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09/02/2018 | FRANCE | N°16/05597

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 09 février 2018, 16/05597


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 16/05597





[H]



C/

ADAPEI DE L'AIN







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 14 Juin 2016

RG : F15/00240

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 09 FEVRIER 2018





APPELANT :



[I] [H]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 2]



Non compara

nt, représenté par Me Emmanuelle BOROT, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



ADAPEI DE L'AIN

[Adresse 3]

[Adresse 4]

[Adresse 5]



Représentée par Me Céline LAUNAY, avocat au barreau de LYON







DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 16/05597

[H]

C/

ADAPEI DE L'AIN

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE

du 14 Juin 2016

RG : F15/00240

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 09 FEVRIER 2018

APPELANT :

[I] [H]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Non comparant, représenté par Me Emmanuelle BOROT, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

ADAPEI DE L'AIN

[Adresse 3]

[Adresse 4]

[Adresse 5]

Représentée par Me Céline LAUNAY, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Décembre 2017

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Michel SORNAY, Président

Didier JOLY, Conseiller

Natacha LAVILLE, Conseiller

Assistés pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 09 Février 2018, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président, et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

[I] [H] a été engagé par l'ADAPEI de l'Ain en qualité d'éducateur spécialisé au sein de l'établissement [Établissement 1] le 1er août 1979, pour une durée indéterminée.

Le 14 décembre 1983, il a été promu au poste de chef de service éducatif (position cadre), alors même qu'il n'avait pas l'ancienneté requise par la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

Le 1er septembre 1987, il est devenu directeur adjoint (niveau 4).

Le 1er août 1990, [I] [H] a été promu directeur (niveau 4) des foyers de [Établissement 2].

[D] [L] est devenu directeur général de l'association le 1er septembre 2000.

En 2007, il est entré en conflit avec la nouvelle présidente, [U] [S].

Il a été licencié le 5 mai 2008 pour faute grave à la suite d'une lettre ouverte des directeurs d'établissements déplorant la détérioration des relations sociales.

Le 26 janvier 2009, [A] [O] est devenu directeur général.

Par lettre du 4 octobre 2010, la présidente [U] [S] , rappelant à [I] [H] que les organes statutaires de l'association avaient décidé de mettre en place quatre secteurs d'activité, dont trois sous la responsabilité d'un directeur général adjoint, a confirmé au salarié sa nomination en qualité de directeur départemental du secteur d'activité "hébergement" le 1er septembre 2010.

Cette nomination lui conférait le rang de directeur général adjoint de l'ADAPEI de l'Ain.

Début 2012, [K] [J], directeur général adjoint en charge du travail adapté, a tenté de se suicider.

Par lettre du 24 mars 2012, le secrétaire général et les trois directeurs généraux adjoints ont saisi le procureur de la république de Bourg-en-Bresse de la relation faite de violence verbale et psychologique, d'humiliation, de dénigrement, de dévalorisation, de manipulation et d'instrumentalisation, que le directeur général entretenait avec ses collaborateurs directs, avec de nombreux salariés, avec des tiers.

Par lettre du 30 mars 2012, le médecin du travail de l'[Établissement 3], que dirigeait [K] [J], a fait part à la présidente et aux administrateurs de sa profonde inquiétude face au malaise grandissant et à la réelle souffrance des directeurs et cadres.

Le 13 avril 2012, il a ajouté que depuis la restructuration avec des directeurs adjoints, ces derniers avaient hérité d'une situation malsaine sans avoir les moyens ni le temps de faire leur travail. [A] [O] manageait trop brutalement sans le respect humain nécessaire.

Le 2 avril 2012, l'ensemble des médecins du travail du SST de l'Ain ont adressé une lettre ouverte à la présidente et au directeur général pour les alerter au sujet des constats collectifs de santé au travail qu'ils faisaient chez les salariés ayant la charge de la direction des établissements ou occupant un poste à forte responsabilité. Depuis un certains temps déjà, ceux-ci disaient être les cibles d'une mise à mal régulière par leur hiérarchie, portant en particulier sur leur compétence professionnelle. Des agressions verbales violentes, de multiples situations de pression morale avaient été rapportées aux médecins du travail.

Le 17 avril 2012, le nouveau président de l'ADAPEI de l'Ain a notifié à [A] [O] son licenciement pour faute lourde en raison, notamment, de ses méthodes de gestion et de management totalement inappropriées (agressivité fréquente, pressions excessives, instructions contradictoires, menaces, propos violents et outranciers) et pour s'être présenté régulièrement à des réunions de travail en état d'imprégnation alcoolique.

Il a été remplacé pendant un an par un manager de transition, [S] [B].

En mai 2012, un "protocole de sortie de crise par une refondation de l'ADAPEI de l'Ain" a été conclu par l'Agence régionale de santé, le Conseil général de l'Ain et l'ADAPEI de l'Ain. Le constat a été fait alors de ce que la situation grave de l'association avait des racines plus profondes qui généraient des crises récurrentes. Les parties signataires ont considéré néanmoins que la forme associative avec les parents restait un cadre adapté à la gestion d'établissements et services.

La refondation projetée s'articulait autour de deux axes :

- refonder la gouvernance associative par une plus grande démocratie interne et une ouverture sur l'extérieur, et rétablir des relations de confiance avec les pouvoirs publics,

- refonder le système de direction des établissements et le management du personnel en dotant l'association d'une véritable politique de gestion des ressources humaines, d'un management participatif, adapté et bienveillant, d'outils de contrôle interne et d'évaluation.

En avril 2013, [P] [M] a été nommée directrice générale de l'ADAPEI de l'Ain avec pour mission de mener à bien le protocole de sortie de crise.

Le 5 décembre 2013, [I] [H] a été placé en congé de maladie en raison d'un syndrome anxio-dépressif et d'un burn-out. L'arrêt de travail a fait l'objet de prolongations successives jusqu'au 16 février 2014.

Le salarié a repris en mi-temps thérapeutique le 17 février 2014, mais il a dû à nouveau cesser son activité le 12 juin 2014 et n'a jamais repris ensuite.

Avec le concours d'un intervenant extérieur et après plusieurs mois de réflexion, une nouvelle organisation de la direction générale, transversale et par gestion des risques, a été envisagée. Elle s'articulait autour de cinq activités :

le développement,

la qualité,

le patrimoine et la logistique,

la direction des ressources humaines,

la gestion.

Elle a été présentée au comité de direction générale le 1er septembre 2014 et au comité d'entreprise le 23 septembre 2014 puis approuvée le 28 octobre 2014 par le conseil d'administration.

Par lettre du 24 septembre 2014, les médecins du travail ont à nouveau alerté le président, la directrice générale et la directrice des ressources humaines de l'ADAPEI de l'Ain sur l'état de déstabilisation psychologique d'un nombre croissant de salariés. Au-delà de facteurs spécifiques à chaque site, des facteurs communs aux salariés étaient retenus par les médecins :

- certaines caractéristiques de l'organisation du travail au sein de l'ADAPEI de l'Ain, à l'origine d'une surcharge des postes de travail (gestion de sites éloignés, absence de définition précise des postes et des périmètres d'action de chacun, en particulier pour les cadres),

- une communication de la direction générale n'étant pas vécue comme favorisant le dialogue (communication par note de service et mail) et témoignant d'une reconnaissance des problèmes et inquiétudes des salariés.

La directrice générale a répondu le 8 octobre 2014 que la situation décrite était bien antérieure au 2 avril 2012, date du premier courrier des médecin du travail. A sa prise de poste, [P] [M] avait d'ailleurs été étonnée du silence maintenu autour de ce traumatisme collectif jusqu'au passage à l'acte de [K] [J]. Elle a proposé aux médecins une rencontre le 5 décembre 2014.

Par lettre recommandée du 18 novembre 2014, l'ADAPEI de l'Ain a proposé à [I] [H], dans le cadre de l'article L 1222-6 du code du travail, de modifier ses fonctions de directeur général adjoint et d'exercer, à compter du 1er janvier 2015, celles de directeur patrimoine et logistique (catégorie cadre hors classe, coefficient 1089).

Selon l'employeur, cette nouvelle organisation était destinée à assurer la compétitivité de l'association en lui permettant de se structurer autour de ses grandes missions et des risques qu'elle avait à gérer.

[I] [H] disposait d'un délai d'un mois pour faire connaître sa décision.

Par lettre du 17 décembre 2014, le salarié a refusé cette proposition de modification de son contrat de travail pour motif économique.

L'ADAPEI de l'Ain a convoqué [I] [H] en vue d'un entretien préalable à son licenciement, fixé le 3 février 2015.

Par lettre recommandée du 23 février 2015, elle lui a notifié son licenciement pour motif économique.

Le salarié n'a pas donné suite à la proposition de congé de reclassement qui lui avait été faite.

Il a saisi le Conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse le 10 août 2015.

Le bureau de jugement a statué sur ses demandes le 14 juin 2016.

[P] [M], directrice générale de l'ADAPEI de l'Ain, a été licenciée le 12 juillet 2017.

*

* *

LA COUR,

Statuant sur l'appel interjeté le 18 juillet 2016 par [I] [H] du jugement rendu le 14 juin 2016 par le Conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse (section encadrement) qui a :

- dit que [I] [H] ne rapportait pas la preuve de harcèlement moral à son encontre,

- dit que le licenciement économique de [I] [H] était légitime,

- dit que l'ADAPEI de l'Ain n'avait pas manqué à son obligation de sécurité de résultat,

- débouté [I] [H] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté l'ADAPEI de l'Ain de sa demande reconventionnelle,

- condamné [I] [H] aux dépens ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 7 décembre 2017 par [I] [H] qui demande à la Cour de, réformant le jugement dans son intégralité :

- constater que les conditions de travail de [I] [H] sont à l'origine du burn-out dont il est la victime,

- constater que l'ADAPEI de l'Ain, bien qu'alertée à différentes reprises de la souffrance générée par sa gouvernance et son management a laissé perdurer la situation,

- constater que le licenciement de [I] [H] ne repose pas sur un motif économique,

- dire et juger que l'ADAPEI de l'Ain a gravement manqué à son obligation de sécurité de résultat en matière de sécurité, notamment en matière de risques psycho-sociaux,

- dire et juger que le licenciement pour motif économique de [I] [H] est nécessairement dénué de toute cause réelle et sérieuse,

- par conséquent, condamner au paiement de dommages-intérêts :

au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, une somme de 79 000 €,

pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une somme de 100 000 €,

- condamner la société au paiement de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- fixer la moyenne des salaires à la somme de 6 570,97 €,

- condamner en tous les dépens ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 7 décembre 2017 par l'ADAPEI de l'Ain qui demande à la Cour de :

- déclarer mal fondé et injustifié l'appel interjeté par [I] [H],

- le rejetant, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- dire et juger que [I] [H] ne rapporte pas la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- dire et juger que le licenciement de [I] [H] pour motif économique est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, débouter [I] [H] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- condamner [I] [H] au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité :

Attendu que selon l'article L 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleur ; que l'obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de ce texte légal, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle ; que, dès lors, en statuant, pour la rejeter, sur une demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral dont il n'était pas saisi, le Conseil de prud'hommes a méconnu les dispositions de l'article 5 du code de procédure civile ;

Que depuis de nombreuses années, l'ADAPEI de l'Ain traversait des périodes de convulsions parfaitement décrites par [P] [M] dans son courrier du 8 octobre 2014 ; qu'il s'agissait, selon celle-ci, de cycles récurrents finissant toujours par une crise de la gouvernance et laissant des séquelles post-traumatiques affectant particulièrement l'équipe de la direction générale et les directeurs d'établissement ; qu'il est vain de rechercher la part qu'ont prise dans le passage à l'acte de [K] [J] et dans le syndrome anxio-dépressif de [I] [H] le mode d'exercice de l'autorité des directeurs généraux successifs tans les racines des pathologies de ces deux salariés sont lointaines et tant les dérives constatées de la part de plusieurs directeurs généraux révèlent la grande difficulté qu'ils rencontraient eux-mêmes dans l'exercice de leur fonction ; que le cadre associatif dans lequel l'ADAPEI de l'Ain exerce son activité avait, au moins temporairement, trouvé ses limites ; que l'audit de la fonction de directeur général adjoint effectué en septembre 2013 par Cursus Management a conduit l'auditeur à conclure que ce poste avait été créé trop rapidement, avec un maintien des fonctions opérationnelles dans les établissements, sans réelle délégation de moyens ; que le directeur général adjoint était un leader à qui on demandait d'assumer les conséquences de décisions prises par le directeur général sans pouvoir effectivement en prendre d'autres ; que cette fonction n'apportait pas de plus-value importante dans les établissements ; que cette situation était vécue d'autant plus douloureusement que le périmètre flou de la fonction n'excluait pas une surcharge de travail et que la qualité de la communication avec [A] [O] et [P] [M] était médiocre ; qu'il ressort du dossier de [I] [H] à la médecine du travail que même si l'ambiance de travail était plus détendue depuis le licenciement de [A] [O], [I] [H] ressentait davantage, fin mai 2012, les répercussions de la tentative de suicide de [K] [J] et demeurait fragilisé ; qu'un état dépressif s'est installé progressivement en raison de la difficulté qu'avait l'appelant à trouver un sens à son travail ; que selon le docteur [G], psychiatre auquel le médecin du travail a demandé un avis spécialisé, le salarié a décompensé en décembre 2013 avec des symptômes caractéristiques du burn-out ; que début décembre 2014, il présentait encore des symptômes d'obnubilation mentale par rapport au travail, en rapport avec son lien de suggestion persistant à l'association ; que le docteur [G] a préconisé une inaptitude totale et définitive à tout poste de travail au sein de l'ADAPEI de l'Ain ;

Qu'il résulte des pièces et des débats que [I] [H] été confronté à une situation de souffrance au travail et à une grave dégradation de ses conditions de travail en relation avec les défaillances institutionnelles de l'ADAPEI de l'Ain, qui ont généré un exercice colérique ou infantilisant de l'autorité, des carences de communication interne voire des comportements déviants de la part de trois directeurs généraux au moins ; que l'incapacité de l'association à conserver un directeur général dans la durée et à se doter d'une organisation de la direction générale tant soit peu pérenne a aggravé le sentiment d'insécurité ; que [I] [H] a caractérisé un manquement de son employeur à son obligation de prévention des risques professionnels à l'égard de l'ensemble des membres de la direction générale, et de lui-même en particulier, à l'origine d'une pathologie qui n'avait pas permis le retour du salarié dans l'entreprise le 23 février 2015, date de son licenciement pour motif économique ; qu'il est fondé à demander réparation du préjudice qui en est résulté et qui, au vu des éléments que la Cour trouve en la cause, justifie l'octroi d'une somme de 40 000 € à titre de dommages-intérêts ;

Sur le licenciement :

Attendu qu'en application de l'article L 1233-3 du code du travail, alors applicable, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, des mutations technologiques, la cessation d'activité de l'entreprise ou sa réorganisation en vue de sauvegarder sa compétitivité ;

Attendu que lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, une réorganisation de l'entreprise ne constitue un motif de licenciement que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe dont elle relève, en prévenant des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi ; que lorsqu'il s'agit d'une association, la notion de sauvegarde de la compétitivité peut être appréciée comme la nécessité d'assurer un strict équilibre entre les recettes et les dépenses ;

Qu'en l'espèce, la réorganisation à l'origine de la proposition de modification du contrat de travail refusée par [I] [H] ne constituait qu'une étape de la 'refondation' de l'ADAPEI de l'Ain, à laquelle avait appelé le protocole de sortie de crise de mai 2012, qui en avait défini les principaux axes ; que cette crise, qui s'est prolongée en 2013 et 2014, n'avait pas de cause économique ; que s'il n'appartient pas à la Cour d'apprécier la nécessité de cette réorganisation et son adéquation à l'objectif poursuivi, force est de constater que l'ADAPEI de l'Ain est dans l'incapacité d'expliquer en quoi sa compétitivité était menacée ; qu'elle ne communique aucune pièce permettant de retenir l'existence de la cause économique alléguée ;

Qu'en conséquence, le licenciement de [I] [H] est sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement entrepris sera infirmé dans toutes ses dispositions ;

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Attendu que [I] [H] qui a été licencié sans cause réelle et sérieuse, alors qu'il avait plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, est en droit de prétendre, en application de l'article L 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que l'appelant ne communique aucune pièce permettant de connaître l'évolution de sa situation et de ses ressources depuis février 2015 ; qu'il ne conteste pas les dires de l'ADAPEI de l'Ain, selon lesquels il a fait liquider ses droits à la retraite à l'âge de 62 ans ; que le montant de sa pension de retraite n'est pas connu ; qu'en conséquence, le montant de l'indemnité mise à la charge de l'employeur sera limité à 40 000 € ;

Attendu en outre qu'en application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par l'ADAPEI de l'Ain à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à [I] [H] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite d'un mois d'indemnités de chômage ;

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement rendu le 14 juin 2016 par le Conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse (section encadrement),

Statuant à nouveau :

Dit que l'ADAPEI de l'Ain a manqué à son obligation de prévention des risques professionnels,

En conséquence, condamne l'ADAPEI de l'Ain à payer à [I] [H] la somme de quarante mille euros (40 000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la violation de son obligation de sécurité, avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,

Dit que le licenciement de [I] [H] pour motif économique est dénué de cause réelle et sérieuse,

En conséquence, condamne l'ADAPEI de l'Ain à payer à [I] [H] la somme de quarante mille euros (40 000 €) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,

Ordonne le remboursement par l'ADAPEI de l'Ain à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à [I] [H] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite d'un mois d'indemnités de chômage,

Condamne l'ADAPEI de l'Ain aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne l'ADAPEI de l'Ain à payer à [I] [H] la somme de deux mille euros (2 000 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président

Gaétan PILLIEMichel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 16/05597
Date de la décision : 09/02/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°16/05597 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-09;16.05597 ?
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