R.G : 15/09742
Décision du tribunal de grande instance de Lyon
Au fond du 16 novembre 2015
RG : 13/09273
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 12 Octobre 2017
APPELANT :
[E] [U]
né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1] (RHONE)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par la SELARL SEDLEX, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
Société ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, société de droit étranger
siège social :
[Adresse 2]
[Adresse 2]
ROYAUME UNI
avec une direction générale
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 3]
représentée par la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocat au barreau de LYON, substituée par Maître Raphaël MUSCILLO, avocat au barreau de LYON
******
Date de clôture de l'instruction : 07 octobre 2016
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 juin 2017
Date de mise à disposition : 12 octobre 2017
Audience tenue par Jean-Louis BERNAUD, président et Françoise CLEMENT, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Claire MONTINHO-VILAS-BOAS, greffière placée
A l'audience, Jean-Louis BERNAUD a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Jean-Louis BERNAUD, président
- Françoise CLEMENT, conseiller
- Vincent NICOLAS, conseiller
Signé par Jean-Louis BERNAUD, président, et par Leïla KASMI, greffière placée, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
Monsieur [E] [U], qui exerçait une activité d'artisan chauffagiste, a adhéré le 24 avril 2003 à un contrat d'assurance de groupe souscrit par l'association ALPTIS GESTION auprès de la compagnie ACE EUROPEAN GROUP LIMITED lui garantissant le versement d'indemnités journalières représentatives de ses frais généraux en cas d'incapacité temporaire totale de travail suite à une maladie ou un accident pendant une durée de 24 mois et dans la limite d'un montant annuel de 36 000 €.
L'assuré, qui a subi une arthroplastie de la hanche droite, a été en arrêt de travail pour raisons médicales à compter du 16 février 2010 jusqu'à son placement en invalidité par la caisse du RSI le 6 novembre 2011, date à compter de laquelle il a perçu une pension d'invalidité.
Il a été radié du répertoire des métiers le 12 mars 2012.
Sur la base des conclusions de l'expert d'assurance, [X] [E], fixant la durée de la période d'ITT du 16 février 2010 au 17 juin 2011, la compagnie ACE EUROPEAN GROUP LIMITED a cessé toute indemnisation à compter du 18 juin 2011.
Contestant les conclusions de cet expert Monsieur [E] [U] a sollicité la mise en place de la procédure d'arbitrage prévue au contrat, ce qui a conduit à la désignation d'un commun accord du Docteur [H], lequel, aux termes de son rapport déposé le 2 octobre 2012, a fixé au 18 juin 2011 la date de consolidation et a retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 18 % et un taux professionnel de 75 %.
Monsieur [E] [U] a également contesté les conclusions de l'expert [H] et a fait assigner le 22 juillet 2013 les sociétés ALPTIS et ACE EUROPEAN GROUP LIMITED devant le tribunal de grande instance de Lyon en paiement de la somme principale de 25 446 € représentant le solde de l'indemnité d'assurance jusqu'à l'expiration de la garantie (3 mars 2012), outre une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
La société ALPTIS a conclu à sa mise hors de cause en sa qualité de courtier et de simple gestionnaire du contrat d'assurance.
La compagnie ACE EUROPEAN GROUP LIMITED a soutenu pour sa part qu'elle ne garantissait que l'incapacité temporaire totale, laquelle implique que soit fixée une date de consolidation.
Par jugement du 16 novembre 2015 le tribunal de grande instance de Lyon a débouté Monsieur [E] [U] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné au paiement d'une indemnité de procédure de 1 200 € en considérant que les conclusions de l'expert désigné par les parties d'un commun accord devaient prévaloir sur les avis médicaux invoqués par le demandeur.
Monsieur [E] [U] a relevé appel de cette décision selon déclaration électronique reçue le 22 décembre 2015 dirigée exclusivement à l'encontre de la société d'assurances ACE EUROPEAN GROUP LIMITED.
Vu les dernières conclusions signifiées et déposées par voie électronique le 24 février 2016 par Monsieur [E] [U] qui demande à la cour, par voie de réformation du jugement, de dire et juger qu'il a droit au bénéfice de la garantie frais généraux pendant une durée de 24 mois et de condamner en conséquence la compagnie ACE EUROPEAN GROUP LIMITED à lui payer la somme de 25 446 € avec intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2012, outre une indemnité de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions signifiées et déposées par voie électronique le 18 mars 2016 par la société de droit britannique ACE EUROPEAN GROUP LIMITED qui sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et la condamnation de l'appelant à lui payer une nouvelle indemnité de procédure de 2 500 €.
*
* *
MOTIFS DE L'ARRET
Monsieur [E] [U] soutient que selon les clauses claires du contrat d'assurance la garantie couvre les frais généraux de son entreprise pendant une durée de 24 mois, sous réserve qu'il justifie d'une impossibilité physique de reprendre son travail même partiellement, et qu'il n'est prévu à aucun moment l'arrêt de l'indemnisation en raison d'une consolidation de l'état de santé de l'assuré.
Il fait valoir :
'' que le RSI l'a déclaré en incapacité temporaire d'activité et non pas en incapacité définitive,
'' qu'il était en incapacité totale de travailler au-delà de la date de prétendue consolidation retenue par l'expert [H], qui s'est basé sur les constatations peu fiables du Docteur [E] et qui contrairement à sa mission n'a pas analysé l'avis de son médecin-conseil, le Docteur [S],
'' qu'il n'est pas médicalement établi qu'à la date du 18 juin 2011 il était en mesure de reprendre partiellement son métier de plombier chauffagiste, qui exige le port de charges lourdes et une totale mobilité et flexibilité des membres.
La société ACE EUROPEAN GROUP LIMITED réplique :
'' que le contrat ne garantit que l'incapacité temporaire totale de travail, définie comme « l'impossibilité momentanée pour l'assuré d'exercer son activité professionnelle », à l'exclusion de l'incapacité temporaire partielle de travail et de la l'incapacité permanente partielle ou totale,
'' que le caractère temporaire de l'incapacité cesse avec la consolidation de l'état de santé de l'assuré, cette notion étant absolument nécessaire pour apprécier si l'incapacité est temporaire ou définitive,
'' que les conclusions des Docteurs [E] et [H] sont totalement concordantes sur la durée de l'incapacité temporaire de travail, ce qui fonde l'arrêt du versement des indemnités journalières au-delà du 17 juin 2011,
'' que le rapport de l'expert amiable [H] est parfaitement détaillé et argumenté,
'' que l'opération du genou subie par Monsieur [U] le 10 septembre 2012 est indifférente, puisque ce dernier a été placé en invalidité à compter du 6 novembre 2011.
Sur ce
Monsieur [E] [U] a adhéré le 24 avril 2003 au contrat d'assurance de groupe « garantie des frais généraux » souscrit auprès de la compagnie ACE EUROPEAN GROUP LIMITED lui garantissant pendant 24 mois le paiement d'indemnités journalières représentatives des frais généraux en cas « d'incapacité temporaire totale de travail suite à une maladie ou à un accident ».
Selon la notice d'information contractuelle, dont il a reconnu avoir reçu un exemplaire, l'incapacité temporaire totale de travail est définie comme « l'impossibilité momentanée pour l'assuré d'exercer son activité professionnelle par suite de maladie ou d'accident reconnu médicalement ».
Seule l'incapacité temporaire totale de travail étant assurée, l'adhérent ne peut prétendre au bénéfice de la garantie en cas d'incapacité temporaire partielle, qui restreint l'exercice de l'activité professionnelle sans l'interdire en totalité, ou en cas d'incapacité permanente, laquelle implique la stabilisation de l'état de santé de l'assuré.
Ainsi, bien que le contrat ne fasse pas expressément état de ce motif de cessation de la garantie, la consolidation de l'état de santé de l'adhérent, médicalement constatée, c'est-à-dire la date à compter de laquelle l'état de santé n'est plus susceptible d'amélioration et les séquelles éventuelles acquièrent un caractère définitif, constitue nécessairement une cause d'arrêt de la prise en charge.
L'expert [X] [E], désigné unilatéralement dans un premier temps par l'assureur, a constaté que Monsieur [U], qui a bénéficié le 17 février 2010 de la mise en place d'une prothèse totale de hanche droite sur séquelle d'ostéochondrite, présentait une minime boiterie, que l'appui monopodal droit était bien réalisé, que la rééducation, qui avait été poursuivie jusqu'au 17 juin 2011, avait amélioré la fonction de hanche, mais avait laissé apparaître des douleurs de genoux, et que l'examen clinique montrait une mobilité articulaire satisfaisante tant au niveau des hanches que des genoux.
Sur la base de ces constatations cet expert a considéré que le patient était consolidé à la date du 17 juin 2011 s'agissant du problème de hanche droite, mais que la consolidation n'était pas acquise en ce qui concerne la gonarthrose évolutive, qui ne justifiait pas toutefois un arrêt total.
Le médecin expert, [L] [H], désigné d'un commun accord par les parties dans le cadre de la procédure contractuelle d'arbitrage, a déposé son rapport le 2 octobre 2012 aux termes duquel, après analyse de l'ensemble du dossier médical, comprenant, outre les documents déjà examinés par le Docteur [E], l'avis médico-légal du Docteur [S] du 17 octobre 2011, les prolongations d'arrêt de travail jusqu'au 4 janvier 2012 et le compte rendu opératoire du 10 septembre 2012, il a notamment constaté à l'examen :
'' que Monsieur [U] conserve une raideur articulaire de la hanche droite avec limitation de la flexion active et passive,
'' que les données de l'examen clinique et fonctionnel sont identiques à celles de l'examen du docteur [E] pratiqué en juin 2011,
'' qu'en ce qui concerne la hanche droite la date de consolidation doit être fixée au 18 juin 2011,
'' que les séquelles définitives en lien avec la mise en place d'une prothèse totale de hanche droite (raideur articulaire, flexion limitée et syndrome du psoas) justifient un taux d'incapacité permanente partielle de 18 %,
'' que le taux professionnel peut être évalué à 75 %,
'' que depuis le 18 juin 2011 l'état de santé de Monsieur [U] ne justifie pas un arrêt total de son activité professionnelle jusqu'à sa nouvelle entrée en clinique le 9 septembre 2012 pour une ostéotomie tibiale de valgisation au niveau du genou gauche au titre de laquelle la rééducation se poursuit et l'état n'est pas stabilisé,
'' que dans les suites de l'arrêt de travail initial du 16 février 2010 la durée de l'incapacité temporaire totale de travail a été de 14 mois du 16 février 2010 au
17 juin 2011.
Ces conclusions médicales concordantes et circonstanciées ne sont en rien contredites par l'avis médico-légal du Docteur [S] en date du 17 octobre 2011, qui a été soumis à l'appréciation de l'expert désigné d'un commun accord.
Ce praticien, qui a fait les mêmes constatations cliniques que ses confrères, a en effet retenu un taux d'invalidité fonctionnelle de 20 %, dont 5 % pour le genou gauche, et a considéré que l'invalidité professionnelle était de 80 % compte tenu de l'impossibilité pour le patient de monter sur les toits ou de porter des charges dans les escaliers. S'il a retenu la persistance de douleurs au niveau de la hanche droite, il ne s'est pas cependant prononcé sur la durée de l'incapacité temporaire totale de travail en relation avec l'intervention subie par l'assuré au niveau de cette hanche, ou avec la gonarthrose du genou gauche apparue dans un second temps.
Il est dès lors médicalement démontré que malgré la prolongation des arrêts de travail par son médecin traitant, lesquels ne peuvent prévaloir sur le rapport d'expertise amiable ainsi que le prévoient expressément les conditions générales de la police en matière de litiges d'ordre médical, l'assuré n'était pas dans l'incapacité totale de reprendre son activité professionnelle au-delà du 17 juin 2011, y compris au titre de la nouvelle pathologie affectant le genou gauche, qui n'a été traitée chirurgicalement que plus d'une année plus tard (10 septembre 2012) et qui selon les deux médecins experts ne justifiait pas un arrêt total d'activité.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'à compter du 18 juin 2011 l'incapacité de travail n'étant que partielle et les séquelles étant permanentes après consolidation, Monsieur [U] ne pouvait plus prétendre au paiement d'indemnités journalières, ainsi qu'en a justement décidé le tribunal.
Le jugement qui a débouté ce dernier de l'ensemble de ses demandes sera par conséquent confirmé en toutes ses dispositions.
L'équité ne commande pas toutefois de faire application en cause d'appel de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimée.
*
* *
PAR CES MOTIFS
La Cour,
statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
Dit n'y avoir lieu en cause d'appel à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties,
Condamne Monsieur [E] [U] aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP d'avocats BAULIEUX et Associés.
LA GREFFIERELE PRESIDENT
LEÏLA KASMI JEAN-LOUIS BERNAUD