R.G : 16/07422
Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON
du 10 Octobre 2016
RG : 2016/01321
SAS RHODIA OPERATIONS
C/
Comité d'établissement UES SOLVAY BELLE ETOILE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2017
APPELANTE :
SAS RHODIA OPERATIONS prise en son Etablissement SOLVAY BELLE ETOILE
sis [Adresse 1],
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON
et ayant pour avocat plaidant Maître Me DE LA BROSSE , avocat au même barreau
INTIMÉE :
Comité d'établissement UES SOLVAY BELLE ETOILE anciennement CE RHODIA OPÉRATIONS BELLE ÉTOILE, représenté par son secrétaire en exercice, Monsieur [U] [Z], spécialement habilité à cet effet par délibération en date du 26 mai 2016.
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Stéphanie BARADEL de la SCP ANTIGONE AVOCATS, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 16 Juin 2017
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président
Marie-Christine DE LA SALLE, Conseiller
Ambroise CATTEAU, Vice-Président placé
Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 15 Septembre 2017, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président, et par Emmanuelle BONNET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS PROCEDURE PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES.
La société RHODIA OPERATIONS, membre du groupe SOLVAY, exploite plusieurs sites sur le territoire français dont un établissement à [Localité 2] dénommé BELLE ETOILE qui emploie 586 salariés. Cet établissement comprend un comité d'établissement , un CHSCT et des délégués du personnel.
Une UES SOLVAY France a été créée par accord du 4 novembre 2015, regroupant aujourd'hui 10 sociétés dont la société RHODIA OPERATIONS.
Cette UES comprend 18 établissements dotés chacun d'un comité d'établissement.
Un comité central d'entreprise ( CCE) de l'UES a été créé par accord du 4 novembre 2015.
Selon délibération du 29 janvier 2016, le comité d'établissement BELLE ETOILE a voté le recours à expertise des comptes dans le cadre de l'article L 2325-35 du code du travail en vue de l'examen annuel des comptes 2015 de l'Etablissement BELLE ETOILE, puis selon délibération du 31 mars 2016 a désigné le cabinet DIFECOS à cette fin.
Le cabinet DIFECOS a présenté sa lettre de mission à la direction qui a refusé cette expertise comme elle l'avait indiqué lors des délibérations, au motif que les comptes de l'entreprise faisaient l'objet d'une expertise annuelle décidée par le CCE.
Selon délibération du 26 mai 2016, le comité d'établissement BELLE ETOILE a habilité un de ses membres à saisir le Président du tribunal de grande instance de LYON en référé au regard de la persistance du refus de la direction du recours à l'expertise.
Il a donc fait délivrer assignation le 20 juin 2016 aux fins de voir juger que le refus opposé par la direction constitue une entrave et donc un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser et en conséquence la condamner sous astreinte à remettre à l'expert l'ensemble des documents cités dans sa lettre de mission, la condamner également au paiement de la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts outre les frais non recouvrables.
Selon ordonnance de référé du 10 octobre 2016, le président du tribunal de grance instance de LYON a condamné la société RHODIA OPERATIONS :
* à remettre à la société DIFECOS EXPERTISES sous astreinte de 100 euros par jour de retard qui commencera à courir 15 jours après la signification de la présente décision, l'ensemble des documents cités dans la lettre de mission de l'expert du 2 mai 2016,
* à répondre, sous la même astreinte, aux demandes d'entretien de l'expert.
Le président du tribunal s'est réservé la liquidation des astreintes, a rejeté la demande de dommages et intérêts et a condamné la direction au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
La société RHODIA OPERATIONS a relevé appel de cette décision le 18 octobre 2016 et en l'état des écritures qu'elle a régulièrement signifiées, demande à la cour d'infirmer l'ordonnance rendue le 10 octobre 2016, d'annuler les délibérations des 29 janvier et 31 mars 2016 et juger en conséquence :
* que les coûts des expertises seront à la charge du comité d'établissement,
* que l'ensemble des éléments transmis à l'expert par elle ainsi que par toute société du Groupe SOLVAY dans le cadre des expertise devra être restitué.
Elle demande enfin la condamnation du comité d'établissement au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Le comité d'établissement BELLE ETOILE, en l'état des écritures qu'il a régulièrement signifiées, demande à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, de débouter la société RHODIA OPERATIONS de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens de première instance et d'appel distraits au profit de la SCP ANTIGONE AVOCATS sur son affirmation.
MOTIVATION.
La société RHODIA OPERATIONS estime que le comité d'établissement BELLE ETOILE n'a pas qualité pour désigner un expert-comptable en vue de l'examen annuel des comptes 2015 de l'établissement.
Elle soutient en effet que sous l'empire des dispositions légales antérieures à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, dite loi Rebsamen, et selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le comité d'établissement avait la faculté de se faire assister d'un expert, en vue de l'examen annuel des comptes, dès lors que le chef d'établissement disposait d'une certaine autonomie et alors même que le CCE pouvait également avoir recours à l'expert.
Elle considère que la loi Rebsamen a profondément modifié le régime des consultations et celui des expertises, de sorte que , selon elle, les expertises prévues à l'article L 2325-35 modifié du code du travail ne peuvent être dissociées des consultations visées à l'article 2325-36 et que par ailleurs, ces consultations relèvent de la compétence du seul CCE, de sorte que le comité d'établissement, qui n'a pas à être consulté sur ces sujets, ne peut par conséquent avoir recours à expertise .
Le comité d'établissement soutient au contraire que la loi Rebsamen n'a pas mis fin aux attributions consultatives du comité d'entreprise à la fois s'agissant des consultations récurrentes en application de l'article L 2323-6 du code du travail et des consultations ponctuelles visées à l'article 2323-2 du même code.
Ainsi, s'agissant des consultations récurrentes, le comité d'entreprise est consulté chaque année sur trois grands thèmes et notamment sur le situation économique et financière de l'entreprise et dans ce cadre peut avoir recours à expert.
Lorsqu'il existe un CCE et des comités d'établissement, il soutient qu'il convient de transposer les dispositions légales visant le comité d'entreprise au comité d'établissement sauf dans les domaines que le législateur a entendu centraliser au niveau du CCE .
Il estime donc que si le CCE exerce au niveau global les attributions économiques dépassant la limite des pouvoirs du chef d'établissement pour se situer au niveau de l'entreprise, cela n'exclut pas le droit propre similaire du comité d'établissement d'exercer ses attributions concurremment au niveau inférieur, en étant assisté par un expert-comptable, pour apprécier les documents comptables de l'établissement et sa situation au sein de l'entreprise.
En l'espèce, il est établi que la Société RHODIA OPERATIONS fait partie de l'UES SOLVAY France, dont elle constitue un des établissements et est dotée d'un comité d'établissement.
Il est également constant que conformément à l'article L 2327-1 du code du travail, il existe un comité central d'entreprise et des comités d'établissements dans les entreprises comportant des établissements distincts comme cela est le cas pour l'UES SOLVAY France.
Aux termes des articles L 2323-1 alinéa 1er et 2323-6 du même code, le comité d'entreprise qui a pour objet d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique de l'entreprise, à l'organisation du travail , à la formation professionnelle et aux techniques de production, est consulté chaque année sur les orientations stratégiques de l'entreprise, la situation économique de l'entreprise, la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi.
Conformément à l'article L 2325-35, le comité d'entreprise peut se faire assister d'un expert-comptable de son choix en vue de la consultation annuelle sur la situation économique et financière prévue à l'article L 2323-12 .
Conformément à l'article L 2327-15 alinéa 1er du code du travail, le comité d'établissement a les mêmes attributions que le comité d'entreprise dans la limite des pouvoirs confiés aux chef d'établissement.
La loi Rebsamen a entendu redistribuer et rationaliser l'articulation entre le CCE et les comités d'établissements en disposant aux termes de l'article L 2327-2 du code du travail que le CCE exerce les attributions économiques qui concernent la marche générale de l'entreprise, précisant qu'il est informé et consulté sur les projets économiques et financiers importants concernant l'entreprise notamment dans les cas définis aux articles L 2323-35 à L 2323-43 et est seul consulté sur les projets décidés au niveau de l'entreprise qui ne comportent pas des mesures d'adaptation spécifiques à un ou plusieurs établissements et sur les projets décidés au niveau de l'entreprise lorsque les éventuelles mesures de mise en oeuvre, qui feront ultérieurement l'objet d'une consultation spécifique au niveau approprié, ne sont pas encore définies.
Cette distribution des compétences concerne donc les consultations dites ponctuelles.
Concernant les consultations récurrentes, il n'apparaît pas que le loi Rebsamen ait modifié la possibilité d'une double consultation, retenue par la jurisprudence antérieure à l'entrée en vigueur de cette loi, en ce qui concerne d'une part celle sur la situation économique et financière et celle sur la politique sociale, d'autre part.
En effet, non seulement les informations pertinentes et spécifiques doivent être données au comité d'établissement dans son périmètre mais encore, il apparaît que le comité d'établissement qui conformément à l'article L 2327-15 susvisé, a les mêmes attributions que le comité d'entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef d'établissement, doit être informé et consulté et peut donc avoir recours à un expert, dès lors que, par définition, l'existence d'un établissement implique son autonomie et suppose des modalités d'application décidées par le chef d'établissement.
En effet, aucune disposition de la Loi Rebsamen n'est venue, contrairement à ce qu'affirme l'appelante, supprimer les prérogatives du comité d'établissement en matière d'informations et de consultations récurrentes sur son périmètre d'intervention ni n'a limité ou supprimé la possibilité du recours à un expert-comptable dans le cadre de ces consultations.
Ainsi, dès lors que, comme en l'espèce, il a été relevé que l'établissement dispose d'une autonomie suffisante en matière de gestion du personnel et de conduite de l'activité économique et est doté d'un comité d'établissement, il appartient à l'entreprise de lui donner les moyens de fonctionner prévus par la loi et notamment le recours à l'expertise comptable de l'article L 2325-35 du code du travail, lui permettant ainsi d'avoir les éléments d'ordre économique et financier nécessaires à la compréhension des documents comptables de l'établissement et à l'appréciation de sa situation.
Dans ces conditions, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société RHODIA OPERATIONS sous astreinte de 100 euros par jour de retard qui commencera à courir 15 jours après la signification de la présente décision, à remettre à l'expert désigné l'ensemble des documents cités dans sa lettre de mission du 2 mai 2016 et sous la même astreinte à répondre aux demandes d'entretien de l'expert.
Il convient par ailleurs de condamner la société RHODIA OPERATIONS qui succombe à pyer au comité d'établissement la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DEBOUTE la société RHODIA OPERATIONS de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
LA CONDAMNE de ce chef à payer au comité d'établissement de l'UES SOLVAY BELLE ETOILE la somme de 1500 euros,
LA CONDAMNE aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de la SCP ANTIGONE AVOCATS sur son affirmation.
LA GREFFIÈRE LA PRESIDENTE
Emmanuelle BONNET Elizabeth POLLE-SENANEUCH