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11/01/2018 | FRANCE | N°16/03222

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 11 janvier 2018, 16/03222


R.G : 16/03222









Décision du tribunal de grande instance de Lyon

Au fond du 04 avril 2016



4ème chambre



RG : 09/14399

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 11 Janvier 2018





APPELANT :



[A] [B]

[Adresse 1]

[Adresse 2]



représenté par la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocat au barreau de LYON







I

NTIMES :



[B] [Y] épouse [A]

née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]

[Adresse 3]

[Adresse 4]



représentée par la SCP D'AVOCATS CHAVRIER-MOUISSET- THOURET-TOURNE, avocat au barreau de LYON





[L] [A]

né le [Date naissance 2] 1963 à ...

R.G : 16/03222

Décision du tribunal de grande instance de Lyon

Au fond du 04 avril 2016

4ème chambre

RG : 09/14399

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 11 Janvier 2018

APPELANT :

[A] [B]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représenté par la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

[B] [Y] épouse [A]

née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représentée par la SCP D'AVOCATS CHAVRIER-MOUISSET- THOURET-TOURNE, avocat au barreau de LYON

[L] [A]

né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 2]

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représenté par la SCP D'AVOCATS CHAVRIER-MOUISSET- THOURET-TOURNE, avocat au barreau de LYON

CPAM DE L'AIN

[Adresse 5]

[Adresse 6]

non constituée

******

Date de clôture de l'instruction : 07 février 2017

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 26 octobre 2017

Date de mise à disposition : 7 décembre 2017, prorogée au 21 décembre 2017, puis au 11 janvier 2018, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Jean-Louis BERNAUD, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Vincent NICOLAS, conseiller

en présence d'Aurélie TARDY, avocat stagiaire

assistés pendant les débats de Leïla KASMI, greffière placée

A l'audience, Vincent NICOLAS a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Signé par Jean-Louis BERNAUD, président, et par Audrey PERGER, greffière placée, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

[B] [Y] épouse [A], qui exploite en son nom personnel un centre équestre, a consulté au début de l'année 2007 le docteur [A] [B], orthodontiste, en raison de douleurs chroniques du côté de sa deuxième prémolaire mandibulaire gauche, la contraignant à une mastication unilatérale droite.

Après avoir mis en place mi-juin 2007 un traitement multi bagues, le docteur [A] [B] a fait procéder le 26 octobre suivant à l'avulsion des quatre deuxièmes prémolaires.

En raison de douleurs importantes causées par le traitement et de ses résultats insatisfaisants, [B] [A] a décidé de l'interrompre le 27 octobre 2008, ayant perdu toute confiance dans son médecin. La poursuite de son traitement a été assurée par un autre orthodontiste, le docteur [U].

Par une décision du 10 février 2009, rendue sur la requête d'[B] [A], un juge des référés a ordonné une expertise confiée au docteur [T] [K], odontologiste des hôpitaux des armées, en qualité d'expert, pour obtenir un avis sur les soins dispensés par le docteur [A] [B] et en vue de la détermination du préjudice corporel d'[B] [A].

L'expert a déposé son rapport le 25 août 2009. Il a conclu que les soins n'avaient pas été consciencieux, ni attentifs, ni conformes aux règles de l'art et aux données actuelles de la science. Il a aussi considéré que l'état de santé de [B] [A] n'était pas consolidé.

Les 10 et 13 novembre 2009, celle-ci a fait assigner le docteur [A] [B] en responsabilité devant le tribunal de grande instance de Lyon, ainsi que la C.P.A.M de l'Ain.

Par jugement du 14 mars 2011, le tribunal a déclaré le docteur [A] [B] responsable du dommage d'[B] [A], sur le fondement de l'article L.1142-1 du code de la santé publique, et avant dire droit sur la réparation de son préjudice, ordonné une expertise confiée au docteur [K] en vue de son évaluation. Le tribunal a aussi condamné le docteur [A] [B] à verser à [B] [A] une provision à valoir sur son préjudice.

Par la suite, le juge de la mise en état lui a alloué d'autres provisions.

L'expert a déposé un premier rapport le 13 février 2012, en concluant qu' [B] [A] n'était pas consolidée sur le plan dentaire et psychiatrique. Avant d'établir son rapport, il s'est adjoint le concours du docteur [N] [W], psychiatre, qui a établi le 29 novembre 2011 un avis dans lequel il conclut à une absence de consolidation de la victime sur plan psychiatrique.

Le juge de la mise en état ayant prorogé la mission du docteur [K] par une ordonnance du 12 mars 2013, celui-ci a déposé son rapport définitif le 6 janvier 2014, en y annexant un deuxième avis du docteur [W], en date du 25 juillet 2013.

Dans le dernier état de ses conclusions, [B] [A] demandait au tribunal de condamner le docteur [A] [B] à lui payer une indemnité de 162.019,46 € en réparation de son préjudice corporel, outre les intérêts, après déduction des provisions versées s'élevant au total à la somme de 14.900 €.

Subsidiairement, le mari d'[B] [A], [L] [A], qui est intervenu volontairement, sollicitait la condamnation du docteur [A] [B] à lui payer la somme de 67.066 €, correspondant à la valorisation de son assistance bénévole auprès de son épouse, durant la période de novembre 2008 à fin août 2012.

Le docteur [A] [B] concluait principalement à la nullité des opérations d'expertise, subsidiairement, au débouté des demandes d'[B] [A] tendant à la réparation d'une perte de gains professionnels actuels, de l'incidence professionnelle, et d'un préjudice d'agrément, et sollicitait la réduction des autres postes de préjudice corporels.

Par jugement du 4 avril 2016, le tribunal de grande instance de Lyon a :

- fixé les préjudices subis par [B] [A] à la somme de 147.381,81 € ;

- condamné le docteur [A] [B] à lui payer la somme de 132.481,81 € à titre de dommages-intérêts, après déduction des provisions, outre celle de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement pour la moitié des condamnations prononcées à titre principal ;

- déclaré le jugement commun à la C.P.A.M de l'Ain.

Par déclaration transmise au greffe le 27 avril 2016, [A] [B] a interjeté appel de cette décision.

Vu ses conclusions du 21 juillet 2016, déposées et notifiées, par lesquelles il demande à la cour, au visa des articles 16 et 175 du code de procédure civile, de :

- infirmer le jugement ;

- principalement, prononcer la nullité du rapport d'expertise du docteur [K] ;

- débouter les époux [A] de leurs demandes ;

- pour le moins, ordonner une nouvelle expertise aux frais avancés des intimés en vue de procéder à un nouvel examen des préjudices, notamment sur les séquelles psychiatriques ;

- subsidiairement, débouter [B] [A] de ses demandes au titre des pertes de gains professionnels actuels et de l'incidence professionnelle ;

- débouter [L] [A] de sa demande subsidiaire tendant l'indemnisation de son assistance bénévole ;

- évaluer comme suit, les autres postes de préjudice :

* déficit fonctionnel temporaire : 8.486,40 €

* souffrances endurées : 4.000 €

* préjudice esthétique temporaire : 500 €

* préjudice esthétique permanent : 1.000 €

- débouter les époux [A] du surplus de leurs demandes ;

Vu les conclusions du 20 septembre 2016 d'[B] [A] et de [L] [A], déposées et notifiées, par lesquelles ils demandent à la cour de :

- déclarer mal fondé l'appel de [A] [B] ;

- le débouter de toutes ses demandes ;

- infirmer partiellement le jugement ;

- fixer le préjudice global d'[B] [A] à la somme de 176.919,46 €, se décomposant comme suit :

Préjudices patrimoniaux temporaires

dépenses de santé actuelles9.317,95 €

frais divers13.901,47 €

perte de gains professionnels actuels80.565 €

Préjudices patrimoniaux permanents

dépenses de santé futureréservé

incidence professionnelle20.000 €

Préjudice extra-patrimoniaux temporaire

déficit fonctionnel temporaire9.335,04 €

souffrances endurées5.500 €

préjudice esthétique temporaire2.500 €

Préjudice extra-patrimoniaux permanents

déficit fonctionnel permanent23.800 €

préjudice esthétique permanent2.000 €

préjudice d'agrément10.000 €

- condamner [A] [B], après déduction des provisions, à payer à [B] [A] la somme de 162.019,46 €, outre les intérêts ;

- subsidiairement, pour le cas où il serait jugé qu'[B] [A] n'est pas recevable à réclamer la valorisation de l'assistance bénévole de son époux, condamner [A] [B] à payer à celui-ci la somme de 67.066 € à ce titre ;

- condamner [A] [B] à payer à [B] [A] la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ;

- confirmer le jugement pour le surplus ;

- y ajoutant, condamner [A] [B] à payer à [B] [A] la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

La C.P.A.M de l'Ain, à qui la déclaration d'appel a été régulièrement notifiée par acte d'huissier du 9 août 2016 à une personne habilitée, n'a pas constitué avocat. L'arrêt sera en conséquence réputé contradictoire ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 7 février 2017.

SUR QUOI, LA COUR :

Sur la demande de [A] [B] tendant à la nullité du rapport d'expertise du docteur [K] :

Attendu que pour conclure au rejet de cette demande, [B] [A] fait valoir que :

- le docteur [W] a informé l'avocat de [A] [B], par lettre simple, de la tenue de la réunion prévue pour le 29 novembre 2011 ;

- il a pu légitimement s'entretenir avec [B] [A], lors de la réunion du 25 juillet 2013, hors la présence de [A] [B], de son médecin conseil, et des avocats, en raison de la tension présente lors des précédentes réunions d'expertise devant le docteur [K] les 8 juin 2011 et 5 janvier 2012 ;

- au regard de son rapport, il a immédiatement rendu compte du contenu de cet entretien aux représentants des parties et les données résultant de cet entretien ont été discutées contradictoirement avec celles-ci à la suite de cette réunion ;

- l'expert judiciaire leur a communiqué le rapport du docteur [W], elles ont pu lui transmettre leurs dires, de sorte que le principe du contradictoire a été respecté ;

- le docteur [K], en réponse aux dires présentés par l'avocat de [A] [B], pouvait s'en rapporter sur ce point à l'appréciation du juge ;

- l'absence de réponse à ce dire ne peut entraîner la nullité du rapport d'expertise ou de celui du sapiteur, en l'absence de preuve d'un grief ;

Attendu que [A] [B] conclut à la nullité du rapport d'expertise du docteur [K], motifs pris de ce que :

1) Le docteur [W] n'a pas convoqué le docteur [A] [B] ou son conseil, de sorte que son examen d'[B] [A], le 29 novembre 2011, s'est déroulé hors la présence d'une partie qui n'avait pas été convoquée, en méconnaissance du principe du contradictoire ;

2) Lors de la réunion qu'il a organisée le 18 juillet 2013, le docteur [W] a décidé de procéder à un entretien avec [B] [A], hors la présence des représentants du docteur [A] [B] ; le motif qu'il invoque, à savoir que la première réunion s'est déroulée dans une ambiance de grande tension, est inexact, dans la mesure où lui et ses conseils étaient absents à cette réunion, faute d'y avoir été convoqués ; en outre, ce motif ne peut légitimer le non respect du principe du contradictoire ;

3) Lors de la réunion organisée par l'expert [K] le 18 septembre 2013, il est apparu que le docteur [W] a envoyé son rapport seulement au médecin conseil d' [B] [A], ce qui a privé le docteur [A] [B] de la possibilité de présenter ses observations sur ce document ;

4) L'expert judiciaire lui ayant transmis en définitive le rapport du docteur [W], il a présenté des observations techniques dans un dire du 3 décembre 2013 sur l'avis donné par ce dernier, auxquelles le docteur [K] n'a pas répondu;

5) Il n'a donc jamais été permis au docteur [A] [B] et à ses conseil de discuter des conclusions du docteur [W], dans le cadre des réunions organisées ou après le dépôt du pré-rapport de l'expert judiciaire ;

6) Le principe du contradictoire ayant été méconnu, la nullité du rapport d'expertise judiciaire du docteur [K] doit donc être prononcée ;

Attendu, cependant, et en premier lieu, que s'il ressort du rapport du docteur [W] du 29 novembre 2011 qu'il n'a pas convoqué le docteur [A] [B] par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, en méconnaissance des dispositions de l'article 160 du code de procédure civile, il est produit un courrier en date du 13 octobre 2011 par lequel il informe le conseil de [A] [B] de la date de la réunion fixée le 29 novembre 2011 pour l'examen d'[B] [A] ; que la violation du principe du contradictoire ne peut être tirée du défaut de convocation de [A] [B], dans la mesure où celui-ci a été ainsi mis en mesure de se rendre à cette réunion ;

Attendu, en deuxième lieu, que l'entretien personnel qu'a eu le docteur [W] avec [B] [A], soumise à cette occasion à un examen mental, revêtait un caractère intime justifiant qu'il ne soit pas tenu d'admettre les représentants des parties à y assister ; qu'il ressort ensuite de son rapport qu'il leur a fait part des constatations effectuées en leur absence ; qu'en tous cas, [A] [B] ne conteste pas l'allégation d'[B] [A] dans ses conclusions selon laquelle le docteur [W] a immédiatement rendu compte du contenu de l'entretien aux représentants des parties ; que la prétendue irrégularité tirée de cet entretien ne peut donc entraîner la nullité du rapport d'expertise ;

Attendu en troisième lieu que le docteur [K] a communiqué au conseil de [A] [B], par lettre du 3 octobre 2013, le rapport du docteur [W] du 25 juillet 2013, soit avant la communication aux parties de son pré-rapport en date du 3 novembre 2013 ; que [A] [B] a donc été mise en mesure, suffisamment à l'avance, de discuter l'avis du sapiteur ; que dans son dire du 3 décembre 2013, son conseil critique les conditions dans lesquelles s'est déroulée la réunion d'expertise organisée par le docteur [W] le 18 juillet 2013, en considérant que le principe du contradictoire n'a pas été respecté ; qu'il présente ensuite des observations au sujet d'un état antérieur d' [B] [A], écarté par le sapiteur, en considérant que les traits de personnalité de cette dernière doivent être pris en compte, ainsi qu'une disthyroïdie, dans l'analyse des causes de ses troubles ; que, toutefois, un expert devant uniquement donner son avis en considération des éléments techniques relevant de son art, il ne peut être reproché au docteur [K] de s'en être rapporté à l'appréciation du tribunal sur la question de la violation du principe du contradictoire ; qu'ensuite, il ressort de son rapport du 8 décembre 2013 qu'il a répondu aux observations du docteur [A] [B] sur l'existence d'un état antérieur de [B] [A], puisqu'il y énonce que celle-ci ne présentait aucun antécédents médical, sur le plan bucco-dentaire et sur le plan psychiatrique, susceptibles d'interférer avec les faits ; qu'en outre, [A] [B] ne prouve pas de grief, en particulier celui qu'aurait pu lui causer le fait que la réponse à son dire ne se trouve pas précisément à la page 10 de ce rapport, consacrée aux 'réponses aux dires' ;

Attendu dans ces conditions qu'en l'absence de preuve d'une méconnaissance du principe du contradictoire, il y a lieu de le débouter de sa demande de nullité de l'expertise ;

Sur l'évaluation du préjudice corporel de [B] [A] :

Attendu que l'expert judiciaire a conclu son rapport comme suit :

- les blessures et lésions résultant de l'intervention du docteur [B] sont une avulsion des deuxièmes prémolaires (dents 15, 25, 35, 45) ; disparition de papilles inter dentaires en regard des incisives mandibulaires ; apparition de récessions gingivales en regard des dents maxillaires (14, 13, 12, 21, 22, 24, 26 ) et mandibulaires (36, 43, 46, 47) ;

- les traitements et interventions rendus nécessaires et effectués par le docteur [U] ont consisté en la fermeture des espaces et la correction de la déviation des milieux inter incisifs ;

- il n'y a pas eu d'incidence, sur le plan bucco-dentaire et sur le plan psychiatrique, d'un état antérieur ; les lésions initiales décrites précédemment sont réelles ;

- il existe un déficit fonctionnel temporaire partiel débutant le 26 octobre 2007, correspondant à l'extraction des quatre prémolaires, jusqu'au 29 août 2012 ; il prend en compte l'état de santé dentaire et l'état de santé psychiatrique ; ce déficit temporaire partiel est fixé à 24 % ;

- la date de consolidation est fixée au 30 août 2012, date retenue par le docteur [W] ;

- il n' y a pas eu de remise en cause de l'activité de monitrice d'équitation ;

- il existe un déficit fonctionnel permanent imputable à l'intervention du docteur [B] ; ce déficit fonctionnel permanent prend en compte l'avulsion des quatre prémolaires et les retentissements sur le plan psychiatrique ; il est fixé à 14 % ;

- il existe des souffrances physiques, psychiques et morales du 26 octobre 2007 au 29 août 2012 ; elles sont fixées à 3/7 ;

- un changement d'emploi n'est pas d'actualité ; la prise en charge du docteur [B] a perturbé Mme [A] dans son travail ;

- il existe un préjudice esthétique temporaire depuis le 26 octobre 2007 ; il est de 1,5/7 du 26 octobre 2007 au 5 décembre 2011, puis de 1/7 du 6 décembre 2011 au 29 août 2012 ; depuis le 30 août 2012, il existe un préjudice esthétique permanent de 1/7 ;

- le coût du traitement orthodontique réalisé par le docteur [U] et imputable à l'intervention du docteur [B] s'élève à 5.110 € ;

A) SUR L'ÉVALUATION DES PRÉJUDICES PATRIMONIAUX :

1) sur les préjudices patrimoniaux temporaires :

a) les dépenses de santé actuelle (DSA) :

Attendu que [A] [B] offre de verser une indemnité de 5.110 €, en réparation de ce préjudice, correspondant aux honoraires du docteur [U], et de rejeter le surplus de la demande d' [B] [A] au titre des DSA, en faisant valoir qu'elle ne peut pas lui demander le remboursement des soins qu'il lui a prodigués ;

Attendu que celle-ci soutient au contraire que la règle de l'article 1184 du code civil impose le remboursement des sommes payées au docteur [B], correspondant à tous les soins dont il est à l'origine (soit une somme de 2.578 €) ;

Attendu, cependant, qu'elle ne demande pas la résolution du contrat qu'elle a conclu avec le docteur [A] [B] ; qu'elle ne peut donc pas solliciter le remboursement de tous les honoraires qu'elle lui a payés ;

Attendu qu'elle justifie avoir payé au docteur [F] des soins de désensibilisation dentaire effectué le 20 décembre 2007, pour un coût de 50 € et des frais de radios (19,95 €) ; qu'elle justifie aussi avoir suivi durant l'année 2009, auprès du docteur [I], neurologue et psychothérapeute, des 'séances de restructuration cognitive et d'intégration par les mouvements oculaires' en raison d'un état de stress post-traumatique ; qu'il ressort du rapport de l'expert judiciaire que ces soins ont un lien de causalité avec les manquements commis par [A] [B] ;

Attendu en conséquence qu'il y a lieu d'évaluer le poste 'DSA' à la somme de 6.739,95 €;

b) les frais divers :

Attendu qu'[B] [A] soutient avoir parcouru plus de 13.000 km et effectué 135 déplacements pour se rendre chez le docteur [A] [B], le docteur [U] et chez d'autres praticiens (généralistes, psychiatre, odontologues), ainsi que pour les besoins des expertises ; qu'elle a établi son tableau des frais de déplacement à partir de ses rendez vous avec ces praticiens ; qu'elle précise habiter à plus de 50 km de Lyon et qu'aucun spécialiste proche de chez elle n'était en mesure de réparer les dommages causés par le docteur [A] [B] ;

Attendu que celui-ci, pour conclure au rejet de la demande d'[B] [A] tendant au remboursement de ses frais de transport, soutient qu'elle ne peut se fonder, pour en justifier, sur les tableaux établis par elle-même ;

Attendu, cependant, que pour fixer à 9.250,39 € ses frais de déplacement [B] [A] produit un tableau qu'elle a établi pour les années 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012, à partir des rendez vous qu'elle a eu, d'abord avec le docteur [A] [B], puis avec les différents spécialistes qu'elle a consultés suite aux manquements commis par ce dernier ; que les distances en kilomètres qu'elle mentionne dans son tableau, entre son domicile situé à [Localité 3] et les cabinets des médecin consultés, correspondent aux distances réelles ; que notamment, le cabinet du docteur [U], qui exerce à [Localité 4], et qui l'a suivie pendant trois ans près de soixante fois, se trouve à plus de 50 km de son domicile ; qu'elle produit des documents médicaux permettant de vérifier qu'elle a été traitée par les médecin mentionnés dans son tableau, pour des motifs en lien avec les manquements du docteur [A] [B] ; qu'elle justifie donc suffisamment avoir parcouru la distance de 13.063 km pour un coût de 9.250 €, auquel il convient d'ajouter une somme de 423 €, correspondant aux frais de péage qu'elle établit à partir de factures provenant d'un centre d'entretien d'autoroutes ; qu'en revanche, sa demande de remboursement des frais de parking sera rejetée, faute de justificatif ; qu'en conséquence, il y a de fixer sa perte correspondant aux frais de transport à la somme de 9.673 € ; qu'au regard des notes d'honoraires du docteur [E] produites aux débats, qui l'a assistée lors des expertises médicales, il y a lieu de fixer à 3.750,48 € le montant de ces frais d'assistance ; que les frais de radiographie panoramique d'un montant de 47 € sont aussi justifiés ; qu'en conséquence, le poste de préjudice 'frais divers ' doit être évalué à la somme de 13.470,48 € ( 9.250 + 423 + 3.750,48 + 47 ) ;

c) perte de gains professionnels actuels (PGPA) :

Attendu que pour conclure à l'absence d'un tel préjudice, le docteur [A] [B] fait valoir que :

- l'expert [K] et son sapiteur n'ont pas retenu l'existence de perte de gains professionnels, n'ont pas conclu à la nécessité pour Mme [A] d'arrêter ou d'aménager son activité de monitrice d'éducation et il n'est pas justifié d'un lien de causalité entre les pertes alléguées et les soins qu'il a dispensés ;

- [B] [A] ne justifie d'aucun arrêt de travail en lien avec les soins afférents à la période litigieuse

- la perte évaluée par l'expert qu'elle a choisi, le cabinet CETI, est hypothétique ;

- elle ne démontre donc aucune perte de revenus ;

- son mari n'établit pas avoir négocié son licenciement en vue de lui apporter une assistance bénévole et l'expert [K] n'a pas indiqué qu'elle avait besoin d'une aide dans l'exercice de son activité professionnelle ;

- M. [A] ne justifie pas de pertes de revenus, alors qu'il a perçu des indemnités de chômage ;

Attendu qu'[B] [A] soutient que :

- l'expert judiciaire n'a pas écarté l'existence d'une PGPA en relation de causalité avec les faits ;

- elle ne produit pas d'arrêt de travail du fait de son statut de travailleur indépendant ;

- du fait des soins défectueux du docteur [A] [B], elle a subi une diminution de son activité, qui consiste à donner des cours d'équitation, à prendre des chevaux en pension et à les dresser, et subi également des charges d'exploitation complémentaires ;

- elle a pu poursuivre tant bien que mal son activité de monitrice, mais n'a pu s'occuper des autres tâches de l'exploitation, et a bénéficié à partir de novembre 2008 de l'assistance bénévole de son mari, qui venait d'être licencié ;

- le cabinet CETI, auquel elle a fait appel pour établir les conséquences financières sur son exploitation des manquements du docteur [A] [B], a fixé dans son rapport du 15 janvier 2014 à 13.499 € sa perte de marge nette sur les exercices 2008/2009 ; il a aussi valorisé à la somme de 67.066 € l'assistance bénévole de son mari durant la période de novembre 2008 à fin août 2012, en considérant cette valorisation indispensable dès lors qu'en l'absence de cette assistance, elle aurait dû recruter un salarié ;

- dans la mesure où M. [A] a consacré une grande partie de son temps à son assistance et qu'il n'a pu exercer une activité professionnelle rémunératrice, il en est résulté pour le ménage une perte de revenus ;

- le fait que l'aide ait été apportée par un membre de sa famille ne permet pas de contester le principe de l'indemnisation et de ses modalités ;

Attendu, cependant, que la perte de revenus subies par M. [A] ne constitue pas un préjudice dont [B] [A] a souffert personnellement ; qu'elle ne peut donc en demander la réparation ; que par ailleurs, l'économie que lui a fait bénéficier l'assistance bénévole de son mari ne constitue pas pour elle un préjudice indemnisable ;

Attendu ensuite qu'il ressort de l'avis du docteur [W], pris en considération par l'expert judiciaire dans son rapport, que les soins dispensés par le docteur [A] [B] ont eu pour effet de provoquer chez [B] [A] l'équivalent d'un traumatisme psychique avec apparition d'éléments d'un état de stress, qui ont justifié la prise d'un traitement anxiolytique ; que le docteur [K] prend aussi en compte l'état de santé dentaire d' [B] [A] pour fixer son taux de déficit fonctionnel temporaire et il a considéré que ses souffrances physiques, psychiques et morales endurées avant la consolidation de ses blessures étaient modérées ; qu'il en résulte que sa capacité à exercer son activité professionnelle a nécessairement été réduite durant la période antérieure à cette consolidation, et que cette réduction est en relation de causalité avec les manquements imputés au docteur [A] [B] ;

Attendu que pour fixer à 13.499 € la perte des revenus professionnels subies par [B] [A] durant les années 2008, 2009, M. [X], expert qui a rédigé le rapport CETI, expose que durant l'exercice 2008, son chiffre d'affaires a stagné, avant l'arrivée de M.[A], alors qu'il était en progression constante depuis le début de son activité, surtout depuis 2005 ; qu'il constate ensuite que le résultat net comptable a été déficitaire en 2008 ; qu'il évalue ensuite ce résultat pour les années 2008 à 2012 en prenant pour base de calcul une progression du chiffre d'affaires égale à 20 %, pour en conclure qu'en 2008 et 2009, le résultat net comptable théorique aurait dû s'élever à 6.401 € et 7.681 € ; que les résultats réels pour ces deux années s'étant élevés à - 1.997 € et + 2.580 €, il en déduit que la perte sur les exercices 2008 et 2009 aurait été de 8.398 et 5.101, soit une somme totale de 13.499 € ; que, cependant, seul le lien de causalité entre la perte de revenus subies en 2008 et les manquement du docteur [A] [B] apparaît certain, dès lors que durant cette année, jusqu'au mois de novembre, [B] [A] était seule pour diriger son entreprise, alors que sa capacité à exercer son activité était réduite en raison de son état de santé ; qu'en 2009, son résultat net comptable a été plus important, ses revenus imposable (4.206 €) plus élevés qu'en 2008 (2.922 €) ; que son chiffre d'affaires, après avoir stagné en 2008 (35.067 € durant cette année, au lieu de 35.561 € en 2007), a augmenté en 2009 (38.683 €) et de façon beaucoup plus importante durant les années suivantes jusqu'en 2012 ; que l'aide de son mari ayant donc manifestement compensé, à partir de 2009, la diminution de sa capacité à exercer son activité professionnelle, le lien de causalité entre la perte de revenus théorique calculée par l'expert de la société CETI avec les manquements du docteur [A] [B] n'est pas certain ; qu'en conséquence, seule une somme de 8.398 € doit lui être allouée en réparation du poste de préjudice 'PGPA' ;

Attendu qu'il y a donc lieu de fixer à 28.608,43 € les postes des préjudices patrimoniaux ;

2) sur les préjudices patrimoniaux permanents :

Attendu que [A] [B] conclut à l'absence de cette incidence professionnelle, en se référant aux motifs qui le conduisent à conclure à l'absence de PGPA ;

Attendu qu'[B] [A], pour fixer à 20.000 € le poste de préjudice 'incidence professionnelle', soutient qu' elle n'a pas été en mesure, après la consolidation de ses blessures, de reprendre seule son exercice professionnel, et que celui-ci, au regard de son taux de déficit fonctionnel permanent, est beaucoup plus difficile qu'auparavant ;

Attendu, cependant, que l'expert judiciaire énonce dans les conclusions de son rapport qu'un changement d'emploi pour [B] [A] n'est pas d'actualité ; qu'il ajoute que la prise en charge du docteur [A] [B] l'a perturbée dans son travail, sans préciser si cette perturbation s'est poursuivie après la consolidation de ses blessures ; qu'il ne résulte pas de son rapport que les séquelles d' [B] [A] rendent son activité professionnelle plus fatigante ou plus pénible ; qu'en conséquence, il y a lieu de rejeter sa demande d'indemnisation d'une incidence professionnelle ;

B) SUR L'ÉVALUATION DES PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX :

Attendu qu'en l'absence d'éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit d'[B] [A], en évaluant comme il l'a fait les préjudices extra-patrimoniaux qu'elle a subit ; qu'il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu'elle fixe, avant déduction des provisions, à la somme de 45.895,04 € les postes de préjudice extra patrimoniaux ;

Attendu en conséquence qu'il y a lieu de condamner [A] [B] à payer à [B] [A] la somme de 59.543,47 € en réparation de son préjudice corporel, après déduction des provisions versées ([28.608,43 + 45.835,04] - 14.900) ;

Sur la demande de [L] [A] :

Attendu qu'il n'établit pas que son licenciement est consécutif à l'état de santé de son épouse ; qu'ainsi, en l'absence de preuve d'un lien de causalité direct et certain entre sa perte de revenu alléguée et les manquements du docteur [A] [B], il y a lieu de le débouter de sa demande ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement en ce qu'il condamne [A] [B] à payer à [B] [A] la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il déclare le jugement commun et opposable à la C.P.A.M de l'Ain, et en ce qu'il condamne [A] [B] aux dépens ;

L'infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Fixe les préjudices subis par [B] [A] à la somme de 74.443,47 € ;

Condamne [A] [B] à lui payer la somme de 59.543,47 €, déduction faite des provisions versées à hauteur de 14.900 € ;

Y ajoutant,

Déboute [A] [B] de sa demande de nullité du rapport d'expertise du docteur [K] ;

Déboute [L] [A] de sa demande tendant à la condamnation de [A] [B] au paiement de la somme de 67.066 € ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne [A] [B] à payer à [B] [A] la somme de 4.000 € ;

Le condamne aux dépens d'appel.

LA GREFFIERELE PRESIDENT

AUDREY PERGERJEAN-LOUIS BERNAUD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 16/03222
Date de la décision : 11/01/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°16/03222 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-11;16.03222 ?
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