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02/03/2018 | FRANCE | N°16/04575

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 02 mars 2018, 16/04575


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 16/04575





[A]



C/

Société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

du 23 Mai 2016

RG : F 15/00138

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 02 MARS 2018





APPELANT :



[A] [A]

né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse

2]



Comparant en personne, assisté de Me Brice paul BRIEL, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



Société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR

[Adresse 3]

[Adresse 4]



Représentée par Me Christophe BIDAL de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIÉ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 16/04575

[A]

C/

Société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

du 23 Mai 2016

RG : F 15/00138

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 02 MARS 2018

APPELANT :

[A] [A]

né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Comparant en personne, assisté de Me Brice paul BRIEL, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentée par Me Christophe BIDAL de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Janvier 2018

Présidée par Natacha LAVILLE, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Michel SORNAY, président

- Natacha LAVILLE, conseiller

- Sophie NOIR, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 02 Mars 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR, dont le siège social est situé à [Adresse 5], exerce une activité spécialisée dans le bâtiment et les travaux publics. Elle appartient à un groupe composée de la société holding GBE et de la société AUXILIUM.

La société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR a disposé d'une agence située à [Localité 2] comprenant un chef de secteur et deux conducteurs de travaux.

Suivant lettre d'engagement, la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR a engagé [A] [A] en contrat à durée indéterminée en qualité de chef de secteur, coefficient 95, au sein de l'agence de [Localité 2] à compter du 3 septembre 2001.

Le contrat de travail a été soumis à la convention collective nationale du bâtiment.

En dernier lieu, [A] [A] a perçu une rémunération mensuelle brute de 5 171.38 €.

Les 24 février 2015 et 10 mars 2015, la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR a réuni le comité d'entreprise pour informer ses membres d'un projet de réorganisation de l'entreprise avec des suppressions d'emploi au sein de l'agence de [Localité 2] en raison d'une baisse du chiffre d'affaires, d'un résultat prévisionnel au 30 juin 2015 déficitaire et d'une trésorerie dégradée. L'employeur a en outre indiqué les critères d'ordre applicables aux licenciements envisagés.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 mars 2015, la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR a convoqué [A] [A] le 20 mars 2015 en vue d'un entretien préalable à son licenciement pour motif économique au cours

Les documents sur le contrat de sécurisation professionnelle ont été remis à [A] [A] lors de l'entretien préalable.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 avril 2015, la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR a notifié à [A] [A] son licenciement dans les termes suivants:

'Monsieur,

Lors de notre entretien du 20 mars 2015, nous vous avons informé que nous étions contraints d'envisager votre licenciement pour motif économique suivant:

L'entreprise BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR doit faire face à de réelles difficultés économique qui se caractérisent notamment par:

Une conjoncture économique plus que défavorable.

En effet, tant les collectivités publics que les clients privés freinent leurs investissements immobiliers, dans le neuf comme dans la rénovation/réhabilitation.

Nous constatons:

'Résultat dégradé de la situation intermédiaire au 31/12/2014.

'Baisse de notre chiffre d'affaire.

'Dégradation de la marge.

'Dégradation de la situation de trésorerie.

Tandis que le chiffre d'affaire de production est en baisse constante, 10 % de baisse au 30/06/2014 à la clôture de l'exercice fiscal par rapport à l'année précédente et, à nouveau 11 % de baisse sur les six derniers mois de l'exercice en cours, de juillet à décembre 2014.

Le résultat prévisionnel au 30/06/2015 sera en tout état de cause déficitaire compte tenu de l'activité annoncée ci-dessus.

Le nombre de chantiers diminue, les frais généraux de l'entreprise ne varient pas dans les mêmes proportions malgré tous les efforts faits depuis trois ans.

Force est de constater que le personnel affecté à l'encadrement de chantier est surreprésenté par rapport au personnel de production avec des charges sociales continuellement en hausse.

Une baisse des prix de vente considérable due à une concurrence exarcébée.

Les marchés sont traités de plus en plus bas et ne dégagent plus les marges nécessaires.

Les prix sont déjà tirés au maximum, et, nous traitons en dessous du seuil de rentabilité.

Une trésorerie extrêmement tendue.

Le démarrage de certains chantiers est repoussé, par exemple, le chantier Ilot Caravelle à Bron devrait débuter en avril au lieu de mars.

La branche transport et TP de l'entreprise est en sous activité. Il n'y a presque plus de terrassement. Sur les trois pelles que possède l'entreprise, une seule tourne. Des chauffeurs conducteurs d'engins sont en congés forcés à tour de rôle.

Bien entendu, l'entreprise avait déjà pris des mesures les années précédentes pour pallier le manque d'activité et réalsier des économies (annualisation des heures pour la catégorie " ouvriers" réduction RTT pour les ETAM/CADRES, réduction de l'abondement PERCO, matériel vendu etc. .. )

La dernière centrale à béton de l'entreprise a été vendue en mars 2015.

Nous avions déjà considérablement diminué les budgets concernant les investissements en gros et petits équipements sur les deux derniers exercices, mobilisé et sensibilisé tout le personnel sur le fait que nous étions dans la nécessité de réaliser des économies durables sur tous les postes de charge à tous niveaux de la hiérarchie.

Nous n'avons plus aucune marge de man'uvre.

Malheureusement, nous n'avons pas d'autre alternative que la suppression de plusieurs postes, les mesures de réorganisation mises en oeuvre ayant pour objet de concilier deux impératifs:

- l'allégement indispensable des charges de structure,

- l'adaptation des effectifs au regard du volume réel d'activité de l'entreprise en prenant soin de préserver les compétences clefs.

C'est au regard de ces motifs et de ces impératifs que votre poste se trouve supprimé.

malgré les différentes recherches menées en la matière, nous n'avons pas pu identifier un poste de reclassement, tant au niveau de l'entreprise que des autres entreprises du groupe.

Nous sommes donc contraints de vous notifier votre licenciement pour motif économique. (...)'.

Le 14 avril 2015, [A] [A] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle.

Le 3 juin 2015, [A] [A] a saisi le conseil de prud'hommes de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE en lui demandant de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner en conséquence la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, à titre subsidiaire des dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre, et en tout état de cause une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 23 mai 2016, le conseil de prud'hommes a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, a débouté [A] [A] de ses demandes et laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

La cour est saisie de l'appel interjeté le 13 juin 2016 par [A] [A].

Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 10 janvier 2018, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, [A] [A] demande à la cour d'infirmer le jugement et:

- à titre principal de déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR au paiement des sommes suivantes:

* 16 581.03 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1 658.10 € au titre des congés payés afférents,

* 160 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- à titre subsidiaire de dire que la règle du critère d'ordre des licenciements n'a pas été respectée et de condamner la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR au paiement de la somme de 160 000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la règle du critère d'ordre des licenciements,

- en tout état de cause de condamner la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 10 janvier 2018, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de [A] [A] aux dépens.

MOTIFS

1 - sur le bien-fondé du licenciement

Attendu que selon l'article L1233-2 du code du travail, tout licenciement pour motif économique est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Attendu que l'adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle constitue une modalité du licenciement pour motif économique.

Attendu qu'en vertu des articles L. 1233-65, L. 1233-66 et L. 1233-67 du code du travail, la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse ; que l'employeur doit en énoncer le motif économique dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, afin qu'il soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation.

Attendu qu'en l'espèce, pour soutenir que son licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse, [A] [A] soulève deux moyens, l'un tiré de l'absence de motif économique, l'autre tiré du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement; qu'il convient d'examiner successivement ces deux moyens.

1. sur le motif économique

Attendu que selon l'article L.1233-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable , constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément

essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés

économiques.

Attendu que les difficultés économiques doivent s'apprécier au niveau du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise.

Attendu que le licenciement pour motif économique est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse si la réalité des difficultés économiques à l'origine de la suppression d'emploi n'est pas établie.

Attendu qu'en l'espèce, il résulte de la lettre en date du 3 avril 2015 dont les termes ont été reproduits ci-dessus que la suppression de l'emploi de [A] [A] résulte de difficultés économiques caractérisées par le résultat dégradé de la situation intermédiaire au 31/12/2014, la baisse du chiffre d'affaire, la dégradation de la marge et la dégradation de la situation de trésorerie.

Attendu que [A] [A] soutient d'une part que les difficultés économiques de la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR ne sont pas avérées dès lors que son résultat net au 30 juin 2014 était en hausse, que son carnet de commandes était plein jusqu'en mars 2015, et que les résultats de la société GBE qui appartient au même groupe que la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR étaient en hausse par rapport à 2012.

Mais attendu que la cour relève après analyse des pièces comptables de la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR versées par cette dernière que:

- le bilan clos au 30 juin 2013 fait apparaître un résultat net comptable de - 67 872 € et un résultat d'exploitation de - 143 695 €;

- le bilan pour l'année 2014 indique un résultat d'exploitation de -  54 323 € , outre un bénéfice de 56 933 € exclusivement imputable au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi et au crédit d'impôt sur l'apprentissage;

- le bilan de la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR au 30 juin 2015 fait apparaître un résultat net d'exploitation de -  329 710 € et une perte nette comptable de - 261 242 €;

- le résultat net comptable au 30 juin 2016 est de - 906 687 € et le résultat d'exploitation à la même date de - 1 058 013 €.

Attendu en outre qu'il ressort des autres pièces du dossier que la société GBE est une holding qui ne relève pas du même secteur d'activité que la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR dès lors que cette holding exerce une activité de prestations de service informatique, de service internet et de transfert d'information en matière administrative;

que les résultats de la société GBE ne peuvent donc pas à être retenus pour apprécier les difficultés économiques de la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR.

Attendu enfin que la circonstance que la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR a indiqué en comité d'entreprise le 25 septembre 2014 et le 22 janvier 2015 que le carnet de commandes de l'entreprise était plein jusqu'en mars 2015 n'est pas de nature à contredire les résultats dégradés énoncés ci-dessus dès lors que l'employeur a par ailleurs indiqué lors de ces mêmes réunions que les chantiers restaient à trouver pour le second semestre 2015.

Attendu qu'il est résulte de l'ensemble de ces éléments que la suppression de l'emploi de [A] [A] trouve son origine dans les difficultés économiques de son employeur; que l'appelant n'en rapporte pas la preuve contraire; que le moyen n'est donc pas fondé.

2. sur l'obligation de reclassement

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L1233-4 du code du travail dans sa rédaction alors applicable que le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que si le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie; que le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente, le reclassement ne s'effectuant sur un emploi d'une catégorie inférieure que sous réserve de l'accord exprès du salarié; que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Attendu que le caractère temporaire d'un poste n'interdit pas de proposer celui-ci en vue d'un reclassement.

Attendu que l'employeur est tenu de procéder à des recherches sérieuses et effectives de reclassement; que tout manquement à l'obligation de reclassement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Attendu qu'en l'espèce, [A] [A] fait valoir au soutien de son moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de reclassement que l'employeur ne lui a pas proposé les postes de maçon pour lesquels la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR a procédé à l'embauche de [G] [S], [A] [K] et [Z] [X] immédiatement après son licenciement conformément à l'annonce faite aux représentants du personnel en janvier 2015.

Attendu que la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR soutient que les embauches alléguées ont été réalisées après la notification du licenciement de [A] [A] pour le remplacement de salariés absents, que [G] [S] a été engagé 'dans le cadre de l'insertion', et que ces postes ne correspondaient pas à la qualification du salarié licencié.

Attendu qu'il n'est pas discuté que la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR a embauché chacun en qualité de maçon:

- [G] [S] le 28 avril 2015 en vertu d'un contrat à durée indéterminée pour la durée du chantier[Adresse 6] prévu pour débuter le 4 mai 2015;

- [A] [K] suivant contrat à durée déterminée en date du 30 avril 2015 pour le remplacement d'un salarié absent pour maladie;

- [Z] [X], travailleur temporaire, suivant contrat de mise à disposition du 20 mai 2015 pour le remplacement d'un salarié.

Attendu que la cour relève qu'il ressort des pièces du dossier:

- que la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR ne pouvait pas ignorer, lorsqu'elle menait ses recherches de reclassement de [A] [A] jusqu'au licenciement du 3 avril 2015 que le recrutement d'un maçon était nécessaire pour la réalisation du chantier '[Adresse 6] dès lors que d'une part l'embauche a été réalisée suivant un contrat de travail conclu le 28 avril 2015, soit 3 semaines après avoir prononcé le licenciement de [A] [A] pour un démarrage de chantier prévu le 4 mai 2015, et que d'autre part le comité d'entreprise indiquait dès le 22 janvier 2015 dans un compte-rendu de réunion que 'le carnet de commandes est plein pour le premier semestre 2015";

- qu'il n'existe aucune pièce de nature à établir que ce poste de maçon pour ledit chantier devait être expressément réservé à [G] [S], notamment dans le cadre d'une insertion;

- que le CV de [A] [A], né en [Date naissance 2], révèle que celui-ci est titulaire du brevet d'études professionnelles (BEP) de bâtiment, maçonnerie et béton armé obtenu en 1979 de sorte que ce salarié disposait des compétences nécessaires pour occuper les postes en cause.

Attendu qu'il s'ensuit que durant la période de recherche de reclassement de [A] [A], l'emploi pour lequel [G] [S] a été recruté était disponible pour le reclassement de [A] [A].

Attendu que force est de constater que la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR s'est abstenue de proposer cet emploi à [A] [A] avant son licenciement.

Attendu qu'en conséquence, la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR n'a pas respecté l'obligation de reclassement de [A] [A].

Attendu que le licenciement de [A] [A] est dépourvu de cause réelle et sérieuse; que le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

2 - sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

2.1. sur l'indemnité compensatrice de préavis

Attendu que le salarié licencié pour motif économique ne perçoit pas d'indemnité compensatrice de préavis lorsqu'il a accepté le contrat de sécurisation professionnelle; qu'en effet, le contrat de travail est rompu dès la fin du délai de réflexion pour accepter le contrat de sécurisation professionnelle; que l'équivalent de l'indemnité compensatrice de préavis est versé par l'employeur à Pôle Emploi pour financer le contrat de sécurisation professionnelle; que toutefois, si le montant est supérieur à trois mois de salaire, la fraction excédant les trois mois de salaire est versée au salarié dès la rupture du contrat de travail.

Attendu que lorsque le licenciement prononcé pour motif économique est jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse, le contrat de sécurisation professionnelle accepté par le salarié devient sans objet; que l'employeur est alors tenu à l'obligation de préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées au salarié; que les sommes versées par l'employeur à Pôle Emploi ne peuvent être déduites de la créance au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

Attendu qu'en l'espèce, il est constant que le 14 avril 2015, [A] [A] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle.

Attendu que [A] [A] peut donc prétendre à une indemnité compensatrice de préavis dont il n'est pas discuté qu'elle est équivalente à trois mois de salaire sur la base du salaire que l'intéressé aurait perçu s'il avait continué de travailler pendant la durée du préavis, lequel comprend tous les éléments de la rémunération, soit la somme de 5 171.38 € figurant sur le dernier bulletins de paie; que [A] [A] a donc droit à une indemnité compensatrice de préavis de 15 514.14 €;

que la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR sera donc condamnée à payer à [A] [A] la somme de 15 514.14 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 1 551.41 € au titre des congés payés afférents;

que ces sommes produiront des intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2015, date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation.

2.2. sur les dommages et intérêts

Attendu que lorsque le licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié qui a une ancienneté de plus de deux ans ou dont l'entreprise occupe habituellement au moins 11 salariés peut prétendre à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi et dont l'étendue est souverainement appréciée par les juges du fond.

Attendu qu'en l'espèce, compte tenu de l'ancienneté de [A] [A] de 14 années, de son âge au jour de cette rupture, du montant précité de sa rémunération à cette même date, de son expérience professionnelle et de sa capacité à retrouver un nouvel emploi, la cour estime que le préjudice résultant pour [A] [A] de la rupture doit être indemnisé par la somme de 72 400 €.

Attendu que la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR sera donc condamnée à payer à [A] [A] la somme de 72 400 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

que cette somme produira des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt en vertu de l'article 1151-3 alinéa 2 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Attendu que la cour ayant fait droit à la demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, les demandes au titre du critère d'ordre sont sans objet.

3 - sur les demandes accessoires

Attendu que les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR .

Attendu que l'équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

STATUANT à nouveau et y ajoutant,

DIT que le licenciement pour motif économique de [A] [A] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR à payer à [A] [A] la somme de 15 514.14 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 1 551.41 € au titre des congés payés afférents, ces sommes produisant des intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2015,

CONDAMNE la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR à payer à [A] [A] la somme de 72 400 € avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR aux dépens de première instance et d'appel,

CONDAMNE la société BERTRAND DURON CONSTRUCTEUR à payer à [A] [A] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel.

Le GreffierLe Président

Gaétan PILLIEMichel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 16/04575
Date de la décision : 02/03/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°16/04575 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-02;16.04575 ?
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