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12/10/2017 | FRANCE | N°17/00019

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 12 octobre 2017, 17/00019


R.G : 17/00019









Décision du tribunal de grande instance de Lyon

Au fond du 14 décembre 2016



chambre 1 cab 01 A



RG : 16/10180

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 12 Octobre 2017





APPELANTS :



[V] [W] [F] [H] [W]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représenté par la SELARL LEGA-CI

TE, avocat au barreau de LYON, substituée par Maître Annabel PASCAL, avocat au barreau de LYON





[Q] [C] [A]

né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représenté par la SELARL LEGA-CITE, avocat a...

R.G : 17/00019

Décision du tribunal de grande instance de Lyon

Au fond du 14 décembre 2016

chambre 1 cab 01 A

RG : 16/10180

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 12 Octobre 2017

APPELANTS :

[V] [W] [F] [H] [W]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par la SELARL LEGA-CITE, avocat au barreau de LYON, substituée par Maître Annabel PASCAL, avocat au barreau de LYON

[Q] [C] [A]

né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par la SELARL LEGA-CITE, avocat au barreau de LYON, substituée par Maître Annabel PASCAL, avocat au barreau de LYON

SCI ATHIS IMMO, radiée du Registre du Commerce et des Sociétés de SAINT-ETIENNE depuis le 30 mars 2016 après clôture des opérations de liquidation le 31 décembre 2015, prise en la personne de son mandataire ad hoc [A] [Q] demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par la SELARL LEGA-CITE, avocat au barreau de LYON, substituée par Maître Annabel PASCAL, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

SARL PROVIDENCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par la SELAS CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE LYON, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 22 juin 2017

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 juin 2017

Date de mise à disposition : 5 octobre 2017, prorogée au 12 octobre 2017, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure

Audience tenue par Jean-Louis BERNAUD, président et Vincent NICOLAS, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Claire MONTINHO-VILAS-BOAS, greffière placée

A l'audience, Vincent NICOLAS a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Jean-Louis BERNAUD, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Vincent NICOLAS, conseiller

Signé par Jean-Louis BERNAUD, président, et par Leïla KASMI, greffière placée, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

La SCI ATHIS IMMO, dissoute depuis le 15 décembre 2015, dont [Q] [A] et [V] [W] étaient les associés, a obtenu le 1er février 2005 de la ville de Lyon un permis de construire en vue de restructurer et réhabiliter un bâtiment industriel.

Un permis de construire modificatif a été délivré le 30 mars 2009 en vue notamment de changer la destination des locaux d'ateliers en bureaux.

L'ensemble immobilier, soumis au statut de la copropriété, est constitué d'un rez-de-chaussée et de deux étages, le premier étage étant composé d'un local à aménager correspondant au lot n°11, et le second de deux autres locaux, dont l'un appartient à [Q] [A], et l'autre à [O] [W].

Selon un acte sous-signature privée du 3 décembre 2009, la société ATHIS IMMO a conclu avec la SCI FEZ-MAROC (avec faculté de substitution d'acquéreur) une promesse de vente du lot n°11 (outre des lots correspondant à un garage et des places de parking), moyennant le prix de 928.096 € TTC. L'acte, qui précise que le vendeur devra réaliser des travaux, stipule la clause suivante : 'le vendeur précise que les travaux ci-dessus visés permettront l'obtention du certificat de non opposition à la déclaration de conformité qui sera déposée par le vendeur à l'issue de ces travaux. Étant observé que le vendeur s'engage à délivrer un bâtiment conforme aux prescriptions contenues dans les diverses autorisations administratives et s'engage à prendre à ses frais le coût des travaux qui serait imposé par l'administration aux fins d'obtenir la conformité'.

La vente a été réitérée le 5 novembre 2010 par acte authentique reçu par Maître [V], notaire associé, la SARL PROVIDENCE, qui a notamment pour objet la location de locaux meublés au profit d'entreprises, et qui a pour gérante [R] [F], s'étant substituée à la société FEZ-MAROC. L'acte de vente, après avoir rappelé que le vendeur devait réaliser des travaux, et que ceux-ci ont été réalisés, stipule la clause suivante : 'à l'issue de ces travaux, le vendeur s'engage à déposer dans les meilleurs délais la déclaration d'achèvement et de conformité des travaux, et s'engage à transmettre sans délai l'attestation de non opposition à ladite déclaration ou tout autre document en ce sens dans le cas d'une obtention tacite de fait'.

Pour le financement de cet achat, la société PROVIDENCE a emprunté, par acte séparé du même jour, à la Caisse d'Epargne Rhône Alpes (la Caisse d'Epargne), la somme de 850.000 €.

Par lettre du 8 avril 2011, le maire de [Localité 2] a fait savoir à la société ATHIS IMMO que les travaux effectués dans l'immeuble n'étaient pas conformes au permis de construire.

A la demande de la société ATHIS IMMO, le maire de [Localité 2], par arrêté du 20 novembre 2012, a délivré un permis de construire modificatif, en autorisant notamment un changement de destination de bureaux en entrepôts.

Par lettre du 13 janvier 2014, il a refusé la déclaration que lui avait envoyée la société ATHIS IMMO, attestant l'achèvement et la conformité des travaux (DAACT).

Par arrêté du 15 juillet 2014, la société ATHIS IMMO a obtenu à nouveau un permis de construire modificatif, l'autorisant à changer la destination d'un local à usage de bureaux en logement.

Par lettre du 22 février 2016, le maire de [Localité 2] a de nouveau refusé la DAACT adressée par la société ATHIS IMMO.

La société PROVIDENCE ayant été défaillante dans le remboursement de l'emprunt consenti par la Caisse d'Epargne, elle a signé le 4 février 2016, avec M. [P] une promesse unilatérale de vente de son lot n°11 et des lots correspondant au garage et aux places de parking, pour un prix de 850.000 €, avec un terme fixé au 31 décembre 2016. La promesse a été conclue sous la condition suspensive, stipulée en faveur de M. [P], 'de la délivrance par l'autorité administrative compétente d'un certificat de conformité de l'ensemble immobilier dont dépendent les biens vendus'.

Par ailleurs, la Caisse d'Epargne, en vertu d'un protocole d'accord conclu le 9 juin 2016 avec la société PROVIDENCE, lui a consenti une remise de dette en limitant sa créance à la somme de 835.000 €, correspondant d'une part à un solde de compte courant, et d'autre part aux sommes dues en vertu du prêt, à la condition que celui-ci soit remboursé au plus tard le 31 décembre 2016.

La société PROVIDENCE a fait assigner au mois d'août 2016 à jour fixe, devant le tribunal de grande instance de Lyon, la société ATHIS IMMO et ses deux associés [V] [W] et [Q] [A], ce dernier pris aussi en sa qualité de mandataire ad hoc de la société, en demandant qu'ils soient condamnés in solidum, avec exécution provisoire, à réaliser les démarches nécessaires à l'obtention du certificat de conformité de l'immeuble dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte, et à titre subsidiaire, en l'absence de certificat de conformité au 15 décembre 2016, de les condamner in solidum à lui payer la somme de 1.400.000 € ou plus subsidiairement, celle de 400.000 € au titre de la perte de valeur de son bien immobilier.

Elle demandait aussi qu'ils soient condamnés in solidum à lui payer la somme de 125.000 € en réparation de son préjudice.

La société ATHIS IMMO ayant adressé à la mairie de [Localité 2], en cours de procédure, une nouvelle DAACT, celle-ci, par lettre du 7 novembre 2016 a dressé un constat de non conformité, au motifs notamment que l'activité de bureaux du lot du 2ème étage ne pouvait être constatée de manière certaine.

Les défendeurs soutenaient devant le tribunal qu'ils n'ont pas commis de faute engageant leur responsabilité contractuelle, même s'ils n'ont pu obtenir le certificat de conformité.

[Q] [A] et [V] [W] prétendaient pour leur part que leur responsabilité ne pouvait être recherchée en leur qualité d'associés de la SCI, et que la demande formée contre eux était en conséquence irrecevable.

Par jugement du 14 décembre 2016, le tribunal de grande instance a, avec exécution provisoire :

- condamné la société ATHIS IMMO à réaliser les démarches nécessaires et à justifier de l'obtention du certificat de conformité de l'immeuble sis [Adresse 2], dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte provisoire de 2.000 € par jour de retard ;

- rejeté en l'état le surplus des demandes de la société PROVIDENCE ;

- condamné la société ATHIS IMMO à lui payer la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration transmise au greffe le 2 janvier 2017, la société ATHIS IMMO, [Q] [A] et [V] [W] ont interjeté appel de cette décision.

Par déclaration en date du 5 janvier 2017, la société PROVIDENCE a également fait appel de cette décision, et une ordonnance de jonction a été rendue le 18 janvier 2017.

Le 12 janvier 2017, la mairie de [Localité 2], à la suite d'une nouvelle visite effectuée par les services de l'urbanisme, a délivré à la société ATHIS IMMO l'attestation de conformité.

Vu les conclusions de cette dernière, de [Q] [A] et [V] [W], en date du 12 juin 2017, déposées et notifiées, par lesquelles ils demandent à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil, 1315 du même code, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, et 1858 du même code, de :

- déclarer irrecevable l'action exercée par la société PROVIDENCE contre [Q] [A] et [V] [W] pris en leur qualité d'anciens associés ;

- en tant que de besoin et à titre principal, débouter la société PROVIDENCE de toutes ses demandes ;

- à titre subsidiaire, limiter à l'euro symbolique la somme attribuée à cette société ;

- à titre infiniment subsidiaire, réduire à de plus justes proportion les dommages-intérêts alloués ;

- en tout état de cause, condamner la société PROVIDENCE à leur payer la somme de 5.000 €, à chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions du 20 juin 2017 de la société PROVIDENCE, déposées à l'ouverture des débats et notifiées, par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147 anciens, 1103, 1193 nouveaux, 1857 et 1858 du code civil, de :

- réformer le jugement en ce qu'il déclare irrecevable son action exercée contre [Q] [A] et [V] [W], ès qualité d'anciens associés, et en ce qu'il rejette sa demande tendant à leur condamnation in solidum avec la société ATHIS IMMO au paiement de somme de 125.000 € en réparation de son préjudice de perte d'exploitation ;

- les condamner in solidum à lui payer la somme de 125.000 € en réparation de son préjudice au titre de la perte d'exploitation, et celle de 312.536,02 € en réparation de son préjudice causé par l'obtention tardive du certificat de conformité ;

- les débouter de toutes leurs demandes ;

- les condamner in solidum à lui payer la somme de 7.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 22 juin 2017.

SUR QUOI, LA COUR :

Attendu que la clôture de l'instruction ayant été prononcée à l'ouverture des débats, les dernières conclusions et pièces de la société PROVIDENCE sont recevables ;

Sur la responsabilité contractuelle de la société ATHIS IMMO :

Attendu que la société PROVIDENCE soutient que la société ATHIS IMMO engage sa responsabilité contractuelle, motifs pris de ce que :

- cette dernière a manqué à ses engagements contractuels en n'obtenant pas l'attestation de conformité du fait de la réalisation de travaux non conformes ;

- elle a réellement entrepris de réaliser les démarches ayant permis la délivrance du certificat de conformité seulement après le prononcé du jugement du 14 décembre 2016 ;

- sa responsabilité est engagée du seul fait de la non délivrance de ce certificat, et elle ne peut s'en exonérer que par la preuve d'un cas de force majeure ;

- elle est muette sur la non-conformité du local du second étage appartenant à [Q] [A], qui a fait obstacle, jusqu'au 12 janvier 2017, à la délivrance du certificat de conformité ;

- en raison de l'absence de conformité de l'immeuble, elle n'a pas été en mesure de développer son activité de location de biens immobiliers et a subi en conséquence une perte d'exploitation ;

- en outre, l'obtention tardive du certificat de conformité ne lui a pas permis de respecter les termes du protocole d'accord avec la Caisse d'Epargne, et son préjudice est égal à la différence entre la somme forfaitaire prévue à ce protocole et celle que lui réclame aujourd'hui la banque ;

Pour conclure au débouté des demandes formées contre elle, la société ATHIS IMMO fait valoir que :

1. Le premier refus de conformité opposé par les services de l 'urbanisme le 26 avril 2011 a notamment pour cause un changement de destination du local situé au premier étage, changement qui avait été décidé par la société PROVIDENCE, raison pour laquelle elle ne peut lui faire grief de ce refus ;

2. En 2014, elle n'a pu obtenir l'attestation de conformité pour la seule raison que les travaux n'étaient pas terminés ; par courrier du 23 juin 2016, les services de l'urbanisme ont admis la réalisation des travaux, tout en rappelant qu'une conformité partielle ne pouvait être accordée ;

3. Aucune modification n'est intervenue sur le lot de [Q] [A] et aucun travaux n'a été réalisé sur l'immeuble entre le refus des services de l'urbanisme de la fin de l'année 2016 et l'obtention du certificat de conformité en janvier 2017 ;

4. En réalité, son destin était entre les mains d'un préposé des services de l'urbanisme, qui, sans aucune raison, a refusé de délivrer ce certificat en se fondant sur des détails qui ne pouvaient pas légitimement motiver un refus, raison pour laquelle le chef du service de l'urbanisme a pu le délivrer, après avoir constaté la conformité de l'immeuble ;

5. Elle n'a donc commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle, ayant tout fait au contraire pour obtenir l'attestation de conformité ;

6. La société PROVIDENCE ayant arrêté son activité en 2011, le préjudice de perte d'exploitation qu'elle allègue avoir subi est sans lien avec l'absence de certificat de conformité ;

7. L'absence de ce certificat n'empêchait pas la location de ses locaux et de les assurer, locaux qui sont tout à fait exploitables, neuf sociétés au moins étant en effet actuellement domiciliée au [Adresse 2], dans l'un de ses appartements ;

8. Les mauvais résultats de la société PROVIDENCE proviennent des carences de gestion de sa gérante, [R] [F], dont la faillite personnelle a été prononcée par le tribunal de commerce de Lyon en octobre 2012 ;

9. Elle ne justifie d'aucun préjudice en lien avec une remise tardive du certificat de conformité ;

Attendu, cependant, et en premier lieu, qu'il résulte de la promesse de vente du 3 décembre 2009 et de l'acte authentique de vente du 5 novembre 2010 que la société ATHIS IMMO avait l'obligation, du fait de la réalisation des travaux prévus, de déposer dans les meilleurs délais une DAACT conforme aux prescriptions du permis de construire, tel que modifié par l'arrêté du 30 mars 2009 ; qu'au regard des courriers du représentant du maire de [Localité 2] en date des 8 et 26 avril 2011, adressé à la société ATHIS IMMO, la première DAACT déposée par cette dernière a été refusée pour travaux non conformes ; que ces travaux étaient les suivants :

- changement de destination du local situé au deuxième étage,

- création d'une mezzanine affectée à l'usage d'un bureau créant de la surface hors oeuvre nette dans le lot,

- changement de destination d'un local en appartement au premier étage,

- pose de plusieurs système de climatisation/chauffage apparents en façade,

- création d'une piscine en lieu et place d'un 'bassin de submersion des transmissions' ;

que si le changement de destination du local en appartement du lot n°11 est imputable à la société PROVIDENCE, qui avait pris la décision de diviser en quatre lots son local, il résulte du courrier du représentant du maire que l' infraction la plus importante constatée par les services de l'urbanisme était constituée par l'aménagement de l'un des locaux du 2ème étage pour partie en appartement, et pour partie en bureaux sur une mezzanine non prévue au projet, ce qui ne peut être reproché à l'intimée ;

Attendu ensuite que plus d'une année après, la société ATHIS IMMO a déposé une demande le 26 juin 2012 de modification du permis de construire, qui a donné lieu à l'arrêté municipal du 20 novembre 2012, qui n'a pas autorisé à ce moment le changement de destination de locaux de bureaux en appartements ;

Attendu qu'il résulte d'un courrier de la mairie en date du 13 janvier 2014, intitulé 'constat de non conformité', que plusieurs mois après la délivrance du permis de construire modificatif, la société ATHIS IMMO a déposé une nouvelle DAACT, alors que les travaux n'étaient pas achevés et qu'il était en conséquence impossible de déterminer la destination des locaux du 2ème étage ;

que la société ATHIS IMMO a alors déposé le 31 mars 2014 une nouvelle demande de modification du permis de construire, afin d'obtenir l'autorisation de modifier la destination de l'un des logements du 2ème étage, celui d'[O] [W], de bureau en logement, ce qui sera accordé par l'arrêté du 15 juillet 2014 ;

Attendu qu'elle a déposé le 18 janvier 2016, soit plus d'une année après la délivrance de permis modificatif, une nouvelle DAACT ; que par courrier du 22 février 2016, intitulé 'constat de non conformité' le maire de [Localité 2] a de nouveau refusé cette déclaration, motifs pris principalement de l'impossibilité de vérifier si la destination de bureau était bien celle donnée à l'un des locaux du 2ème étage ;

Attendu qu'elle a déposé une autre DAACT le 25 août 2016, mais qui a été de nouveau refusée par le représentant du maire de [Localité 2] le 7 novembre suivant, pour le même motif que précédemment, à savoir l'impossibilité de vérifier si la destination de l'un des locaux du 2ème étage, qui s'avère appartenir à [Q] [A], avait bien reçu la destination qui lui était donnée dans les autorisations de construire ;

Attendu enfin que la société PROVIDENCE produit une lettre (cf sa pièce 38) du conseil de la société ATHIS IMMO, en date du 26 mai 2011, adressé à [Q] [A], de laquelle il ressort que celui-ci a fait réaliser dans son lot des travaux non autorisés, alors qu'il était informé de leur destination prescrite par le permis ; que dans ce courrier, l'avocat de la société ATHIS IMMO mettait en demeure [Q] [A] de préparer le dossier de demande de modification du permis de construire, et déclinait toute responsabilité de sa cliente ' au titre des travaux indûment réalisés' ; que pour sa part, la société ATHIS IMMO ne produit aucun élément établissant les diligences qu'elle aurait faites auprès de ce dernier pour qu'il se conforme aux autorisations de construire ;

Attendu qu'il résulte ainsi de l'ensemble de ces éléments que la société ATHIS IMMO, pendant plusieurs années, a méconnu, de manière réitérée, son obligation contractuelle de délivrer 'un bâtiment conforme aux prescriptions contenues dans les diverses autorisations administratives' dans le délai qui lui était imparti, à savoir un délai raisonnable après la vente du 5 novembre 2010 ; que si cette obligation doit être qualifiée de moyen, dès lors que la société ATHIS IMMO ne disposait pas de toutes les données pour garantir l'acceptation par la mairie, 'dans les meilleurs délais' d'une DAACT, force est de constater, au regard des éléments produits par les parties, qu'elle n'a pas accompli toutes les diligences que la société PROVIDENCE était en droit d'attendre d'elle pour obtenir le certificat de conformité, la lettre de son avocat du 26 mai 2011 démontrant plutôt le contraire, puisque ce courrier ne met aucunement en demeure [Q] [A] de se conformer aux prescriptions du permis de construire ;

Attendu dans ces conditions que la société PROVIDENCE rapporte suffisamment la preuve d'un manquement contractuel imputable à la société ATHIS IMMO ;

Attendu en second lieu que la société PROVIDENCE a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 10 mai 2010 ; qu'au regard de ce registre, elle est en cessation totale d'activité depuis le 1er janvier 2012 ; qu'elle produit un dossier prévisionnel afférent à trois exercices, sur la période de mars 2010 à février 2013, établi au mois de mars 2010 par un expert-comptable, qui prévoyait un résultat d'exercice négatif pour l'exercice 2010-2011, un résultat positif de 26.908 € pour l'exercice suivant, et un résultat de 28.500 € pour l'exercice 2012-2013 ; qu'elle produit des pièces comptables (bilans et comptes de résultat) desquels il ressort que durant la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2013, les résultats des exercices ont toujours été négatifs, à hauteur de 255.624 € pour le premier, 145.031 € pour le deuxième et 376.611 € pour le troisième ; qu'il ressort des attestations de deux témoins, produites par la société PROVIDENCE (cf ses pièces 56 et 61), Mrs [Z] et [L] représentant d'entreprises, qui avaient négocié ou conclu des baux avec elle en mai 2011 et fin 2010 pour occuper ses bureaux, qu'ils ont été contraints de renoncer à leur bail faute de pouvoir assurer leur local en raison de l'absence de certificat de conformité ; que si ces deux attestations n'ont pas été rédigées en respectant les formes prévues par l'article 202 du code de procédure civile, elles présentent néanmoins suffisamment de garanties pour emporter la conviction ; que la société PROVIDENCE produit aussi une attestation de Mme [G] [D], qui a été employée par la société STD en qualité d'assistante de gestion, société représentée aussi par [R] [F], et donc l'activité était complémentaire de celle de l'intimée ; que ce témoin déclare qu'ils avaient des difficultés pour trouver une assurance pour leurs locataires 'ainsi que pour Providence', en l'absence de certificat de conformité, ce qui a conduits leurs clients à quitter les bureaux ; que ces témoignages sont corroborés par un courrier en date du 21 juillet 2016 d'un agent immobilier, l'agence [Établissement 1], adressé à [R] [F], qui lui confirme l'impossibilité de mettre en location ses locaux du fait de l'absence de certificat de conformité ;

Attendu ensuite que la société PROVIDENCE produit la copie d'un courrier d'une chargée de clientèle de la société d'assurance Allianz, qu'elle avait contactée en vue de la souscription d'une assurance de son immeuble ; qu'il ressort de ce courrier en date du 6 octobre 2016 que les garanties du contrat immeuble ne pouvaient être effectives qu'après l'obtention du certificat de conformité ; que la société ATHIS IMMO prétend que la compagnie ALLIANZ ne s'est pas prononcée sur la nécessité d'obtenir un certificat de conformité, mais les termes clairs du mail du 6 octobre expriment le contraire ; qu'elle produit un projet de conditions particulières d'une police multirisques habitation de l'immeuble datant d'octobre 2015, ainsi que l'appel de cotisations de la compagnie AXA concernant l'assurance du même immeuble adressé au syndic pour le premier trimestre 2015, ainsi que les polices d'assurance de deux copropriétaires, Mrs. [B] et [W], pour démontrer son allégation selon laquelle le défaut du certificat de conformité n'a pas empêcher d'assurer l'immeuble ou les autres lots de copropriété, mais ces documents ne sont pas probants, dans la mesure où ils ne font pas apparaître que le risque constitué par ce défaut a été déclaré aux assureurs ;

Attendu enfin que le fait, pour certaines sociétés, ainsi que cela ressort des pages du site société.com que la société ATHIS IMMO a produites, d'occuper les bureaux de la société PROVIDENCE, (il en va ainsi de la société AKINER) n'est pas de nature à infirmer l'allégation de celle-ci selon laquelle plusieurs de ses locataires ont quitté ses locaux faute de pouvoir les assurer ;

Attendu ainsi qu'au regard de ces éléments, la société PROVIDENCE établit avoir subi un dommage sous la forme d'un gain manqué, qui, pour partie, est une suite directe du manquement contractuel imputé à la société ATHIS IMMO ;

Attendu ensuite que la promesse unilatérale de vente du lot n°11 conclue par la société PROVIDENCE avec M. [P], expirait le 31 décembre 2016 ; que celui-ci n'a pas opté pour la conclusion du contrat, et il n'est pas soutenu que son refus d'y consentir repose sur un motif autre que celui tiré du défaut de délivrance du certificat de conformité ; qu'aux termes du protocole d'accord du 9 juin 2016, la Caisse d'Epargne a accepté de forfaitiser sa créance à la somme de 835.000 € à la condition que celle-ci soit réglée au plus tard le 31 décembre 2016 ; que la société ATHIS IMMO soutient que la société PROVIDENCE, désormais 'titulaire du certificat de conformité', aurait pu dès le mois de janvier rembourser la banque en mettant en vente son immeuble ; que cependant, l'absence de délivrance de ce certificat avant le 31 décembre 2016 ne lui a pas permis d'éteindre sa dette envers la Caisse d'Epargne dans les conditions avantageuses prévues par le protocole ;

Attendu qu'il résulte ainsi de ces éléments que la société PROVIDENCE a subi un dommage sous la forme d'une perte qui est une suite directe du manquement contractuel imputé à la société ATHIS IMMO ;

Attendu dans ces conditions qu'il convient de déclarer cette dernière responsable des dommages causés à la société PROVIDENCE ;

Sur l'évaluation des préjudices de la société PROVIDENCE :

a) la perte d'exploitation

Attendu que ce préjudice doit s'analyser en une perte de chance, dès lors que les prévisions de résultats (même établies par un expert-comptable) de la société PROVIDENCE étaient seulement probables, en l'absence d'éléments de comparaison antérieurs, s'agissant d'une société qui venait d'être créée au moment de la survenance du dommage ; que selon l'intimée, son résultat d'exploitation, afférent à la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2016, se serait élevé à la somme totale de 151.584 € ; que compte tenu des éléments produits, il y a lieu de réparer cette perte de chance de gains par l'allocation d'une somme de 75.000 € ;

b) la perte consécutive à l'obtention tardive du certificat de conformité :

Attendu que la société PROVIDENCE, par suite de la caducité du protocole d'accord, est redevable envers la Caisse d'Epargne d'une somme de 1.147.536,02 €, dont 963.873,54 € au titre du prêt ; qu'elle a fait estimer la totalité de ses lots de copropriété par une agence immobilière, le cabinet BRICE ROBERT ARTHUR LYOD, qui, dans un avis de février 2017, les a évalués à 890.000 € H.T ; qu'ainsi, le défaut de vente de son bien avant le 31 décembre 2016 lui fait perdre une somme de 257.536 € (1.147.536,02 € - 890.000 €) ; qu'il y a donc lieu de condamner la société ATHIS IMMO à lui payer cette somme en compensation de la perte subie ;

Sur les demandes en paiement formées contre [Q] [A] et [V] [W] :

Attendu que pour conclure au rejet de ces demandes, ils font valoir, en invoquant les articles 1857 et 1858 du code civil, que la société PROVIDENCE ne justifie pas avoir vainement poursuivi la société ATHIS IMMO pour le paiement de sa dette ;

Attendu, cependant, que le paiement d'une dette d'une société civile immobilière dissoute et liquidée peut être poursuivi directement par le créancier contre les anciens associés ; qu'en l'espèce, la société ATHIS IMMO a été dissoute le 15 décembre 2015 et ses opérations de liquidation ont été clôturées le 31 décembre suivant ; qu'il s'ensuit que la société PROVIDENCE est recevable à agir directement contre [Q] [A] et [V] [W], en leur qualité d'anciens associés de la société ATHIS IMMO, en paiement de la dette de cette dernière ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il déboute la société PROVIDENCE de sa demande en paiement d'une indemnité de 125.000 € et en ce qu'il déclare irrecevables les demandes formées contre [Q] [A] et [V] [W] ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Déclare recevables les demandes de la société PROVIDENCE formées contre [Q] [A] et [V] [W] ;

Déclare la société ATHIS IMMO responsable des dommages causés à la société PROVIDENCE ;

La condamne in solidum avec [Q] [A] et [V] [W] à payer à la société PROVIDENCE la somme de 75.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de 'perte d'exploitation' ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum la société ATHIS IMMO avec [Q] [A] et [V] [W] à payer à la société PROVIDENCE la somme de 257.536 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par l'obtention tardive du certificat de conformité ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société ATHIS IMMO, [Q] [A] et [V] [W], et les condamne in solidum à payer à la société PROVIDENCE la somme de 4.000 € ;

Les condamne in solidum aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERELE PRESIDENT

LEÏLA KASMI JEAN-LOUIS BERNAUD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 17/00019
Date de la décision : 12/10/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°17/00019 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-10-12;17.00019 ?
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