite après ce déplacement ne contient pas les réponses aux questions posées par votre hiérarchie avant votre départ. Par exemple, le programme initial réalisé par vos soins prévoit de « rencontrer les key accounts (compte-clés) » les 21 et 22 octobre 2014, sans en préciser les objectifs. Or dans votre compte rendu de visite, vous n'évoquez nullement cette rencontre sans savoir si elle a bien eu lieu et, le cas échéant, la teneur de ces échanges.

La préparation de vos dossiers est donc insuffisante, tout comme les compte rendus réalisés après vos déplacements. De plus, les comptes rendus suite au déplacement sont émis dans la majeure partie des cas deux mois après l'événement. Or, pendant ce temps, des événements prévus suite à ces déplacements peuvent se passer sans qu'aucune action ne soit faite après de votre part. Dans certains cas, les actions sont réalisées suite à relance du partenaire concerné. Votre collègue de travail, en charge du marketing technique au sein de la Direction, et interagissant en transverse avec tous les chefs de zone, nous remonte régulièrement son insatisfaction quant au fait de recevoir vos comptes rendus très en retard. Ces retards ont un impact sur la réalisation de ses missions. Votre collègue s'en rend bien souvent compte lors de ses déplacements où il remarque que ces actions ont été menées, ou non, par vos soins sans qu'il en soit au courant. Voici quelques exemples :

- Visite de la Malaisie le 25 novembre 2013 : compte rendu reçu le 21 février 2014, soit environ 3 mois de retard.

- [R] rencontré le 3 février 2014: compte rendu reçu le 12 mars 2014 soit plus d'un mois de retard

- Déplacement Amcovet du 27 octobre 2014 : compte rendu reçu le 2 décembre 2014 soit plus d'un mois de retard

Ces retards ont pour effet de nuire au développement du CA sur votre zone.

Enfin, cette insuffisance en termes de rigueur et de respect des échéances se caractérise dans la réalisation de tâches simples, malgré des rappels sur le sujet ainsi qu'un accompagnement des personnes concernées.

En effet, vous rendez bien souvent vos notes de frais relatives à vos déplacements avec plusieurs mois de retard, malgré le support des assistantes du service qui les saisissent sur la base des documents que vous leur envoyez. En juin 2014, suite à la réception de documents datant d'octobre à décembre 2013,nous vous avions demandé de nous faire parvenir vos notes de frais dans le mois qui suivait vos déplacements pour des raisons notamment de comptabilité et de planification des dépenses. Malgré cela, en juillet 2014 également, vous nous soumettiez vos notes de frais du ter trimestre avec plusieurs mois de retard. En date du 22 octobre 2014 également, nous vous avons de nouveau signifié de les transmettre plus rapidement en raison de notes de frais reçus en octobre 2014 et datant de juin et juillet 2014. Enfin, en date du 28 janvier 2015, nous étions dans l'obligation de vous relancer pour nous restituer vos notes de frais d'octobre et novembre 2014.

Nous avons dû absorber des dépenses de 2013 sur l'année 2014 (6 notes de frais datant d'octobre à décembre 2013 et soumises en mai 2014.) Ces notes de frais représentent un montant total de 3.839,73 €, impactant donc de manière non négligeable le budget 2014 alors qu'elles devaient intégrer l'exercice 2013.

Votre manque d'anticipation, de préparation et d'analyse de vos dossiers est pénalisant pour le bon fonctionnement de l'activité et préjudiciable pour le développement du chiffre d'affaires de votre zone. Ces insuffisances professionnelles sont d'autant plus préjudiciables quand elles s'accompagnent d'un manque d'autonomie et d'organisation dans votre travail.

Insuffisances en termes d'autonomie et organisation du travail

Votre manque d'autonomie et d'organisation dans votre travail ont eu pour conséquences des pertes de temps induites par de nombreuses interventions de vos collègues de travail et de votre hiérarchie sur des missions relevant normalement de votre responsabilité. Depuis votre arrivée sur le poste, nous déplorons votre manque d'initiative sur certaines missions qui sont pourtant clés pour votre fonction.

En effet, à chaque fin d'année, vous avez pour mission principale de préparer le budget prévisionnel de votre zone.

Or nous constatons que vous ne réalisez pas cette mission, et ce malgré l'accompagnement réalisé pour chaque cycle budgétaire (2013, 2014 et 2015). Votre responsable a dû reprendre en direct cette mission en raison de votre manque d'implication et de proactivité sur le sujet. Pour l'année 2014, vous aviez pour objectif de préparer le budget prévisionnel 2015. Cet objectif vous a été transmis et formalisé en début d'année 2014 dans le cadre de notre process d'entreprise relatif aux évaluations et à la fixation des objectifs. Or, nous sommes contraints de constater que vous ne l'avez pas initié, malgré l'accompagnement de votre manager sur le sujet.

Pour qualifier votre manque d'implication et de proactivité, vous avez ainsi demandé à participer à distance à une réunion de présentation du budget prévisionnel 2015-qui devait se tenir le 13 octobre 2014 en présence de la Direction Générale. Cette dernière ayant pour volonté d'intégrer à ces réunions chaque responsable d'activité à travers le monde afin que celui-ci puisse partager au plus haut niveau le budget qu'il présente. Cet évènement illustre votre manque de compréhension de l'enjeu d'une telle réunion et plus généralement de votre mission. Cette demande de participation à distance vous a été refusée par retour de mail de votre responsable qui a insisté sur l'importance de votre présence.

De façon plus générale, nous constatons un manque d'investissement et de compréhension de votre rôle chez VETOQUINOL. Depuis votre arrivée en 2012, nous déplorons votre manque de focalisation sur les points d'amélioration de votre fonction pourtant rappelés régulièrement, en raison de vos nombreuses demandes relatives à vos conditions de travail qui sont en-dehors des processus habituellement appliqués pour tous les collaborateurs de la société.

Ainsi, à plusieurs reprises, vous nous avez par exemple mis devant le fait accompli pour des situations de télétravail. Il est d'usage d'accorder une certaine souplesse aux collaborateurs pour demandes exceptionnelles en ce sens (1 à 3 collaborateurs par an). En raison de la fréquence de vos demandes au cours de l'année 2014 qui devenait de plus en plus importante (5 sur le premier semestre), nous avons dû refuser les dernières car nous ne pouvions gérer votre situation en décalage par rapport à nos règles internes.

Il en va de même lorsqu'en juin 2014, vous soumettez à votre hiérarchie une note de frais relative à des soins de thalassothérapie. Ce qui ne peut pas être considéré comme des frais professionnels et qui est connu de tous.

Par ailleurs, vous signifiez dans votre planning avoir travaillé un weekend lors de votre déplacement au Vietnam en octobre 2014. En effet, votre programme initial s'établit sur les vendredi 17, lundi 20, mardi 21, mercredi 22 et jeudi 23 octobre 2014. Or, à votre retour, vous signifiez dans votre planning avoir travaillé les samedi 18 et dimanche 19 octobre 2014, ceci dans le but de bénéficier de journées de récupération. Vous n'êtes pas sans savoir que seuls les jours travaillés sur place ou équivalents à un déplacement sont récupérables (règles rappelées lors de nos différents points ainsi qu'en réunion de service le 12 mai 2014. De plus, ces règles font l'objet régulièrement de communication d'entreprise (compte rendu Délégués du Personnel diffusé sur l'intranet).

Par conséquent, l'ensemble de ces carences et manquements quant aux compétences et comportements clés du poste ne peuvent perdurer.

L'évaluation de vos performances en 2013 et 2014 dans le cadre du processus société « PACTE » ont conclu à l'exécution de votre fonction en-deçà du niveau standard attendu. Votre hiérarchie, Monsieur [X] [Y] ainsi que Monsieur [A] [I] votre N+2, ont acté par écrit un niveau nettement en-deçà du niveau attendu, malgré l'accompagnement prodigué. Ainsi, malgré le fait que votre hiérarchie ne vous ait pas confié en 2013 l'intégralité des missions du poste compte tenu de votre arrivée chez VETOQUINOL en février 2013, vous avez été évaluée pour les années 2013 et 2014 en-deçà du niveau requis pour des missions importantes qui ont pu être évaluées. Par conséquent, nous n'observons aucune amélioration depuis votre arrivée, et ceci malgré votre expérience significative de Responsable Commercial.

Pour pallier à ces carences, votre hiérarchie a mis en place un accompagnement spécifique en 2014 dans le cadre de la politique société en prenant en charge des missions de votre fonction, afin de mieux vous focaliser sur certains aspects de votre travail, en vous sollicitant mensuellement pour connaitre vos difficultés au quotidien dans vos différentes activités, et en se rendant disponible pour échanger à votre initiative et pour vous aider au mieux dans vos missions. De plus, un suivi particulier est mis en oeuvre depuis 2013. Des entretiens réguliers, à raison d'un point mensuel, ont lieu avec la hiérarchie dans l'objectif de vous accompagner sur votre fonction.

Or force est de constater que malgré ces mesures d'accompagnement exceptionnelles, les carences professionnelles identifiées en 2013 et 2014 n'ont pas été comblées en 2015, et ceci malgré votre expérience professionnelle significative de 13 ans en tant que responsable commercial.

Vos insuffisances professionnelles ont pour conséquence de contraindre votre hiérarchie et vos collègues à suppléer vos missions du fait de votre manque d'autonomie.

Lors de l'entretien préalable en date du 6 mars 2014, vous avez refusé d'initier notre échange en raison de la présence de [X] [Y], votre responsable hiérarchique et, [J] [W], Responsable Ressources Humaines, soit 2 personnes représentant l'employeur alors que vous aviez fait le choix de venir seule à cet entretien. Nous vous avons alors rappelé, en démarrage d'entretien, que la convocation prévoyait bien la présence de ces 2 collaborateurs, et que vous aviez, comme mentionné dans ce même document, la possibilité de vous faire assister par un,membre du personnel de l'entreprise. Vous n'avez pas souhaité vous faire assister, ce qui est votre choix. Suite à cela, vous avez refusé de poursuivre l'entretien.

L'ensemble de ces insuffisances, leur persistance et leurs conséquences sur la qualité du travail rendu, malgré vos années d'expérience, le niveau de responsabilité attendu de votre niveau de classification et les plans d'accompagnement mis en oeuvre, rendent impossible la poursuite de votre contrat de travail.

En conséquence, nous avons décidé de mettre fin à votre contrat de travail pour insuffisance professionnelle.

La première présentation du présent courrier constituera le point de départ de votre préavis d'une durée de trois mois que nous vous dispensons d'effectuer. Il vous sera rémunéré aux échéances habituelles de paie (...)'.

Le 24 septembre 2015, [I] [L] a saisi le conseil de prud'hommes VILLEFRANCHE-SUR-SAONE en lui demandant de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner en conséquence l'employeur à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 23 mai 2016, le conseil de prud'hommes:

- a déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement,

- a condamné la société VETOQUINOL au paiement des sommes suivantes:

* 75 000 € nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné l'employeur à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à [I] [L] dans la limite d'un mois d'indemnisation,

- a débouté la société VETOQUINOL de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné la société VETOQUINOL aux dépens.

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La cour est saisie de l'appel interjeté le 23 juin 2016 par la société VETOQUINOL.

Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 19 janvier 2018, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société VETOQUINOL demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter [I] [L] de ses demandes, à titre subsidiaire de réduire les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 28 380 €, et de condamner [I] [L] au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 19 janvier 2018, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, [I] [L] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris sur les condamnations et de condamner la société VETOQUINOL aux dépens et au paiement des sommes suivantes:

* 150 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 4 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

- sur le licenciement

Attendu qu'il résulte des articles L.1232-1 et L 1232-6 du code du travail que le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et résulte d'une lettre de licenciement qui en énonce les motifs.

Attendu qu'en vertu de son pouvoir de direction, l'employeur peut décider de licencier un salarié, selon les règles de droit commun, pour des faits relevant d'une insuffisance professionnelle.

Attendu que l'insuffisance de résultats qui découle de l'insuffisance professionnelle constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement à la condition que les objectifs fixés par l'employeur soient réalistes c'est à dire correspondent à des normes sérieuses et raisonnables.

Attendu que l'insuffisance professionnelle, sans présenter un caractère fautif, traduit l'inaptitude du salarié à exercer de façon satisfaisante, conformément aux prévisions contractuelles, les fonctions qui lui ont été confiées; que si l'employeur est juge des aptitudes professionnelles de son salarié et de son adaptation à l'emploi et si l'insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, elle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables.

Attendu qu'en cas de litige reposant sur un licenciement notifié pour cause réelle et sérieuse en raison d'un motif personnel, telle que l'insuffisance professionnelle, les limites en sont fixées par la lettre de licenciement; que le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties; que si un doute subsiste, il profite au salarié.

Attendu qu'en l'espèce, il est constant qu'à l'occasion du transfert de son contrat de travail au sein de la société VETOQUINOL et de son affectation au poste de chef de zone ASIE, [I] [L] a reçu un document intitulé 'définition de fonction';

que ce document a d'abord défini la fonction de [I] [L] comme suit:

'Anime un réseau de distributeurs dans la zone dont il a la charge dans le but de réaliser les objectifs de chiffre d'affaires et de marge dans le respect des politiques commerciales de VETOQUINOL';

que ce document a en outre déterminé les missions afférentes au poste de la salariée de la façon suivante:

- 'mission n°1: réalise les objectifs de chiffre d'affaires et de marge pour la zone dans le cadre des politiques de VETOQUINOL;

-mission n°2: fournit les éléments chiffrés permettant à sa hiérarchie de définir la stratégie de développement de VETOQUINOL';

- mission n°3: le cas échéant, coordonne et anime l'activité d'un réseau de distributeurs dans les meilleurs conditions et dans un souci de réalisation des missions et objectifs assignés pour son activité;

- mission n°4: participe à la définition de la politique commerciale sur sa zone, la met en oeuvre et suit les paiements des clients;

- mission n°5: contribue à l'enregistrement des produits dans les pays de la zone;

- mission n°6: analyse son secteur, la concurrence et le marché, afin de remonter toutes les informations commerciales ou techniques (à travers notamment les rapports de visite) pouvant avoir un impact sur l'activité, et de proposer des solutions;

- mission n°7: contribue à la valorisation de l'image de VETOQUINOL par des participations à des manifestations professionnelles, par le choix des moyens de communication et protège l'image du Groupe;

- mission n°8: assure la constitution de dossiers financiers en particulier pour la Coface et les demandes de subventions'.

Attendu que les griefs retenus par la société VETOQUINOL à l'encontre de [I] [L] aux termes d'une lettre de licenciement particulièrement dense et dont les termes ont été restitués ci-dessus reposent en définitive sur un manque de rigueur d'une part, et un manque d'autonomie et d'organisation dans le travail d'autre part.

Attendu qu'au soutien de sa demande en licenciement sans cause réelle et sérieuse, [I] [L] fait valoir que la notification d'une mise à pied conservatoire et les termes de la lettre de licenciement établissent que le licenciement a une nature disciplinaire; qu'aucune faute grave n'est justifiée par l'employeur; que l'insuffisance alléguée n'est pas établie en ce que la salariée a réalisé ses objectifs; que la preuve des griefs d'insuffisance professionnelle n'est pas établie; que le licenciement avait pour motif réel de supprimer le poste de [I] [L] à l'agence de TARARE.

Attendu qu'il ressort des termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que la société VETOQUINOL n'a invoqué aucune faute imputable à la salariée;

qu'il convient donc de retenir que le licenciement n'a pas été prononcé par l'employeur en vertu de son pouvoir disciplinaire, peu important ici que la société VETOQUINOL ait notifié à [I] [L] une mise à pied conservatoire à l'occasion de sa convocation à l'entretien préalable.

Attendu en outre qu'il ressort de la lettre de licenciement que la société VETOQUINOL n'a exprimé aucun grief relatif à une insuffisance de résultats de [I] [L].

Attendu qu'il est donc établi que le licenciement de [I] [L] repose seulement sur une insuffisance professionnelle de cette salariée.

Attendu que parmi les griefs énoncés dans la lettre de licenciement, la cour relève que la société VETOQUINOL reproche à [I] [L] de ne pas avoir été capable d'organiser de façon autonome la manifestation qui s'est tenue à BANGKOK comprenant le séminaire avec les distributeurs asiatiques des 9 et 10 mars 2015 et le congrès VIV ASIA 2015 du 11 au 13 mars 2015, ces faits caractérisant un manque de rigueur constitutif d'une insuffisance professionnelle.

Attendu que pour contester ces faits, [I] [L] fait valoir que l'organisation des congrès et séminaires ne relevait pas de ses missions et se trouvait confiée à l'équipe marketing et communication; que les manifestations en cause lui ont été confiées de manière exceptionnelle; qu'elle n'a été autorisée à contacter le distributeur thaïlandais qu'à partir d'un déplacement effectué en octobre 2014 s'agissant d'un pays qui n'était pas compris dans sa zone; que ses propositions se sont toutes heurtées au veto de [V] [M], responsable du service marketing de l'entreprise, que la salariée a été contrainte de transférer le traitement des réservation d'hôtel au service achats qui lui a imposé ses propres délais de fonctionnement.

Attendu que la cour relève d'abord qu'il ressort du document intitulé 'définition de fonction' et dont les termes ont été repris ci-dessus que [I] [L] ne conteste pas avoir reçu lors de sa prise de poste, que la gestion des séminaires et congrès en ASIE ne constitue pas une mission exceptionnelle de [I] [L] dès lors que les participations à des manifestations professionnelles relève de la mission n°7 de la salariée, laquelle est afférente à la contribution à la valorisation de l'image de l'entreprise;

qu'il est en outre constant que [I] [L] était affectée à la fonction de chef de zone pour l'ASIE, aucun élément n'établissant que BANGKOK ne relève pas de sa zone de compétence;

qu'il est donc établi que [I] [L] était le chef de projet pour l'organisation de la manifestation prévue de manière globale à BANGKOK entre 9 et le 13 mars 2015 sans aucun caractère exceptionnel.

Attendu qu'il n'est pas contesté aux termes des écritures des parties reprises à l'audience que l'organisation de cette manifestation précise consistait pour [I] [L] à:

- organiser les déplacements des interlocuteurs;

- effectuer la réservation des hôtels selon un cahier des charges préalablement défini;

- préparer l'aménagement du stand de la société VETOQUINOL;

qu'en outre, il a été prévu que [I] [L] se déplace en THAÏLANDE à la fin du mois d'octobre 2014 pour rencontrer le partenaire de la société VETOQUINOL.

Attendu qu'il résulte ensuite de l'échange de courriels versés aux débats:

- que [X] [Y], supérieur hiérarchique de [I] [L], a dû demander à deux reprises, les 9 et 13 octobre 2014, à cette salariée de lui communiquer un programme détaillé de ses objectifs à faire valider sous peine de ne pas partir, le planning communiqué par [I] [L] étant à lui seul insuffisant;

- que [I] [L] a été défaillante dans sa mission dès lors qu'au début du mois de janvier 2015, il a été constaté que cette salariée n'avait pas procédé aux réservations du traiteur, de l'animation et des hôtels, qu'elle n'avait pas prévu l'aménagement du stand de l'entreprise, qu'elle n'avait pas établi la liste des invités et qu'elle n'avait pas établi l'agenda du séminaire;

- que ces carences de [I] [L] avaient été constatées, y compris jusqu'à la fin du mois de janvier 2015, malgré des réunions de travail qui avaient eu lieu le 28 octobre 2014 et le 5 décembre 2014; qu'une autre réunion avait été prévue le 15 décembre 2014 mais a été annulée à la demande de [I] [L] qui n'a alors proposé aucune autre date de remplacement;

- qu'eu égard à l'enjeu pour l'entreprise lié à cette manifestation, et que [I] [L] ne conteste aucunement, la persistance des carences de cette salariée ont conduit [X] [Y], son supérieur hiérarchique, à transférer à compter du 22 janvier 2015 la responsabilité de la manifestation à [V] [M], responsable marketing et technique de l'entreprise;

- que [V] [M] a alors pris en charge le projet pour rattraper le temps perdu en sus de ses propres attributions qui concernaient notamment la programmation et la réalisation du contenu scientifique du séminaire en cause; qu'il a dû ainsi répartir diverses tâches entre les membres de son équipe pour parvenir à la gestion de la manifestation;

- que la salariée était consciente de sa propre défaillance; qu'elle a en effet adressé le 10 février 2015 un courriel à [V] [M] pour le rencontrer afin de 'mettre à plat tout ce qui est fait et reste à faire'; que cette prise de conscience se révélait excessivement tardive dès lors qu'il n'est pas discuté que le début de la manifestation en ASIE était fixé au 9 mars 2015.

Attendu enfin que les allégations de [I] [L] concernant son impossibilité de gérer seule l'organisation de la manifestation ne sont étayées par aucune pièce du dossier.

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les faits relatifs à la gestion du séminaire et du congrès prévus en ASIE du 9 au 13 mars 2015 sont établis et imputables à [I] [L] et caractérisent déjà amplement l'insuffisance professionnelle qui lui est reprochée.

Attendu que ces faits sont à eux seuls incompatibles avec la poursuite de la collaboration de cette salariée et justifient, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le surplus des griefs, la rupture du contrat de travail; que le licenciement procède donc d'une cause réelle et sérieuse;

qu'infirmant le jugement déféré, la cour dit que le licenciement de [I] [L] repose sur une cause réelle et sérieuse et la déboute de toutes ses demandes de ce chef.

2 - sur les demandes accessoires

Attendu que les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par [I] [L].

Attendu que l'équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

STATUANT à nouveau et y ajoutant,

DIT que le licenciement de [I] [L] repose sur une cause réelle et sérieuse,

DEBOUTE [I] [L] de l'intégralité de ses demandes,

CONDAMNE [I] [L] aux dépens de première instance et d'appel,

CONDAMNE [I] [L] à payer à la société VETOQUINOL la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel.

Le GreffierLe Président

Gaétan PILLIEMichel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 16/04988
Date de la décision : 16/03/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°16/04988 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-16;16.04988 ?
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