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29/09/2017 | FRANCE | N°16/02710

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 29 septembre 2017, 16/02710


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 16/02710





SNC EIFFAGE ROUTE CENTRE EST



C/

[H]







saisine sur renvoi CASSATION



Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 19/06/2012

RG : F 10/01624



Cour d'appel de LYON

Chambre sociale section B

du 06/11/2013

RG : 12/05240



Cour de cassation

Arrêt du 16/03/2016

n°586 F-D

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2017







APPELANTE :



SNC EIFFAGE ROUTE CENTRE EST venant aux droits de la EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHONE ALPES AUVERGNE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Nicolas CHAVRIER de la SCP FROMONT...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 16/02710

SNC EIFFAGE ROUTE CENTRE EST

C/

[H]

saisine sur renvoi CASSATION

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 19/06/2012

RG : F 10/01624

Cour d'appel de LYON

Chambre sociale section B

du 06/11/2013

RG : 12/05240

Cour de cassation

Arrêt du 16/03/2016

n°586 F-D

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2017

APPELANTE :

SNC EIFFAGE ROUTE CENTRE EST venant aux droits de la EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHONE ALPES AUVERGNE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Nicolas CHAVRIER de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Anne-Laure COTTIN, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[P] [H]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Non comparant, représenté par Me Roxane MATHIEU de la SELARL MATHIEU AVOCATS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 15 Juin 2017

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Michel SORNAY, Président

Didier JOLY, Conseiller

Natacha LAVILLE, Conseiller

Assistés pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 29 Septembre 2017, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président, et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 30 mars 1987, la SA GERLAND ROUTES a embauché [P] [H] en qualité d'ouvrier spécialisé à temps plein par un contrat de travail à durée déterminée de 6 mois. La relation de travail s'est prolongée par un contrat à durée indéterminée après le 30 septembre 1987. En dernier lieu, ce salarié était agent routier.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 7 mars 2008, la société EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE, venant aux droits de la SA GERLAND ROUTES a convoqué [P] [H] à un entretien fixé au 19 mars 2008, préalable à une sanction disciplinaire. Après la tenue de cet entretien, la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE, par une lettre recommandée AR du 26 mars 2008, a notifié à [P] [H] un avertissement pour les motifs suivants :

« mécontentement général de l'encadrement de chantier concernant votre comportement sur le chantier, à savoir :

'manque de travail et refus de réaliser les tâches demandées,

'qualité du travail non satisfaisante,

'mauvais état d'esprit,

'utilisation fréquent du téléphone portable pendant les heures de travail,

'utilisation du véhicule personnel pour se rendre directement sur un chantier. »

[P] [H] a bénéficié d'un arrêt de travail d'origine non professionnelle à compter du 15 juillet 2008, arrêt qui a été renouvelé jusqu'à sa visite de reprise du 9 février 2010, au terme de laquelle le médecin du travail a déclaré ce salarié inapte à son poste d'agent routier, avec constatation de cette inaptitude en une seule visite pour cause de danger immédiat.

Par lettre recommandée AR du 4 mars 2010, la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE a convoqué [P] [H] à un entretien fixé au 15 mars 2010, préalable à son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

À la suite de cet entretien, la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE a notifié à [P] [H] par lettre recommandée du 18 mars 2010 son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 23 avril 2010, [P] [H], estimant que son inaptitude à l'origine du licenciement était due à l'employeur qui lui avait créé des conditions de travail difficiles, a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon d'une action tendant d'une part à obtenir l'annulation de l'avertissement disciplinaire précité, et d'autre part à voir reconnaître l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement et condamner la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE à lui payer les sommes suivantes :

'500 € à titre de dommages-intérêts pour avertissement abusif ;

'24'122 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'3447,18 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

'344,71 euros au titre des congés payés y afférents,

'5000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

'1000 € à titre d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

La SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE a conclu au rejet de l'ensemble de ses demandes la condamnation de [P] [H] à lui payer une indemnité de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 19 juin 2012, le conseil de prud'hommes de Lyon a annulé l'avertissement précité, a déclaré sans cause réelle et sérieuse de licenciement et a condamné la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE à payer à [P] [H] les sommes suivantes :

'24'122 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'3447,18 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

'344,71 euros au titre des congés payés y afférents,

'2000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

'1000 € à titre d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

'le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

La SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE a interjeté appel de cette décision le 6 juillet 2012.

Par arrêt du 6 novembre 2013, la cour d'appel de Lyon a rendu une décision dont le dispositif est le suivant :

«' confirme le jugement déféré sur l'annulation de l'avertissement du 26 mars 2008 et sur les dépens ;

' l'infirme pour le surplus,

' statuant à nouveau,

' dit que le licenciement litigieux se fonde sur une cause réelle et sérieuse,

' condamne la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE à payer à [P] [H] la somme de 150 € à titre de dommages-intérêts pour l'avertissement annulé ;

' déboute [P] [H] de ses autres demandes ;

'rejette les demandes d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile formulées en cause d'appel ;

'condamne [P] [H] aux dépens d'appel. »

Au soutien de cette décision, la cour d'appel a retenu d'une part que l'origine professionnelle de l'inaptitude cause du licenciement n'était pas établie et d'autre part que la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE avait bien respecté son obligation de recherche d'un reclassement au bénéfice de [P] [H] ;

[P] [H] a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cette décision.

Par arrêt du 16 mars 2016, la Cour de cassation (chambre sociale) a rendu la décision suivante:

' Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M.[H] a été engagé, le 30 mars 1987, par la société Gerland routes, aux droits et obligations de laquelle vient la société Eiffage travaux publics Rhône-Alpes Auvergne (la société) suivant un contrat de travail devenu à durée indéterminée ; qu'en arrêt de travail d'origine non professionnelle à compter du 15 juillet 2008, le salarié a été déclaré inapte à son poste ; qu'il a été, le 18 mars 2010, licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé :

Attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale et de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel, au vu de l'ensemble des éléments de fait et de preuve produits devant elle, de l'absence d'origine professionnelle de l'inaptitude ;

Mais sur le moyen unique, pris en ses autres branches :

Vu l'article L. 1226-2 du code du travail ;

Attendu que, pour dire que le licenciement se fonde sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le médecin du travail déclarait le 9 février 2010 le salarié inapte au poste d'agent routier en une seule visite, ne fournissait aucune précision sur les aptitudes du salarié dans le cadre d'un reclassement et ne répondait pas au courrier de la société l'interrogeant à ce sujet le 11 février 2010, que par lettre du 10 février 2010, la société interrogeait le salarié sur sa mobilité dans le cadre d'un reclassement, lequel lui répondait le 15 suivant qu'il se positionnerait en fonction des propositions, que l'employeur envoyait aux sociétés de son groupe des courriers précisant la situation du salarié et que toutes lui répondaient négativement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'avis d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise délivré par le médecin du travail ne dispense pas l'employeur, quelle que soit la position prise alors par le salarié, de rechercher, notamment au sein de la société elle-même, les possibilités de reclassement par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail au sein de l'entreprise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il annule l'avertissement du 26 mars 2008 et condamne la société Eiffage travaux publics Rhône-Alpes Auvergne à payer à M. [H] la somme de 150 euros à titre de dommages-intérêts pour l'avertissement annulé, l'arrêt rendu le 6 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne la société Eiffage travaux publics Rhône-Alpes Auvergne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Eiffage travaux publics Rhône-Alpes Auvergne et condamne celle-ci à payer à la SCP Waquet, Farge et Hazan, la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.'

Par courrier de son conseil reçu au greffe le 8 avril 2016, [P] [H] a régulièrement saisi de ce litige la cour d'appel de Lyon en sa qualité de juridiction de renvoi.

***

Par ses dernières conclusions, la SNC EIFFAGE ROUTE CENTRE EST, précédemment dénommée EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE , demande la cour d'appel de :

'à titre principal, dire et juger que la seule question du bien-fondé du licenciement de [P] [H] reste, à date, a tranché ;

'à titre subsidiaire, débouté [P] [H] de sa demande de reconnaissance du caractère professionnel de son inaptitude ;

'pour le surplus et en tout état de cause, infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 19 juin 2012 ;

en conséquence :

'dire et juger que la société EIFFAGE ROUTE CENTRE EST a respecté son obligation de recherche préalable de reclassement,

'dire et juger que le licenciement de [P] [H] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

'débouter [P] [H] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que le tout demande en découlant ;

'débouter [P] [H] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

'reconventionnellement, condamner [P] [H] à verser à la société EIFFAGE ROUTE CENTRE EST la somme de 3500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance.

Par ses dernières écritures, [P] [H] demande pour sa part la cour d'appel de :

1.' Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse :

'confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement de [P] [H] est dénué de toute cause réelle et sérieuse ;

'confirmer le jugement entrepris en ce que la société EIFFAGE a été condamnée au paiement des sommes suivantes :

41'352 €(correspondant à 24 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3447,18 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 344,71 euros à titre de congés payés afférents ;

2.'Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

'confirmer le jugement entrepris en ce que la société EIFFAGE a été condamnée au paiement de la somme de 2000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail  ;

3.'En tout état de cause :

'condamner la société EIFFAGE paiement d'une somme de 2500 €au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamner la même aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1.- sur la cause réelle et sérieuse du licenciement.

Au soutien de sa contestation du licenciement qui lui a été notifié le 19 mars 2009, [P] [H] invoque deux arguments distincts :

'd'une part l'attitude fautive de l'employeur, qu'il estime être à l'origine directe et exclusive de l'inaptitude et du licenciement subséquent,

'et d'autre part le non-respect par l'employeur de ses obligations en matière de recherche de reclassement.

La société SNC EIFFAGE ROUTE CENTRE EST conteste la recevabilité du premier grief, estimant que cette question a été définitivement tranchée par l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon le 6 novembre 2013, puisque les branches du moyen de cassation portant sur ce point ont été rejetées par la Cour de cassation comme mal fondées.

Le salarié s'oppose à cet argument en faisant valoir que le dispositif de l'arrêt du 16 mars 2016 n'exclut de la cassation prononcée que l'annulation de l'avertissement du 26 mars 2008 et la condamnation de l'employeur au paiement de dommages-intérêts à ce titre.

Mais la simple lecture de l'arrêt rendu le 16 mars 2016 par la chambre sociale de la Cour de cassation permet de constater que cette juridiction a entendu valider la décision de l'arrêt déféré retenant l'absence d'origine professionnelle de l'inaptitude de [P] [H], puisque les branches du moyen visant ce point ont été expressément rejetées.

Par ailleurs, l'absence de précision expresse à ce sujet dans le dispositif de cet arrêt de cassation partielle s'explique directement par le fait que le dispositif de l'arrêt du 6 novembre 2013 n'incluait aucune mention spécifique au sujet de l'origine de cette inaptitude.

Par voie de conséquence, c'est à juste titre que l'employeur estime irrecevable devant la cour de renvoi la contestation réitérée par le salarié de l'origine non professionnelle de son inaptitude.

Ainsi, le seul point qui reste aujourd'hui litigieux devant la présente juridiction quant à ce licenciement est bien celui de l'insuffisance alléguée des recherches de reclassement effectuées par la société EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE au bénéfice de [P] [H] .

***

L'article L1226-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que:

Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Par ailleurs il est constant que seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail émises au cours de la visite de reprise peuvent être prises en considération pour apprécier le respect par l'employeur de son obligation de rechercher à son salarié un reclassement avant de la licencier éventuellement pour inaptitude, et que ces recherches doivent être sérieuses et personnalisées.

En l'espèce, le médecin du travail a déclaré le 9 février 2010 [P] [H] inapte au poste d'agent routier en une seule visite pour cause de danger immédiat.

La société EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE a interrogé dès le lendemain, par courrier du 10 février 2010, [P] [H] sur sa mobilité dans le cadre d'un reclassement, et ce salarié lui a répondu le 15 février 2010 qu'il se positionnerait en fonction des propositions qui lui seraient faites.

Par ailleurs, la société EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE a interrogé par courrier du 11 février 2010 le médecin du travail sur les aptitudes résiduelles de [P] [H] dans le cadre d'un reclassement, interrogation à laquelle ce praticien n'a toutefois donné aucune suite ni réponse.

La société EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE avait néanmoins dans ce cadre une obligation de rechercher, tant en son sein que dans le groupe auquel elle appartient, une solution personnalisée de reclassement compatible avec l'aptitude résiduelle de [P] [H] .

À ce sujet, elle rappelle à juste titre que son activité principale est constituée par les travaux de construction ou d'entretien d'ouvrages routiers ou aménagements urbains, et que [P] [H] a été déclaré inapte à son poste d'agent routier, c'est-à-dire d'ouvrier travaillant à un titre ou un autre sur un tel chantier.

Elle verse aux débats (sa pièce 25) un extrait de son registre unique des entrées sorties du personnel dont il résulte effectivement qu'aucun poste compatible avec les restrictions constatées par le médecin du travail ne pouvait être offert à [P] [H] à cette époque au sein de ses différents établissements.

Pour contester néanmoins le sérieux de cette recherche de reclassement en interne, [P] [H] reproche à la société EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE en premier lieu de ne pas avoir suffisamment interrogé le médecin du travail.

Ce reproche s'avère toutefois mal fondé, en l'état du courrier précité du 11 février 2010 (pièce 13), courrier que l'employeur n'avait pas d'obligation de réitérer même en l'absence de réponse expresse de médecin, compte tenu des termes généraux de l'avis d'inaptitude rendu et de sa connaissance 'non contestée ni contestable' du fait que la cause de cette inaptitude de [P] [H] était un état de dépression chronique d'origine non professionnelle.

En second lieu, [P] [H] fait grief à l'employeur de ne pas lui avoir proposé un quelconque autre poste en son sein, quitte à le faire bénéficier d'un aménagement de poste ou d'une formation complémentaire.

Force est toutefois de constater, au vu du registre du personnel précité, qu'aucun poste de cette nature n'était vacant au sein de l'entreprise EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE à l'époque du licenciement litigieux et que [P] [H] n'indique d'ailleurs pas quel poste précis aurait pu ou dû lui être proposé dans ce cadre.

Par ailleurs, la société EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE justifie avoir interrogé l'ensemble des autres entreprises appartenant au même groupe qu'elle sur les possibilités de reclassement de [P] [H] en leur sein, démarche dont le résultat n'a pas permis d'identifier un poste susceptible d'être proposé à l'intéressé après le cas échéant interrogation du médecin du travail.

En effet, il est incontestable que le profil professionnel de [P] [H] rendait difficile son affectation sur tout autre emploi que celui d'agent routier, auquel il a été déclaré inapte, et que son employeur n'avait pas l'obligation pour le reclasser de lui assurer une formation complète pour lui permettre d'occuper un emploi d'un tout autre type.

En l'état de ces éléments, la cour estime que la société EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE justifie avoir procédé à une recherche sérieuse et personnalisée d'une solution de reclassement pour [P] [H], tant au sein de ces différents établissements que dans les différentes sociétés du groupe à laquelle il appartient.

Aucun manquement à ses obligations ne peut donc lui être reproché de ce chef.

Dès lors, le licenciement litigieux prononcé pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement s'avère fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point et [P] [H] sera débouté de l'intégralité de ses demandes indemnitaires prétendument nées du caractère abusif de ce licenciement.

2.'Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

[P] [H] sollicite la condamnation de la SNC EIFFAGE ROUTE CENTRE EST à lui payer la somme de 2000 € à titre de dommages-intérêts de ce chef.

Au soutien de cette demande, il fait valoir que la société EIFFAGE l'a brusquement et de manière parfaitement injustifiée licencié après plus de 20 ans de travail dans l'entreprise, et alors que son incapacité résulte, selon le salarié, exclusivement du comportement fautif de l'employeur qui, par des pressions morales et physiques, l'aurait fait tomber dans une grave dépression.

Il résulte toutefois des motifs qui précèdent et de ceux de l'arrêt du 6 novembre 2013, aujourd'hui définitif sur ce point, que l'inaptitude de [P] [H] à son poste n'a pas d'origine professionnelle et que le licenciement litigieux prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement était pleinement justifié.

En l'état, la cour ne peut que constater que [P] [H] ne démontre pas l'existence d'une quelconque exécution déloyale par l'employeur de son contrat de travail, et encore moins d'un préjudice qui en serait résulté pour lui.

Cette demande sera donc rejetée comme mal fondée.

3.'Sur les demandes accessoires :

Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par la SNC EIFFAGE ROUTE CENTRE EST, le salarié ayant obtenu en appel l'annulation de l'avertissement litigieux du 26 mars 2008 et l'indemnisation de son préjudice qui en est résulté.

Vu les données du litige, il ne parait pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge intégrale des frais de procédure et honoraires qu'elle a dû exposer pour la présente instance.

Il n'y a donc pas lieu en l'espèce de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Vu l'arrêt rendu entre les parties par la cour d'appel de Lyon le 6 novembre 2013 ayant confirmé le jugement déféré sur l'annulation de l'avertissement du 26 mars 2008 et ses conséquences ;

Vu l'arrêt de cassation partielle de cette décision rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation le 16 mars 2016 ;

INFIRME le jugement déféré pour le surplus de ses dispositions et, STATUANT à nouveau et y AJOUTANT

DÉCLARE [P] [H] irrecevable en sa contestation du caractère non professionnel de l'inaptitude à l'origine de son licenciement ;

DIT que le licenciement litigieux repose sur une cause réelle et sérieuse

En conséquence, DÉBOUTE [P] [H] de la totalité de ses demandes issues du caractère prétendument mal fondé de ce licenciement ;

DÉBOUTE [P] [H] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale de son contrat de travail ;

CONDAMNE la SNC EIFFAGE ROUTE CENTRE EST, précédemment dénommée EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS RHÔNE-ALPES-AUVERGNE aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président

Gaétan PILLIEMichel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 16/02710
Date de la décision : 29/09/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°16/02710 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-29;16.02710 ?
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