AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
R.G : 16/04562
[I]
C/
Me [V] [C] - Mandataire liquidateur de EURL LYON SECURITE PRIVEE
SARL AGENCE D'INTERVENTION ET DE SECURITE
Association DELEGATION REGIONALE UNEDIC/ AGS SUD-EST
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE
du 02 Juin 2016
RG : F 15/00009
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2017
APPELANT :
[M] [I]
né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1]
[Adresse 1]
42300 ROANNE
représenté par Me Jamel MALLEM, avocat au barreau de ROANNE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/033391 du 10/11/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
INTIMÉES :
Me [C] [V] - Mandataire liquidateur de EURL LYON SECURITE PRIVEE
[Adresse 2]
[Localité 2]
représenté par Me Cécile LAMBERT-FOUET de la SARL SEIGLE BARRIE &ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
SARL AGENCE D'INTERVENTION ET DE SECURITE
[Adresse 3]
42300 ROANNE
représentée par Me Alix ROCHAT, avocat au barreau de ROANNE
Association DELEGATION REGIONALE UNEDIC/ AGS SUD-EST
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Pierre- yves LUCCHIARI de la SELARL SELARL LUCCHIARI, avocat au barreau de ROANNE
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Septembre 2017
Présidée par Thomas CASSUTO, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Emmanuelle BONNET, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Elizabeth POLLE-SENANEUCH, président
- Laurence BERTHIER, conseiller
- Thomas CASSUTO, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 27 Octobre 2017 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président et par Emmanuelle BONNET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
Le 3 septembre 2013, Monsieur [M] [I] a été embauché par la société LYON SECURITE PRIVEE en vertu d'un contrat durée indéterminé à temps plein en qualité d'agent de sécurité, affecter la surveillance du centre hospitalier de ROANNE.
Cette relation de travail est régie par les dispositions de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité et notamment son avenant du 28 janvier 2011 modifiant l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise des personnels des entreprises de sécurité privée.
Au dernier état de la relation de travail, il percevait une rémunération brute de base d'un montant de 1506.06 €.
Courant mai 2014, le centre hospitalier de ROANNE a effectué un nouvel appel d'offres pour le marché de surveillance sécurité à effet au 1er juin 2014. La société LYON SECURITE PRIVEE n'a pas postulé sur ce marché.
Le 7 mai 2014, la société Agence d'information et de sécurité (AIS) était informée par le centre hospitalier de ROANNE qu'elle était attributaire du marché. Le début d'intervention était fixé à compter du 1er juin 2014. En application des dispositions de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord sur la reprise du personnel en cas de changement de prestataires, la société AIS a informé par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 mai 2014 réceptionné le 12 mai 2014 la société LYON SECURITE PRIVEE et lui a demandé de communiquer l'ensemble des éléments nécessaires propres à la reprise de son personnel.
Le 21 mai 2014, la société LYON SECURITE PRIVEE répondait à la société AIS par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 26 mai 2014.
Entre temps, par lettre recommandée avec avis de réception du 24 mai 2014 et réceptionnée le 27 mai 2014, la société AIS a relancé la société LYON SECURITE PRIVEE quant à la communication des éléments relatifs aux salariés affectés sur le site du Centre Hospitalier de ROANNE et concernés par le transfert.
Le 27 mai 2014, Monsieur [M] [I] a sollicité auprès de la société LYON SECURITE PRIVEE des explications quant à la poursuite de son contrat de travail.
Le 30 mai 2014, Monsieur [M] [I] était officiellement informé que le marché de sécurité privée avait été repris par la société AIS et que cette société avait recruté six salariés au statut d'agent de sécurité pour travailler sur le site du centre hospitalier de ROANNE sans qu'il soit fait référence au transfert du contrat de travail le concernant.
Le 3 juin 2014, la société AIS a signifié à la société LYON SECURITE PRIVEE qu'elle n'était plus en mesure de reprendre les salariés transférables.
Le même jour, soit le 3 juin 2014, la société LYON SECURITE PRIVEE a notifié à la société AIS le transfert effectif des contrats de travail des salariés affectés au site du Centre Hospitalier de ROANNE, dont celui de monsieur [I], faute d'avoir dressé dans les délais la liste des salariés qu'elle entendait reprendre.
Le 4 juin 2014, Monsieur [I] a sollicité la société AIS afin de connaître le devenir de son contrat de travail.
Le 11 juin 2014, la société AIS informait Monsieur [M] [I] que la procédure de transfert n'était pas achevée et que son employeur demeurait la société LYON SECURITE PRIVEE.
Le 1er juillet 2014, la société LYON SECURITE PRIVEE a informé Monsieur [M] [I] que son dossier avait été transféré à la société AIS le 20 mai 2014 et que cette société n'avait pas effectué le transfert obligatoire prévu par l'avenant du 28 janvier 2011, modifiant l'accord du 5 mars 2002, relatif à la reprise des personnels des entreprises de sécurité privée. Elle lui a également adressé ses documents de fin de contrat à savoir une attestation POLE EMPLOI, un certificat de travail et un bulletin de salaire valant solde de tout compte.
Par jugement du tribunal de commerce de LYON du 19 août 2014, la société LYON SECURITE PRIVEE a été placée en liquidation judiciaire, Maître [C] étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Monsieur [I] a saisi la formation de Référé du Conseil de prud'hommes de ROANNE afin d'obtenir le paiement de ses salaires. En raison de l'existence d'une contestation relative au transfert du personnel de la société LYON SECURITE PRIVEE à la société AIS, la formation de Référé a renvoyé les parties à mieux se pourvoir au fond.
Le 2 juin 2015, Monsieur [M] [I] a fait convoquer la société AIS devant le conseil de prud'hommes de ROANNE aux fins de :
A titre principal,
- voir celle-ci condamnée à lui verser les sommes de :
- 33 133,32 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er juin 2014 au 31 mars 2016,
- 3313,33 euros au titre des congés payés afférents,
- que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [I] en date du 31 mars 2016,
- dire et juger que la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et par conséquent peut s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et par voie de conséquence voir condamner la société AIS à lui verser les sommes de :
- 18 072,72 euros au titre de l'indemnité licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 778,13 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
- 3012,12 euros au titre du préavis de licenciement outre la somme de 3001,21 au titre des congés payés afférents,
- 5000 euros à titre des dommages-intérêts pour le préjudice financier résultant des retards et absence de paiement des salaires,
- 5000 à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi résultant du non-respect des dispositions conventionnelles par la société AIS,
- 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour l'exécution déloyale de son contrat de travail.
Subsidiairement :
à l'encontre du liquidateur judiciaire de la société LYON SECURITE PRIVEE, de voir :
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat travail Monsieur [M] [I] en date du 31 mai 2014 aux torts de la société LYON SECURITE PRIVEE,
- juger que la résiliation judiciaire prononcée est aux torts exclusifs de l'employeur et par voie de conséquence s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
et par conséquent condamner la société LYON SECURITE PRIVEE à lui verser les sommes de :
- 18 072,72 euros à titre d'indemnité licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1506,06 euros au titre du préavis de licenciement outre la somme de 150,61 euros type de congés payés afférents,
outre que soit dit et jugé que l'AGS garantira l'ensemble de ces créances,
Et en tout état de cause, condamner la société AIS à verser à Monsieur [I] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il sollicitait également l'exécution provisoire de la décision à venir.
Par jugement du 2 juin 2016, le conseil de prud'hommes de ROANNE a :
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [M] [I] aux torts exclusifs de la société LYON SECURITE PRIVEE,
- dit et jugé en conséquence que la rupture du contrat de travail de Monsieur [M] [I] s'analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- fixé les créances de Monsieur [M] [I] à liquidation judiciaire de la société LYON SECURITE PRIVEE représenté par son liquidateur judiciaire aux sommes de :
- 2000 euros au titre de l'intimité licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1506,06 euros au titre du préavis
- 150,61 euros au titre des congés payés afférents,
- 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les créances sont opposables aux AGS [Localité 3] dans les conditions légales,
- a prononcé l'exécution provisoire de la décision,
- a débouté Monsieur [M] [I] de l'ensemble de ses autres demandes
- et a débouté la société AIS de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 10 juin 2016 reçue le 13 juin 2016, Monsieur [M] [I] a relevé appel de cette décision.
Le 10 novembre 2016, Monsieur [M] [I] a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Vu les conclusions soutenues à l'audience du 14 septembre 2017 par Monsieur [M] [I] qui demande à la cour par voie d'infirmation du jugement de :
- dire et juger que la société AIS est l'employeur de Monsieur [M] [I] et que son contrat de travail a bien été transféré au sein de ses effectifs au 1er juin 2014,
- condamner la société AIS a lui verser la somme de 57 983,31 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er juin 2014 au 31 mars 2017, outre la somme de 5798,33 euros au titre des congés payés afférents,
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [I] en date du 14 septembre 2017,
- dire et juger que la résiliation judiciaire prononcée est aux torts exclusifs de la société AIS et, par conséquent, doit s'analyser en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Par conséquent :
- condamner la société AIS à lui remettre l'attestation pôle emploi, le certificat de travail et le bulletin de paie rectifiés conformes aux chefs de la demande, sous astreinte de 50 € par jour de retard, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- condamner la société AIS à lui versé les sommes de
18 072,72 euros à titre d'indemnité licenciement sans cause réelle et sérieuse,
778,13 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
3012,12 euros au titre du préavis de licenciement outre la somme de 301,21 euros au titre des congés payés afférents,
5000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier résultant des retards et absence de paiement des salaires,
5000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi résultant du non-respect des dispositions conventionnelles par la société AIS,
20000 euros à titre de dommages-intérêts pour l'exécution déloyale de son contrat travaille par la société AIS,
à titre subsidiaire,
- confirmer le jugement rendu le 2 juin 2016 par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a :
prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [I] en date du 31 mai 2014 aux torts de la société LYON SÉCURITÉ PRIVÉE,
dit et jugé que la résiliation judiciaire prononcée est aux torts exclusifs de l'employeur et, par conséquent, doit s'analyser en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
par conséquent
- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société LYON SECURITE PRIVEE les sommes de:
1506,06 euro au titre du préavis de licenciement,
150,61 euros au titre des congés payés afférents,
- infirmer le jugement rendu le 2 juin 2016 par le conseil de prud'hommes de ROANNE quant aux dommages-intérêts nés de la rupture du contrat travail, statuant à nouveau fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société LYON SÉCURITÉ PRIVÉE la somme de 18 072,72 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- dire et juger que l'AGS CGEA garantira l'ensemble de ses créances,
En tout état de cause ,
- condamner la société AIS à verser à Monsieur [I] la somme de 1000 euros titre des dispositions de l'article 700 alinéas 2 et 3 du code de procédure civile.
Monsieur [I] soutient que son contrat de travail avait été transféré le 1er juin 2014 à la société AIS à l'occasion de l'attribution d'un marché antérieurement attribué à la société LYON SECURITEE PRIVEE au sein de laquelle il était salarié jusqu'au 31 mai 2014. Il estime que la société AIS a refusé de reprendre son contrat et qu'il convient de prononcer sa résiliation judiciaire aux torts de la société AIS.
Vu les conclusions soutenues à l'audience du 14 septembre 2017 par Maître [C] es qualité de mandataire liquidateur de la société LYON SECURITE PRIVEE, qui demande à la cour par voie d'infirmation du jugement de :
- dire que le contrat de travail de Monsieur [I] a été transféré à la société AIS et en conséquence de mettre hors de cause la liquidation judiciaire,
à titre subsidiaire,
- statuer sur les demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [I], d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en les réduisant de plus justes proportions,
La société LYON SÉCURITÉ PRIVÉE soutient qu'elle a placé la société AIS en situation de reprendre le contrat de travail de Monsieur [I] conformément aux dispositions de l'avenant du 28 janvier 2011, compte tenu plus précisément du fait qu'elle a été informée le 12 mai 2014 par la société AIS qu'elle avait été retenue pour le marché de sécurité et qu'elle a transmis les informations à la société entrante par lettre recommandée portant la date d'envoi effectif au 21 mai 2014.
Vu les conclusions soutenues à l'audience du 14 septembre 2017 par le CGEA [Localité 3] qui demande à la cour de :
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de ROANNE en toutes ses dispositions,
- de dire que le contrat de travail de Monsieur [I] avait été transféré à la société AIS,
- de constater le caractère in bonis de la société AIS,
- de prononcer la mise hors de cause du CGEA de CHALON-SUR-SAÔNE
à titre subsidiaire,
- statuer sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société LYON SÉCURITÉ PRIVÉE,
- statuer sur les demandes indemnitaires en les ramenant à de plus justes proportions,
- rappeler les règles légales relatives à l'intervention de l'AGS.
L'AGS soutient que la société LYON SÉCURITÉ PRIVÉE a respecté les règles de procédure fixée par l'avenant du 28 janvier 2011 et mis la société AIS en position de reprendre le contrat de travail de Monsieur [I]. À l'instar du liquidateur judiciaire, l'AGS retient que la société LYON SÉCURITÉ PRIVÉE disposait de 10 jours à compter de la réception de la notification du transfert du marché à la société AIS à compter du 12 mai 2014 que ce délai expirait au 23 mai 2014 et que la société LYON SÉCURITÉ PRIVÉE avait répondu le 21 mai 2014.
Vu les conclusions soutenues à l'audience du 14 septembre 2017 par la société AIS qui demande à la cour de constater que le contrat de travail de Monsieur [I] n'a pas été transféré à la société AIS du fait du comportement fautif de la société LYON SÉCURITÉ PRIVÉE et en conséquence de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de ROANNE le 2 juin 2016 et de débouter Monsieur [I] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société AIS.
À défaut, la société AIS demande à la cour, dans l'hypothèse où il serait considéré que le contrat de travail été transféré à la société AIS, de
constater que la société AIS estimait ne pas avoir la qualité d'employeur et a agi de bonne foi,
qu'il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société AIS
de débouter Monsieur [M] [I] de ses demandes relatives à des rappels de salaires et congés payés y afférents, des indemnités de licenciement de préavis et de congés payés y afférents et de dommages-intérêts distincts,
de le condamner à lui verser la somme de 2000 € titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société AIS soutient qu'elle avait tout intérêt à reprendre les contrats transférables, qu'elle a informé la société LYON SÉCURITÉ PRIVÉE et qu'elle n'a reçu les documents de la société LYON SÉCURITÉ PRIVÉE que le 27 mai 2014 soit postérieurement au délai de 10 jours expirant le 23 mai 2014, qu'au demeurant le 3 juin 2014, elle avait adressé un courrier à la société LYON SECURITE PRIVEE pour lui indiquer que compte tenu du non-respect des obligations mises à la charge des sociétés sortantes entre la reprise du marché surveillance était dans l'impossibilité de reprendre les salariés transférables. Elle rappelle également que la société LYON SÉCURITÉ PRIVÉE n'avait pas candidaté pour la reprise du marché. Enfin, elle prétend que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [I] ne peut être mis aux torts de la société AIS dès lors qu'il n'y a pas eu d'exécution du contrat de travail.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur le transfert du contrat de travail :
L'avenant du 28 janvier 2011 modifiant l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise des personnels des entreprises de sécurité privée prévoit la reprise par l'entreprise entrante des salariés de l'entreprise sortante. En particulier, s'agissant de la procédure, l'article 2.3.1 de cet avenant stipule que :
« Dans les 10 jours ouvrables à compter de la date où l'entreprise entrante s'est fait connaître, l'entreprise sortante adresse par courrier recommandé à l'entreprise entrante la liste du personnel transférable selon les critères visés à l'article 2.2 ci-dessus.
En parallèle, l'entreprise sortante adresse aux salariés concernés un courrier les informant qu'ils sont susceptibles d'être transférés. Ce courrier doit obligatoirement mentionner la date à laquelle l'entreprise entrante s'est fait connaître à l'entreprise sortante ainsi que la date prévisionnelle du transfert. Elle informe également par courrier le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, de ce transfert ainsi que des dates précédemment mentionnées, en y joignant copie du courrier de l'entreprise entrante et en lui communiquant les éléments permettant de circonscrire le périmètre sortant en termes d'effectifs.
Passé le délai de 10 jours et après mise en demeure par l'entreprise entrante par lettre recommandée avec avis de réception, restée sans suite dans les 48 heures ouvrables, celle-ci pourra refuser de reprendre le personnel qui restera alors au sein de l'entreprise sortante.
L'entreprise entrante accuse réception de cette liste et des pièces jointes dans les 5 jours ouvrables suivant la réception en mentionnant avec précision les pièces éventuellement manquantes. L'entreprise sortante transmet par tous moyens, y compris électroniques, les pièces manquantes dans les 48 heures ouvrables.
A défaut de transmission dans les délais de l'intégralité des éléments énumérés ci-dessus pour un salarié donné, l'entreprise entrante pourra refuser le transfert de ce salarié, que l'entreprise sortante devra reclasser en lui conservant les mêmes classification et rémunération.
A compter de la notification par l'entreprise entrante prévue à l'article 2.1, l'entreprise sortante s'interdit, pour les salariés transférables, de procéder à une quelconque modification contractuelle et notamment concernant des éléments de statut et de rémunération, à l'exception de celles qui résulteraient d'une obligation légale ou d'un accord collectif d'entreprise ou de branche ».
L'article 2.3.3. stipule :
« La liste des salariés que l'entreprise entrante doit reprendre est constituée obligatoirement de 100% des salariés figurant sur la liste fournie par l'entreprise sortante qui remplissent les conditions de transfert fixées à l'article 2.2.
Dans un délai de 8 jours ouvrables maximum à compter de la réception des dossiers complets des personnes figurant sur la liste des personnels transférables, l'entreprise entrante communique à l'entreprise sortante, par lettre recommandée avec avis de réception, la liste du personnel reprise conformément aux conditions de transfert fixées à l'article 2.2. ».
L'avenant stipule également que l'entreprise entrante notifie à chaque salarié son transfert en son sein et établi un avenant au contrat de travail dans lequel elle mentionne le changement d'employeur et reprend l'ensemble des clauses contractuelles qui lui sont applicables.
Monsieur [I], la société LYON SÉCURITÉ PRIVÉE et l'AGS soutiennent que le délai à compter duquel la société sortante dispose de 10 jours pour faire connaître à la société entrante les contrats susceptibles d'être repris court à compter de la réception de la lettre recommandée.
La société AIS prétend que ce délai court à compter de l'envoi de la lettre recommandée.
La première phrase de l'article 2.3.1 de l'Avenant applicable au transfert des contrats prévoit que le délai de 10 jours ouvrables commence à courir à compter de la date où l'entreprise entrante s'est fait connaître.
C'est donc bien à compter de la réception de la lettre recommandée que le délai commence à courir, soit le 12 mai 2015.
Monsieur [I] soutient que la société LYON SECURITE PRIVEE a, en toute hypothèse répondu dans le délai ultime englobant le délai pour répondre à la notification et celui pour répondre à la mis en demeure de 48 heures.
Il n'est pas contesté que la société LYON SECURITE PRIVEE a répondu à la société AIS au plus tard le 21 mai 2015. En outre, le courrier de la société LYON SECURITE PRIVEE listant les contrats de travail susceptibles d'être repris par la société entrante a été réceptionné le 26 mai 2015 soit dans le délai de 48 heures suite à la mise en demeure adressée par la société AIS et reçue le 27 mai 2015 par la société LYON SECURITE PRIVEE.
La société AIS, qui ne conteste pas avoir adressé une mise en demeure à la société LYON SECURITE PRIVEE le 24 mai 2015 conformément à l'article 2.3.1 alinéa 3 de l'avenant du 28 janvier 2011, n'apporte aucun argument contraire et ne peut prétendre avoir pu valablement notifié le 3 juin 2015 à la société LYON SECURITE PRIVEE qu'elle était dans l'impossibilité de reprendre les salariés de cette dernière sans prendre en compte le fait que la liste des salariés concernés lui avait été communiquée dans les 48 heures de sa mise en demeure du 24 mai 2015.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a jugé que le contrat de Monsieur [I] n'avait pas été valablement transféré à la société AIS.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail,
La société AIS a mis Monsieur [I] dans l'impossibilité de poursuivre l'exécution du contrat de travail. La société AIS n'entend pas réintégrer Monsieur [I] dans ses effectifs.
L'entreprise sortante étant dans l'impossibilité de transférer effectivement le contrat de travail à la société entrante, la rupture du contrat de travail incombe à l'entreprise entrante. Il convient donc de fixer la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société AIS à la date à laquelle le contrat de travail aurait du être transféré soit au 1er juin 2014.
Cette rupture est dénuée de cause réelle et sérieuse, la société AIS ayant par ses manquements fait obstacle à la poursuite du contrat de travail de Monsieur [I], elle sera condamnée à en réparer les conséquences dommageables.
Sur le préjudice invoqué par Monsieur [I],
Il résulte de l'article 1235-3 du code du travail que « Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ».
Monsieur [I] prétend que la résolution judiciaire de son contrat de travail doit être prononcée à la date de l'audience devant la cour.
Monsieur [I] prétend être devenu salarié de la société AIS et l'être demeuré jusqu'à ce jour. Cette prétention n'est pas fondée, d'une part en raison du fait que la société AIS lui a fait connaître qu'elle n'est pas en mesure de reprendre son contrat de travail, quand bien même cette affirmation serait erronée, et d'autre part compte tenu de l'absence de commencement d'exécution du contrat de travail le liant avec la société AIS que Monsieur [I] croit pouvoir invoquer.
C'est donc bien le 1er juin 2014 que le contrat de travail a été rompu.
Monsieur [M] [I] estime que la perte de son emploi, alors que son contrat venait d'être transféré, dans une ville telle que [Localité 4] où les offres de travail sont rares, a engendré pour lui des difficultés pour retrouver un emploi, en particulier dans le domaine de la sécurité qui nécessite une « mise à jour » des différents diplômes (par exemple les habilitations électriques, de sauveteur secouriste du travail, la mise à jour bisannuel du diplôme d'agent de sécurité'), ce dont il a été privé par le fait de la Société AIS.
Il sollicite une indemnisation au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant correspondant à 12 mois de salaire soit 18 072,72 euros.
La société AIS avance qu'elle a, le 11 juin 2014 informé Monsieur [I] que son contrat n'était pas repris. Monsieur [I] ne peut donc prétendre que son contrat de travail se serait poursuivi au delà à de cette date. Elle demande à la cour, à titre subsidiaire de réduire à de plus justes proportions le montant des indemnités allouées.
La société AIS sera condamnée à réparer le préjudice résultant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 1er juin 2014.
Ayant une ancienneté inférieure à deux ans, le préjudice de Monsieur [I] ne peut être indemnisé que sur justification. Monsieur [I] ne justifie pas que le bassin d'emploi de [Localité 4] dans le domaine de la sécurité serait spécifiquement affecté au point de faire obstacle à une reprise d'activité professionnelle. La succession de deux entreprises sur un site, dans le cadre d'un appel d'offres est en principe, et à défaut de preuve contraire, neutre. En outre, Monsieur [I] soutient contre toute vraisemblance avoir été dans l'impossibilité de postuler auprès de la société AIS qu'il connaissait.
Compte tenu de l'ancienneté de moins d'un an, de la situation personnelle et du niveau de qualification de Monsieur [I] en vertu du contrat qui le liait à la société LYON SECURITE PRIVEE et qui aurait du être transféré à la société AIS, la cour est en mesure de fixer le montant de la réparation due à Monsieur [I] à deux mois de salaires soit 3012,12 euros.
Sur les indemnités de rupture,
Monsieur [I] est fondé à solliciter le paiement par la société AIS d'une indemnité de rupture de son contrat de travail qui sera fixée, compte tenu de son ancienneté inférieure à deux ans dans l'entreprise, à 225,90 euros, outre le paiement du préavis à hauteur de 1506,06 et des congés payés y afférents pour un montant de 150,61 euros.
Sur la demande de dommages et intérêts compte tenu du retard dans le paiement des salaires,
Monsieur [I] prétend que ses salaires subissent un retard de 22 mois.
La société AIS met en avant le fait que Monsieur [I] ne s'est pas manifesté jusqu'à la procédure en référé et, qu'en outre, la non reprise de son contrat de travail est imputable à la société LYON SECURITE PRIVEE.
La résolution judiciaire étant prononcée à la date du 1er juin 2014, Monsieur [I] n'est pas fondé à demander la réparation d'un préjudice pour le retard de paiement de salaires revendiqués postérieurs à cette date.
Sur la réparation du préjudice résultant du non respect des dispositions conventionnelles,
Monsieur [I] estime que le non respect par la société AIS de la procédure qui aurait dû conduire à la reprise de son contrat de travail lui occasionne un préjudice qu'il évalue à 5000 euros.
La société AIS considère n'avoir commis aucune faute.
Ainsi qu'il a été constaté précédemment, la société AIS a méconnu les dispositions de l'Avenant applicable au transfert du contrat de travail. Cette méconnaissance, qui a fait obstacle à la reprise du contrat de travail en cause, a causé un préjudice à Monsieur [I] qui sera réparé à hauteur de 2000 euros.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail,
Monsieur [I] soutient que la société AIS n'a pas exécuté loyalement son contrat de travail et réclame la somme de 20 000 euros. Il estime que le comportement de la société AIS l'a placé dans l'impossibilité de travailler et n'a pas manqué par ailleurs de publier des offres d'emploi auxquelles il n'a pas pu postuler.
La société AIS estime que Monsieur [I] avait la possibilité de rechercher un emploi, y compris en postulant sur les offres d'emploi diffusées par la société AIS.
A cet égard, doivent être relevés les paradoxes de l'argumentation de Monsieur [I]. En effet, il n'ignorait pas la position de la société AIS qui lui avait fait connaître qu'elle ne reprenait pas son contrat de travail, il ne justifie pas s'être manifesté auprès de cette société pour occuper un emploi et rien ne lui interdisait de postuler aux offres d'emploi de la société AIS dont il avait connaissance lui permettant ainsi de préserver ses chances de retrouver un emploi.
En toute hypothèse, ainsi qu'il a été tranché précédemment, la résiliation judiciaire du contrat de travail étant prononcée à la date du 1er juin 2014, Monsieur [I] ne peut prétendre à une indemnité de ce chef.
Sur la mise hors de cause de la société LYON SECURITE PRIVEE et de l'AGS,
Maître [C] es qualité de mandataire liquidateur de la société LYON SECURITE PRIVEE et l'AGS demande leur mise hors de cause.
Dans la mesure où il est fait droit à la demande principale de Monsieur [I] visant à prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société AIS en sa qualité de société entrante, il en découle que le mandataire liquidateur de la société sortante sera mis hors de cause.
Par ailleurs, il n'est pas contesté que la société AIS se trouve in bonis. Dès lors, l'AGS appelée en garantie des salaires qui seraient dus à Monsieur [I] sera mise hors de cause.
Sur les demandes accessoires,
Le jugement sera infirmé en qu'il a alloué à Monsieur [I] la somme de 500 euros à la charge de la société LYON SECURITE PRIVEE au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'appelant.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
INFIRME le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de ROANNE le 2 juin 2016 en toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau ;
DIT que le contrat de travail de Monsieur [M] [I] a été transféré à la société AIS,
PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [M] [I], à la date du 1er juin 2014, aux torts exclusifs de la société AIS,
DIT que la résiliation du contrat de travail s'analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société AIS à verser à Monsieur [M] [I] la somme de 3012,12 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société AIS à verser à Monsieur [M] [I] la somme de 225,90 euros à titre d'indemnité de licenciement,
CONDAMNE la société AIS à verser à Monsieur [M] [I] la somme de 1506,06 euros à titre d'indemnité de préavis outre la somme de 150,61 euros au titre des congés payés y afférents,
CONDAMNE la société AIS à verser à Monsieur [M] [I] la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des dispositions conventionnelles,
CONDAMNE la société AIS à remettre à Monsieur [M] [I], dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard passé ce délai, ce pendant soixante jours, des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes ;
CONDAMNE la société AIS à verser à Monsieur [I] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 alinéas 2 et 3 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de ROANNE le 2 juin 2016 en ce qu'il a rejeté les demandes de Monsieur [M] [I] en ses demandes de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, et au titre des retards de paiement de salaires,
DEBOUTE Monsieur [M] [I] de toutes ses autres demandes,
MET hors de cause Maître [C] es qualités de mandataire liquidateur de la société LYON SECURITE PRIVEE,
MET hors de cause le CENTRE DE GESTION ET D'ETUDE AGS (CGEA), [Localité 3].
DEBOUTE les sociétés AIS, LYON SECUR1TE PRIVEE prise en la personne de son liquidateur judiciaire ainsi que l'AGS de toutes leurs autres demandes.
Condamne la société AIS aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le GreffierLe président
Emmanuelle BONNETElizabeth POLLE-SENANEUCH