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08/12/2017 | FRANCE | N°15/09334

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 08 décembre 2017, 15/09334


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 15/09334

(Jonction avec le dossier N° RG 16/6518)





[F]

SAS SYNDICAT CGT CATERPILLAR FRANCE



C/

SAS CATERPILLAR FRANCE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VIENNE

du 09 Novembre 2015

RG : F 13/00444

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2017





APPELANTS :



[D] [F]

né le [Date na

issance 1] 1965 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Autre qualité : Intimé dans 16/06518 (Fond)

Comparant en personne, assisté de Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Célia LAMY, avocat...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 15/09334

(Jonction avec le dossier N° RG 16/6518)

[F]

SAS SYNDICAT CGT CATERPILLAR FRANCE

C/

SAS CATERPILLAR FRANCE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VIENNE

du 09 Novembre 2015

RG : F 13/00444

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2017

APPELANTS :

[D] [F]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Autre qualité : Intimé dans 16/06518 (Fond)

Comparant en personne, assisté de Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Célia LAMY, avocat au barreau de GRENOBLE

SYNDICAT CGT CATERPILLAR FRANCE

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Autre qualité : Intimé dans 16/06518 (Fond)

Représentée par Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Célia LAMY, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE :

SAS CATERPILLAR FRANCE

[Adresse 5]

[Adresse 6]

[Adresse 4]

Autre qualité : Appelante dans 16/06518 (Fond)

Représentée par Me Laure ALVINERI, avocat au barreau de GRENOBLE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Octobre 2017

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Michel SORNAY, Président

Didier JOLY, Conseiller

Natacha LAVILLE, Conseiller

Assistés pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 08 Décembre 2017, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président, et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 1er septembre 2004, [D] [F], salarié de la S.A.S. Caterpillar France depuis le 1er avril 1986, technicien de maintenance (coefficient 265) depuis 1995 et représentant du personnel C.G.T. depuis 1998, a saisi le Conseil de prud'hommes de Grenoble afin de faire constater la discrimination dont il était l'objet en ce qui concernait les augmentations au mérite de 1993 à 2003, obtenir le bénéfice rétroactif du coefficient 295 depuis le 1er janvier 1999 ainsi qu'un rappel de salaire et des dommages-intérêts pour préjudice matériel et financier d'une part, pour préjudice moral d'autre part.

Par jugement du 26 juin 2006, la formation de départage a débouté [D] [F] de ses demandes.

Par arrêt du 14 mai 2008, la Cour d'appel de Grenoble a :

- infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté [D] [F] de sa demande au titre de l'absence d'évolution de son coefficient,

- statuant à nouveau, condamné la S.A.S. Caterpillar France à payer à [D] [F] la somme de 8 000 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination dans l'évolution de sa carrière,

- confirmé le jugement dans ses autres dispositions.

Par arrêt du 5 novembre 2009, la Chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt du 14 mai 2008 en ce qu'il avait débouté [D] [F] de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale au titre de la revalorisation de son coefficient et renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de Lyon.

Par arrêt du 23 août 2010, la Cour d'appel de Lyon (5ème chambre, section C) a :

- réformé le jugement du 26 juin 2006 rendu par le Conseil de prud'hommes de Grenoble,

- déclaré que l'écart de coefficient constaté à l'égard de [D] [F] résulte d'une mesure discriminatoire,

- constaté en conséquence que la SAS CATERPILLAR France aurait dû classer [D] [F] au coefficient 295 à compter du 1er janvier 1999 et tirer toutes les conséquences de droit qui sont attachées à cette classification,

- condamné la SAS CATERPILLAR France à verser à [D] [F] la somme de 20 000 euros au titre de la revalorisation du coefficient, correspondant au préjudice financier et matériel en rapport direct avec la discrimination,

- condamné la SAS CATERPILLAR France à verser à [D] [F] la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral subi en raison de la discrimination syndicale.

Par lettre du 18 janvier 2011, [D] [F], affilié de manière obligatoire au régime complémentaire de prévoyance Apicil à la suite de l'attribution du coefficient 295, a rappelé à son employeur l'usage consistant à ajuster les salaires en cas de changement de coefficient pour tenir compte des prélèvements supplémentaires de charges.

Le responsable des relations sociales lui a répondu par courrier du 24 janvier 2011 qu'après vérification, l'absence d'ajustement du salaire de [D] [F] résultait d'une erreur administrative qui serait régularisée rétroactivement dans les plus brefs délais.

Dans une lettre du 12 mai 2011, dont copie à l'inspection du travail, [D] [F] a pris acte de la régularisation intervenue. Cependant, il a constaté qu'il n'avait pas bénéficié de l'augmentation de salaire de 3% octroyée systématiquement à chaque salarié qui obtient un coefficient supérieur.

Par lettre du 12 juillet 2011, le responsable des relations sociales a répondu au salarié dans les mêmes termes que le 24 janvier.

Le 18 juillet 2011, l'inspecteur du travail a interrogé la S.A.S. Caterpillar France sur la différence de 258 € constatée entre le salaire moyen des hommes classés au coefficient 295 et justifiant d'une ancienneté comprise entre 25 et 30 ans (2 454 €) et le salaire de [D] [F] en équivalent temps plein (2 196 €). [D] [F] travaillait à temps partiel (80%), moyennant un salaire mensuel brut de 1 757 € au premier trimestre 2011.

Le 25 octobre 2011, la société a répondu à l'inspecteur du travail que l'écart de salaire entre [D] [F] et les salariés occupant un poste au moins égal au sien était de 206 €. Elle a considéré que les dommages-intérêts alloués le 23 août 2010 à [D] [F] par la Cour d'appel de Lyon clôturait le débat relatif au rattrapage salarial.

L'inspecteur lui a répondu le 28 novembre 2011 que ces dommages-intérêts ne compensaient pas l'écart de salaire encore constaté en 2011.

Le 6 février 2012, l'employeur a transmis à l'administration des tableaux comparant les situations des salariés [F], [D] et [W], entrés en 1986 et occupant des fonctions similaires : le différentiel de salaire était de 150 € par mois.

Dans l'intervalle, dans un courrier remis en main propre à la directrice des ressources humaines le 20 octobre 2011, [D] [F] avait soulevé de nouvelles questions relatives au non-paiement des déplacements entre le vestiaire et la pointeuse d'une part, la pointeuse et la cafétéria d'autre part ainsi que la différence de traitement des salariés quant au mode de badgeage.

Le 2 août 2013, [D] [F], membre du Conseil de prud'hommes de Grenoble, et le syndicat C.G.T. Caterpillar France ont saisi le Conseil de prud'hommes de Vienne (section industrie) des demandes suivantes :

- constater que la discrimination relevée à l'encontre de Monsieur [D] [F] a persisté au delà de l'arrêt rendu le 23 août 2010 par la Cour d'appel de Lyon, qu'il n'a donc pas vu sa situation rétablie postérieurement à son classement au coefficient 295,

- constater le caractère discriminatoire des mesures salariales mises en oeuvre par la SAS CATERPILLAR au sein de l'entreprise entre les salariés cadres et non cadres,

- fixer le salaire de base de Monsieur [D] [F] à 2 402.00 euros à compter du 1er octobre 2010,

- en conséquence, constater que la S.A.S CATERPILLAR a traité Monsieur [D] [F] de manière inégalitaire et discriminatoire et lui ordonner de régulariser la situation professionnelle de Monsieur [D] [F], avec effet rétroactif au 1er octobre 2010,

- condamner la S.A.S CATERPILLAR à verser à Monsieur [D] [F] les sommes de :

2 983,25 euros pour le temps de déplacement entre la pointeuse et le vestiaire, outre 298,32 euros pour les congés payés afférents,

578,43 euros pour le temps de déplacement entre la pointeuse et la salle de restauration, outre 57,84 euros au titre des congés payés afférents,

3 277,80 euros au titre de la différence de traitement dans le mode de badgeage, outre 327,78 euros pour les congés payés afférents,

16 719,75 euros à titre de rattrapage suite à la décision judiciaire, outre 1 671,97 euros pour les congés payés afférents,

3 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour perte d'une chance sur la prime 2009/2010,

7 086,92 euros à titre de rattrapage de salaire sur la prime STIP/ICP de 2008, 2010 et 2014 sur la base du salaire majoré et la somme de 7 820,99 euros sur la base du salaire majoré,

100 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice matériel et financier pour discrimination syndicale,

50 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- condamner la S.A.S CATERPILLAR à payer au syndicat CGT CATERPILLAR la somme de 50 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice syndical.

Par jugement rendu le 9 novembre 2015, la formation de départage du Conseil de prud'hommes de Vienne a :

- dit valable la représentation du syndicat CGT CATERPILLAR par Monsieur [D] [F] et recevables ses demandes,

- ordonné la jonction des procédures 13/00444 et 13/00472 sous le numéro 13/00444,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur le moyen d'incompétence de la juridiction, non soutenu à l'audience par la défenderesse,

- constaté que la discrimination à l'encontre de Monsieur [D] [F] a perduré au-delà de l'arrêt rendu le 23 août 2010 par la Cour d'appel de Lyon,

- condamné la S.A.S CATERPILLAR à payer à Monsieur [D] [F], à titre de rattrapage de salaire, les sommes de 11 030,00 euros, outre 1 103,00 euros pour les congés payés afférents, outre intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2013, date de la saisine du Conseil de prud'hommes,

- condamné la S.A.S CATERPILLAR à payer à Monsieur [D] [F], à titre de dommages et intérêts les sommes de 20 000,00 euros au titre du préjudice matériel et financier, et 5 000,00 euros au titre du préjudice moral, outre intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- débouté Monsieur [D] [F] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions tendant au paiement de rattrapages de salaires et congés payés afférents et de dommages et intérêts pour perte de chance ainsi qu'à la fixation de son salaire avec effet rétroactif,

- débouté le syndicat CGT CATERPILLAR de ses demandes en paiement de dommages et intérêts et d'une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la S.A.S CATERPILLAR de ses demandes en paiement de dommages et intérêts et d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de sa demande de compensation,

- condamné la S.A.S CATERPILLAR à payer à Monsieur [D] [F] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 500,00 euros,

- condamné la S.A.S CATERPILLAR aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Le 7 décembre 2015, [D] [F] et le syndicat C.G.T. ont relevé appel de cette décision par lettre recommandée adressée au greffe de cette Cour (procédure RG n°15/09334).

Le 9 décembre 2015, la S.A.S. Caterpillar France a interjeté appel du jugement par déclaration au greffe de la Cour d'appel de Grenoble qui, par ordonnance du 19 juillet 2016, s'est dessaisie au profit de la Cour d'appel de Lyon (procédure RG n°16/06518).

*

* *

LA COUR,

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de leurs observations orales à l'audience du 19 octobre 2017 par [D] [F] et par le syndicat CGT Caterpillar qui demandent à la Cour de :

- déclarer Monsieur [F] et le syndicat CGT Caterpillar recevables et biens fondés en leurs demandes, fins et conclusions ;

- constater que la discrimination relevée à l'encontre de Monsieur [F] a persisté au delà de l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 23 août 2010 ;

- constater que Monsieur [F] n'a pas intégralement vu sa situation rétablie postérieurement à son classement au coefficient 295 ;

- constater le caractère discriminatoire des mesures salariales mises en oeuvre par la société Caterpillar au sein de l'entreprise entre les salariés cadres et non cadres ;

- fixer à 2 402 € le salaire de base de Monsieur [F] à compter du 1er octobre 2010 et en tirer toutes les conséquences de droit, notamment au titre du rappel de salaire ;

- fixer à 2 631 € le salaire de base de Monsieur [F] a compter du 1er janvier 2014 et en tirer toutes les conséquences de droit, notamment au titre du rappel de salaire ;

- en conséquence, confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit et jugé que la société Caterpillar a traité de manière inégalitaire et discriminatoire Monsieur [F] malgré le coefficient 295 et ce postérieurement à l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 23 août 2010 ;

- réformer ledit jugement pour le surplus et, statuant a nouveau :

- ordonner à la société Caterpillar de régulariser la situation professionnelle notamment en application des usages non contestés de l'entreprise au regard de son coefficient 295 avec effet rétroactif au 1er octobre 2010 ;

- condamner la société Caterpillar à payer à Monsieur [F] les sommes suivantes :

dépassements d'horaires non rémunérés (2010 à 2014)1 142,57 €

congés payés afférents114,25 €

temps de déplacement entre la pointeuse et le vestiaire5 512,47 €

congés payés afférents551,24 €

déplacement entre la pointeuse et la salle de restauration1 081,61 €

congés payés afférents108,16 €

différence de traitement dans le mode de badgeage6 118,27 €

congés payés afférents611,82 €

rattrapage de salaire suite à décision judiciaire29 607,00 €

congés payés afférents2 960,70 €

dommages-intérêts pour perte de chance sur prime 2009/20103 000,00 €

rattrapage de salaire sur la prime STIP/ICP de 2008, 2010, 2014 et 2015 :

* sur la base du salaire non majoré8 545,48 €

* sur la base du salaire majoré9 628,55 €

dommages-intérêts pour discrimination syndicale :

* préjudice matériel et financier100 000,00 €

* préjudice moral50 000,00 €

- condamner la société Caterpillar à verser au syndicat C.G.T. Caterpillar la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice syndical,

- dire et juger que la décision à intervenir emportera effet postérieurement à l'année 2013, et pour l'avenir,

- assortir ces condamnations des intérêts de droit à compter de l'enrôlement devant le Conseil de prud'hommes de Vienne pour les créances à caractère salarial, et à compter de la notification de la décision à intervenir pour les autres,

condamner encore la société Caterpillar à payer à Monsieur [F] la somme de 3 000 € et 3 000 € au syndicat C.G.T. Caterpillar sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales à l'audience du 19 octobre 2017 par la S.A.S. Caterpillar France qui demande à la Cour de :

- déclarer soit irrecevables soit mal fondées les demandes de Monsieur [F] ;

- l'en débouter ;

- reconventionnellement, rembourser la somme de 1.595,40 € € à parfaire en cas d'augmentation rétroactive de son salaire, comme sollicitée à tort ;

- déclarer de la même façon irrecevables ou mal fondées les demandes du syndicat CGT Caterpillar France ;

- l'en débouter ;

- condamner Monsieur [F] reconventionnellement à payer à la Société Caterpillar France:

la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

celle de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Attendu qu'il y a lieu de joindre les procédures RG n°15/09334 et RG n°16/06518 sous le n°15/09334 ;

Sur la demande de régularisation salariale et le rattrapage lié à l'évolution du coefficient :

Attendu que selon l'article L 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Que le passif antérieur à l'arrêt du 23 août 2010 étant apuré, il convient d'examiner si la discrimination syndicale reconnue par cette Cour s'est poursuivie dans la période postérieure ; que pour les années 2010 (3 mois) à 2013, [D] [F] s'en tient à l'écart de salaire admis par la S.A.S. Caterpillar France dans sa réponse du 25 octobre 2011 à l'inspecteur du travail ; que pour les années postérieures, il compare sa situation à celles de [C] [D] et [K] [W], d'ancienneté comparable et tous deux au coefficient 295, dont les salaires au 1er janvier 2014 étaient respectivement de 2 632,98 € et de 2 630,41 € ; qu'au 31 décembre 2013, le salaire moyen du coefficient 295 était de 2 631 € pour une ancienneté comprise entre 25 et 30 ans ; qu'en équivalent temps plein, [D] [F] percevait 2 285,89 € ; que la S.A.S. Caterpillar France objecte que [C] [D], [K] [W] et [D] [F] n'ont pas été embauchés au même salaire et que leur évolution divergente à dater de 2010 s'explique par leurs notations annuelles ; que si [C] [D], engagé comme électricien au coefficient 205, avait un avantage initial sur les deux autres salariés engagés comme opérateurs au coefficient 175, le salaire de [K] [W] était en 1986 inférieur à celui de [D] [F] ; que [K] [W] a obtenu le coefficient 260 quatre ans avant [D] [F] et avait en 1999 un salaire mensuel supérieur de 44,81 € à celui de l'appelant ; qu'entre janvier 1999 et janvier 2016, les salaires mensuels de [K] [W] et de [D] [F] (en équivalent temps plein) ont progressé respectivement de 57,95% et de 53,89%, ce qui a creusé encore plus un écart qui était déjà de 85,22€ en faveur du premier en 1999 et qui était passé à 200,07 € en janvier 2016 ; que le tableau que la S.A.S. Caterpillar France a inséré dans ses conclusions (page 5) fait apparaître que de 2010 à 2016, l'évaluation de [C] [D] et de [K] [W] a été plus favorable que celle de [D] [F] jusqu'en 2013 inclus ; que l'employeur n'ayant pas estimé devoir communiquer les comptes rendus d'entretien annuel de l'appelant, il n'est pas possible d'aller au-delà de ce constat qui ne suffit pas à expliquer un écart dont l'origine est antérieure à l'année 2000 ; que le salaire de [K] [W] constitue un terme de comparaison pertinent puisque la situation de ce dernier est comparable à celle de [D] [F] en termes de poste occupé, d'ancienneté et de coefficient ; qu'en outre, [D] [F] se compare à un technicien dont le salaire se situait seulement, début 2014, dans la moyenne des salaires du coefficient 295 pour une ancienneté identique ; que l'écart constaté entre [D] [F] et [K] [W] n'en prend que davantage de sens ; que la S.A.S. Caterpillar France n'a pas démontré qu'un tel écart était justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

Qu'en conséquence, la S.A.S. Caterpillar France doit être condamnée à payer à [D] [F] :

un rappel de salaire de 318 € sur l'année 2010,

un rappel de salaire de 2 678 € sur l'année 2011,

un rappel de salaire de 2 678 € sur l'année 2012,

un rappel de salaire de 2 678 € sur l'année 2013,

un rappel de salaire de 4 486,43 € sur l'année 2014,

un rappel de salaire de 4 486,43 € sur l'année 2015,

un rappel de salaire de 4 486,43 € sur l'année 2016,

soit un total de 21 811,29 €, complété par une indemnité de congés payés de 2 181,12 € ;

Attendu que [D] [F] fait un amalgame entre l'incidence d'un changement de coefficient sur le salaire et l'incidence d'une discrimination syndicale sur le niveau de rémunération, qui le conduit à solliciter indûment deux rappels de salaire sur les mêmes années 2010 à 2013 ;

Attendu que dans l'hypothèse de l'attribution par le juge, d'un coefficient hiérarchique supérieur à un salarié, l'employeur n'est tenu qu'au paiement d'un rappel de salaire correspondant au minimum conventionnel de rémunération afférent à ce coefficient ; qu'en l'espèce, cependant, [D] [F] s'est prévalu successivement :

- d'un usage de la S.A.S. Caterpillar France consistant à majorer le salaire brut afin que l'augmentation des charges inhérente au changement de coefficient ne se traduise par une diminution du salaire net (sa lettre du 18 janvier 2011),

- d'un usage consistant, dans une perspective de promotion interne, à augmenter le salaire en cas de changement de coefficient (sa lettre du 12 mai 2011) ;

Qu'il résulte d'un courrier de la S.A.S. Caterpillar France du 12 juillet 2011 que ces deux usages n'en feraient en réalité qu'un seul, dont l'employeur ne contestait pas le principe à l'époque ; que pas davantage devant la Cour qu'en première instance, [D] [F] n'est capable d'expliquer pourquoi il a avancé tantôt 3%, tantôt 5% d'augmentation comme étant d'usage en cas de changement de coefficient ; qu'il calcule le 'rattrapage lié aux usages de l'entreprise' en appliquant le taux de 5% à son salaire, alors que le rappel de salaire de 8 352 € alloué ci-dessus pour les années 2010 à 2013 a déjà rétabli l'égalité entre lui-même et les salariés auxquels il se compare ; qu'il sera donc débouté de sa demande de rappel de salaire de 4 344,90 € et de sa demande d'indemnité de congés payés afférente ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour discrimination et préjudice matériel et financier :

Attendu que [D] [F], qui requiert contre la S.A.S. Caterpillar France 'une condamnation exemplaire', ne démontre pas que le rappel de salaire alloué par le présent arrêt laisse subsister un préjudice financier justifiant l'octroi de dommages-intérêts ; qu'il ne communique aucune pièce relative au plan d'épargne entreprise auquel il dit avoir adhéré ; qu'il se prévaut d'un préjudice purement hypothétique pour ce qui concerne la perte des droits à la retraite puisqu'il est âgé de 52 ans seulement et n'a pas demandé la liquidation de ses droits ; qu'il sera donc débouté de sa demande de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice économique ;

Sur la demande de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice moral :

Attendu que la Cour n'est saisie par la S.A.S. Caterpillar France d'aucun moyen ou argument de nature à remettre en cause l'existence du préjudice moral réparé par les premiers juges et l'appréciation qui en a été faite ;

Sur la demande de rappel de salaire au titre des dépassements d'horaires non rémunérés :

Attendu que le juge départiteur n'a pas statué sur ce chef de demande non repris par [D] [F] dans le dispositif de ses conclusions de première instance ;

Attendu que par lettre du 3 juin 2010, [D] [F] a constaté, au vu de son relevé de pointage, que certains retards en début de poste avaient été déduits à la minute près, alors que les dépassements en fin de poste ne lui étaient jamais rémunérés ; que par lettre du 8 septembre 2010, la S.A.S. Caterpillar France a refusé toute indemnisation au motif que ces heures n'avaient pas été effectuées à la demande de la hiérarchie ; que le salarié a renouvelé sa requête dans un courrier du 18 octobre 2011, dans lequel il a analysé les données de la pointeuse pour l'année 2010 ; que dans ses écritures, il reprend ces données en les complétant pour les années 2011 à 2014 ; qu'il précise dans chaque cas le motif du dépassement ;

Attendu que selon l'article L 2325-9 du code du travail, le temps passé aux séances du comité par les représentants syndicaux au comité d'entreprise est rémunéré comme temps de travail et n'est pas déduit des heures de délégation dans les entreprises de cinq cent un salariés et plus ; que le représentant syndical au comité d'entreprise ne devant subir aucune perte de rémunération en raison de l'exercice de son mandat, le temps de trajet, pris en dehors de l'horaire normal de travail et effectué en exécution des fonctions représentatives, doit être rémunéré comme du temps de travail effectif pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail ; que, de façon générale, le temps passé par des représentants du personnel à des réunions organisées par l'employeur ne peut être imputé sur leur crédit d'heures ; que le moyen tiré d'un accord collectif prévoyant la récupération des heures de délégation est donc inopérant ;

Qu'en conséquence, la S.A.S. Caterpillar France doit être condamnée à payer à [D] [F] un rappel de salaire de 1 142,57 €, soit :

412,85 € sur l'année 2010,

237,80 € sur l'année 2011,

94,74 € sur l'année 2012,

358,67 € sur l'année 2013,

38,51 € sur l'année 2014,

outre une indemnité de congés payés de 114,25 € ;

Sur le temps de déplacement entre le vestiaire et la pointeuse :

Attendu que selon l'article L 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ;

Attendu que si l'article L 3121-4 (alinéa 1er) du code du travail, relatif au temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail, ne s'applique pas au temps de déplacement accompli par un salarié au sein de l'entreprise pour se rendre à son poste de travail, le seul fait que le salarié soit astreint au port d'une tenue de travail ne permet pas de considérer qu'un temps de déplacement au sein de l'entreprise, entre le vestiaire et la pointeuse, constitue un temps de travail effectif ;

Qu'en l'espèce, [D] [F], qui se borne à affirmer qu'il ne vaque pas librement à ses occupations pendant ce trajet qu'il effectue à son rythme et sans contrainte, n'avance aucun élément permettant de considérer qu'il est déjà à la disposition de son employeur ;

Qu'en conséquence, le jugement qui l'a débouté de ce chef de demande sera confirmé ;

Sur le temps de déplacement entre la pointeuse et la salle de repos :

Attendu que [D] [F], qui ne soutient ni ne démontre qu'il est tenu de passer son temps de pause méridienne de trente minutes dans la salle de repos ou cafétéria, n'est pas fondé à demander que le trajet qu'il effectue, par choix personnel, entre la pointeuse et la cafétéria soit déduit de son temps de pause ; que le jugement qui l'a débouté de ce chef de demande sera encore confirmé ;

Sur la différence de traitement quant au mode de badgeage :

Attendu que [D] [F] considère que la présence d'une pointeuse pour les cadres près du poste de garde nord, alors que les ouvriers doivent traverser les locaux et passer par le vestiaire avant de pointer, constitue une différence de traitement non légitime ; qu'il sollicite le paiement d'un temps de trajet évalué à vingt minutes entre le poste nord et la pointeuse ;

Mais attendu qu'à supposer que l'obligation faite aux cadres de 'badger' ait pour but de décompter leur temps de travail effectif et non de vérifier seulement leur présence dans les locaux de l'entreprise, l'autonomie et la mobilité de cette catégorie de salariés les place dans une situation différente de celle des employés et des ouvriers et justifie la différence de régime critiquée par l'appelant ;

Sur la rupture d'égalité de traitement concernant la mutuelle et la retraite :

Attendu qu'en raison des particularités des régimes de prévoyance couvrant les risques maladie, incapacité, invalidité, décès et retraite, qui reposent sur une évaluation des risques garantis, en fonction des spécificités de chaque catégorie professionnelle, prennent en compte un objectif de solidarité et requièrent dans leur mise en oeuvre la garantie d'un organisme extérieur à l'entreprise, l'égalité de traitement ne s'applique qu'entre les salariés relevant d'une même catégorie professionnelle ;

Que les prétentions de [D] [F] sont mal fondées ;

Sur la rupture d'égalité de traitement au regard de la STIP/ICP :

Attendu qu'à la fin des années 1980, la S.A.S. Caterpillar France a créé un faveur des cadres de l'entreprise un 'short term incentive plan' (littéralement 'plan d'intéressement à court terme') qui correspondait à un complément de rémunération permettant à ces derniers d'atteindre le niveau moyen de rémunération pratiqué dans la métallurgie ; que lors des négociations annuelles obligatoires qui se sont achevées sur un procès-verbal du 22 février 1995, les organisations syndicales ont exprimé leur opposition à l'extension de ce système de rémunération, impliquant une variabilité de celle-ci, aux ouvriers, administratifs et techniciens ; que le 18 mars 2005, la direction a proposé aux organisations syndicales d'étendre l'ICP (ancien nom du STIP) à d'autres catégories de salariés, étant observé qu'il ne s'ajouterait pas au salaire de base mais s'imputerait sur celui-ci ; qu'un référendum organisé le 14 avril 2005 s'est traduit par un rejet massif de cette proposition (82% de refus avec une participation de 75%) ; que le 6 juillet 2011, un accord collectif catégoriel pour la mise en place d'une prime exceptionnelle de résultats dénommée STIP en faveur de l'ensemble du personnel qui n'en bénéficiait pas a été signé par la direction et le seul syndicat Force ouvrière ; qu'en l'absence d'opposition, il est entré en application ; que la prime prévue par cet accord se calculait selon la formule suivante :

rémunération annuelle de base x pourcentage x facteur de performance

le pourcentage étant de 3% pour les non cadres contre 9 à 12 % pour les cadres ;

Attendu que par jugement du 8 avril 2013, le Tribunal de grande instance de Grenoble a notamment ordonné aux sociétés défenderesses de verser à chaque salarié n'en ayant pas bénéficié au titre des années 2008, 2009 et 2010 une indemnité correspondant, déduction faite des charges sociales à régler, au STIP versé par l'employeur aux cadres de direction, avec l'application d'un taux de 3 % pour les salariés dont le grade est inférieur à 19, les autres paramètres étant ceux ayant été appliqués par l'entreprise pour chaque année considérée ; que par arrêt du 25 novembre 2014, la Cour d'appel de Grenoble a infirmé le jugement et condamné les sociétés à régler à leurs salariés non-cadres respectifs la 'récompense du travail d'équipe' due aux membres de leur groupe respectif de direction de grade 19, sous les conditions et selon les modalités définies par le STIP 2008, pour les années 2008, 2009 et 2010 ; que les sociétés Caterpillar France et Caterpillar commercial services se sont désistées de leur pourvoi en cassation contre cet arrêt ;

Attendu, sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, que selon l'article L 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, entrée en vigueur le 17 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire, qui se prescrivait antérieurement par cinq ans, se prescrit désormais par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que l'article 21 V de cette loi prévoit que la réduction du délai de prescription s'applique aux prescriptions en cours sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que la société CATERPILLAR oppose la prescription aux demandes portant sur les années 2008 et 2010 ; que la créance dont se prévaut [D] [F] est née à la date à laquelle le paiement aurait dû intervenir soit en mars 2009 au titre de la rémunération de 2008 et en mars 2011 pour celle relative à l'année 2010 ; qu'à ces dates, le salarié connaissait ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action en paiement du STIP ; qu'en effet, il ne peut ni se prévaloir, au soutien de sa demande, de l'autorité de chose jugée attachée à un arrêt rendu dans une procédure à laquelle il n'était pas partie ni prétendre voir reporter à la date de l'arrêt du 25 novembre 2014 le point de départ du délai de prescription pour ce qui le concerne ; qu'en application de la loi ancienne, l'action en paiement était éteinte par la prescription en mars 2014 pour l'année 2008 et en mars 2016 pour l'année 2010, c'est-à-dire dans les deux cas avant l'expiration du nouveau délai de prescription de trois ans qui courait à compter du 17 juin 2013 ; que [D] [F] ayant saisi le Conseil de prud'hommes le 2 août 2013, ce qui a interrompu la prescription à l'égard de toutes les créances dérivant du même contrat de travail, celle-ci n'est pas acquise et la fin de non-recevoir doit être écartée ;

Attendu, sur la demande relative aux années 2008 et 2010, que si la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, les salariés cadres et non cadres ne se trouvaient pas dans une situation identique au regard des conditions d'exercice des fonctions, de l'évolution de carrière ou des modalités de rémunération ; qu'en effet, les salariés cadres sont l'objet d'une attente plus importante de leur employeur en termes d'engagement et d'identification à l'entreprise, sont plus exposés aux conséquences de l'évolution de la politique de celle-ci et s'accommodent mieux que les autres salariés de voir leur rémunération affectée par la fluctuation de ses résultats ; que le rejet massif par referendum de la proposition de la direction en 2005 a démontré à la fois l'attachement des ouvriers et employés à la fixité de la rémunération et la disparité des situations des différentes catégories professionnelles, justifiant la différence de traitement critiquée à tort par l'appelant ;

Attendu, sur la demande relative aux années 2014 et 2015, que les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de convention ou d'accord collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ; que [D] [F], qui ne rapporte pas la preuve mise à sa charge, n'est pas fondé à remettre en cause la différence des pourcentages applicables au calcul du STIP des cadre et des non cadres, telle qu'elle résulte pour les années 2011, 2012 et 2013 de l'accord collectif catégoriel du 6 juillet 2011 ; que, selon l'article L. 2222-4 du code du travail, sauf stipulations contraires, la convention ou l'accord à durée déterminée arrivant à expiration continue à produire ses effets comme une convention ou un accord à durée indéterminée ; que la S.A.S. Caterpillar France ayant continué de faire application du taux de 3% en 2014 et unilatéralement porté ce taux à 3,6% en 2015 dans l'attente de la conclusion d'un nouvel accord collectif en 2016, [D] [F] doit être débouté de sa demande, sans qu'il y ait lieu d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour perte de chance lié au non-respect des conditions de renouvellement de l'accord d'intéressement :

Attendu que 29 juin 2006, la société Caterpillar France et la société Caterpillar Commercial Services ont conclu avec les quatre organisations syndicales (CFDT, CGT Echirolles, CGT Grenoble et FO) un accord d'intéressement ayant pour objet d'associer les salariés aux performances économiques et financières de l'entreprise ; que cet accord a été conclu pour une durée de trois ans à compter du 1er janvier 2006 ; que le 19 juin 2007, les parties ont signé un avenant n°1 définissant les modalités de l'intéressement pour l'année 2007 ; que l'avenant n° 2, signé le 19 juin 2008 par le seul syndicat FO a fait l'objet d'une opposition des syndicats CFDT, CGT Echirolles et CGT Grenoble ; que la société Caterpillar France et la société Caterpillar Commercial Services ont prix acte de la nullité de l'avenant n° 2 et n'ont versé aux salariés aucune prime d'intéressement au titre de l'exercice 2008 ; que par arrêt confirmatif du 9 septembre 2009, la Cour d'appel de Grenoble a enjoint à la société Caterpillar France et à la société Caterpillar Commercial Services d'exécuter l'accord du 29 juin 2006 complété par l'avenant du 19 juin 2007 ; que l'accord étant venu à expiration le 31 décembre 2008, aucune réunion n'a été organisée en 2009 en vue de la négociation d'un nouvel accord ; que par jugement du 18 mars 2013, le Tribunal de grande instance de Grenoble, saisi par le syndicat C.G.T. Caterpillar France a :

- dit que les sociétés S.A.S. Caterpillar France et S.A.R.L. Caterpillar Commercial Services avaient commis une faute en n'organisant pas de réunion pour la mise en place éventuelle d'un accord d'intéressement des salariés pour l'année 2009,

- débouté le syndicat CGT Caterpillar France des ses prétentions tendant à ordonner aux défenderesses, et au besoin les condamner à verser à chaque salarié, pour les années 2009 et 2010, les primes dues sur la base de celles payées en 2008, soit 1 500 euros par année, à condamner les défenderesses à payer à chaque salarié pour les années 2009 et 2010 à titre de dommages et intérêts pour perte de chance la somme de 1 500 euros par année et à ordonner aux défenderesses d'engager immédiatement, sous astreinte, des négociations ou à tout le moins la consultation des partenaires sociaux quant à l'opportunité du renouvellement du système relatif au paiement de la prime aux salariés, comme l'imposait l'article 10 de l'accord du 29 juin 2006 ;

que cet arrêt a été cassé le 18 mai 2011 au motif que les seuils de déclenchement de l'intéressement étaient liés à la réalisation des objectifs fixés au titre d'un exercice donné et que l'absence de définition d'objectifs pour l'exercice 2008 et de dispositif conventionnel suppléant à cette carence ne permettaient pas de servir d'intéressement au titre de la période considérée ; que la Cour d'appel de Lyon (section C), désignée comme cour de renvoi, a infirmé le jugement rendu le 18 décembre 2008 par le Tribunal de grande instance de Grenoble et débouté les syndicats Symetal CFDT, CGT Echirolles et CGT Grenoble de leurs demandes tendant à ce que pour l'année 2008 l'accord du 29 juin 2006 reçoive application sur la base des critères de performance définies par l'avenant du 19 juin 2007 ou sur ceux figurant en annexe de l'accord initial ;

Que bien que facultatif, l'intéressement fait partie des matières relevant de la négociation annuelle obligatoire dans l'entreprise ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 2242-1 du code du travail que lorsque les salariés ne sont pas couverts par un accord d'intéressement, un accord de participation, un plan d'épargne d'entreprise, un plan d'épargne pour la mise à la retraite collectif ou par un accord de branche comportant un ou plusieurs de ces dispositifs, l'employeur engage chaque année, une négociation à cette fin ; qu'à défaut d'une initiative de l'employeur depuis plus de douze mois suivant la précédente négociation, celle-ci s'engage obligatoirement à la demande d'une organisation syndicale représentative ; qu'il ne résulte d'aucune pièce que l'organisation syndicale que [D] [F] représente devant la Cour a exercé le droit que lui conférait l'article L 2242-1 ; qu'en outre, en raison du droit d'opposition exercé par la même organisation syndicale contre l'avenant n°2 au précédent accord, les perspectives de conclusion d'un nouvel accord en 2009 étaient singulièrement réduites ; qu'enfin, la situation économique de l'entreprise à l'époque compromettait toute perspective d'intéressement ; que la chance alléguée par [D] [F] était inexistante ; qu'en conséquence, le jugement qui a débouté le salarié de ce chef de demande sera confirmé ;

Sur la demande de compensation judiciaire formée par la S.A.S. Caterpillar France :

Attendu que la S.A.S. Caterpillar France sollicite la compensation entre les créances résultant pour [D] [F] du présent arrêt et la somme perçue en exécution de l'arrêt cassé du 9 septembre 2009 ; que l'intimée ne précise cependant ni dans le corps de ses écritures ni dans le dispositif de celles-ci le montant de la somme dont la compensation doit être ordonnée ; que sa pièce 20 est un tableau de salariés au regard des noms desquels est mentionné un montant d'intéressement qui ne peut être rapporté à aucune année déterminée et à l'exécution d'aucune décision de justice ; que la compensation judiciaire ne peut donc être ordonnée ; que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;

Sur la demande de dommages-intérêts du syndicat C.G.T. Caterpillar :

Attendu d'abord que [D] [F] a été régulièrement désigné par la commission exécutive du syndicat C.G.T. Caterpillar France le 11 juillet 2013 pour représenter ce dernier dans la présente procédure (pièce n°32 de [D] [F]) ; qu'en dépit du terme impropre 'partie civile', l'objet de la désignation ne fait aucun doute ; que la S.A.S. Caterpillar France est sans qualité pour apprécier l'opportunité du choix de la commission exécutive ;

Attendu qu'aux termes de l'article L 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; que la discrimination subie par un salarié est de nature à porter atteinte à l'intérêt collectif de la profession que le syndicat représente ; qu'en conséquence, le jugement qui a débouté le syndicat C.G.T. Caterpillar France de sa demande doit être infirmé ; que la S.A.S. Caterpillar France sera condamnée à payer à ce dernier la somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts ;

PAR CES MOTIFS,

Joint les procédures RG n°15/09334 et n°16/06518 sous le numéro 15/09337,

Confirme le jugement rendu le 9 novembre 2015 par la formation de départage du Conseil de prud'hommes de Vienne (section industrie) en ce qu'il a constaté que la discrimination à l'encontre de [D] [F] a perduré au-delà de l'arrêt rendu le 23 août 2010 par la Cour d'appel de Lyon,

Infirme le jugement rendu le 9 novembre 2015 par la formation de départage du Conseil de prud'hommes de Vienne (section industrie) en ce qu'il a :

- condamné la S.A.S Caterpillar à payer à [D] [F] , à titre de rattrapage de salaire, les sommes de 11 030,00 euros, outre 1 103,00 euros pour les congés payés afférents,

- condamné la S.A.S Caterpillar à payer à [D] [F] , à titre de dommages et intérêts la somme de 20 000,00 euros au titre du préjudice matériel et financier,

- débouté le syndicat CGT Caterpillar de ses demandes en paiement de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau :

Condamne la S.A.S. Caterpillar France à payer à [D] [F] à titre de rattrapage de salaire :

un rappel de salaire de trois cent dix-huit euros (318 €) sur l'année 2010,

un rappel de salaire de deux mille six cent soixante-dix-huit euros (2 678 €) sur l'année 2011,

un rappel de salaire de deux mille six cent soixante-dix-huit euros (2 678 €) sur l'année 2012,

un rappel de salaire de deux mille six cent soixante-dix-huit euros (2 678 €) sur l'année 2013,

un rappel de salaire de quatre mille quatre cent quatre-vingt-six euros et quarante-trois centimes (4 486,43 €) sur l'année 2014,

un rappel de salaire de quatre mille quatre cent quatre-vingt-six euros et quarante-trois centimes (4 486,43 €) sur l'année 2015,

un rappel de salaire de quatre mille quatre cent quatre-vingt-six euros et quarante-trois centimes (4 486,43 €) sur l'année 2016,

soit un total de vingt-et-un mille huit cent onze euros et vingt-neuf centimes (21 811,29 €), complété par une indemnité de congés payés de deux mille cent quatre-vingt-un euros et douze centimes (2 181,12 €) au paiement de laquelle la société est également condamnée ;

Déboute [D] [F] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel et financier,

Condamne la S.A.S. Caterpillar à payer au syndicat C.G.T. Caterpillar France la somme de trois mille euros (3 000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession  ;

Confirme le jugement entrepris dans ses autres dispositions et déboute, par conséquent, [D] [F] du surplus de ses demandes hormis celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant :

Condamne la S.A.S. Caterpillar France à payer à [D] [F] la somme de mille cent quarante-deux euros et cinquante-sept centimes (1 142,57 €) à titre de rappel de salaire au titre des dépassements d'horaires non rémunérés, soit :

quatre cent douze euros et quatre-vingt-cinq centimes (412,85 €) sur l'année 2010,

deux cent trente-sept euros et quatre-vingts centimes (237,80 €) sur l'année 2011,

quatre-vingt-quatorze euros et soixante-quatorze centimes (94,74 €) sur l'année 2012,

trois cent cinquante-huit euros et soixante-sept centimes (358,67 €) sur l'année 2013,

trente-huit euros et cinquante-et-un centimes (38,51 €) sur l'année 2014,

outre une indemnité de congés payés de cent quatorze euros et vingt-cinq centimes (114,25 €) ;

Condamne la S.A.S. Caterpillar France aux dépens d'appel,

Déboute les parties de leurs demandes fondées en cause d'appel sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président

Gaétan PILLIEMichel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 15/09334
Date de la décision : 08/12/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°15/09334 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-12-08;15.09334 ?
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