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20/10/2017 | FRANCE | N°17/00050

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 20 octobre 2017, 17/00050


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 17/00050





[V]



C/

ASSOCIATION ADSEA







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 14 Octobre 2015

RG : F 13/00841











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2017







APPELANT :



[Y] [V]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1]

[

Adresse 1]

[Adresse 1]



Comparant et assisté de Ingrid GERAY, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMÉE :



ASSOCIATION DEPARTEMENTALE DE SAUVEGARDE DE L'ENFANCE ET DE L'ADOLESCENCE (ADSEA)

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par Me Pascal GARCIA de l...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 17/00050

[V]

C/

ASSOCIATION ADSEA

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 14 Octobre 2015

RG : F 13/00841

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2017

APPELANT :

[Y] [V]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Comparant et assisté de Ingrid GERAY, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

ASSOCIATION DEPARTEMENTALE DE SAUVEGARDE DE L'ENFANCE ET DE L'ADOLESCENCE (ADSEA)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Pascal GARCIA de la SELARL CAPSTAN RHONE ALPES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Septembre 2017

Présidée par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Emmanuelle BONNET, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Elizabeth POLLE-SENANEUCH, président

- Laurence BERTHIER, conseiller

- Thomas CASSUTO, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 20 Octobre 2017 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

L'Association Départementale de Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence( ADSEA) compte un effectif de 300 salariés et la convention collective applicable est celle des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées.

Monsieur [Y] [V] a été embauché le 1er septembre 1982 en contrat de travail a durée indéterminée par l'association ADSEA en qualité d'éducateur spécialisé.

Monsieur [Y] [V] est devenu éducateur en chef le 1er novembre 1989 et promu directeur à compter du 6 avril 2007 du centre éducatif et scolaire de [Établissement 1] puis en septembre 2010 de la Maison de [Établissement 2] où il a assuré la direction commune de ces deux établissements.

Cette prise de poste à la Maison de [Établissement 2] a été concomitante à la réorganisation interne au sein de l'association ADSEA où Monsieur [Y] [V] s'est vu confier une mission de restructuration et en juin 2011 il est nommé au seul poste de directeur de cette Maison de [Établissement 2].

En septembre 2011 la fusion par absorption de la Maison de [Établissement 2] a été réalisée par l'ADSEA.

Des dysfonctionnements ayant été constatés au sein de la Maison [Établissement 2], Monsieur [G], président de l'ADSEA, accompagné de Monsieur [S], directeur général de l'ADSEA, ont reçu Monsieur [V] en entretien informel le 15 novembre 2011.

Lors de l'entretien du 15 novembre, Monsieur [V] estime que ses capacités ont été très vivement et brutalement remises en causes.

Suite à l'entretien du 15 novembre 2011, Monsieur [Y] [V] se voit prescrire un arrêt maladie de la part de son médecin traitant, pour « souffrance morale », qu'il décide de ne pas prendre.

Lors d'une seconde rencontre demandée par Monsieur [V] le 18 novembre 2011, afin de pouvoir comprendre l'étendue des reproches formulés, il estime que des propos dégradants ont été réitérés.

Le 22 novembre, il est victime d'un accident de la circulation et se retrouve en arrêt de travail pour accident du travail jusqu'au 22 mai 2012 par renouvellements successifs.

Son médecin traitant le prolongera en arrêt de travail pour maladie non professionnelle « pour syndrome dépressif » de façon successive et répétée jusqu'au 11 août 2013.

Par un courrier adressé le 14 décembre à Monsieur [G] [G], président, Monsieur [Y] [V] entend acter le contenu des échanges qu'il y a eu entre eux les 15 et 18 novembre 2011.

Il relate dans ce courrier les reproches qui lui ont été adressés par Monsieur [G] et par Monsieur [S] :

'Monsieur le Président,

Suite à notre entretien du 15 novembre en présence de monsieur [S] directeur général, il me semble nécessaire d'acter le contenu de nos échanges et la chronologie des faits.

J'ai été convoqué par mail durant mes vacances le 8 novembre 2011 par le directeur général en ces termes : « Le Président souhaite te rencontrer, avec moi. Nous te proposons le mardi 15 à 17h30 dans mon bureau. Merci de me confirmer ta disponibilité ».

J'ai, le même jour, demandé par mail l'objet de cette rencontre : « Ok je me rendrai disponible mardi 15 novembre à 17h30. Puis je connaître l'objet de cette rencontre' BM ».

Il m'a été répondu : « C'est pour parler de la situation de [Établissement 2] et des échanges que l'on a eus à ce sujet avec M. [T] et Mme [L]. »

Au début de notre entretien, vous êtes reparti de la note que j'avais transmise à la demande du Directeur général pendant mes congés le 8 novembre et envoyée le 9 novembre.

Vous avez alors reconnu que les points que je soulevais, comme étant des difficultés importantes expliquant la situation actuelle de [Établissement 2], étaient bien réels et à prendre en compte comme des éléments à travailler (profil du public, qualification du personnel, locaux).

Un des points problématiques renvoyé par le conseil général et l'inspection académique concernait les exclusions et plus particulièrement la manière d'exclure.

Mais très vite cela a été évincé pour recentrer l'échange sur le rôle et ma façon d'assumer la direction.

Vous m'avez reproché :

- des « carences en matière de gestion budgétaire et en ressources humaines. Ce à quoi j'ai répondu que ces carences étaient connues lors de ma nomination commeet que le siège de l'association assurait un soutien aux services et aux établissements qui permettaient ce profil de directeur.

- un « laxisme » sans plus d'explications. Je n'en vois pas le fondement.

- de ne pas me saisir des aides proposées, en espèces de ne pas avoir suffisamment sollicité [L] [Q]( administrateur). Or, J'ai rencontré plusieurs fois Mr [Q] pour travailler le projet d'unité d'enseignement.

- de ne pas avoir entrepris une formation. J'avais proposé une formation au directeur
général qui s'est avérée trop onéreuse. Nous avions récemment évoqué une VAE.

- d'avoir pris des congés à deux reprises depuis septembre. Je les avais demandées et le directeur général les avait acceptées.

Monsieur [S] m'a alors reproché :

- de ne pas donner d'informations sur ce qui se passe à [Établissement 2]. J'ai répondu que j'avais fait part des difficultés en conseil de direction et en comité technique des cadres. J'avais eu 2 entretiens avec le directeur général pour en parler les 4 et 25 octobre derniers.

- de ne pas avoir fait les choses proprement. Qu'est ce que cela veut dire '

Mr [S] a alors surenchéri en disant qu'à [Établissement 2] c'était un foutoir innommable, que ça fumait dans tous les coins que les enfants s'embrassaient dans tous les coins. J'avais informé le DG que j'avais dû intervenir moi-même auprès de jeunes à ce propos pour rappeler les interdits.

Vous m'avez dit que « les problèmes me passaient au-dessus de la tête ». Je le réfute.

Mr [S] a alors indiqué qu'il n'y avait pas de vie à [Établissement 2], pas de décoration aux murs, qu'il n'y avait pas de chaleur. « Si le directeur n'impulse pas cela au niveau des équipes les choses ne peuvent pas avancer ».

Mr [S] a également évoqué le fait j'avais la réputation de quelqu'un peu présent au boulot, que les gens disaient que [V] n'était jamais là haut et qu'il était souvent à la DG ; Quand j'ai demandé qui tenait de tels propos Mr [S] m'a répondu que c'étaient les salariés de [Établissement 2] qui disaient cela.., déjà à [Établissement 1] de tels propos lui avaient été rapportés.

J'ai rappelé que j'avais dirigé [Établissement 1] et [Établissement 2] simultanément et que de fait ma présence à [Établissement 1] était divisée par deux, mais de quoi et de quand parlait-on '

Devant de tels reproches j'ai alors demandé quelle était la conclusion de tout cela. Vous m'avez répondu que :

« Cela ne pouvait pas durer comme cela. La situation n'est pas acceptable. Le changement passe par une direction plus ferme, plus présente, plus rigoureuse. Cela va nécessiter un changement radical de votre comportement I La prise de congés est indigne d'un directeur quand il y a une telle situation dans l'établissement »,

Mr [S] a alors ajouté:

« Qu'est-ce que doit penser de toi ton chef de service ' Tu le laisses seul sans appui. Il démarre dans le métier»... J'ai réagis pour dire qu'à tout moment nous étions en lien.

Je suis alors intervenu pour dire que la prise de congés était légitime et que dans les conditions actuelles imposées par la réorganisation, j'exprimai aussi dans quel état d'esprit nous avait mis la méthode d'annonce de la réorganisation.

A cela, Monsieur le président vous m'avez répondu que : « quand on est dans une équipe, on est solidaire ou on s'en va ».

Encore une fois, vous m'avez dit que le projet n'était pas le sujet préoccupant, qu'Il fallait sortir de tout cela, pas seulement avec le projet mais avec une direction plus ferme, plus transparente en mesure de gérer les difficultés. « Il faut que l'institution soit gérée sans que cela pose problème aux partenaires, je ne veux plus entendre par Mme [L] que c'est la pétaudière à [Établissement 2] ».

« Je souhaite qu'il y ait de la part du directeur de [Établissement 2], un changement dans la manière de diriger cet établissement.

Vous m'avez alors dit : « soit vous êtes capable soit vous n'êtes pas capable.

Mr [S] a rajouté : « j'irai même plus loin, je pense que tu n'es pas compétent pour diriger un établissement, je pense que tu n'es même pas capable d'être adjoint au directeur de pôle ».

J'ai dit que je prenais acte de tout cela. Fin de l'entretien.

Le 16 novembre s'est tenue une réunion au Conseil général pour évoquer les difficultés de [Établissement 2].

Présents à cette réunion: Mme [K], Mr [U], Mr [C], Mr [O], Mr [D] - Mr [S], Mr [P], Mr [V].

Le conseil général a reconnu que les difficultés étaient liées au profil du public et qu'ils prenaient leur part de responsabilité quant aux dossiers présentés.

En effet, l'échéance du premier septembre et la rentrée scolaire ont conduit les services de l'Aide Sociale à l'Enfance à proposer des candidatures parfois inadaptées.

Les locaux et le personnel en place ont également été pointés aussi comme des difficultés.

Le climat de cette réunion a été un climat de travail serein et constructif d'élaboration bien différent des propos évoqués par Mr [S] et vous même la veille.

J'ai demandé un entretien le vendredi 18 novembre 2011 avec JF [S] pour :

- demander ce qu'il comptait faire suite l'entretien du 15 novembre '

- demander comment il voyait la cohérence entre l'entretien du 15 novembre et la réunion qui s'était tenue à la DVS le lendemain '

A ma première question concernant la suite de notre entretien, JF [S] m'a répondu qu'il ne savait pas.

Il souligna que la notion des valeurs avait de l'importance dans notre association. L'homme est pris en compte. « 30 ans de collaboration ne se rayent pas d'un trait de plume »,

Lorsque je suis revenu sur la notion du bien être des enfants, il m'a dit que ça n'avait pas été pris en compte, les gamins ne pouvaient qu'être mal !

Monsieur [S] a alors insisté sur le fait que dans l'association j'avais « la réputation d'un glandeur » pour imager...

Quant aux propos des responsables du CG lors de la réunion du 16 novembre, il m'a dit : « ce sont des gens polis !!!....»

A la fin de l'entretien je lui ai redemandé comment j'allais pouvoir continuer à travailler avec l'absence de confiance de lui et du Président. Il m'a répondu qu'honnêtement cette question serait présente dans le temps de travail que le Président et lui ont tous les lundis.

Le lundi et le mardi qui ont suivi je n'ai eu aucune nouvelle.

Le mardi 22 aux environs de 18h30 j'étais victime d'une sortie de route.

En accident du travail depuis ce jour, je m'interroge sur la nature de l'entretien auquel vous m'avez convié. Je me questionne également sur comment je vais pouvoir diriger l'établissement dont je reste le directeur en ayant aujourd'hui la certitude de ne pas être soutenu par mon employeur '

Je m'interroge sur ce qui a légitimé de tels propos manifestant un jugement aussi dégradant que soudain qui selon moi me désavoue professionnellement injustement.

Je ne sais toujours pas quelles sont vos intentions.

Je reste dans l'attente de votre réponse qui permettra je l'espère de clarifier la situation et d'envisager une reprise de travail dans des conditions sereines indispensable compte tenu de mes responsabilités. »

Le 22 décembre, Messieurs [S] et [G] ont adressé un courrier en réponse à Monsieur [V].

« Monsieur le Directeur,

Nous avons bien reçu votre courrier daté du 14 décembre qui aretenu toute notre attention.

Nous constatons à sa lecture que vous êtes toujours dans le refus de prise en compte des remarques et griefs qui vous ont été adressés lors de notre rencontre du 15 novembre. Ces remarques reposent sur un certain nombre de faits et de témoignages concordants, que viennent renforcer menées par le conseil général suite aux dysfonctionnements constatés à [Établissement 2] qui dépassent désormais largement le cadre associatif soit notamment:

- Mission [O] en cours sur les procédures d'admission et de renvoi ;

- Enquête administrative à venir visant à vérifier les conditions de prise en charge de surveillance et d'accompagnement des jeunes orientés à [Établissement 2].

Nous nous étonnons également de vos affirmations selon lesquelles vous seriez toujours en attente d'une suite donnée à nos échanges du 15 novembre. Il n'est en effet pas d'usage dans notre association de traiter par courrier les questions concernant la manière d'exécuter les missions dévolues aux cadres de direction notamment lors de l'absence de maladie de ces derniers. Nous attendions donc votre retour pour vous faire part de vive voix des propositions auxquelles nous avons pensé concernant votre évolution au sein de l'association.

Mais ces propositions n'ont de sens que si elles sont construites sur un constat partagé, la teneur de votre courrier ,nous montre que tel ne semble pas être le cas. Ce même courrier nous contraint en conséquence à répondre aux arguments que vous y développez espérant ainsi rapprocher nos points de vue préparer ainsi une prochaine rencontre constructive:

Au début de notre entretien du 15 novembre, nous vous avons précisé que nous étions conscients que les difficultés de [Établissement 2] résidaient en partie dans un écart entre les besoins des jeunes et les, moyens disponibles pour y répondre. Les profils des jeunes accueillis, pas tous adaptés au projet, certaines faiblesses dans l'équipe éducative, les difficultés de recrutement des enseignants, des locaux pas toujours ès adaptés, étaient les éléments d'une explication partielle des dysfonctionnements actuels.

Nous avons également précisé que ces problèmes bien réels n'expliquaient pas tout : les dysfonctionnements de [Établissement 2], prennent aujourd'hui une ampleur telle qu'elles provoquent de la part du Conseil général, de l'inspection académique et de l'environnement des retours très inquiétants. Ces dysfonctionnements sont aussi provoqués par des carences dans la gestion de cet établissement dont vous êtes le responsable :

- Vous rappelez que nous avons parlé de carences en matière de gestion budgétaire et de ressources humaines, et c'est pour le moins surprenant que vous vous abritiez derrière le fait que le siège de l'association assure un soutien en ces matières. Nous vous avons donné lors de notre entretien des illustrations de ces carences : sommes importantes non recouvrées, attestées dans un rapport du Commissaire aux comptes, contrats de travail non signés dans les délais. Ces domaines sont de votre responsabilité de directeur et en aucun cas l'appui que peut apporter le siège ne saurait se à l'exécution de vos délégations telles qu'elles ont précisées dans le Document Unique de Délégation qui vous a été remis, ainsi qu'à vos collègues, fin 2009. C'est également à ce sujet que nous avons parlé de laxisme en étayant nos propos par des exemples (des contrats en CDD non signés dans les délais alors que vous en avez parfaitement été instruits des risques par la formation dispensée à ce sujet par un avocat au printemps dernier).

Si nous vous avons reproché de ne pas vous être saisi des aides proposées c'est, entre autres, et nous vous l'avons rappelé, que le Directeur général vous a demandé de vous rapprocher de structures analogues sur le plan de l'enseignement et que vous ne l'avez pas fait.

Pour ce qui concerne votre formation de directeur, il vous a été demandé de la suivre lors de votre recrutement à ce poste en 2007, puis redemandé par le Directeur général en 2009 (et là vous avez proposé de faire une formation extrêmement onéreuse qui utilisait à votre profit la quasi totalité des fonds formation de l'établissement), et c'est encore le Directeur général qui vous a rappelé dans un entretien récent l'obligation de vous former. Cela fait donc 4 ans que cette question est en suspens.

Dans notre association, les directeurs sont autonomes dans l'organisation de leurs congés et le Directeur général demande seulement à ce qu'ils les gèrent de manière que leur structure fonctionne malgré leur absence, et se coordonnent entre eux pour assurer une permanence associative. Nous vous avons exprimé notre incompréhension devant le comportement d'un directeur qui gère une situation qu'il qualifie lui même de très difficile et qui, depuis ses congés d'été, a pris entre début septembre et le 11 novembre deux nouvelles semaines de congés. Par cette attitude, vous nous avez semblé faire preuve d'un manque de responsabilité par rapport aux enjeux du moment, d'autant que vous laissiez seul face à ces difficultés votre chef de service débutant. Sur ce sujet, il nous est apparu assez peu responsable de justifier votre prise de congés par votre désaccord sur la réorganisation en cours de l'association.

Le Directeur général vous a effectivement reproché un d'informations et, pour l'illustrer, il a rappelé que les rendez-vous que vous mentionnez dans votre courrier ont eu lieu à sa demande, et que.vous avez rarement respecté la consigne qu'il a donnée aux directeurs de le rencontrer une fois par mois au minimum.

Sur les remarques à propos des comportements des jeunes, sur l'absence de décoration dommageable à la qualité du cadre de vie des jeunes, sur votre peu de présence au travail, plusieurs témoignages dans ce sens nous ont été rapportés, et ne portent pas sur période où vous dirigiez simultanément [Établissement 2] et [Établissement 1].

Vous faites également référence dans votre courrier à la réunion tenue au Conseil général consacrée, rappelons-le, à la situation de [Établissement 2] et aux profils des jeunes accueillis. Elle s'est déroulée dans un « climat de travail serein et constructif» puisqu'elle portait sur un problème qui n'est contesté par personne, et que nous avons reconnu en préalable de notre rencontre. Pour autant, ce climat ne saurait être une justification de votre manière d'exercer vos missions et de tenir votre poste, et qui n'a pas été abordée avec le Conseil général.

Vous revenez ensuite sur l'entretien que vous avez eu avec le Directeur général le vendredi suivant au cours duquel vous avez demandé « quelle suite vous comptez donner par rapport à ce que vous avez décrit comme une étence » et « quel parallèle était fait entre la réunion à la DVS et l'entretien du mardi ». Vous avez parlé de lynchage et de l'impression de ne pas être soutenu par votre association. Le Directeur général vous a alors redit que le fond du problème n'était pas la difficulté reconnue du démarrage de [Établissement 2]. Il est revenu sur les points de l'entretien du mardi pour lequel vous vouliez des précisions. Il vous a indiqué que son but au cours de l'entretien était d'avoir avec vous une explication franche et complète, et que tous ses propos lors de la réunion de la DVS manifestaient son soutien sans faille à votre égard face aux autorités de contrôle.

Sur la suite donnée à ces deux entretiens, effectivement le Directeur général ne vous a pas donné de réponse ce jour puisqu'il devait en rediscuter avec le Président ultérieurement. Votre absence suite à votre accident de voiture n'a pas permis de revenir vers vous plus rapidement.

Nous nous inscrivons enfin en faux sur le terme de « jugement dégradant » que vous employez dans votre courrier, ou de "lynchage" que vous avez utilisé dans nos . Nos propos ont toujours été mesurés, respectueux, même s'ils portaient en effet sur ce que nous considérons comme des insuffisances dans l'exercice de vos missions.

Dès votre reprise de travail nous vous recevrons pour un entretien afin d'évoquer avec vous la suite que nous souhaitons donner à ces échanges.

Nous vous souhaitons un prompt rétablissement et vous assurons, Monsieur le Directeur, de nos meilleures salutations. »

Le 12 aout il est reconnu inapte lors d'une première visite auprès du médecin du travail qui le déclare: « Inapte au poste , apte à un autre à revoir dans 15 jours pour une 2ème visite (art R4624-31) avec le médecin de l'entreprise le Docteur [E] ».

Le 27 aout 2013 à l'issu de la 2ème visite, le médecin du travail déclare son inaptitude en ces termes: «Inaptitude confirmée au poste dans le cadre actuel de l'organisation du travail, attente des propositions de reclassement ».

Il sera à nouveau mis en arrêt de travail par son médecin traitant à l'issue de cette déclaration.

Le 4 septembre 2013 il entame une procédure auprès du conseil de prudhommes aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes.

L'association reçoit le 12 septembre 2011 sa notification de convocation au bureau de conciliation par LRAC du 30 octobre 2011 qui n'aboutira pas.

Le 21 novembre 2011 Monsieur [Y] [V] est licencié pour inaptitude.

Par jugement du 14 octobre 2015, le Conseil de prud'hommes de Saint-Étienne a:

- débouté Monsieur [Y] [V] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Monsieur [Y] [V] au paiement de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [Y] [V] aux entiers dépens de l'instance.

Monsieur [Y] [V] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions, [Y] [V] demande à la Cour d'appel de:

- Dire et juger recevable et bien fondé l'appel interjeté,

- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prudhommes,

- Condamner l'association ADSEA à verser à [Y] [V] 10.000 € nets à titre de dommages et intérêts au titre de l'exécution fautive du contrat de travail

A titre principal :

- Dire et juger que les manquements suffisamment graves de l'employeur ont fait obstacle à la poursuite du contrat de travail,

- Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, au 21 novembre 2013, date du licenciement pour inaptitude de [Y] [V],

- Dire et juger que la résiliation judiciaire emporte les effets d'un licenciement sans cause et sérieuse,

A tire subsidiaire,

- Dire et juger que l'association ADSEA n'a pas respecté l'obligation préalable de reclassement,

- Dire et juger le licenciement pour inaptitude consécutif sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

- Condamner l'association ADSEA à verser à [Y] [V] la somme de 200.000 € euros nets de dommages et intérêts au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,

- Condamner la société à verser à [Y] [V] la somme de 3.000 e au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions, l'association ADSEA demande à la Cour d'appel de :

Confirmer le jugement entrepris:

Sur l'absence d'exécution fautive imputable à l'employeur :

Constater qu'aucune faute dans l'exécution du contrat de travail n'est imputable à l'association,

En conséquence, débouter [Y] [V] de sa demande de dommages et intérêts de ce chef,

Sur la demande de résiliation judiciaire:

Constater l'absence de manquements de l'association à ses obligations contractuelles,

Constater en tout état de cause, que l'appelant ne rapporte pas la preuve de manquements graves justifiant la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur,

En conséquence, débouter [Y] [V] de sa demande de dommages et intérêts de ce chef

Sur le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement:

Constater que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de [Y]

[V] est fondé,

Constater que l'association n'a pas manqué à son obligation de recherche de reclassement,

En conséquence, dire et juger que le licenciement de [Y] [V] repose sur une cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause:

Débouter [Y] [V] de ses entières demandes,

Accueillant la demande reconventionnelle de l'employeur: condamner [Y] [V] à lui verser 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de résiliation judiciaire :

La résiliation judiciaire du contrat de travail peut être demandée par le salarié en cas de manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles d'une gravité telle qu'il rend impossible la poursuite de leurs relations. La résiliation prononcée dans ces conditions produit les effet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Lorsque la résiliation judiciaire du contrat de travail demandée par le salariée est prononcée aux torts de l'employeur, le licenciement postérieur notifié par ce dernier est sans effet.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison n de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencier pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée et que c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Aux termes de l'article L4121-1 du code du travail «l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.»

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer personnellement l'effectivité.

Mais ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail

A l'appui de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, Monsieur [Y] [V] invoque un manquement de son employeur à l'obligation de sécurité de résultat à laquelle il est tenu, invoquant la dégradation de ses conditions de travail comme cause de la dégradation de son état de santé.

Monsieur [V] met comme point de départ à la dégradation de son état de santé les échanges qui ont eu lieu le 15 novembre 2011 et qui sont relatés dans les courriers de décembre 2012 précités.

Monsieur [V] estime que lors de cet entretien des propos dégradants lui ont été exprimés mais il résulte à la lecture des échanges épistolaires que si des propos durs ont été retranscris ils relèvent plus d'une remontrance professionnelle appuyée que d'une invective injurieuse.

Monsieur [V] reproche également à l'association ADSEA de l'avoir unilatéralement rétrogradé pendant son arrêt maladie à un poste d'adjoint du pôle sous l'autorité hiérarchique d'un directeur de pôle, consistant en une simple mise en 'uvre des projets, sans le moindre pilotage,alors qu'il exerçait antérieurement à la paupérisation qu'il invoque, les fonctions de directeur en étant directement rattaché au directeur général, avec des missions de pilotage.


L'association ADSEA quant à elle estime que le contenu du poste de Monsieur [V] n'est pas affecté, que ses fonctions de directeur n'ont pas changé et qu'à la reprise de son travail après son congé maladie Monsieur [V] a conservé les tâches relevant de ses fonctions puisque son contrat de travail n'avait pas été modifié.

Cependant des mails entre Monsieur [S], Monsieur [G] et Monsieur [V] rédigés ainsi : « Tu as peut-être appris que nous avons été contraints de procéder à ton

remplacement à la direction de [Établissement 2], je te propose de me rencontrer pour que je puisse te présenter ce que nous envisageons pour ton prochain poste », ont été échangés le 16 janvier 2012 c'est à dire pendant l'arrêt de travail de Monsieur [V] pour accident du travail.

Monsieur [V] alors placé en arrêt maladie pour accident de travail lorsqu'il reçoit cet avis de remplacement démontre le désarroi qu'il a ressenti à réception de ce courrier , lequel démontrait en outre l'intention de l'association de mettre fin au contrat de travail si Monsieur [V] avait donné suite à la demande d'entretien.

En outre, suite à la demande de Monsieur [V] le 7 février 2012 de faire reconnaître comme accident du travail la dégradation de son état de santé consécutif au rendez-vous intervenu le 15 novembre soient reconnues, l'association ADSEA a transmis la déclaration d'accident du travail à la CPAM de Saint-Étienne, en l'assortissant de réserves argumentées.

Par conséquent, l'association ADSEA ne pouvait ignorer le « choc émotionnel » ressenti par Monsieur [V] lors de cet entretien tel qu'évoqué dans les échanges de courriers précités. En outre elle aurait du mettre en 'uvre des actions ou aménagements pour que Monsieur [V] puisse reprendre sereinement son poste à l'issu de son arrêt pour accident du travail, mais au contraire lui a annoncé son remplacement par mail pendant son arrêt pour accident de travail.

Enfin, lors de la seconde visite de reprise, le médecin du travail a confirmé l'inaptitude de Monsieur [V] « dans le cadre actuel de l'organisation du travail ».

Il se déduit de l'ensemble des éléments analysés ci-dessus que l'altération de la santé du salarié résulte de la dégradation de ses conditions de travail et du manque de soutien et de considération de son employeur face à une situation de désarroi sur laquelle il avait été pourtant alerté.

[Y] [V] établit ainsi que l'association ADSEA a manqué à l'obligation de sécurité de résultat à laquelle celle-ci était tenue envers lui.

Ce manquement grave de l'employeur à ses obligations rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié aux torts de l'association ADSEA à effet au 21 novembre 2013, date de la rupture effective de la relation contractuelle qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat de travail:

En raison de l'âge de [Y] [V] au moment de son licenciement, 58 ans, de son ancienneté dans l'entreprise, 31 ans, du montant de la rémunération de 5.198,96 € qui lui était versé, de sa mise à la retraite anticipée, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu'il a subi du fait de la perte de son emploi, la somme de 100.000 € nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le remboursement des indemnités de chômage aux organismes concernés:

En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'association ADSEA aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'ils ont versés le cas échéant à [Y] [V] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de l'exécution fautive du contrat de travail:

[Y] [V] sollicite l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'altération de sa santé mentale consécutive à la dégradation de ses conditions de travail qu'il a connu.

[Y] [V] a subi, du fait du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de moyens renforcés, un préjudice morale distinct de celui résultant de la perte de son emploi. Il convient de fixer la réparation de ce préjudice à la somme de 2.500 €.

Sur les demandes accessoires:

Les dépens, suivant le principal, seront supportés par l'association ADSEA.

Monsieur [V] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.

L'association ADSEA sera donc condamnée à payer à Monsieur [V] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

INFIRME la décision entreprise en ce qu'elle a déboutée Monsieur [V] de sa demande de résiliation judiciaire et de l'ensemble de ses demandes,

Statuant à nouveau et y ajoutant:

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [V] aux torts de L'Association Départementale de Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence (ADSEA) à effet au 21 novembre 2011,

CONSTATE que Monsieur [V] a été rempli de ses droits à indemnité de licenciement,

CONDAMNE l'Association Départementale de Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence (ADSEA) à payer à Monsieur [V] les sommes suivantes:

* 100.000 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,

RAPELLE que ces sommes portent intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2013, date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation,

DIT que les sommes allouées par le présent arrêt supporteront, s'il y a lieu, les cotisations et contributions prévues par le code de la sécurité sociale,

ORDONNE le remboursement par l'Association Départementale de Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence (ADSEA) à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à Monsieur [V] à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois,

CONDAMNE l'Association Départementale de Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence (ADSEA) à payer à Monsieur [V] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE l'Association Départementale de Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence (ADSEA) de la demande reconventionnelle présentée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE l'Association Départementale de Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adolescence (ADSEA) aux entiers dépens de première instance et d'appel .

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Emmanuelle BONNETElizabeth POLLE-SENAUNEUCH


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 17/00050
Date de la décision : 20/10/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°17/00050 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-20;17.00050 ?
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