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09/02/2018 | FRANCE | N°16/05495

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 09 février 2018, 16/05495


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 16/05495





[O]

UNION LOCALE CGT 5EME ET 9EME ARRONDISSEMENTS LYON



C/

CREDIT AGRICOLE PAYMENT SERVICES







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 22 Juin 2016

RG : F 15/03170

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 09 FEVRIER 2018



APPELANTS :



[D] [O]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1]
>[Adresse 1]

[Adresse 2]



Comparant en personne, assisté de Me Sébastien BALLOCH, avocat au barreau de LYON



UNION LOCALE CGT 5EME ET 9EME ARRONDISSEMENTs de LYON

[Adresse 3]

[Adresse 4]



Représentée par Me Sébastien B...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 16/05495

[O]

UNION LOCALE CGT 5EME ET 9EME ARRONDISSEMENTS LYON

C/

CREDIT AGRICOLE PAYMENT SERVICES

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 22 Juin 2016

RG : F 15/03170

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 09 FEVRIER 2018

APPELANTS :

[D] [O]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Comparant en personne, assisté de Me Sébastien BALLOCH, avocat au barreau de LYON

UNION LOCALE CGT 5EME ET 9EME ARRONDISSEMENTs de LYON

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentée par Me Sébastien BALLOCH, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

CREDIT AGRICOLE PAYMENT SERVICES

[Adresse 5]

[Adresse 6]

Représentée par M. [K] [H], responsable ressource humaine, muni d'un pouvoir, assisté de Me Marie-Laurence BOULANGER de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON substituée par Me MARIANDE BERNARDIS, avocat au barreau de LYON,

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Décembre 2017

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Michel SORNAY, Président

Didier JOLY, Conseiller

Natacha LAVILLE, Conseiller

Assistés pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 09 Février 2018, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président, et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

[D] [O] est entré au service du groupe CRÉDIT AGRICOLE le 1er août 1972 par contrat de travail à durée indéterminée. Cette relation de travail est soumise à la convention collective nationale de la Caisse nationale du CRÉDIT AGRICOLE.

À ce jour, [D] [O] est toujours salarié de ce groupe, où il occupe au sein de la SNC CRÉDIT AGRICOLE CARDS & PAYMENT un emploi de technicien fabrication logistique dans le cadre duquel il effectue, comme ses autres collègues techniciens à l'atelier de fabrication, un travail posté, en discontinu, selon des horaires spécifiques organisés en alternance une semaine sur deux, à savoir :

' les semaines 1 : du lundi au jeudi de 5 heures à 13 heures et le vendredi de 6 heures à 13 heures

' les semaines 2 : du lundi au jeudi de 13 heures à 21 heures et le vendredi de 13 heures à 20 heures.

La SNC CRÉDIT AGRICOLE CARDS & PAYMENT est une filiale du groupe CRÉDIT AGRICOLE qui fait partie de l'Unité Economique et Sociale (UES) de la société CRÉDIT AGRICOLE SA.

La Caisse nationale de Crédit Agricole et les autres sociétés de l'UES ont conclu avec les organisations syndicales représentatives signataires un accord d'entreprise la 4 août 2000 intitulé 'astreintes ' travail effectué hors période normale dans le cadre d'une contribution exceptionnelle', modifié par avenant daté du 5 juin 2001, ainsi qu'un accord de substitution conclu entre les partenaires sociaux au même sujet le 28 juin 2014.

Le 29 juillet 2015, plusieurs salariés de la SNC CRÉDIT AGRICOLE CARDS & PAYMENT, dont [D] [O] , ont saisi le conseil de prud'hommes de Lyon afin d'obtenir notamment :

'd'une part un rappel de salaire au titre de la majoration la rémunération pour travail de nuit des heures accomplies entre 5 heures et 6 heures du matin,

' d'autre part un rappel de salaire par application des dispositions des accords collectifs précités concernant le régime et les compensations des heures de travail dites 'hors période normale' (HPN), que l'employeur refuse d'appliquer au salarié de l'atelier de fabrication,

' les compensations en repos correspondantes,

' le tout avec les congés payés y afférents.

L'UNION LOCALE CGT des 5ème et 9ème arrondissements de Lyon est intervenue volontairement aux côtés du salarié dans cette procédure, sollicitant la condamnation de la société CRÉDIT AGRICOLE CARDS & PAYMENT à lui payer la somme de 2000 € à titre de dommages-intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif des travailleurs, outre une indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Pour sa part, la SNC CRÉDIT AGRICOLE CARDS & PAYMENT s'est opposée à toute ces demandes.

Par jugement du 22 juin 2016, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

'considéré que le salarié demandeur ne pouvait être qualifié de travailleur de nuit au sens de l'article L 3122'31 du code du travail, ni donc bénéficier de repos compensateurs ou des contreparties salariales prévues par l'article L 3122'39 du même code ;

'considéré que le salarié demandeur ne remplissait pas non plus les critères requis pour pouvoir bénéficier des accords d'entreprise sur la rémunération spécifique des heures de travail effectuées 'hors période normale' (HPN) ;

'débouté en conséquence [D] [O] de l'intégralité de ses prétentions, et en particulier de ses demandes en paiement de rappels de salaire et de repos compensateurs ainsi que de sa demande de dommages-intérêts pour non-application volontaire par l'employeur des dispositions conventionnelles, et de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

'débouté l'UNION LOCALE CGT des 5ème et 9ème arrondissements de Lyon, partie intervenante, de l'ensemble de ses demandes ;

'condamné in solidum [D] [O] et le syndicat CGT à régler à la SNC CRÉDIT AGRICOLE CARDS & PAYMENT la somme de 100 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

'laissé les dépens à la charge du demandeur.

[D] [O] et l'UNION LOCALE CGT des 5ème et 9ème arrondissements de Lyon ont régulièrement interjeté un appel général de cette décision par courrier recommandé du 15 juillet 2016.

*

Par leurs dernières écritures, [D] [O] et l'UNION LOCALE CGT des 5ème et 9ème arrondissements de Lyon demandent à la cour d'appel de :

'réformer entièrement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 22 juin 2016 ;

'constater que la société CRÉDIT AGRICOLE CARDS & PAYMENT n'a pas respecté les dispositions légales et conventionnelles,

'par conséquent, condamner la société CRÉDIT AGRICOLE CARDS & PAYMENT verser à [D] [O] les sommes suivantes :

10'949 € à titre de rappel de salaire pour la période du mois de juillet 2010 au mois de juillet 2014, outre 1094,91 euros au titre des congés payés afférents ;

67'882,22 euros au titre des compensations repos non prises, outre la somme de 6788,22 euros au titre des congés payés afférents,

19'904,15 euros à titre de rappel de salaire pour la période du mois d'août 2014 mois de mai 2017 inclus, outre 1990,41 euros au titre des congés payés afférents,

2500 € à titre de dommages-intérêts pour une implication volontaire par l'employeur des dispositions conventionnelles

'à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que les dispositions conventionnelles n'avaient pas vocation à s'appliquer :

'constater que la société CRÉDIT AGRICOLE CARDS & PAYMENT n'a pas respecté les dispositions inhérentes aux heures de travail effectuées entre 5 et 6 heures du matin ;

'par conséquent, condamner la société CRÉDIT AGRICOLE CARDS & PAYMENT à verser à [D] [O] les sommes de :

3499,32 euros à titre de rappel de salaire de compensations repos pour la période du mois de juillet 2010 au mois de juillet 2014, outre 349,93 euros au titre des congés payés afférents,

3542,26 euros à titre de rappel de salaire pour la période d'août 2014 à mai 2017 inclus, outre la somme de 354,23 euros au titre des congés payés afférents ;

2500 € à titre de dommages-intérêts pour une non application volontaire des dispositions conventionnelles,

'dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal avec capitalisation selon les dispositions de l'article 1154 du Code civil à compter du jugement à intervenir ;

'condamner la société CRÉDIT AGRICOLE CARDS & PAYMENT à verser à [D] [O] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

'constater l'intérêt à agir et la défense de l'intérêt collectif du Syndicat CGT ;

'condamner en conséquence la société CRÉDIT AGRICOLE CARDS & PAYMENT à verser à l'Union locale CGT la somme de 2000 € à titre de dommages-intérêts ;

'dire que cette somme portera intérêts au taux légal avec capitalisation conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil à compter du jugement à intervenir ;

'condamner la société CRÉDIT AGRICOLE CARDS & PAYMENT à verser au Syndicat CGT la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour sa part, la SNC CRÉDIT AGRICOLE CARDS & PAYMENT , désormais dénommée CREDIT AGRICOLE PAYMENT SERVICES, demande par ses dernières conclusions à la cour d'appel de :

'déclarer prescrite l'action du demandeur, en sa totalité dans la mesure où il a connaissance de l'accord du 4 août 2000 relatif aux astreintes de travail effectif période normal dans le cadre d'une contribution exceptionnelle depuis la date de signature de cet accord par les partenaires sociaux, ou subsidiairement pour la période antérieure au 29 juillet 2012 par application de la prescription triennale de l'article L 3245'1 du code du travail, l'intéressée ayant introduit son action le 29 juillet 2015 ; (demande figurant en page 6 des conclusions, même si elle n'est pas reprise dans le dispositif de ces dernières),

'dire et juger que les dispositions légales et conventionnelles invoquées par les appelants sont inapplicables à [D] [O] ;

'confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 22 juin 2016;

en conséquence,

'débouter [D] [O] de l'intégralité de ses demandes,

'constater que la société CREDIT AGRICOLE PAYMENT SERVICES ne porte ainsi pas atteinte à l'intérêt collectif de la profession,

en conséquence,

'condamner de façon solidaire le syndicat CGT et [D] [O] à verser à la société CREDIT AGRICOLE PAYMENT SERVICES la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure en appel,

'les condamner aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1.'Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

Les articles 2224 du code civil et L 3245-1 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n° 2008'561 du 17 juin 2008 prévoyait que les actions en paiement des salaires étaient prescrites à l'expiration d'un délai de 5 ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La loi n°2013-504 du 14 juin 2013, applicable à compter du 17 juin 2013, a réduit ce délai à 3 ans, l'article L 3245'1 précité étant désormais ainsi rédigé :

'L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par 3 ans à compter du jour où celui qu'il exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des 3 dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des 3 années précédant la rupture du contrat.'

Il est constant que le point de départ du délai de prescription ici litigieux est constitué par le règlement du salaire par l'employeur, qui seul permettait au salarié demandeur d'apprécier, au mois par mois, si la somme versée correspondait au salaire auquel il pouvait prétendre.

Il n'est donc pas sérieux de la part de la société CREDIT AGRICOLE PAYMENT SERVICES de soutenir aujourd'hui que le point de départ de cette prescription était la signature le 4 août 2000 de l'accord d'entreprise dont le salarié sollicite aujourd'hui l'application.

Il y a donc lieu de débouter l'employeur de cette fin de non-recevoir tirée de la prescription totale des demandes [D] [O] sur le fondement de ce point de départ juridiquement dénué de toute pertinence.

À titre subsidiaire, la société, faisant valoir que le salarié n'a introduit son action en paiement que le 29 juin 2015, conclut à la prescription de l'action du demandeur afférente aux salaires dus pour la période antérieure au 29 juin 2011, compte tenu de la prescription de 3 ans précitée.

Il convient toutefois de rappeler à l'intimée que l'article 2222 du code civil, régissant les dispositions transitoires en cas de réduction d'un délai de prescription par une loi nouvelle, dispose que ' en cas de réduction de la durée du délai de prescription..., ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure', et que ces dispositions ont été expressément reprises à l'article 21 V de la loi du 14 juin 2013 précitée.

En l'espèce, [D] [O] sollicite des rappels de salaire pour la période allant du mois de juillet 2010 au mois de mai 2017 inclusivement.

Cette demande est donc, par application des dispositions transitoires précitées, restée soumise en ce qui concerne les salaires qui lui ont été réglés antérieurement au 29 juin 2011, à la prescription de 5 ans alors en vigueur, et c'est dès lors à bon droit que le salarié considère comme recevable son action portant sur des salaires payables postérieurement au 29 juin 2010.

Cette prescription soulevée à titre subsidiaire n'est donc pas plus acquise que celle invoquée à titre principal, et la fin de non-recevoir ici litigieuse sera donc ici balayée comme particulièrement mal fondée.

2.- Sur les demandes de rappels de salaire :

À la lecture des conclusions déposées par [D] [O] , il s'avère que ce salarié sollicite :

'à titre principal des rappels de salaires au titre des majorations des heures accomplies par lui 'hors période normale' au sens des accords collectifs du 4 août 2000 modifié le 5 juin 2001 (période allant de juillet 2010 à juillet 2014) puis du 28 juin 2014 (période allant d'août 2014 à mai 2017), ainsi que des indemnités au titre des repos compensateurs afférents à ces heures hors période normale, qu'il n'a pas pu prendre ;

'et à titre subsidiaire, un rappel de salaire au titre des majorations des heures de travail accomplies par lui les matins entre 5 et 6 heures, cette majoration lui étant due, d'après ses dires, par application des articles L 3122'29 et suivants, s'agissant d'heures de travail de nuit.

2.1 - sur les demandes de rappel de salaire pour travail hors période normale :

2.1.1' période juillet 2010'juillet 2014 :

L'appelant expose que l'accord collectif du 4 août 2000 précité et son avenant du 5 juin 2001 (pièce C1 du salarié) prévoient pour tous les salariés effectuant des heures dites 'hors période normale' (HPN) une indemnisation par un système de majorations financières auxquelles s'ajoute un droit à récupération.

Il estime que, compte tenu de ses horaires de travail atypiques, il accomplit en période normale des heures effectuées entre 8 heures et 19 heures et hors période normale celles entre 19 heures et 8 heures le lendemain qui, de fait, comprennent les heures de travail de nuit.

Il fait grief à l'employeur de refuser de lui allouer les majorations de salaire et les repos compensateurs auxquels ces heures HPN lui ouvrent droit.

Pour sa part, la société CRÉDIT AGRICOLE CARDS & PAYMENT , désormais dénommée CREDIT AGRICOLE PAYMENT SERVICES, conclut au rejet de cette demande, estimant que les conditions d'application de ce dispositif dérogatoire ne sont pas remplies, dans la mesure où ces contreparties pour heures hors période normale ne sont dues aux salariés que lorsqu'ils accomplissent des heures de travail en dehors de leurs horaires habituels, à titre exceptionnel, et non au titre des heures de travail qu'ils accomplissent normalement au titre de leurs horaires contractuels.

La demande ici présentée par [D] [O] porte clairement sur le versement des 'contreparties aux sujétions' prévues par l'article 4 du titre II de l'accord du 4 août 2000, c'est-à-dire sur les récupérations en temps et les majorations de salaire des heures considérées comme étant accomplies 'hors période normale' au sens de ces dispositions conventionnelles.

La simple lecture de l'intitulé de ce titre II de l'accord ' 'travail effectif hors période normale dans le cadre d'une contribution exceptionnelle' ' permet de constater que le bénéfice de ces dispositions ne peut être accordé qu'aux salariés de l'UES de la CNCA ayant accompli des heures de travail 'hors période normale dans le cadre d'une contribution exceptionnelle', cette formulation étant d'ailleurs expressément reprise à l'article 2 relatif au champ d'application du dispositif.

Or en l'espèce [D] [O] et ses collègues revendiquent une majoration systématique des heures de travail qu'ils accomplissent usuellement entre 19 heures et 8 heures le lendemain matin, en exécution de leur horaire de travail contractuel.

La cour ne peut que constater qu'il ne s'agit donc pas là d'une quelconque contribution exceptionnelle du salarié concerné à l'activité de l'entreprise justifiant l'application des majorations salariales et récupérations dérogatoires ici litigieuses, mais d'une simple exécution par l'intéressé de son contrat de travail, étant rappelé que la rémunération qui lui est versée ne doit pas manquer de tenir compte par ailleurs de ce qu'il s'agit d'un travail posté avec des horaires atypiques.

La demande de rappel de salaire présentée par [D] [O] au titre de cette période s'avère donc mal fondée.

2.1.2' période août 2014 à mai 2017 :

Cette période est soumise aux dispositions issues de l'accord de substitution du 28 juin 2014 (pièce C 2 du salarié), et plus particulièrement de son chapitre II dénommé 'dispositions relatives aux interventions exceptionnelles planifiées la nuit, les week-ends et les jours fériés'dont le paragraphe 2.1 donne la 'définition des travaux exceptionnels planifiés hors période normale'suivante :

« Des interventions peuvent être organisées en dehors des périodes habituelles de travail en raison d'événements particuliers ou occasionnels.

Ces contributions exceptionnelles peuvent être exécutées la nuit, le samedi et/ou le dimanche ainsi que les jours fériés habituellement chômés. »

La simple lecture des dispositions de ce chapitre II permet de constater que par cet accord, les partenaires sociaux ont entendu maintenir le principe et le champ d'application du dispositif prévu par l'accord initial de 2000, et n'en modifier que les modalités de mise en 'uvre au bénéfice des salariés éligibles.

Dès lors,[D] [O] ne saurait bénéficier de ces dispositions conventionnelles pour des heures de travail qu'il accomplit dans le cadre de ses horaires normaux et non pas d'une activité exceptionnelle et en dehors de sa période normale de travail prévu par son contrat.

La demande de [D] [O] s'avère donc tout aussi mal fondée sur le fondement de cet accord du 28 juin 2014 qu'au titre des accords collectifs précédents.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté [D] [O] de la totalité de ses demandes de rappels de salaire pour majorations de rémunération et repos compensateurs non pris au titre des heures de travail prétendument accomplies 'hors période normale'.

2. 2'sur la demande au titre des heures de travail de nuit :

Subsidiairement, [D] [O] fait valoir qu'il accomplit régulièrement entre 5 heures et 6 heures du matin des heures de travail qui devraient être comptabilisées comme étant des heures de travail de nuit et en conséquence lui ouvrir droit à une rémunération majorée et à des repos compensateurs par application des dispositions des articles L 3122'31 et suivants du code du travail.

La société CREDIT AGRICOLE PAYMENT SERVICES fait valoir, sans être sur ce point contredite, qu'il n'existe au sein du groupe CRÉDIT AGRICOLE aucune disposition conventionnelle applicable régissant le travail de nuit, qui est donc soumis aux seules dispositions légales des articles L 3122'29 et suivants du code du travail dans leur rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016, remplacés depuis par les articles L 3122'1 et suivants du code du travail issus de ce texte.

Pour bénéficier de ces dispositions législatives particulières sur le travail de nuit, et en particulier des contreparties sous forme de repos et/ou de majoration de rémunération, il faut :

'que le salarié concerné effectue son travail entre 21 heures et 6 heures du matin, cette plage horaire pouvant être éventuellement modifiée par une convention ou un accord collectif étendu ou par un accord d'entreprise ou d'établissement, à la condition que ceux-ci prévoient une plage de 9 heures consécutives qui doit être comprises entre 21h et 7 heures du matin et doit inclure en tout état de cause l'intervalle entre 24 heures et 5 heures. (Article L 3122'29)

'que ce salarié soit un travailleur de nuit au sens de l'article L 3122'31 du même code.

Ce texte dispose en effet qu'est considéré comme travailleur de nuit tout travailleur qui :

' soit accomplit, au moins 2 fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, au moins 3 heures de son temps de travail quotidien durant la période de travail de nuit précitée ;

' soit accomplit, au pendant une période de 12 mois consécutifs, au moins 270 heures de travail de nuit (article R 3122'8 du code du travail), étant précisé qu'une convention ou un accord collectif de travail peuvent fixer un autre nombre minimal d'heures de nuit ou une période de référence différente.

Il appartient donc à [D] [O] , qui se prévaut de ce dispositif, de rapporter la preuve de ce qu'il remplit bien ces critères de mise en 'uvre, ce que conteste son employeur.

Il apparaît, à la lecture de ses horaires précités, que [D] [O] n'accomplissait pas au moins 2 fois par semaine au moins 3 heures de son temps de travail quotidien durant la période de travail de nuit allant de 21 heures à 6 heures du matin, et qu'il n'accomplissait en réalité que 4 heures par quinzaine au cours de cette période de travail de nuit (heures de 5 h à 6 h du lundi au jeudi en semaine 1), soit au plus un total de 104 heures en période de nuit sur 12 mois.

Il est donc évident que [D] [O] ne peut recevoir la qualification de travailleur de nuit au sens de L3122'31 précité, ni de l'article L 3122'5 qui l'a aujourd'hui remplacé.

Cette demande de rappel de salaire au titre d'un prétendu travail de nuit est donc également mal fondée et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il l'a rejeté.

2.3.'Sur la demande de dommages-intérêts pour inapplication volontaire des dispositions conventionnelles :

Cette demande de l'appelant est fondée sur le refus par la société CRÉDIT AGRICOLE CARDS & PAYMENT désormais dénommée CREDIT AGRICOLE PAYMENT SERVICES, de le faire bénéficier des dispositions des accords collectifs du 4 août 2000 modifié et du 28 juin 2014 relatives aux heures de travail accomplies 'hors période normale'.

Il résulte toutefois des motifs qui précèdent que ce refus de l'employeur était parfaitement légitime et justifié, si bien que cette demande ne peut qu'être rejetée comme mal fondée

Le jugement déféré sera donc ici encore confirmé

3.' Sur la demande indemnitaire de l'UNION LOCALE CGT des 5ème et 9ème arrondissements de Lyon :

L'UNION LOCALE CGT des 5ème et 9ème arrondissements de Lyon sollicite la condamnation de la société CRÉDIT AGRICOLE CARDS & PAYMENT à lui payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice collectif subi par des travailleurs par suite du refus de l'employeur d'accéder aux demandes des salariés concernés et des délégués du personnel.

Il résulte toutefois des motifs qui précèdent que ces demandes étaient particulièrement mal fondées, que le refus de l'employeur était légitime et qu'il n'est aucunement démontré l'existence d'un quelconque préjudice collectif des travailleurs dont cette organisation syndicale pourrait aujourd'hui réclamer la réparation.

4.- sur les demandes accessoires:

Parties perdantes, [D] [O] et l'UNION LOCALE CGT des 5ème et 9ème arrondissements de Lyon la société CRÉDIT AGRICOLE CARDS & PAYMENT supporteront in solidum la charge des dépens de première instance et d'appel.

La société CREDIT AGRICOLE PAYMENT SERVICES a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné [D] [O] et l'UNION LOCALE CGT à lui payer la somme de 100 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, et de condamner in solidum les appelants à lui payer sur le même fondement une indemnité complémentaire de 200 euros au titre des frais qu'elle dû exposer en appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

DÉBOUTE la société CREDIT AGRICOLE PAYMENT SERVICES de sa fin de non-recevoir tirée d'une prétendue prescription de l'action de [D] [O] ;

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT,

CONDAMNE in solidum [D] [O] et l'UNION LOCALE CGT des 5ème et 9ème arrondissements de Lyon aux dépens de l'appel ;

CONDAMNE in solidum [D] [O] et l'UNION LOCALE CGT des 5ème et 9ème arrondissements de Lyon à payer à la société CREDIT AGRICOLE PAYMENT SERVICES la somme complémentaire de deux cents euros ( 200 €) au titre des frais hors dépens qu'elle a dû exposer en cause d'appel.

Le GreffierLe Président

Gaétan PILLIEMichel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 16/05495
Date de la décision : 09/02/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-09;16.05495 ?
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