AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
R.G : 15/09534
[O]
C/
SARL MASTERFLEX
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG EN BRESSE
du 01 Décembre 2015
RG : F14/00120
COUR D'APPEL DE [Localité 1]
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2017
APPELANTE :
[C] [O] épouse [D]
née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1] ([Localité 1])
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparante en personne, assistée de Me Ingrid GERAY, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMÉE :
SARL MASTERFLEX
Z. A. des 2B
[Adresse 2]
Représentée par Me Etienne PUJOL, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 12 Octobre 2017
Présidée par Didier JOLY, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Michel SORNAY, président
- Didier JOLY, conseiller
- Natacha LAVILLE, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 01 Décembre 2017 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Michel SORNAY, Président et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La S.A.R.L. Masterflex, qui est spécialisée dans la fabrication et la vente de tuyaux souples, est une filiale de la société allemande Masterflex SE.
En 2013, elle avait encore pour cogérants [N] [D], qui détenait un cinquième des parts et [H] [H].
Une assemblée générale extraordinaire du 3 février 1997 a donné son accord en vue de l'engagement de [C] [D], épouse du gérant, sous contrat à durée indéterminée à compter du 11 février 1997.
Par contrat écrit à durée indéterminée et à temps partiel du 11 février 1997, la S.A.R.L. Masterflex a engagé [C] [D] née [O] en qualité de technico-commercial (coefficient 235).
Ce contrat de travail était soumis à la convention collective nationale de la plasturgie.
A une date indéterminée, [C] [D] a été employée à temps complet.
Par avenant contractuel du 5 janvier 2004, elle est devenue responsable commerciale (cadre, niveau IV, échelon B, coefficient 335), moyennant un salaire mensuel brut de base de 2 512 € pour 35 heures hebdomadaires de travail.
En 2008, un véhicule de fonction a été mis à la disposition de la salariée.
En décembre 2013, le salaire brut de base de [C] [D] s'élevait à 4 017,68 €.
En mai 2012, les sociétés du groupe Masterflex ont été informées par circulaire de ce qu'elles allaient faire l'objet d'un audit.
Concernant la S.A.R.L. Masterflex, cet audit a été confié à la Société internationale d'expert comptable Stawinoga & Oelpmann en juin 2013.
Dans son rapport clos le 18 septembre 2013, l'auditeur a relevé des frais de déplacement et de restauration contestables enregistrés par la société entre 2011 et juin 2013 pour les montants suivants :
Monsieur [D] : 4 602,74 €
Madame [D] : 7 251,74 €,
dont il a dressé en annexe une liste détaillée avec mention du lieu et de la date.
Son attention a été attirée par le fait que des frais de restauration avaient régulièrement été engagés par le couple [D] dans la région de [Localité 1] et dans la région de [Localité 3], notamment à l'occasion de déplacements le samedi ou le dimanche en 2011. Par contre, quasiment aucune note de frais n'avait été enregistrée pour le nord ou le nord-ouest de la France.
Au cours des assemblées générales extraordinaires des 8 octobre et 4 novembre 2013, [N] [D] a été invité à s'expliquer sur ces dépenses qui, selon le représentant de l'actionnaire majoritaire, révélaient une confusion des intérêts des époux [D] et de ceux de la société, les frais de bouche correspondant à des dates où les époux étaient ensemble. [N] [D] a fait valoir qu'il était normal qu'il fasse du commercial avec son responsable commercial, car la structure était petite.
Ces explications n'ayant pas été jugées satisfaisantes, [N] [D] a été démis de ses fonctions de gérant le 4 novembre 2013.
Par lettre du 4 novembre 2013, la S.A.R.L. Masterflex a convoqué [C] [D] le 13 novembre 2013 en vue d'un entretien préalable à son licenciement. La salariée a été dispensée de présence pendant la durée de la procédure.
[C] [D] a été placée en congé de maladie du 28 novembre 2013 au 30 juin 2015.
Par lettre recommandée du 19 novembre 2013, la S.A.R.L. Masterflex lui a rappelé qu'elle restait dans l'attente des justificatifs du caractère professionnel des frais validés par [N] [D] en sa qualité de gérant de la société.
Par lettre recommandée du 4 décembre 2013, la S.A.R.L. Masterflex a notifié son licenciement à la salariée dans les termes suivants :
Lors d'un audit de la société courant juillet 2013 ' dont le rapport finalisé n'a été remis qu'en septembre 2013, nous avons découvert avec stupéfaction que vos notes de frais professionnels comprenaient des dépenses à caractères personnels (restaurants, sacs, etc.) et que vous les faisiez valider par votre mari.
Une partie très importante de ces « frais professionnels » avait lieu le samedi ou le dimanche.
Pour ne donner que quelques exemples, vous avez ainsi invité une société pour un « repas d'affaires » le dimanche 6 mars 2011, pour un montant de 213 euros. De même, vous auriez fait une « invitation » à des concurrents de la société le samedi 12 mars 2013 pour un montant de 182 euros.
Un autre « repas d'affaires » aurait eu lieu le samedi 27 août 2011, pour une facture globale de 116 euros.
De nombreux autres exemples de dépenses personnelles, que vous avez fait passer en frais professionnels pourraient être donnés. Ainsi, en plus de ces différents « repas d'affaires » d'autres « frais professionnels » ont retenu toute notre attention.
Vous auriez ainsi acheté le samedi 17 décembre 2011 un « cadeau personnalisé » pour un montant de 204,90 euros sans que ni le descriptif ni le destinataire de ce cadeau ne soit mentionné.
De même, entre le 7 février 2012 et le 11 février 2012, vous avez dépensé 1.159,50 euros avec votre fille dans les magasins des aéroports de [Localité 4] Charles de Gaulle.
De telles dépenses, faites sens aucun justificatif réel, également faites durant vos week-ends ou vos vacances nous conduisent à considérer votre comportement comme tout à fait déloyal envers la société. Celle-ci ne peut en effet tolérer que des salariés ayant vos responsabilités puissent sciemment soumettre au gérant de la société, votre époux, des frais personnels en tant que frais professionnels.
Nous considérons en effet qu'une telle attitude est inacceptable.
Lorsque, au cours de votre entretien préalable, nous vous avons exposé ces faits, que vous avez reconnus, vous nous ayez indiqué que vous pourriez nous fournir rapidement toutes les justifications du caractère professionnel des différents frais que nous vous reprochons.
En l'absence de tout retour de votre part, nous vous avons adressé un courrier de relance le 20 novembre par lettre recommandée avec accusé de réception, avec copie, le 19 novembre, par email à votre mari, lui indiquant de l'imprimer et de vous le transmettre.
Bien que vous ayez pris la peine de répondre à notre courrier, vous ne nous avez toujours pas fourni le moindre justificatif et vous contentez encore une fois d'indiquer que vous pouvez nous les fournir. Dans un tel cas, pourquoi ne pas les avoir joints à votre courrier '
Nous ne pouvons dès lors continuer à attendre et estimons vous avoir laissé suffisamment de temps pour rassembler ces éléments.
Nous nous voyons dès lors contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse,
Celui-ci prend effet à la date de première présentation de la présente lettre. Nous vous dispensons d'effectuer votre préavis d'une durée de 3 mois qui vous sera réglé aux échéances normales de paie. [...]
[C] [D] a saisi le Conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse le 8 avril 2014.
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LA COUR,
Statuant sur l'appel partiel interjeté le 14 décembre 2015 par [C] [D] née [O] du jugement rendu le 1er décembre 2015 par le Conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse (section encadrement) qui a :
- dit et jugé que les faits incriminés ne sont pas prescrits et que la procédure des articles L 1232-2 et L 1232-4 du code du travail a été respectée,
- dit et jugé que les frais professionnels engagés sont justifiés,
- condamné la S.A.R.L. Masterflex à payer à Madame [C] [D] les sommes suivantes :
dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (nets)30 000,00 €
prime de fin d'année 2013 7 225,67 €
congés payés afférents 722,53 €
article 700 du code de procédure civile 1 000,00 €
- débouté Madame [C] [D] de ses autres demandes,
- débouté la S.A.R.L. Masterflex de sa demande reconventionnelle,
- condamné la S.A.R.L. Masterflex aux entiers dépens ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales à l'audience du 12 octobre 2017 par [C] [D] née [O] qui demande à la Cour de :
- infirmer partiellement le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes,
- condamner la Société au paiement de la somme de 8 953,39 euros à titre de prime de fin d'année 2013, outre la somme de 985,34 euros au titre des congés payés afférents,
À titre principal,
- dire et juger que l'ensemble des faits reprochés à Madame [D] sont prescrits,
À titre subsidiaire,
- dire et juger que la Société MASTERFLEX n'a pas observé un délai restreint entre la connaissance de la faute et le prononcé du licenciement,
À titre infiniment subsidiaire,
- dire et juger les frais professionnels engagés comme justifiés,
En toute hypothèse,
- dire et juger le licenciement de Madame [D] sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la Société MASTERFLEX au paiement de la somme de 176 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la Société MASTERFLEX à verser la somme de 3 000 euros à Madame [D] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la Société aux entiers dépens ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales à l'audience du 12 octobre 2017 par la S.A.R.L. Masterflex qui demande à la Cour de :
- infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes ;
- dire et juger que les faits incriminés ne sont pas prescrits et la procédure des articles L.1232-2 et L.1232-4 du code du travail a été respectée ;
- dire et juger que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
- par conséquent, débouter Madame [D] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- dire et juger que la prime exceptionnelle octroyée en 2011 et 2012 par la Société avait le caractère d'une libéralité ;
- par conséquent, débouter Madame [D] de sa demande de primes au titre de l'année 2013 et des congés payés y afférents ;
- condamner Madame [D] à payer à la Société la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
A titre subsidiaire :
- si par extraordinaire, la Cour confirmait le jugement du Conseil de prud'hommes et estimait que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, limiter les dommages et intérêts à de plus justes proportions au préjudice subi par Madame [D] sur les éléments fournis par elle à hauteur de 6 mois de salaire ;
Sur le moyen tiré de la prescription :
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L 1332-4 du code du travail qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur a acquis une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés ; que la prescription ne courant pas contre celui qui ne peut agir, le délai de deux mois ne court pas à compter des faits lorsque le supérieur hiérarchique a participé aux agissements prétendument fautifs du salarié placés sous son autorité et/ou les a couverts en connaissance de cause ; que dans cette hypothèse, le point de départ du délai de prescription est le jour où les faits sont connus d'un représentant qualifié de l'employeur, susceptible de leur donner une suite disciplinaire ;
Qu'en l'espèce, [N] [D] était présent à plusieurs des repas litigieux et a validé les dépenses reprochées à son épouse ; que le second gérant, [H] [H], n'était pas sur place et, selon le rapport d'audit, s'exprime malaisément en français ; que c'est seulement le jour de la clôture de l'audit, c'est-à-dire le 18 septembre 2013, que la S.A.R.L. Masterflex a eu connaissance des faits reprochés à l'appelante ; que la procédure de licenciement ayant été engagée le 4 novembre 2013, la prescription n'est pas acquise ;
Attendu que lorsque le licenciement disciplinaire n'est pas notifié pour faute lourde ou grave, l'employeur n'est pas tenu de respecter d'autres délais que ceux résultant des dispositions des articles L 1332-2 et L 1332-4 du code du travail ; que ces délais ont été observés par l'intimée ; qu'en effet, le respect du délai d'un mois prévu par l'article L 1332-2 s'apprécie à la date d'envoi de la lettre de licenciement ; qu'il importe donc peu, en l'espèce, de savoir à quelle date la lettre de licenciement a été reçue par [C] [D] ;
Sur le motif du licenciement :
Attendu qu'il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et de former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, conformément aux dispositions de l'article L 1235-1 du code du travail ; qu'il en résulte que les faits visés dans la lettre de licenciement ne peuvent avoir valeur de simples exemples et que l'employeur ne peut ajouter en cours de procédure de nouveaux griefs à ceux qu'il avait retenus ;
Qu'en l'espèce, la lettre de licenciement vise :
un repas d'affaires le dimanche 6 mars 2011 pour un montant de 213 €,
un repas d'affaires le samedi 27 août 2011 pour un montant de 116 €,
une invitation faite à des concurrents le samedi 12 mars 2013 pour un montant de 182 €,
l'achat le 17 décembre 2011 d'un "cadeau personnalisé" de 204,90 € dont le destinataire n'est pas mentionné,
des dépenses atteignant 1 159,50 € exposées par [C] [D] avec sa fille dans les magasins des aéroports de Roissy-Charles de Gaulle entre le 7 et le 11 février 2012 ;
Que l'auditeur a mentionné dans l'annexe à son rapport que :
- le repas du dimanche 6 mars 2011 avait eu lieu à [Localité 5] (Isère) et qu'il avait réuni Monsieur [B] [Q], Madame [J] et [T] [A] autour des époux [D],
- le repas d'affaires du samedi 27 août 2011 avait eu lieu à [Localité 6] (Alpes-Maritimes) et qu'il avait réuni la société [B] [L] et [C] [D] (deux personnes),
- le repas du 12 mars 2011 (et non 2013) avait eu lieu à Mandelieu (Alpes-Maritimes) et qu'il avait réuni Monsieur et Madame [B] et Monsieur [B] père autour des époux [D],
- un cadeau de client valant 204,90 € a été acheté le 17 décembre 2011,
- sous le libellé "décompte de frais hors exploitation" (séjour à l'aéroport parisien) étaient mentionnés pour un montant de 1 159,50 € : [C] [D], [J] [D] et [X] [K], avec le commentaire suivant de l'auditeur : "le but est obscur" ;
Que la S.A.R.L. Masterflex fait observer :
- que la société de [B] était loin d'être un de ses plus gros clients et que le chiffre d'affaires global de 6 745,23 € réalisé avec celle-ci de 2011 à 2013 ne justifiait pas les repas des 12 mars et 27 août 2011,
- que les frais ont été exposés le week-end, jours où [C] [D] ne travaillait pas,
- que les frais professionnels de la salariée sont dix fois plus élevés que ceux de ses collègues,
- que le nom du bénéficiaire du cadeau valant 204,90 € n'est pas précisé sur la note de frais ;
Que tout en soulignant que les autres salariés étaient rarement sinon jamais en contact direct avec la clientèle, ce qui justifiait ses frais plus importants, [C] [D] s'est expliquée sur chacun des postes de dépense ainsi qu'il suit :
Le repas du dimanche 6 mars 2011 :
Attendu que selon [C] [D], [B] [Q] était son principal contact au sein de la société Omega Concept, cliente de la S.A.R.L. Masterflex depuis 2009 ; que Madame [J] était l'employée administrative chargée des commandes ; que la fonction de [T] [A] dans la société Omega Concept n'est pas précisée ; que le choix d'un dimanche permettait de disposer d'un temps suffisant pour discuter largement des relations commerciales des deux sociétés ;
Les repas des samedis 12 mars et 27 août 2011 :
Attendu que [C] [D] présente la société italienne [B] comme un client important depuis 2002 ; qu'il s'agissait, à l'occasion de ces repas, de soutenir les rapports commerciaux des deux sociétés ; que le sud de la France avait été choisi car M. [B] possède une résidence secondaire sur la Côte d'Azur comme les époux [D] ; que les dates avaient été arrêtées en fonction des disponibilités des responsables commerciaux ; que l'appelante communique un courriel que [L] [B], responsable commercial de [B] s.r.l., lui a adressé le 14 novembre 2013 ; que ce dernier confirme qu'à plusieurs reprises, son épouse et lui-même, ses parents, propriétaires de la société [B], avaient bénéficié d'invitations au restaurant de la part des époux [D] lors de leurs week-ends sur la côte d'azur ;
L'achat du 17 décembre 2011 :
Attendu que [C] [D] explique qu'à cette date, elle a acheté, non un "cadeau personnalisé", mais six cadeaux pour un prix total de 194,95 € à l'intention de clients de la société ainsi qu'une planche à pain (9,95 €) pour les salariés de celle-ci ;
Les frais du 7 au 11 février 2012 :
Attendu que selon [C] [D], trois salariées de la S.A.R.L. Masterflex ont engagé des frais professionnels (hébergement, restauration) pour un total de 1 159,50 € à l'occasion du salon Expobois où la société intimée avait installé un stand d'exposition :
[X] [K], commerciale sédentaire,
[J] [D], fille de l'appelante,
[C] [D] elle-même ;
Qu'aucun achat personnel n'a été fait à cette occasion dans la zone commerciale de l'aéroport [Établissement 1] ;
Attendu que selon l'article 1er de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions ;
Qu'en l'espèce, ni les repas de mars et août 2011 ni les achats du 17 décembre 2011 ne rentrent dans cette définition ; qu'en effet, les repas litigieux ont eu lieu en dehors du temps de travail de la salariée ; que l'exercice normal des fonctions de celle-ci n'impliquait pas l'achat de cadeaux pour la clientèle ; que seuls pourraient constituer des frais professionnels les dépenses exposées du 7 au 11 février 2012 si la thèse de l'appelante était retenue ; que l'attestation délivrée le 5 novembre 2013 par [Z] [N] (ex [K]) et la facture établie le 11 février 2012 par l'hôtel [Établissement 2] du[Localité 7] (Seine-et-Marne) pour un montant de 1 159,50 € confirment les explications de [C] [D] ; que ce poste de frais professionnels est donc justifié ;
Attendu qu'échappent aux règles de remboursement des frais professionnels les dépenses engagées par un salarié pour le compte de l'entreprise et remboursées ensuite à ce dernier par l'employeur ; que tel est le cas des repas d'affaires et cadeaux d'entreprise ; qu'en l'espèce, le nombre des personnes invitées pour chacune des sociétés Omega Concept et [B] peut paraître excessif ; que, de même, le choix d'un dimanche pour inviter les représentants de la société Omega Concept laisse dubitatif ; qu'en revanche, le lieu et le jour choisis pour inviter la famille de [B] a été expliqué de manière pertinente par l'appelante ; que pour ce qui concerne les cadeaux achetés le 17 décembre 2011, la pièce 13 de la salariée (facture E. Leclerc) ne permet pas de connaître l'identité des destinataires ; que la Cour considère cependant qu'aucun abus manifeste ne résulte clairement des pièces et des débats ; que tel a d'ailleurs été l'avis de l'U.R.S.S.A.F. qui, à l'occasion d'une vérification des exercices 2010 à 2012, n'a contesté ni notes de frais ni avantage en nature ; que le montant total des dépenses considérées par l'auditeur comme litigieuses s'élève à 7 251,74 € pour les années 2011 et 2012, ce qui n'est pas en soi excessif au regard du chiffre d'affaires réalisé ;
Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;
Sur l'effectif salarié de la société :
Attendu qu'interrogée par la Cour à l'audience du 12 octobre 2011, [C] [D] a déclaré que la S.A.R.L. Masterflex employait dix salariés ; que la société Stawinoga & Oelpmann a d'aileurs inséré dans son rapport du 18 septembre 2013 la liste des dix salariés de la société en y incluant [N] [D] et en précisant qu'aucun collaborateur n'avait quitté l'entreprise au cours des exercices contrôlés ; que cet effectif sera donc retenu ;
Sur les dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail :
Attendu que [C] [D] qui était employée dans une entreprise occupant habituellement moins de onze salariés peut prétendre, en application de l'article L 1235-5 du code du travail, à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi ; que l'appelante justifie de ce qu'elle a perçu les indemnités journalières de l'assurance maladie de novembre 2013 à juin 2015 ; qu'elle met ce long arrêt maladie en relation avec les conditions dans lesquelles elle a été évincée des effectifs de la S.A.R.L. Masterflex ; que sa dépression nerveuse est établie par un certificat de son médecin traitant ; qu'il est très probable sinon certain que cette dépression est en lien avec le licenciement ; qu'admise au bénéfice des allocations de Pôle Emploi le 6 août 2015, la salariée avait bénéficié de 470 allocations journalières au 31 octobre 2016 ; que grâce à son conjoint, elle a pu cependant maintenir pour l'essentiel son niveau de vie ainsi qu'il résulte des pièces 22 et 23 de la société intimée ; que la Cour dispose d'éléments suffisants pour porter à 90 000 € le montant des dommages-intérêts dus à [C] [D] en réparation de son préjudice ; que cette somme supportera, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales ;
Sur la demande de prime de fin d'année 2013 :
Attendu que la preuve de l'existence d'un usage incombe à celui qui s'en prévaut ; que le versement d'une gratification remplissant cumulativement des caractéres de généralité, de constance et de fixité devient un élément de rémunération résultant de l'usage, sur lequel les salariés sont en droit de compter ;
Qu'en l'espèce, [C] [D] se prévaut de l'existence d'un usage consistant dans le versement, tant à [Z] [N] qu'à elle-même, depuis décembre 2010, d'une prime de fin d'année, dénommée "prime exceptionnelle", représentant 1,95 mois de salaire, hormis en 2012 où la baisse des résultats de la société a conduit la salariée à accepter de voir le montant de sa prime réduit à 5 000 € ; que, d'une part, le versement d'une telle prime à deux salariées seulement ne satisfait pas au critère de généralité, compte tenu de ce qu'[M] [Y] avait aussi des fonctions commerciales (ingénieur technico-commercial) et que l'engagement de [J] [D] sous contrat à durée déterminée (dix-huit mois) ne pouvait justifier à lui seul l'absence de prime ; que, d'autre part, il n'existait pas de formule de calcul commune de la prime entre [C] [D] et [Z] [N] ; que, de troisième part, la prime perçue par l'appelante en 2012 démontre que son montant était soumis à un aléa ;
Qu'en conséquence, [C] [D] doit être déboutée de ce chef de demande, le jugement entrepris étant infirmé ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement rendu le 1er décembre 2015 par le Conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse (section encadrement) en ce qu'il a :
- dit et jugé que les faits imputés à [C] [D] ne sont pas couverts par la prescription et que la procédure des articles L 1232-2 et L 1232-4 du code du travail a été respectée,
- dit que le licenciement de [C] [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la S.A.R.L. Masterflex aux dépens de première instance,
- condamné la S.A.R.L. Masterflex à payer à [C] [D] la somme de 1 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Infirme le jugement entrepris dans ses autres dispositions,
Statuant à nouveau :
Dit que la S.A.R.L. Masterflex occupait habituellement moins de onze salariés,
Condamne la S.A.R.L. Masterflex à payer à [C] [D] née [O] la somme de quatre-vingt-dix mille euros (90 000 €) à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
Dit que cette somme supportera, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales,
Déboute [C] [D] née [O] du surplus de ses demandes,
Y ajoutant :
Condamne la S.A.R.L. Masterflex aux dépens d'appel,
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Le GreffierLe Président
Gaétan PILLIEMichel SORNAY