AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
R.G : 15/08367
[E]
C/
SARL T&T NATURE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG-EN-BRESSE
du 09 Octobre 2015
RG : F14/00334
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2017
APPELANTE :
[R] [E]
née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Comparante en personne, assistée de Me Michel DELMAS, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2016/038265 du 05/01/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
INTIMÉE :
SARL T&T NATURE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Mme [O] [L], gérant, assistée de Me Jacques GRANGE de la SELARL GRANGE LAFONTAINE VALENTI ANGOGNA - G.L.V.A., avocat au barreau de LYON,
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Juin 2017
Présidée par Didier JOLY, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Michel SORNAY, président
- Didier JOLY, conseiller
- Natacha LAVILLE, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 22 Septembre 2017 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Michel SORNAY, Président et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Constituée le 15 janvier 2009, la S.A.R.L. T&T Nature exerce une activité de vente à domicile par un réseau de V.R.P. Ayant initialement pour activité la vente de produits du Sud-Ouest, elle s'est reconvertie en 2011 dans la vente de compléments alimentaires pour personnes âgées.
[R] [E] a été engagée par la S.A.R.L. T&T Nature en qualité de secrétaire commerciale (employée, coefficient E5) suivant contrat écrit à durée indéterminée du 21 janvier 2013, soumis à la convention collective nationale des entreprises de commission, de courtage et de commerce intracommunautaire et d'importation-exportation.
Son salaire mensuel brut a été fixé à 1 450 € pour 35 heures hebdomadaires de travail.
La durée de la période d'essai était de deux mois, renouvelable une fois.
Par avenant contractuel du 1er juin 2013, le contrat de travail de [R] [E] a été soumis à l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers, en raison d'un changement de code APE de l'entreprise, devenu 4799A (vente à domicile).
[R] [E] aurait été victime d'un accident du travail le 19 mars 2014. L'exécution de son contrat de travail a été suspendue du 20 mars au 15 août 2014, au vu des relevés d'indemnités journalières de l'Assurance Maladie.
Par lettre recommandée du 13 juin 2014, [R] [E] a écrit à son employeur qu'avant le 20 mars 2014, elle n'avait plus que des tâches subalternes :
statistiques de la veille,
saisie des bons de commande,
transfert des bons de commande en bons de livraison,
transfert des bons de livraison en factures,
photocopies,
classement,
en comparaison de ses tâches initiales qui recouvraient les parties commerciale, sociale, comptable et administrative de l'entreprise.
Elle a dit être victime, de la part de [I] [L], directeur commercial et conjoint de la gérante, et [A] [C], d'agissements s'apparentant à de la discrimination due à son apparence physique, ses moeurs et son âge.
Selon elle, malgré les promesses de [I] [L], elle n'avait jamais eu d'augmentation de salaire et Messieurs [L] et [C] avaient tenu à son encontre des propos blessants et malsains.
Ces comportements avaient entraîné un arrêt de travail pour dépression depuis le 27 mars 2014.
Aussi [R] [E] envisageait de saisir le Conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Par lettre recommandée du 21 juin 2014, la S.A.R.L. T&T Nature a convoqué [R] [E] le 4 juillet en vue d'un entretien préalable à son licenciement et l'a mise à pied à titre conservatoire.
Par lettre recommandée du 17 juillet 2014, elle lui a notifié son licenciement pour faute grave en raison des faits suivants :
[...] Vous avez tenté de nuire à notre entreprise en contactant des collaborateurs et en les aidant à monter des dossiers contre l'entreprise, notamment Madame [Z] [K] (procédure en cours devant le Conseil des Prud'hommes de Dijon).
Vous avez dénigré la Direction de l'entreprise et ses fournisseurs au sein de l'entreprise et au-delà.
Vous avez tenu des propos calomnieux envers des consultants de l'entreprise en prétendant avoir été victime d'agissements s'apparentant à de la discrimination et en prétendant que ceux-ci auraient tenu à votre égard des "propos blessants et malsains", vraisemblablement dans l'idée de "constituer un dossier contre l'entreprise" comme vous le suggérez à d'autres personnes de l'entreprise.
Cette attitude fait suite à une perturbation permanente des équipes par des comportements agressifs, négatifs et répétés pendant les heures de travail.
Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise. [...]
[R] [E] a saisi le Conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse le 3 novembre 2014.
Par jugement du le 9 octobre 2015, le Conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse (section commerce) a :
- dit que le licenciement repose sur une faute grave,
- en conséquence, débouté [R] [E] de l'intégralité de ses demandes,
- débouté la S.A.R.L. T&T Nature de sa demande reconventionnelle,
- laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens qui seront recouvrés par le Trésor Public, conformément aux dispositions des articles 124 et suivants du décret du 19 décembre 1991 sur l'aide juridictionnelle.
[R] [E] a interjeté appel de cette décision le 28 octobre 2015.
A l'audience du 11 janvier 2017, [R] [E] a demandé à la Cour de :
- réformer le jugement rendu le 9 octobre 2015 par le Conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse, lequel a considéré le licenciement de [R] [E] motivé par une faute grave,
- condamner la S.A.R.L. T&T Nature à payer à [R] [E] :
la contrepartie pécuniaire de la mise à pied conservatoire du 21 juin 2014 au 17 juillet 2014, soit 1 450 € bruts outre 145 € de congés payés,
l'indemnité de préavis de 2 900 € bruts + 290 € de congés payés,
des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 8 700 €
des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 8 700 €
une indemnité pour travail dissimulé (six mois) : 8 700 €
- condamner la S.A.R.L. T&T Nature aux dépens,
- condamner la S.A.R.L. T&T Nature à payer à [R] [E] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La S.A.R.L. T&T Nature a demandé à la Cour de :
- déclarer mal fondé l'appel de [R] [E],
- en conséquence, confirmer le jugement dans toutes ses dispositions et débouter [R] [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner [R] [E] à payer à la S.A.R.L. T&T Nature la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner [R] [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par arrêt du 3 mars 2017, la Cour a :
- ordonné la réouverture des débats à l'audience du mercredi 14 juin 2017 à 9 heures, la notification de l'arrêt valant convocation à ladite audience,
- invité les parties à conclure sur le moyen tiré d'office par la Cour des dispositions des articles L 1132-3 et L 1132-4 du code du travail,
- dit que [R] [E] devra communiquer ses nouvelles conclusions à la S.A.R.L. T&T Nature avant le 15 avril 2017 et en transmettre pour la même date un exemplaire au greffe de la Cour,
- dit que la S.A.R.L. T&T Nature devra transmettre ses écritures en réponse avant le 1er juin 2017,
- réservé les dépens.
*
* *
LA COUR,
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales à l'audience du 14 juin 2017 par [R] [E] qui demande à la Cour de :
A titre principal :
Vu les dispositions des articles 1132-3 du Code du Travail, L 1132-1 du même Code et L 1132-2 du même Code ;
- déclarer nul le licenciement de Madame [E] ;
- condamner la société T & T NATURE à payer à Madame [E] :
à titre principal, la contrepartie pécuniaire de la mise à pied conservatoire du 21 juin 2014 au 17 juillet 2014, soit 1.450 € brut outre 145 € de congés payés ;
l'indemnité de préavis de 2.900 € brut + 290 € de congés payés ;
dommages et intérêts article L 1134-4 du Code du Travail, 8.700 € ;
dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, 8.700 € ;
au titre du travail dissimulé, article L 8223-1, 8.700 € ;
la somme de 1.000 € tenant compte du fait que Madame [E] bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle ;
A titre subsidiaire :
- dire et juger que le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, ni par une cause réelle et sérieuse ;
- en conséquence, condamner la société T & T NATURE à payer à Madame [E] :
à titre principal, la contrepartie pécuniaire de la mise à pied conservatoire du 21 juin 2014 au 17 juillet 2014, soit 1.450 € brut outre 145 € de congés payés ;
l'indemnité de préavis de 2.900 € brut + 290 € de congés payés ;
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 8.700 € ;
dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, 8.700 €;
au titre du travail dissimulé, article L 8223-1, 8.700 € ;
la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 tenant compte du fait que Madame [E] bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle ;
- condamner en tous les cas la société T & T NATURE aux dépens qui comprendront les frais d'aide judiciaire ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales à l'audience du 14 juin 2017 par la S.A.R.L. T & T Nature qui demande à la Cour de :
- dire et juger que [R] [E] ne rapporte pas la preuve certaine d'aucun fait, acte ou propos susceptible de relever des articles L 1132-2 et L 1132-4 du code du travail,
- en conséquence, débouter [R] [E] de sa demande nouvelle de nullité de son licenciement,
- déclarer mal fondé l'appel de [R] [E],
- en conséquence, confirmer le jugement dans toutes ses dispositions et débouter [R] [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner [R] [E] à payer à la S.A.R.L. T & T Nature la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner [R] [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement nul :
Attendu que selon l'article L 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses moeurs, de son âge et de son apparence physique notamment ;
Attendu ensuite qu'aux termes de l'article L 1132-3 du même code, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis aux articles L 1132-1 et L 1132-2 ou pour les avoir relatés ;
Attendu enfin que selon l'article L 1132-4, toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du chapitre II (principe de non-discrimination) du titre III (discriminations) du livre premier de la première partie du code du travail est nul ;
Qu'il en résulte que, sauf mauvaise foi qui ne peut résulter seulement de la fausseté des faits dénoncés, un salarié ne peut être licencié pour avoir dénoncé des faits de discrimination; qu'un tel licenciement est nul même si la dénonciation de faits de discrimination n'est pas le seul motif énoncé dans la lettre de licenciement ;
Qu'en l'espèce, en exigeant de [R] [E], qui conclut à la nullité de son licenciement, la preuve certaine d'un fait, acte ou propos caractérisant une discrimination, la S.A.R.L. T & T Nature méconnaît à la fois les dispositions des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail, qui font peser la preuve de la faute grave privative des indemnités de rupture exclusivement sur l'employeur qui a notifié le licenciement, et les dispositions de l'article L 1134-1 qui fait pour seule obligation au salarié qui invoque la nullité d'un acte discriminatoire de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination ; que si l'attestation de [W] [Q], V.R.P. de la société, n'apporte pas la preuve formelle de la discrimination dénoncée par l'appelante dans son courrier du 13 juin 2014, elle est suffisamment précise pour en laisser supposer l'existence ; que l'affectation de [W] [Q] sur un secteur géographique situé dans le département du Var n'impliquait pas l'absence de tout passage au siège de l'entreprise et, par conséquent, l'impossibilité pour ce salarié d'entendre les propos qu'il a rapportés ; que non seulement il n'est pas établi que les agissements discriminatoires de [I] [L] et de [A] [C] dénoncés le 13 juin 2014 étaient inexacts, mais encore la S.A.R.L. T & T Nature ne caractérise nullement la mauvaise foi de [R] [E] ; qu'il est indifférent que la lettre de licenciement vise également des comportements agressifs, négatifs et répétés pendant les heures de travail ; que la mention de ce grief, qui aurait pu constituer à lui seul une cause de rupture, ne peut purger le licenciement du vice contenu dans le premier grief ;
Qu'en conséquence, le licenciement est nul en application de l'article L 1132-4 du code du travail ;
Sur les conséquences de la nullité du licenciement :
Attendu que le salarié, dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, dont le montant est au moins égal à celui prévu par l'article L 1235-3 du code du travail ;
Que le salarié dont le licenciement est nul a droit à une indemnité au moins égale à six mois de salaire même si son ancienneté est inférieure à six mois et a fortiori à deux ans ; que les dommages-intérêts sollicités par [R] [E] de ce chef n'étant pas supérieurs au minimum de six mois de salaire, il n'y a pas lieu de commenter ici les pièces communiquées par l'appelante pour justifier de son préjudice ; que la S.A.R.L. T & T Nature sera condamnée à lui payer la somme de 8 700 € ;
Que l'indemnité compensatrice de préavis est toujours due en cas de licenciement nul, peu important que l'état de santé du salarié de lui permette pas d'exécuter un préavis ; que la S.A.R.L. T & T Nature sera donc condamnée à payer à [R] [E] une indemnité compensatrice de 2 900 € et une indemnité de congés payés afférente de 290 € ;
Que le licenciement étant nul, la période de mise à pied conservatoire doit être rémunérée ; que la S.A.R.L. T & T Nature doit être condamnée à payer à [R] [E] un rappel de salaire de 1 256,67 € et une indemnité de congés payés afférente de 125,67 € ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :
Attendu que selon l'article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi ;
Qu'en l'espèce, [R] [E] fait état, au soutien de sa demande de dommages-intérêts, d'un déclassement, d'une modification de son poste de travail et se dit blessée dans son honneur par des propos totalement indignes ; que si la salariée a répondu à une offre d'emploi concernant un poste d'assistance administrative et commerciale, [I] [L] a insisté pour que soit mentionné sur le contrat de travail le poste de secrétaire commerciale qui était plus réducteur ; que [R] [E] était alors la seule salariée ayant des fonctions administratives ; que la société se développant, d'autres salariées ont été engagées :
- le 25 février 2013, [C] [N], nommée responsable administrative le 20 novembre 2013, et par conséquent supérieure hiérarchique de [R] [E],
- le 13 septembre 2013, [X] [R], assistante de gestion en alternance,
- le 9 janvier 2014, [C] [J], secrétaire commerciale ;
Que ces salariées ont attesté des difficultés qu'elles avaient toutes rencontrées avec [R] [E] : exposé de ses difficultés personnelles, dénigrement constant de la direction, refus de communiquer à [C] [N] les éléments nécessaires à l'exécution de sa mission, refus de progresser dans son travail, fréquentes pauses pour fumer ou téléphoner ; que son comportement lunatique et son refus de s'intégrer dans l'équipe ont pesé sur celle-ci et particulièrement sur [C] [N] qui a décrit un vécu de harcèlement ; que l'évolution de l'organigramme, que [R] [E] semble déplorer, est un phénomène habituel, la création de nouveaux échelons dans la structure hiérarchique accompagnant la progression du chiffre d'affaires et des effectifs ; qu'il n'en résultait aucun déclassement pour [R] [E] qui a continué à exercer des fonctions correspondant à sa qualification et qui ne tenait de son contrat de travail aucun droit à rester la seule secrétaire de la S.A.R.L. T & T Nature, rattachée directement au directeur commercial [I] [L] qu'elle ne cessait d'ailleurs de critiquer ; que les "propos totalement indignes" que vise [R] [E] ne peuvent être que ceux qu'a rapportés [W] [Q] ; qu'il ressort de l'attestation de ce V.R.P. que ces propos n'étaient pas adressés à [R] [E] et ont été tenus à voix basse ; que si ces propos ont effectivement été entendus par [W] [Q], ce qui est possible mais non formellement établi, [R] [E] n'en a eu connaissance qu'a posteriori par un tiers et vraisemblablement par [W] [Q] lui-même ; que l'appelante, qui est directement à l'origine de la dégradation de la relation de travail et des difficultés qu'elle a rencontrées avec un grand nombre de salariées et en dernier lieu avec les dirigeants, ne caractérise à la charge de la S.A.R.L. T & T Nature ni manquement à l'obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi ni préjudice indemnisable ;
Qu'en conséquence, [R] [E] doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;
Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé :
Attendu que selon l'article L 1221-10 du code du travail, l'embauche d'un salarié ne peut intervenir qu'après déclaration nominative accomplie par l'employeur auprès des organismes de protection sociale désignés à cet effet ; que l'article R 1221-5 du même code précise que lorsque le formulaire de déclaration est transmis par lettre recommandée avec avis de réception, celle-ci est envoyée au plus tard le dernier jour ouvrable précédant l'embauche ;
Qu'en l'espèce, la déclaration prescrite par l'article L 1221-10 est intervenue seulement le 13 mars 2013 ; qu'au regard des dispositions légales et réglementaires susvisées, le moyen pris de ce que cette formalité incombait à [R] [E] elle-même est indigent, sauf à considérer que celle-ci aurait dû envoyer la déclaration de son embauche par voie électronique le 17 janvier 2013, pendant la demi-journée d'essai qu'elle a effectuée à la demande de [I] [L] ; qu'au-delà de cette défense puérile, l'employeur n'avance aucune explication qui puisse remettre en cause le caractère intentionnel de l'omission ;
Attendu qu'aux termes de l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
Attendu qu'aux termes de l'article L 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire';
Qu'en conséquence, la S.A.R.L. T & T Nature doit être condamnée à payer à [R] [E] la somme de 8 700 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Vu l'arrêt du 3 mars 2017,
Dit que le licenciement notifié à [R] [E] le 17 juillet 2014 est nul,
En conséquence, condamne la S.A.R.L. T & T Nature à payer à [R] [E] :
la somme de huit mille sept cents euros (8 700 €) à titre de dommages-intérêts,
la somme de deux mille neuf cents euros (2 900 €) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
la somme de deux cent quatre-vingt-dix euros (290 €) à titre d'indemnité de congés payés afférente,
la somme de mille deux cent cinquante-six euros et soixante-sept centimes (1 256,67 €) à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire,
la somme de cent vingt-cinq euros et soixante-sept centimes (125,67 €) à titre d'indemnité de congés payés afférente ;
Infirme le jugement rendu le 9 octobre 2015 par le Conseil de prud'hommes de Bourg-en-Bresse en ce qu'il a débouté [R] [E] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulée et a laissé [R] [E] supporter la charge de ses dépens de première instance,
Statuant à nouveau,
Condamne la S.A.R.L. T & T Nature à payer à [R] [E] la somme de huit mille sept cents euros (8 700 €) à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
Confirme le jugement du 9 octobre 2015 en ce qu'il a débouté [R] [E] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
Condamne la S.A.R.L. T & T Nature aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la S.A.R.L. T & T Nature à payer à [R] [E] la somme de mille euros (1 000 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non pris en charge dans le cadre de l'aide juridictionnelle partielle.
Le GreffierLe Président
Gaétan PILLIEMichel SORNAY