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09/03/2018 | FRANCE | N°16/06364

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 09 mars 2018, 16/06364


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 16/06364





SAS ECO DECHETS



C/

[O]

SAS BM ENVIRONNEMENT







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

du 09 Août 2016

RG : F16/00059







COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 09 MARS 2018







APPELANTE :



SAS ECO DECHETS

[Adresse 1]

[Adresse 1]



repr

ésenté par Me Julia PETTEX-SABAROT, avocat au barreau de LYONdu cabinet CHASSANY WATRELOT &ASSOCIES, avocats au barreau de LYON







INTIMÉS :



[G] [O]

né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 1] (Maroc)

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représenté par Me Roland VIGNON d...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 16/06364

SAS ECO DECHETS

C/

[O]

SAS BM ENVIRONNEMENT

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

du 09 Août 2016

RG : F16/00059

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 09 MARS 2018

APPELANTE :

SAS ECO DECHETS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Julia PETTEX-SABAROT, avocat au barreau de LYONdu cabinet CHASSANY WATRELOT &ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

INTIMÉS :

[G] [O]

né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 1] (Maroc)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Roland VIGNON de la SELARL SELARL AD JUSTITIAM, avocat au barreau de ROANNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/031327 du 27/10/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

SAS BM ENVIRONNEMENT

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Olivier LE GAILLARD de la SELARL BLG, avocat au barreau de ROANNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 11 Janvier 2018

Présidée par Thomas CASSUTO, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Carole NOIRARD, Greffier placé.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Elizabeth POLLE-SENANEUCH, président

- Laurence BERTHIER, conseiller

- Thomas CASSUTO, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 09 Mars 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur [G] [O] a été embauché à compter du 3 août 2015 par la société BM Environnement dont l'activité est la collecte des déchets non dangereux en qualité de conducteur de camion de collecte et d'enlèvement par un contrat à durée indéterminée et à plein temps. Il a été plus particulièrement affecté au marché de collecte des ordures ménagères résiduelles attribué par Roannais Agglomération.

Au début de l'année 2016, Roannais Agglomération a remis en concurrence ledit marché et lancé une procédure d'appel d'offre. À cette occasion, l'offre de la société BM Environnement n'a pas été retenue selon courrier du 18 mars 2016 de Roannais Agglomération.

Par courrier du 7 avril 2016 remis en mains propres, Monsieur [O] s' est vu confirmer par la société BM Environnement que la société Eco Déchets avait été l'attributaire du marché de Roannais Agglomération et que le transfert du marché interviendrait le 1er mai 2016, qu'il recevrait prochainement son solde de tout compte au 30 avril 2016 et que la société Eco Déchets allait entrer en contact avec lui au plus tôt et devait procéder à la poursuite de son contrat de travail dans les mêmes conditions conformément à l'article 9.2 du cahier des charges dudit marché.

Monsieur [O] s'est présenté à la nouvelle affection de son poste à l'entreprise Eco Déchets le 2 mai 2016. L'accès à son poste de travail lui a été refusé et il lui a été dit qu'il ne faisait pas partie du personnel. Il a interrogé la société BM- Environnement qui lui a confirmé qu'il ne faisait plus partie du personnel du fait du transfert de son contrat de travail.

De ce fait, Monsieur [O] par 2 courriers en date du 3 mai 2016, l'un à l'attention de la société BM Environnement et l'autre à l'attention de la société Eco Déchets prenait acte de la rupture de son contrat de travail, leur faisant reproche d'avoir manqué à leurs obligations d'employeur, l'un et l'autre lui ayant signifié qu'il ne faisait pas partie de leurs effectifs. Le courrier adressé à la société ECO DECHETS est rédigé en ces termes :

« Le 02 mai 2016, je me suis rendu dans les locaux de ECO DECHETS, [Adresse 4]) afin de prendre mon poste de travail.

En effet, vous avez transféré mon contrat de travail, dans le cadre du marché de collecte d'ordures ménagères de Roannais Agglomération en tant que chauffeur poids lourds.

Monsieur [U], Directeur d'Exploitation de ECO DECHETS, m'a refusé l'accès à mon poste de travail en m'indiquant que je ne faisais pas partie du personnel d'Eco Déchets.

Une personne, présente sur place, pourra témoigner de mon désarroi à ce moment là.

De votre côté, ce même jour, vous m'avez confirmé, devant un témoin, que je ne fais plus partie de l'entreprise du fait du transfert de mon contrat de travail de plein droit.

Je précise que je suis bien chauffeur poids lourds sur les tournées de collecte d'ordures ménagères de Roannais Agglomération,

Cette situation m'est très difficile à vivre et m'affecte énormément.

Cette situation est due à un manquement notable des obligations des employeurs. En conséquence, je prends acte de la rupture de mon contrat de travail de votre fait. Cette rupture prendra effet dès réception de la présente ».

Le courrier adressé à la société BM ENVIRONNEMENT est rédigé dans des termes similaires.

C'est dans ces conditions que le 17 mai 2016 Monsieur [O] a saisi le conseil des prud'hommes de Roanne aux fins de :

- Dire et juger que son contrat de travail est transféré à la société ECO DECHETS à compter du 1er mai 2016,

- Condamner cette dernière à lui payer la somme de 169,68 € au titre du salaire de mai 2016,

Très subsidiairement et à défaut de transfert du contrat de travail,

- Dire et juger que le contrat de travail de Monsieur [O] [G] est maintenu avec la société BM ENVIRONNEMENT, et condamner cette dernière à payer à Monsieur [O] la somme de 169,68 € au titre du salaire de mai 2016,

- Requalifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, et dire et juger que la rupture du contrat de travail de Monsieur [O] [G] s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, intervenu à la date du 03 mai 2016, aux torts de la société ECO DECHETS,

- Condamner la société ECO DECHETS à payer à Monsieur [O] [G] les sommes de :

- 16,96 € à titre d'indemnité de congés payés,

- 3.393,62 € à titre d'indemnité de préavis, outre indemnité de congés payés 339,36 €

- 5.000,00 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- A titre su bsidiaire et à défaut de transfert du contrat de travail, mettre à la charge de la société BM ENVIRONNEMENT la rupture et les indemnités de rupture,

En toute hypothèse, condamner in solidum ou qui mieux le devra, la société ECO DECHETS et la société BM ENVIRONNEMENT à payer à Monsieur [O] [G] la somme de 10.000,00 € à titre de dommages intérêts en réparation de la situation d'incertitude et vexatoire résultant du défaut de régularisation du transfert de son contrat de travail,

- Ordonner à la société ECO DECHETS, à défaut la société BM ENVIRONNEMENT, la remise à Monsieur [O] des bulletins de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation POLE EMPLOI conformes aux dispositions de la décision à intervenir, et ce à peine d'une astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de 8 jours de la notification de la décision à intervenir,

- Se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte,

- Ordonner l'exécution provisoire,

- Condamner la société ECO DECHETS et la société BM ENVIRONNEMENT à payer à la SELARL AD JUSTITIAM la somme de 2.500,00 € au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique."

Par jugement du 9 août 2016, le conseil de prud'hommes de ROANNE a :

- Dit et jugé que le contrat de travail de monsieur [O] [G] est transféré à la société ECO DECHETS à compter du 1er mai et requalifie la prise d'acte et dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse intervenu à la date du 3 mai 2016 ;

- Condamné la Société ECO DECHETS à payer à Monsieur [O] [G] les sommes suivantes :

- 169,68 € au titre du salaire de mai 2016.

- 16,96 € au titre des congés payés afférents.

- 3.393,62 € au titre de l'indemnité de préavis.

- 339,36 € au titre des congés payés afférents.

- 5.000,00 € à titre de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 40.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la situation d'incertitude et vexatoire à son égard.

- Ordonné à la Société ECO DECHETS la remise à Monsieur [O] [G] des bulletins de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision, ce sous peine d'une astreinte de 50 € par jour de retard passé le délai de 1 mois de la notification de la présente décision.

S'est réservé le pouvoir de liquider l'astreinte. - Ordonne l'exécution provisoire.

- Condamné la Société ECO DECHETS à payer la somme de 1.000,00 € à Monsieur [O] [G] au titre de l'article 37, alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique

- Condamné la Société ECO DECHETS à payer à la Société BM ENVIRONNEMENT la somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Débouté la Société ECO DECHETS de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné la Société ECO DECHETS aux dépens de l'instance

La société ECO DECHETS a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Dans ses conclusions régulièrement signifiées, elle demande à la cour de :

- Dire la société ECO DECHETS recevable en son appel,

- Constater que les conditions d'application de l'article L1224-1 du Code du travail ne sont pas réunies,

- Constater l'absence de toute application volontaire de l'article L1224-1 du Code du travail,

- Dire et juger que les conditions conventionnelles de transfert du contrat de travail n'étaient pas réunies au 3 mai 2016, date de la prise d'acte de rupture du contrat de travail par le demandeur,

- Constater en conséquence que Monsieur [O] est toujours resté salarié de la société BM ENVIRONNEMENT jusqu'à la prise d'acte par ce dernier de la rupture de son contrat de travail

- Débouter en conséquence Monsieur [O] de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de la société ECO DECHETS,

- Ordonner à Monsieur [O] le remboursement des sommes perçues par ce dernier et versées par la société ECO DECHETS en exécution provisoire du jugement infirmé,

- Condamner solidairement Monsieur [O] et la société BM ENVIRONNEMENT au paiement de 2500€ au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses conclusions régulièrement signifiées, Monsieur [D] [O] demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en date du 9 août 2016 à l'exception de la disposition qui condamne la société ECO DECHETS à payer la somme de 1 000 € à Monsieur [G] [O] au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique,

- Infirmer sur cette disposition et statuer à nouveau.

- Condamner la société ECO DECHETS à payer la somme de 2 500 € à la Selarl Ad Justitiam au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.

Très subsidiairement et à défaut de dire et juger le contrat de travail de Monsieur [G] [O] transféré à la société ECO DECHETS,

- Requalifier la prise d'acte de la rupture du contrat de travail et dire et juger qu'elle s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, intervenu à la date du 3 mai 2016, aux torts de la société BM ENVIRONNEMENT.

-Condamner la société BM ENVIRONNEMENT à payer à Monsieur [G] [O] les sommes de :

- 169.68 € au titre du salaire de mai 2016,

16.96 € à titre d'indemnité de congés payés,

3 393.62 € à titre d'indemnité de préavis,

339.36 € à titre d'indemnité de congés payés afférente,

5 000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - 10 000 € à titre de dommages intérêts en réparation de la situation d'incertitude et vexatoire,

- Ordonner à la société BM ENVIRONNEMENT la remise à Monsieur [G] [O] d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation POLE EMPLOI conformes aux dispositions de l'arrêt à intervenir,

En toute hypothèse, condamner la SAS ECO DECHETS, à défaut et à titre subsidiaire la SAS BM ENVIRONNEMENT, à payer la somme de 2 500 € à la Selarl Ad Justitiam au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique, en cause d'appel,

Les condamner aux entiers dépens.

D ans ses conclusions régulièrement signifiées, la société BM ENVIRONNEMENT demande à la cour de :

- Déclarer recevable mais non fondé l'appel interjeté par la Société ECO DECHETS,

- Dire et Juger que le contrat de travail de Monsieur [G] [O] a été transféré à la Société ECO DECHETS à compter du 1er mai 2016 et en tirer toutes conséquences de droit,

- Confirmer en conséquence en tous points le jugement du Conseil de Prud'hommes de ROANNE en date du 9 août 2016,

Y ajoutant,

- Condamner la Société ECO DECHETS à verser à la Société BM ENVIRONNEMENT une somme de 6.000,00 Euros HT en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- La condamner en tous les dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er décembre 2017.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions régulièrement signifiées par les parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le transfert du contrat de travail de Monsieur [Y]

L'article L 1224-1 du Code du Travail prévoit que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

L 'Agglomération du Roannais a remis en concurrence le marché de la collecte des déchets de l'Ouest Roannais. Elle a établi un cahier des charges techniques particulières (CCTP) qui prévoit en son article 9.2 que :

« le titulaire est tenu de reprendre la totalité du personnel permanent employé par le prestataire actuel, dans des conditions de rémunérations globales (salaire + primes + indemnités) a minima identiques à celles actuelles. L'état quantitatif et les masses salariales des personnels à reprendre dans le cadre du présent marché sont présentés en annexe 5".

L'annexe 5 de ce CCTP mentionne 8 emplois dont 7 ouvriers.

S'agissant de l'application des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail,

Le cahier des charges techniques particulières constitue un document essentiel du contrat de marché public. C'est sur sa base que les offres soumises sont déclarées recevables et évaluées. Le CCTP propre au marché en cause prévoit par renvoi exprès à la convention collective applicable la reprise de 8 contrats de travail dont 7 concernant des ouvriers.

Ainsi, la soumission au marché public et la signature du CCTP induit la soumission aux obligations qui y figurent notamment la reprise de 7 contrats de travail d'ouvriers.

Il en résulte qu'en signant le cahier des charges, le nouveau concessionnaire, à savoir au cas présent la société ECO DECHETS avait accepté de faire une application volontaire de l'article L. 1224-1 du Code du travail. Dans ces conditions, l'application volontaire de ces dispositions a, à l'égard du salarié, les mêmes effets que leur application légale.

Par ailleurs, il ne résulte pas des éléments produits par la société ECO DECHETS qu'elle n'aurait fait que respecter les termes de son offre en limitant la reprise à 5 postes. À cet égard, il est indifférent que la société ECO DECHETS a, ainsi qu'elle le soutient, prévu d'affecter 5 personnes à ce marché. En effet, il lui appartenait d'organiser en son sein l'affectation des 7 salariés dont elle avait accepté de reprendre le contrat conformément au CCTP.

Sur les conditions conventionnelles de reprise du contrat de Monsieur [O],

L 'avenant n° 53 du 15 juin 2015 à la Convention Collective Nationale des activités du déchet fixe les conditions de transfert des contrats de travail en cas de changement de titulaire d'un marché public.

Ainsi, aux termes de son article 2-1, il est expressément prévu : « 2.1. Salariés affectés au marché transféré

Le présent accord s'applique aux salariés, quel que soit leur contrat de travail, qui remplissent les deux conditions cumulatives suivantes :

- être positionné sur un coefficient inférieur ou égal à 167 dans la grille de classification de la convention collective nationale des activités du déchet ;

- être affecté sur le marché transféré depuis au moins 9 mois continus à la date de reprise effective du marché.

Sont également pris en compte :

sous réserve du respect des conditions énumérées ci-dessus, les salariés dont le contrat de travail est suspendu et qui n'ont pas été remplacés par une personne liée par un CDI au cours des 9 mois précédant la date de prise d'effet du marché ;

- les salariés remplaçant un salarié absent, quels que soient leur contrat de travail et leur durée d'affectation sur le marché ;

- les salariés remplaçant un salarié dont le contrat de travail a été rompu au cours des 9 mois précédant la date de prise d'effet du nouveau marché. »

Il résulte des pièces mêmes produites par la société ECO DECHETS, en particulier du courrier du 29 mars 2016 que lui a adressé la société BM ENVIRONNEMENT, que Monsieur [O] était bien salarié de cette dernière et avait été engagé en remplacement d'un autre salarié affecté au marché de l'Agglomération Roannais et dont le contrat était suspendu.

Par ce même courrier, la société BM ENVIRONNEMENT a transmis à la société ECO DECHETS l'ensemble des informations concernant les salariés affectés par le marché transféré et désignant 7 salariés, dont Monsieur [O].

Par courriel du 11 avril 2016, la société ECO DECHETS faisait savoir à la société BM ENVIRONNEMENT que Messieurs [D] et [F] absents depuis 12 mois ne seraient pas repris. Or, il résulte bien des échanges entre les deux sociétés que ce sont Messieurs [C] et [O] qui ont remplacé ces deux salariés absents.

A cet égard, c'est en vain que la société ECO DECHETS prétend que la société BM ENVIRONNEMENT n'aurait pas précisé ou aurait varié pour désigner le salarié remplacé. En effet, il est établi par les courriers produits de part et d'autre que la société BM ENVIRONNEMENT a mentionné le nom de deux salariés, dont Monsieur [O], remplaçant deux salariés absents depuis plus de 12 mois.

Dans le même temps, l a société ECO DECHETS n'a pas objecté en retour à la société BM ENVIRONNEMENT que les éléments communiqués étaient incomplets. Dès lors, elle n'est pas fondée à invoquer que la société BM ENVIRONNEMENT aurait tardé à lui communiquer ces éléments. Il résulte en effet des échanges de courriers entre les deux sociétés que la société ECO DECHETS a attendu le 6 mai 2016 pour solliciter la communication de documents complémentaires alors qu'elle n'avait pas jugé utile de solliciter une telle communication après le courrier du 29 mars 2016. Cette attitude démontre la mauvaise foi de la société ECO DECHETS qui n'hésitait pas à ajouter « pour mémoire, si nous avons repris quatre anciens salariés de votre société, ce n'est pas sur la base d'un dossier complet de votre part, mais bien pour pouvoir assurer dans l'urgence la continuité de service public de notre client »

La société ECO DECHETS n'est pas fondée par ailleurs à invoquer l'absence de deux feuilles de tournée concernant Monsieur [O] pour les seules journées des 26 août et 4 novembre 2015 dès lors que l'absence de ces feuilles sur l'ensemble de la période concernée n'était pas de nature à remettre en cause l'activité de Monsieur [O] en qualité de chauffeur sur le marché concerné et le fait qu'il remplaçait un salarié absent.

Ainsi que le souligne la société BM ENVIRONNEMENT, le 18 avril 2016, la société ECO DECHETS transmettait par courriel la liste des salariés transférables et non transférables au regard des spécificités d'exécution de leur contrat de travail par les salariés concernés. Ce courriel démontre que la société ECO DECHETS avait à sa disposition l'ensemble des informations contractuelles lui permettant d'apprécier le principe de la transférabilité des contrats, de sorte que la réponse du 21 avril 2016 adressée par cette dernière concernant le caractère incomplet de deux feuilles de tournées apparaît d'une particulière mauvaise foi.

Cette mauvaise foi se trouve soulignée par le courrier de Roannais Agglomération qui rappelle à la société ECO DECHETS son obligation de reprendre l'ensemble des contrats et exige le respect de cette obligation contractuelle.

La preuve de la mauvaise foi de la société ECO DECHETS est confortée par son obstruction à la reprise des contrats de Messieurs [K] et [V] et par le changement du motif de refus de reprendre Monsieur [O] dans un premier temps du fait qu'il était embauché depuis moins de 9 mois et dans un second temps du fait qu'il n'était pas affecté à 50 % au marché.

Il en résulte qu'au 30 avril 2016 au plus tard, le contrat de travail de Monsieur [O], entrait ainsi dans les prévisions de l'article 2.1 de l'avenant n°53 du 15 juin 2015 à la Convention collective des activités du déchet et par voie de conséquence de l'article L 1224-1 du code du travail.

Dès lors, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que le contrat de travail de Monsieur [O] a été transféré à la société ECO DECHETS.

Sur la rupture du contrat de travail,

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

Il résulte de ce qui précède que le contrat de travail de Monsieur [O] avait été transféré en application de l'article 1224-1 du code du travail à la société ECO DECHETS. Celle-ci ne pouvait, sans manquer à ses obligations résultant du contrat de travail qu'elle se trouvait avoir repris, refuser à Monsieur [O] l'accès à son poste de travail. L'obstruction irrégulière de la société ECO DECHETS est caractérisée.

Le manquement invoqué par Monsieur [O] est établi.

Il a privé Monsieur [O] de son emploi et de sa rémunération. Le manquement est grave. Il justifie la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur par le salarié. Cette rupture a la caractère de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail,

Monsieur [O] sollicite un rappel de salaire de trois jours, les congés payés afférents, le paiement du préavis, les congés payés afférents, l'indemnité de licenciement, une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité au titre du préjudice résultant de sa situation d'inquiétude du fait de l'incertitude concernant le transfert de son contrat de travail.

Il résulte de ce qui précède que la rupture du contrat de travail de Monsieur [O] a la nature de licenciement sans cause réelle et sérieuse imputable à la société ECO DECHETS.

La rupture est intervenue le 3 mai 2016 soit trois jours après le transfert de son contrat de travail. Monsieur [O] est fondé en ses demandes de rappel de salaire, de congés payés, de préavis, de congés payés afférents et d'indemnité conventionnelle de licenciement.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Par ailleurs, Monsieur [O] âgé de 29 ans au moment de la rupture du contrat de travail, justifiait de 8 mois d'ancienneté au sein de la société BM ENVIRONNEMENT, ancienneté dont aurait bénéficié Monsieur [A] au sein de la société ECO ENVIRONNEMENT. Il y a lieu de lui accorder la somme de 2000 euros.

De plus, Monsieur [O] justifie d'un préjudice spécifique résultant de l'incertitude concernant la poursuite de son contrat de travail et de s'être vu refuser la reprise de son poste par son nouvel employeur alors que son contrat avait été régulièrement et sans aucun doute sérieux transmis à la société ECO DECHETS. Il y a lieu de lui accorder la somme de 5000 euros de ce chef.

Le jugement sera infirmé en ce qui concerne le quantum des indemnités allouées à Monsieur [O].

Sur les dispositions de la loi de 1991.

L'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2014 dispose que :

Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre.

Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'État, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'État. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'État.

Monsieur [O] par la voix de son conseil justifie du bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Le conseil de prud'hommes ne pouvait condamner la société ECO DECHETS à payer la somme de 1.000 euros à Monsieur [O] au titre du second alinéa de l'article 37 précité.

Le jugement sera infirmé sur ce point et la société ECO DECHETS sera condamnée à verser à Monsieur [O] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 au titre des faits irrépétibles supportés dans le cadre de la première instance.

Par ailleurs, il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [O] intimé et de la société BM ENVIRONNEMENT la charge de leurs frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné la Société ECO DECHETS à payer la somme de 5.000,00 euros à Monsieur [O] [G] à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 10.000 euros en réparation de la situation d'incertitude et vexatoire à son égard,

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné la Société ECO DECHETS à payer la somme de 1.000,00 euros à Monsieur [O] [G] au titre de l'article 37, alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique

Statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne la société ECO DECHETS à verser à Monsieur [O] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieurse ,

Condamne la société ECO DECHETS à verser à Monsieur [O] la somme de 5.000 euros en réparation de la situation d'incertitude et vexatoire à son égard,

Condamne la société ECO DECHETS à verser à Maïtre Roland VIGNON, conseil de Monsieur [O] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 au titre des faits irrépétibles supportés dans le cadre de la première instance.

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société ECO DECHETS à verser à la société BM ENVIRONNEMENT la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société ECO DECHETS à verser à Maître Roland VIGNON, conseil de Monsieur [G] [O] la somme de 2000 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, en cause d'appel,

Condamne la société ECO DECHETS aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRESIDENTE

Malika CHINOUNE Elizabeth POLLE-SENANEUCH


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 16/06364
Date de la décision : 09/03/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°16/06364 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-09;16.06364 ?
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