AFFAIRE SÉCURITÉ SOCIALE
RAPPORTEUR
R.G : 16/05594
CPAM DU RHÔNE
C/
[C]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Tribunal des affaires de Sécurité sociale de LYON
du 30 Juin 2016
RG : 20142682
COUR D'APPEL DE LYON
Sécurité sociale
ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2017
APPELANTE :
CPAM DU RHÔNE
Service affaires juridiques
[Adresse 1]
Représentée par Madame [H] [H], munie d'un pouvoir
INTIMEE :
[D] [C]
née le [Date naissance 1]1952 a [Localité 1]
[Adresse 2]
[Localité 2]
comparante en personne, assistée de Me Eladia DELGADO de la SELARL DELGADO & MEYER, avocat au barreau de LYON substituée par Me Fabienne JACQUIER, avocat au même barreau
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Octobre 2017
Présidée par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président
Laurence BERTHIER, Conseiller
Thomas CASSUTO, Conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 21 Novembre 2017 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS PROCEDURE PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES.
Madame [D] [C] a été embauchée par la Clinique [Établissement 1] suivant contrat à durée indéterminée, en qualité d'infirmière diplômée d'état à compter du 10 Mars 2005.
En Août 2006 elle a été victime d'un accident du travail qui a conduit à une double fracture de la jambe avec complications.
Elle a repris son travail dans le cadre d'un mi-thérapeutique en septembre 2007.
Le 3 Août 2009 elle a été classée en invalidité première catégorie, moyennant le paiement d'une pension d'invalidité catégorie 1 d'un montant de 3620,54 euros par an soit 301,71 euros par mois à compte du 5 Août 2009.
Elle percevait donc la pension d'invalidité , tout en poursuivant son activité professionnelle interrompue par des périodes d'arrêt maladie. A compter du 24 février 2012, elle ne devait pas reprendre son activité, bénéficiant d'arrêts de travail jusqu'au 20 août 2014.
Par lettre du 15 Janvier 2013 la caisse indiquait à Madame [C] que selon l'avis de son médecin conseil, elle ne lui verserait aucune indemnité journalière à compter du 1er Mars 2013 en raison de la stabilisation de son état au 28 février 2013.
Parallèlement, le 14 Janvier 2013 la CPAM notifiait à Madame [C] son classement en invalidité deuxième catégorie à compter du 1er Mars 2013, et le bénéfice d'une pension afférente.
Par courrier du 29 Janvier 2013, adressé à la CPAM, Madame [C] contestait le classement en invalidité deuxième catégorie par le service invalidité notifié le 14 Janvier 2013.
Par jugement du 27 Mars 2014, le tribunal du contentieux de l'incapacité saisi par Madame [C] le 6 Février 2013, a infirmé la décision de la caisse primaire d'assurance maladie, et dit que Mme [C] présentait un état d'invalidité réduisant des deux tiers sa capacité de travail ou de gain mais compatible avec l'exercice d'une certaine activité rémunérée , ce qui justifie son classement en invalidité première catégorie .
Au 1er Février 2013, Madame [C] a atteint l'âge légal de départ à la retraite. Dans ce cadre, la caisse a cessé de lui verser des indemnités journalières et la pension d'invalidité à compter du 1er Mars 2013.
Madame [C] a saisi le service médical de la CPAM le 29 Janvier 2013 afin de contester la suspension du paiement des indemnités journalières de la sécurité sociale .
Par courrier du 20 octobre 2014, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de LYON aux fins de contester la cessation du versement de la pension d'invalidité ainsi que des indemnité journalières.
C'est en l'état que l'affaire s'est présentée devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale de Lyon, saisi par Madame [C] le 28 Octobre 2014.
Par jugement du 9 Juin 2016 prorogé au 30 Juin 2016, le tribunal des affaires de la sécurité sociale a:
Ordonné une expertise technique qui sera effectuée conformément aux dispositions des articles L141-1 et R141-1 du code de la sécurité sociale
- Dit que l'expert désigné en application de ses dispositions devra dire si l'état de santé de Madame [D] [C] peut être déclaré consolidé, si oui, fixer la date de consolidation
- Dit qu'après dépôt du rapport l'affaire sera rappelée à la diligence du secrétariat du tribunal des affaires de la sécurité sociale, à la première audience utile
- Déclaré que la caisse primaire d'assurance maladie a commis une faute dans la gestion du dossier de Madame [D] [C] et a manqué à son obligation d'information
- Condamné en conséquence la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône à verser à Madame [D] [C] la somme de 6000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi
- Condamné la caisse primaire d'assurance maladie au paiement à Madame [C] de la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision
- Statué sans frais ni dépens
La Caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a interjeté appel du jugement déféré le 18 Juillet 2016, limitant son recours à la condamnation à la somme de 6000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du défaut d'information et de la faute dans la gestion du dossier de l'assurée, ainsi qu'à celle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions visées, communiquées et reprises oralement lors de l'audience elle demande à la Cour de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la CPAM au versement de la somme de 6000 euros au titre de dommages et intérêts et l'a condamné à la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de la sécurité sociale ( en réalité du code de procédure civile).
Dans ses conclusions visées, communiquées et reprises oralement lors de l'audience, Madame [C] demande à la Cour de:
- Confirmer le jugement entreprise dans ses entières dispositions
- Rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires
- Renvoyer les parties devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale de Lyon à la suite de dépôt de son rapport par l'expert désigné aux fins de dire si l'état de santé de Madame [C] peut être déclaré consolidé, et si oui, fixer la date de consolidation
- Condamner la CPAM du Rhône à verser à Madame [C] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Dire que ces sommes portent intérêt au taux légal à compter de la demande en justice
- Condamner la même aux entiers dépens dans lesquels seront compris les frais d'instance
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont soutenues lors de l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION.
La caisse soutient qu'elle n'a pas manqué à son obligation d'information car:
- elle a mis en place un traitement automatisé pour les assurées concernés. Sept mois avant que ces derniers n'atteignent l'âge légal de départ à la retraite un courrier type désigné 0046 leur est automatiquement envoyé. Compte tenu de la nature automatisée du message, la caisse indique également qu'elle n'est pas en mesure de rapporter la preuve de la réception du message par l'assurée,
- la circulaire est dépourvue d'effet normatif, par conséquent Madame [C] ne peut l'invoquer pour se prévaloir d'un droit,
- la caisse est tenue à une obligation générale et globale d'information. En l'absence de demande de l'assurée en ce sens elle n'est pas tenue de lui adresser une information personnalisée. En l'absence de demande de Madame [C] sur sa situation, la caisse n'était pas tenue de la renseigner sur sa situation personnelle.
La caisse soutient qu'elle n'a pas commis de faute de gestion car:
- elle a informé Madame [C] de la cessation de paiement des indemnités journalières en raison de son état stabilisé et de son classement en catégorie 2.
- dans son courrier du 29 Janvier 2013, Madame [C] n'a pas contesté la cessation du versement des indemnités journalières. Ensuite, elle n'a pas indiqué clairement que la contestation portait sur l'appréciation de son état et sur la demande d'une expertise médicale.
le versement de la pension d'invalidité est subordonnée à l'exercice d'une activité professionnelle. Or Madame [C] était sans activité effective depuis le 24 Février 2012, malgré la possibilité d'exercer une activité rémunérée retenue par le tribunal du contentieux de l'incapacité.
- la CPAM ne peut indemniser l'entier préjudice de Madame [C] puisque cette dernière ne pouvait ignorer que sa pension vieillesse allait se substituait à la pension d'invalidité. Elle n'a effectué aucune démarche auprès de la CARSAT en vue de bénéficier de la pension vieillesse et par ailleurs ne s'est pas manifestée auprès de la caisse de mars 2013 à octobre 2014.
- en réponse au courrier de Mme [C] du 20 octobre 2014, celle-ci a été informée le 6/11/2014 qu'elle allait percevoir la pension d'invalidité catégorie 1 et qu'elle pouvait exercer une activité, elle a perçu un rappel sur la période 2009/2013, en raison de la réactualisation de sa pension d'invalidité.
Madame [C] fait valoir que:
- la caisse ne l'a pas informé dans le délai de six mois avant qu'elle n'atteigne l'age légal de départ à la retraite de la cessation du versement d'invalidité et de la nécessité de faire liquider sa pension de retraite. Ce manquement l'a empêché de bénéficier du maintien de la pension d'invalidité prévu à l'article L341-16 du code de la sécurité sociale
- la caisse ne rapporte pas la preuve d'avoir informé l'assurée de la cessation du versement de la pension invalidité en raison de la survenance de l'âge légal de la retraite et de la nécessité de reprendre une activité professionnelle ou de faire liquider ses droits à retraite
la circulaire est opposable à la caisse en ce qu'elle apporte une garantie supplémentaire aux assurés
L'assurée soutient également que la caisse lui a donné des informations tardives, parcellaires et erronées sur la cessation du versement de sa pension d'invalidité.
Le manquement à l'obligation d'information a conduit Madame [C] à ignorer qu'elle devait reprendre le travail avant le mois de Février 2013 pour conserver le bénéfice de la pension d'invalidité première catégorie, et à ignorer que sans reprise d'activité elle devait faire liquider sa pension de retraite.
La circulaire CNAV du 19 janvier 2011 prévoit qu'afin d'éviter toute rupture de paiement entre le dernier versement de la pension d'invalidité et la première mensualité de la retraite, la demande de retrait doit être déposée quatre mois avant la date d'effet souhaitée.
Les assurés concernés sont informés par la CPAM, six mois avant l'âge légal de départ à la retraite des conditions de maintien du versement de la pension d'invalidité et des formalités pour demander la retraite .
Mme [C] qui a atteint l'âge légal de départ à la retraite le 1er février 2013 allègue ne pas avoir reçu l'information ci-dessus rappelée , de sorte qu'elle n'a pu prendre les dispositions nécessaires à la sauvegarde de ses intérêts.
La CPAM ne verse aucun élément permettant de démontrer qu'elle aurait adressé cette information à l'assurée. Le fait que cette information soit diffusée sous la forme d'envoi automatisé n'empêchait pas en tout état de cause la Caisse de conserver la trace, même informatisée d'un tel envoi.
Il résulte par ailleurs des éléments soumis à la Cour que la Caisse a cessé tout versement de la pension d'invalidité à compter du 1er février 2013 au profit de Mme [C] en raison de son âge mais sans l'en informer avant le mois de novembre 2014 .
Au surplus, il est établi que la Caisse a ensuite notifié à Mme [C] l'octroi d'une pension d'invalidité de 2ème catégorie et l'arrêt du versement des indemnités journalières sans l'aviser de la cessation du versement de sa pension d'invalidité en raison de la survenance de l'âge légal de la retraite et de la nécessité soit de reprendre son activité afin de bénéficier du régime dérogatoire prévue à l'article L 341-16 du code de sécurité sociale, soit de liquider ses droits à retraite.
Ainsi, le fait que la Caisse n'ait pas procédé à un examen global de la situation de l'assurée, ce qu'elle était en mesure de faire, a conduit Mme [C] à ignorer d'une part qu'elle aurait du reprendre le travail au sein de la Clinique [Établissement 1] avant le mois de février 2013, si elle souhaitait conserver le bénéfice de la pension d'invalidité 1ère catégorie et d'autre part que faute pour elle de reprendre cette activité, elle ne pourrait percevoir de pension d'invalidité, et qu'elle devrait faire liquider ses droits à retraite pour éviter de rester sans ressources, et ce alors que parallèlement, elle s'était vue notifier l'octroi de la pension invalidité 2ème catégorie.
Ainsi du fait de ces défauts d'information et de ces erreurs de gestion, Mme [C] s'est trouvée privée de ressources jusqu'à la régularisation de son dossier intervenu tardivement , de sorte qu'elle démontre avoir subi, de ce fait un préjudice financier , que le premier juge a justement évalué à la somme de 6000 euros.
Il convient en conséquence de confirmer intégralement la décision déférée sur les dommages et intérêts alloués ainsi que sur les frais non recouvrables chiffrés à 1000 euros.
Il apparaît équitable, en cause d'appel, d'accorder à Mme [C] une somme équivalente.
La procédure étant gratuite et sans frais devant les juridictions de la sécurité sociale en vertu de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, il n'y a pas lieu à dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré, et dans les limites de l'appel:
Confirme le jugement rendu le 30 juin 2016 par le Tribunal des affaires de sécurité sociale de LYON ,en ce qu'il a déclaré que la CPAM a commis une faute dans la gestion du dossier de Mme [D] [C] et a manqué à son obligation d'information et l'a condamné en conséquence à payer à cette dernière la somme de 6000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et celle de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant,
Condamne la CPAM du RHONE à payer à Mme [D] [C] la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à dépens ou à paiement de droit en application de l'article R144-10 du code de la sécurité sociale.
LA GREFFIÈRELA PRESIDENTE
Malika CHINOUNE Elizabeth POLLE-SENANEUCH