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08/09/2017 | FRANCE | N°16/01160

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 08 septembre 2017, 16/01160


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 16/01160





[S]



C/

Société SACOVIV







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 04 Février 2016

RG : F 13/04704

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2017





APPELANT :



[G] [S]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Comparant

en personne, assisté de Me Fabienne MARTIN, avocat au barreau de GRENOBLE





INTIMÉE :



Société Anonyme de Construction de la Ville de Venissieux (SACOVIV)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Bruno DEGUERRY de la SELARL DEG...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 16/01160

[S]

C/

Société SACOVIV

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 04 Février 2016

RG : F 13/04704

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2017

APPELANT :

[G] [S]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Comparant en personne, assisté de Me Fabienne MARTIN, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE :

Société Anonyme de Construction de la Ville de Venissieux (SACOVIV)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Bruno DEGUERRY de la SELARL DEGUERRY, PERRIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Mai 2017

Présidée par Michel SORNAY, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Michel SORNAY, président

- Didier JOLY, conseiller

- Natacha LAVILLE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 08 Septembre 2017 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La Société anonyme de construction de la ville de Vénissieux (SACOVIV) est une société d'économie mixte locale ayant essentiellement pour objet de gérer le parc de logements HLM de cette ville.

Elle a embauché [G] [S] à compter du 1er octobre 2008 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein en qualité de directeur administratif qualifié, classé au niveau C4 de la convention collective nationale de l'immobilier, applicable à cette relation de travail.

Par décision du conseil d'administration du 23 décembre 2008, [G] [S] a été nommé mandataire social de la SACOVIVdans les fonctions de 'directeur général délégué', avec effet à compter du 1er janvier 2009. La délibération du conseil d'administration précise bien que ses fonctions seront exercées en complément de ses activités de directeur administratif de la SACOVIV, sans modification de son contrat de travail qui sera maintenu, et donneront lieu à une rémunération spécifique de 7500 € par an payable par quarts à la fin de chaque trimestre.

À la suite toutefois de tensions intervenues entre [G] [S] et la présidence de la SACOVIV, les parties ont engagé à partir de juin 2013 des négociations en vue d'une éventuelle rupture conventionnelle de leurs relations, négociations qui n'ont toutefois pu aboutir.

Le 9 juillet 2013, [G] [S] a adressé à son employeur un courriel par lequel il se plaignait d'être victime de harcèlement de la part de la SACOVIV, et en particulier de sa présidente-directrice générale, [C] [X].

Le 10 juillet 2013, le conseil d'administration de la SACOVIV a révoqué le mandat social de directeur général délégué confié à [G] [S] .

Par courrier du 11 juillet 2013, la société SACOVIV a contesté tout droit de [G] [S] à se plaindre d'un harcèlement, estimant que le droit du travail ne pouvait être applicable à un mandataire social et lui rappelant qu'en conséquence de la révocation de son mandat social, il n'avait plus à diriger la société mais seulement à exécuter les fonctions de directeur administratif qualifié prévues par son contrat de travail.

Par courrier du 25 juillet 2013, la société SACOVIV a rappelé à nouveau à [G] [S] ses obligations contractuelles dans ce cadre.

Par courriers des 1er août et 23 septembre 2013, [G] [S] a écrit à son employeur, demandant qu'il lui précise clairement le périmètre de ses fonctions.

Le 4 octobre 2013, la société SACOVIV a notifié à [G] [S] un avertissement disciplinaire pour insubordination.

Le 15 octobre 2013, [G] [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail pour harcèlement moral et manquement de son employeur à l'obligation de résultat en matière de protection de la santé physique et mentale du salarié.

Le 19 novembre 2013, la société SACOVIV a convoqué [G] [S] à un entretien fixé au 27 novembre 2013, préalable à son licenciement disciplinaire avec notification corrélative d'une mise à pied conservatoire.

Le 10 décembre 2013, la société SACOVIV a licencié [G] [S] pour faute grave. Par courrier du 15 janvier 2013, [G] [S] a informé la société SACOVIV de sa contestation de ce licenciement. Il a par ailleurs saisi le tribunal de commerce de Lyon le 12 février 2014 afin de voir constater le caractère abusif de la révocation de son mandat social, sollicitant l'octroi de 130'000 € de dommages-intérêts.

Par jugement du 7 avril 2015, le tribunal de commerce de Lyon a estimé que la révocation de ce mandat social était intervenue sans juste motif et a alloué à l'intéressé 2000 € de dommages-intérêts.

Lors de l'audience devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes, [G] [S] a demandé à cette juridiction de condamner la SACOVIV à lui payer les sommes suivantes :

à titre principal :

'187'952,76 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

'7178,75 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

'15'662,73 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1566,27 euros de congés payés y afférents

à titre subsidiaire :

'125'301,84 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

'7178,75 € à titre d'indemnité de licenciement ;

'15'662,73 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1166,27 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés y afférents ;

'10'885,71 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires ;

'15'662,73 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire ;

' 6000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour sa part, la société SACOVIV s'est opposée à ces demandes, sollicitant le débouté de [G] [S] de toutes ses prétentions et sa condamnation à lui payer la somme de 6000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 4 février 2016, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

'dit et jugé que la société SACOVIV n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles à l'égard de [G] [S] ,

'dit et jugé que les faits reprochés à la société SACOVIV ne sont pas constitutifs de harcèlement,

'dit et jugé que la demande de résiliation judiciaire n'est pas fondée,

'dit et jugé que le licenciement de [G] [S] est régulier et repose sur une faute grave,

'dit et jugé que le licenciement de [G] [S] n'est pas intervenu dans des conditions vexatoires,

'dit et jugé qu'aucune heure supplémentaire n'est due à [G] [S] ,

'débouté [G] [S] de l'intégralité de ses demandes,

'débouté la société SACOVIV de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

'condamné [G] [S] aux dépens.

[G] [S] a interjeté un appel général de cette décision le 13 février 2016.

*

Au terme de ses dernières conclusions, [G] [S] demande la cour d'appel de :

à titre principal :

'dire et juger l'appel de [G] [S] fondé en fait et en droit et, par conséquent, infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 4 février 2016 dans son intégralité et, en le réformant :

'dire et juger que [G] [S] a été victime de harcèlement moral au cours de l'exécution de son contrat de travail ;

'prononcer l'annulation de l'avertissement disciplinaire notifié à [G] [S] le 4 octobre 2013 (demande ne figurant pas au dispositif des conclusions mais expressément mentionnée en page 25 des écritures récapitulatives)

'ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail de [G] [S] à la date du 10 décembre 2013, date de son licenciement, compte tenu des manquements graves de la SACOVIV à ses obligations contractuelles et légales ;

'dire et juger que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul et condamner la SACOVIV à payer à [G] [S] la somme de 187'952,76 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et, en tout état de cause, 31'325,46 euros nets à minima (soit 6 mois de salaire) ;

à titre subsidiaire

'dire et juger que le licenciement de [G] [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

'condamner la SACOVIV au paiement de la somme de 125'301,84 euros nets au titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse;

en tout état de cause :

'condamner la SACOVIV à payer à [G] [S] les sommes suivantes :

7178 € nets au titre de l'indemnité de licenciement ;

15'662,73 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

1566,27 euros bruts au titre des congés payés afférents

9896,10 euros bruts au titre du rappel de salaire correspondant aux heures supplémentaires effectuées par [G] [S] mais non réglées par la SACOVIV, outre la somme de 989,61 euros bruts au titre des congés payés afférents

15'662,73 euros nets à titre de dommages-intérêts pour procédure vexatoire de licenciement ;

'débouter la SACOVIV de l'ensemble de ses prétentions ;

'condamner la SACOVIV au paiement de la somme de 6000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

'condamner la SACOVIV aux entiers dépens.

Pour sa part, la société SACOVIV demande par ses dernières écritures à la cour d'appel de :

'déclarer irrecevable l'appel interjeté le 12 février 2016 par [G] [S], faute de mention dans l'acte d'appel de l'identité exacte de la personne morale contre laquelle la procédure en cause était diligentée ;

'confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 4 février 2016 ;

'dire et juger que la SACOVIV n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat de travail et, par voie de conséquence, débouter [G] [S] de sa demande de résiliation judiciaire ;

'dire et juger que le comportement fautif de [G] [S] justifiait un licenciement pour faute grave et, en conséquence, débouter [G] [S] de ses demandes indemnitaires, qu'il s'agisse des dommages-intérêts pour licenciement nul, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et du rappel de salaire de mise à pied, outre congés payés s'y rapportant ;

'dire et juger qu'en sa qualité de mandataire, il n'est pas fondé à solliciter le paiement d'heures supplémentaires ;

'le débouter donc de sa demande ;

'dire et juger qu'aucune faute n'a été commise par la SACOVIV dans l'engagement de la procédure de licenciement ;

'dès lors, débouter [G] [S] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la procédure vexatoire de licenciement ;

'le débouter du surplus de ses demandes ;

'reconventionnellement, le condamner à payer à la SACOVIV somme de 6000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1.'Sur la recevabilité de l'appel interjeté par [G] [S] :

La société SACOVIV conteste la recevabilité de l'appel litigieux au motif que l'acte d'appel daté du 12 février 2016 reçu au greffe de la cour le 16 février 2016 ne satisfait pas aux exigences posées à peine de nullité par l'article 58 du code de procédure civile puisque cet acte ne mentionne :

'ni les noms, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur, comme exigé par le 1° de ce texte,

'ni l'indication de la dénomination et du siège social de la personne morale intimée, comme exigé par le 2° de ce texte.

Les articles 114 et 115 du code de procédure civile disposent que :

article 114 : Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

Article 115 :La nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief.

En l'espèce, les mentions que la société SACOVIV reproche à [G] [S] d'avoir omis d'intégrer dans son acte d'appel sont toutes de pure forme et non de fond et la simple lecture des conclusions d'appel récapitulatives établies en dernier lieu par le conseil de [G] [S] permet de constater que toutes les indications requises par l'article 58 précité y ont été apportées, régularisant ainsi l'acte d'appel et couvrant la nullité ici invoquée.

En l'absence de preuves, et même d'allégation motivée, par la société SACOVIV d'un quelconque préjudice résultant pour elle de ces vices de forme aujourd'hui régularisés, la cour déclarera recevable l'appel litigieux, par ailleurs interjeté dans les formes et délais légaux.

Cette exception de nullité de procédure sera donc rejetée comme particulièrement mal fondée.

2.'Sur le harcèlement moral invoqué par [G] [S] :

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Il résulte des articles L1152-1 et L1254-1 du code du travail que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral; dans l'affirmative, il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, [G] [S] invoque à l'encontre de la SACOVIV les faits de harcèlement suivant :

' annonce par voie de presse du recrutement d'un nouveau directeur général délégué en la personne d'[A] [Q] alors même que [G] [S] disposait alors toujours de son mandat social de directeur général délégué (pièce 9, 13, 14, 34, 35 du salarié)

'révocation du mandat de directeur général délégué, jugée fautive par le tribunal de commerce de Lyon (jugement du 7 avril 2015).

''mise au placard' et défaut de définition de ses fonctions de directeur administratif : absence de fiche de poste, refus de définir les contours de son poste, présentation d'une fiche de poste de directeur administratif et financier contraire à son contrat de travail, retrait de toutes ses délégations de signature et pas seulement de celles liées au mandat social de directeur général délégué,

'non prise en compte par l'employeur des nombreuses alertes adressées par [G] [S] à la présidente-directrice générale sur la dégradation de ses conditions de travail

'refus d'[C] [X], présidente directrice générale, de lui adresser la parole et de traiter avec lui les dossiers relevant de sa compétence de directeur administratif ; refus de tout entretien pour définir ses attributions.

'modification par la nouvelle direction générale des procédures internes sans consulter le directeur administratif alors que l'un de ses rôles est précisément d'améliorer ces procédures,

'accusation publique de [G] [S] par [C] [X], lui reprochant d'avoir frauduleusement retiré de son dossier sa fiche de poste, qui n'y a pourtant jamais figuré.

'retrait du pouvoir hiérarchique sur les salariés de la SACOVIV, notifié le 30 juillet 2013.

'accusation mensongère d'avoir participé le 9 septembre 2013 à une réunion au [Localité 2] avec [R] [M].

'accusation d'un complot imaginaire avec les autres cadres de la SACOVIV.

'refus de la direction d'intervenir à la suite de l'apposition dans les locaux de la SACOVIV d'une caricature de [G] [S]

'notification le 4 octobre 2013 d'un avertissement disciplinaire infondé

'entretien préalable au licenciement pour faute grave le 27 novembre 2013 au cours duquel aucune précision n'a été apportée par l'employeur au salarié sur la nature des fautes qui lui étaient reprochées.

Il y a donc lieu d'examiner chacun de ces faits afin de vérifier si, pris ensemble ou séparément, ils permettent de présumer existence du harcèlement moral allégué par le salarié.

Sur les points 1 et 2:

Il s'agit d'éventuels manquements de la SACOVIV à ses obligations envers [G] [S] dans le cadre de son mandat social de directeur général délégué et non dans celui de l'exécution de son contrat de travail de directeur administratif de cette société. Il n'y a donc pas lieu de les prendre ici en considération au soutien de reproches faits à l'employeur de fautes commises dans l'exécution de son contrat de travail.

La cour entend toutefois relever ici qu'il résulte clairement de la délibération du conseil d'administration de la SACOVIV du 23 décembre 2008 (pièce 2 du salarié) que contrairement à ce que soutient aujourd'hui cette société, le mandat social de directeur général délégué confié par le conseil d'administration à [G] [S] à compter du 1er janvier 2009 se cumulait expressément avec les fonctions de directeur administratif qu'il continuait d'exercer et pour lesquelles il a continué de recevoir un salaire spécifique, l'employeur lui versant par ailleurs chaque trimestre une rémunération complémentaire au titre de son mandat social.

Il en résulte directement l'absence totale de pertinence de la réponse adressée le 11 juillet 2013 par [C] [X] (pièce 42 du salarié ) au mail de [G] [S] du 9 juillet 2013 dénonçant le harcèlement moral dont il estimait être victime (sa pièce 35), puisque l'intéressé, qui n'a jamais cessé d'être salarié de la SACOVIV, a toujours été parfaitement en droit de se plaindre d'éventuelles défaillances de son employeur dans l'exécution du contrat de travail, et notamment en l'espèce d'un harcèlement moral commis par les plus hautes instances dirigeantes de la SACOVIV , et en particulier par sa présidente directrice générale, [C] [X].

Sur les points 4, 5 et 6 :

Ces reproches portent sur la 'mise au placard' de [G] [S] en suite de la révocation de son mandat social de directeur général délégué le 10 juillet 2013.

Il résulte des pièces versées aux débats par les 2 parties :

'que [G] [S] a été déchargé de son mandat social de directeur général délégué de la SACOVIV par décision du conseil d'administration du 10 juillet 2013 (pièce 15 du salarié) et que les fonctions qui lui avaient été déléguées ont été reprises conjointement par la présidente directrice générale, [C] [X], et par le vice président [M] [K];

'que [G] [S] s'est donc retrouvé à partir de cette date exercer ses seules fonctions de directeur administratif de la SACOVIV conformément à son contrat de travail, ce que l'employeur n'a pas manqué de lui rappeler par le courrier précité du 11 juillet 2013 (pièce 42) ;

'qu'en suite de ce retrait de mandat social, [G] [S] s'est logiquement vu retirer ses délégations de pouvoir et de signature liées à ses précédentes fonctions de directeur général délégué, mais apparemment aussi celles liées à ses fonctions de directeur administratif, et s'est vu en particulier retirer toute attribution en lien avec la direction du personnel et l'exercice du pouvoir hiérarchique, ce qui n'est pas contesté mais paraît pour le moins surprenant pour un directeur administratif dans une entreprise d'une quarantaine de personnes dénuée d'un service spécifique de gestion des ressources humaines ;

'que dans ce contexte, [G] [S] était légitime à demander à la direction générale de la SACOVIV de définir plus précisément les tâches qui lui étaient confiées en sa qualité de directeur administratif, dans la mesure où d'une part il est constant que ses fonctions n'avaient jamais fait l'objet antérieurement d'une description précise ni d'une fiche de poste, et où d'autre part et surtout la présidente directrice générale et son adjoint avaient manifestement décidé de procéder à compter du 10 juillet 2013 à une nouvelle répartition des compétences limitant drastiquement celles confiées au directeur administratif ;

'que ne parvenant pas à obtenir une réponse à ce sujet de sa directrice générale, [G] [S] a décidé d'écrire le 23 juillet 2013 (pièce 20 du salarié) à la maire de [Localité 3] ( cette commune étant l'actionnaire très majoritaire de la SACOVIV et s'étant impliquée dans les négociations avortées de rupture conventionnelle concernant) afin de dénoncer la mise à l'écart et le harcèlement moral dont il estimait être victime, et de solliciter son arbitrage ; que [I] [G], maire de [Localité 3], lui a répondu le 26 juillet par une fin de non-recevoir, renvoyant vers la direction générale de la SACOVIV.

'que le 25 juillet 2013, le secrétariat de [C] [X] a adressé à [G] [S] un courrier de cette dernière ainsi rédigé :

« depuis votre révocation, nous n'avons eu de cesse de vous rappeler que vous continuiez d'exercer les fonctions de directeur administratif de la SACOVIV, conformément à votre contrat de travail du 22 août 2008.

Dans ce contexte, vous ne pouvez pas prétendre, comme vous le soutenez auprès de salariés de notre entreprise ou même de tiers à celle-ci, que vous '... ne savez pas quoi faire'' ou '... n'avez plus rien à faire''.

En effet, vos fonctions sont celles d'un Directeur Administratif d'une entreprise d'une quarantaine de salariés avec les missions qui y sont attachées et que vous connaissez parfaitement, compte tenu de votre ancienneté dans l'entreprise.

Au surplus, vos missions ne sont pas à confondre avec celles attachées au mandat de directeur délégué que vous avez occupé jusqu'à votre révocation.

Ainsi et en tant que de besoin, nous vous adressons un rappel des missions qui sont les vôtres et qui résulte de la définition de fonction issue de votre convention collective.

Nous vous remercions donc, dans ce contexte et sans que ce bref rappel puisse être interprété comme une modification de votre contrat de travail ou un changement des conditions de celui-ci, d'exécuter normalement les missions qui sont attachées, et ce au regard des instructions qui sont susceptibles de vous être données et de l'autonomie qui est la vôtre dans l'organisation de votre travail. »

' que la cour constate toutefois que ce courrier n'était accompagné d'aucun document de nature à préciser les fonctions de directeur administratif confiées à [G] [S], et que la convention collective nationale de l'immobilier du 9 septembre 1988, applicable à la relation de travail, ne définit aucunement les missions liées à un tel poste de directeur administratif. Il en résulte que, en dépit des apparences, ce courrier n'apportait à [G] [S] aucune information sur les missions qui lui étaient ainsi désormais confiées au sein de l'équipe dirigeante de la SACOVIV après réorganisation de celle-ci à compter du 10 juillet 2013.

'Qu'il est constant que lors de l'entretien qu'elle a eu avec [G] [S] le 30 juillet 2013, [C] [X] a soumis à sa signature une fiche de poste de directeur administratif et financier figurant en pièce 22 du salarié.

' Que [G] [S] , à très juste titre, relève qu'il n'a jamais exercé les fonctions de directeur financier, lesquelles ne rentraient pas dans sa mission de directeur administratif et étaient en pratique confiées depuis 20 ans à sa collègue [S] [A], qui le confirme dans son attestation (pièce 16 du salarié) et dans un courrier du 21 novembre 2013 à [C] [X] (pièce 54 du salarié). Il en résulte que cette fiche de poste (non datée et où ne figure aucune référence à la SACOVIV et à son organisation) au mieux était dénuée de toute pertinence et de tout sérieux, ou au pire tentait subrepticement de lui faire accepter une modification substantielle de ses fonctions prévues par son contrat de travail.

'Que dès lors, [G] [S] était parfaitement fondé à ré-interroger la présidente directrice générale de la SACOVIV par courrier des1er août 2013, 23 septembre 2013, et 2 octobre 2013 sur l'étendue des fonctions de directeur administratif qui lui étaient confiées et sur les moyens matériels et humains que l'employeur entendait lui donner pour les exercer ; qu'il était de même parfaitement fondé à solliciter par ces courriers d'être reçu un rendez-vous par sa supérieure hiérarchique directe [C] [X], rendez-vous qu'il n'a jamais obtenu en suite de ces courriers, ce qui conforte les attestations qu'il verse aux débats (attestations notamment de [S] [A] et [R] [M]) dont il résulte que [C] [X] refusait de lui adresser la parole et encore plus de le rencontrer en rendez-vous.

' Que de surcroît [G] [S] rapporte la preuve de ce que, à plusieurs reprises, des cadres de la SACOVIV , responsables de pôle, ont interpellé la direction de l'entreprise sur la nature précise des missions de [G] [S] en sa qualité de directeur administratif et sur la façon dont ils devaient travailler avec lui, mais n'ont pas plus obtenu de réponse précise à cette question que l'intéressé lui-même, ce qu'ils indiquent avoir engendré des perturbations dans le fonctionnement de l'entreprise.

'Que par voie de conséquence, l'employeur était clairement mal fondé à notifier à [G] [S] le 4 octobre 2013 un avertissement disciplinaire (pièce 27 du salarié) au motif essentiel que l'intéressé se plaignait à tort de ne pas avoir obtenu de l'employeur une définition claire de ses fonctions, missions, attributions et délégations et d'outrepasser ces fonctions sous couvert d'une imprécision de ses missions.

Ces éléments concordants laissent déjà à eux seuls présumer l'existence harcèlement moral de [G] [S] par la SACOVIV et sa présidente directrice générale, et la cour ne peut que constater que l'employeur, auquel il appartient de démontrer que son action était légitime et exclusive de tout harcèlement, ne rapporte en l'état aucune preuve de ce que [G] [S] avait réellement connaissance des missions qui lui étaient confiées en exécution de son contrat de travail en qualité de directeur administratif de la SACOVIV à la suite de la réorganisation de cette entreprise consécutive à la révocation de son mandat social le 10 juillet 2013.

La SACOVIV, par ses conclusions devant la cour, se contente en effet d'affirmer à nouveau que [G] [S] ne pouvait ignorer la réalité de ses missions, qu'il exerçait déjà depuis 2008, alors que l'embarras évident de la direction pour lui en donner une définition après le 10 juillet 2013 démontre que les contours de ce poste avaient été très largement remaniés à compter de cette date, ainsi qu'en atteste d'ailleurs notamment :

' le fait qu'on lui avait retiré toute attribution de gestion du personnel, y compris sur son propre secrétariat,

' et le fait qu'il n'était même pas consulté ou informé par la directrice générale des modifications des procédures internes à l'entreprise (ce qui n'est pas contesté) alors qu'il lui appartenait incontestablement de les améliorer et de les faire mettre en 'uvre.

De surcroît, l'examen des reproches 7 à 13 précités permet de constater d'autres faits laissant également présumer le harcèlement moral, à savoir :

' accusation publique de [G] [S] par [C] [X], lui reprochant mensongèrement d'avoir frauduleusement retiré de son dossier sa fiche de poste, qui n'y a jamais figuré.

La matérialité de ce fait est attestée par [S] [A] (pièce 16) qui précise dans son témoignage que lors d'un comité de direction du 19 septembre 2013, [C] [X] a publiquement accusé [G] [S] d'avoir 'subtilisé sa fiche de poste remise en 2008" alors d'une part qu'aucune fiche de poste n'existait en 2008 dans l'entreprise et surtout alors que [C] [X] ne pouvait connaître le contenu du dossier personnel de [G] [S] faute d'avoir consulté avant cette date ce dossier, qui n'était alors accessible qu'à ce dernier et à sa collègue [S] [A] et que la directrice générale n'avait jamais demandé à voir. Dans ses écritures, l'employeur ne conteste ni la matérialité de cette accusation publique, ni d'ailleurs même sans caractère mensonger.

'accusation mensongère d'avoir participé à une réunion au [Localité 2] avec [R] [M] en outrepassant ses fonctions.

Cette accusation a expressément été reprise au soutien de l'avertissement disciplinaire notifié le 4 octobre 2013. [G] [S] démontre toutefois qu'à la date de cette réunion (9 septembre 2013), il était en congé et absent de [Localité 2], ce que l'employeur ne conteste d'ailleurs pas dans ses écritures.

'refus de la direction d'intervenir à la suite de l'affichage dans les locaux de la SACOVIV d'une caricature de [G] [S] (pièce 45)

Dans ses conclusions, la SACOVIV se contente de faire valoir que rien n'établit que cette caricature ait réellement représenté [G] [S]. Il apparaît toutefois que par mail du 1er août 2013, [G] [S] a demandé à [C] [X] de faire procéder au retrait de cette caricature le représentant et que la présidente directrice générale lui a répondu le 2 août 2013 non pas que la caricature ne le concernait pas, mais seulement par une formule lapidaire : 'c'est à vous de la retirer', formule qui établit à tout le moins le désengagement de l'employeur et son refus de soutenir son salarié à cette occasion.

'L'avertissement disciplinaire notifié le 4 octobre 2013 à [G] [S] , qui sera ci-après annulé comme infondée, a incontestablement participé au harcèlement ici allégué.

' Enfin, les circonstances de l'entretien préalable au licenciement :

Il résulte de l'attestation de [S] [A], qui a assisté [G] [S] lors de l'entretien du 27 novembre 2013 préalable à son licenciement pour faute grave que [G] [S] , qui menait l'entretien, n'a fourni à ce dernier aucune explication ou information sur la nature des faits qui lui étaient reprochés dans le cadre de cette procédure disciplinaire.

L'employeur dans ses conclusions se contente de soutenir que [G] [S] a refusé de s'expliquer, mais ne conteste aucunement de façon motivée l'attestation de [S] [A] sur ce point précis, qui établit, ici encore, l'attitude harcelante de la présidente directrice générale à l'encontre de [G] [S] , puisque celle-ci, contrairement aux règles les plus élémentaires du droit du travail, n'a pas jugé opportun d'informer le salarié dans ce cadre des faits qui lui étaient reprochés, le privant ainsi de toute possibilité d'assurer sa défense.

Ainsi, ces cinq faits imputés à l'employeur laissaient également présumer le harcèlement moral allégué, et les explications données par l'employeur sur chacun de ces sujets n'établissent en rien la légitimité des agissements qui ont été les siens en ces cinq occasions.

*

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que [G] [S] a bien été victime entre le 10 juillet 2013 et le 10 décembre 2013, date de son licenciement, d'agissements répétés de harcèlement moral qui, pris dans leur ensemble, avaient clairement pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, l'employeur ne rapportant, pour aucun de ces agissements précités, la preuve de ce qu'ils aient été justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

3.' Sur la demande d'annulation de l'avertissement disciplinaire du 4 octobre 2013 :

L'article L1331-1 du code du travail dispose que: 'Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.'

Il ressort par ailleurs des articles L1332-1 et L1332-2 du code du travail :

- qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction;

- que l'employeur doit fournir au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction;

- qu'au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles;

- que si un doute subsiste, il profite au salarié; que le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise

Enfin l'article L 1332'4 du même code dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

En l'espèce, l'avertissement disciplinaire notifié par écrit le 4 octobre 2013 à [G] [S] par la SACOVIV (pièce 27 du salarié) était expressément motivé par 4 griefs :

'la contestation indue par le salarié d'une prétendue imprécision de ses missions en sa qualité de directeur administratif de la SACOVIV,

'l'outrepassement de ses fonctions sous couvert d'une imprécision de ses missions : attitude déplacée lors du comité de direction du 19 septembre 2013 à l'égard de certaines personnes du service PPT et participation le 9 septembre 2013 à une réunion au [Localité 2] avec [R] [M], responsable du pôle locatif, alors qu'une telle participation n'entrait pas dans les missions du directeur administratif,

' le refus d'accomplir les fonctions lui incombant plaçant la SACOVIV dans une situation délicate, l'employeur précisant : 'la DDT nous a menacé de sanctions pour défaut de transmission des enquêtes obligatoires et de l'évaluation de la CUS', fait que l'employeur soutient avoir découvert le 23 septembre 2013,

'sa critique injustifiée de l'attitude de la direction générale de la SACOVIV à son égard.

Le mal fondé du premier grief résulte clairement des motifs qui précèdent concernant le harcèlement moral, l'employeur s'étant délibérément abstenu, en dépit des demandes réitérées et légitimes tant de [G] [S] que d'autres cadres de l'entreprise, de définir les contours du poste de directeur administratif de l'intéressé.

De même, l'employeur ne rapporte pas la preuve de l'outrepassement de ses fonctions par [G] [S] puisque :

'd'une part il n'est aucunement établi qu'il ait participé avec [R] [M] le 9 septembre 2013 à la réunion du [Localité 2] alors qu'il était en vacances (la cour relevant d'ailleurs que les organisateurs de cette réunion dans cette collectivité territoriale n'avaient pas dû manquer d'en établir un compte-rendu listant les participants, compte-rendu qui n'est curieusement pas versé aux débats),

'd'autre part son comportement inadapté à l'égard de certains salariés présents lors du comité de direction du 19 septembre 2013 n'est démontré par aucun élément du dossier produit par l'employeur, qui ne verse même pas aux débats le compte rendu de cette réunion,

' qu'en tout état de cause il est impossible de constater l'outrepassement de fonction dont les contours n'ont pas été clairement définis par l'employeur en dépit de demandes réitérées du salarié,

'et que les autres reproches émis à ce titre par l'employeur dans ce paragraphe sont, quoi qu'il en soit, formulés dans des termes trop vagues et généraux pour pouvoir utilement fonder une sanction disciplinaire.

Concernant le défaut de transmission des enquêtes obligatoires et de l'évaluation de la CUS, il résulte clairement des explications et pièces fournies par [G] [S] ainsi que de l'attestation de [S] [A] que cette difficulté de transmission était liée à un problème informatique, qu'elle avait été identifiée par la direction de la SACOVIV et donc par [G] [S] depuis le mois de février 2013, et que ce salarié avait régulièrement informé [C] [X] de l'évolution de ce dossier depuis cette époque, et ce jusqu'à l'automne 2013 alors même qu'il en avait été dessaisi. L'employeur ne fournit aucune explication sérieuse à ce sujet et rapporte pas la preuve contraire, si bien que ce grief est ici encore non établi.

Enfin, il n'est pas sérieux, en état des éléments qui précèdent, de reprocher à [G] [S] d'avoir fait part à son employeur de son désarroi face à la situation de harcèlement et d'imprécision fonctionnelle qu'il vivait depuis la révocation de son mandat social, et d'avoir légitimement reproché à sa direction générale son inertie aussi incontestable que fautive.

L'avertissement litigieux sera donc annulé comme dénué de tout fondement.

4.'Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de [G] [S] :

Aux termes de l'article L 1221-1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun des contrats synallagmatiques pour tout ce sur quoi il n'est pas dérogé par des dispositions légales particulières. L'action en résiliation d'un contrat de travail est donc recevable, conformément à l'article 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, dès lors qu'elle est fondée sur l'inexécution par l'employeur de ses obligations.

Le juge saisi d'une demande de résiliation judiciaire d'un contrat de travail, dispose d'un pouvoir souverain pour apprécier si les manquements établis à l'encontre de l'employeur sont suffisamment graves pour justifier cette mesure, ces manquements devant être d'une gravité telle qu'elle empêche toute poursuite de l'exécution du contrat de travail, la résiliation judiciaire du contrat prononcée par le juge produisant alors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée, et c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

La prise d'effet de la résiliation est fixée en principe au jour du jugement qui la prononce dès lors qu'à cette date, le salarié est toujours au service de l'employeur. Toutefois, si le contrat a déjà été rompu dans l'intervalle, la résiliation prend effet au jour à partir duquel le salarié a cessé de se tenir à la disposition de l'employeur, ou en cas de licenciement, au jour du licenciement.

En l'espèce, [G] [S] a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail le 15 octobre 2013, donc bien antérieurement à son licenciement intervenu le 10 décembre 2013. Il y a donc lieu d'examiner cette demande de résiliation avant de statuer sur le bien-fondé du licenciement prononcé par l'employeur.

Au soutien de sa demande, [G] [S] invoque essentiellement le harcèlement moral qu'il a subi de la part de son employeur. La réalité de ce harcèlement étant très largement avérée, la résiliation judiciaire sollicitée sera prononcée aux torts exclusifs de l'employeur, sans qu'il soit ici besoin d'examiner en outre le grief subsidiairement tiré par le salarié d'un manquement de l'employeur à l'obligation de résultat lui imposant de veiller à sa santé et à sa sécurité au travail.

Cette résiliation étant consécutive à un harcèlement moral, elle produira, conformément aux dispositions de l'article L 1152'3 du code du travail, les effets d'un licenciement nul, et ce à compter du 10 décembre 2013, date de notification du licenciement notifié par l'employeur.

À cette date, l'ancienneté de [G] [S] au sein de la SACOVIV à prendre en compte pour le calcul de son indemnité de licenciement était de 5 ans et 6 mois. En effet, il n'est pas sérieux de la part de l'employeur de soutenir que son contrat de travail avait été suspendu durant son mandat social de directeur général délégué, alors que la délibération du conseil d'administration lui ayant confié ce mandat social a expressément précisé que ce contrat de travail était maintenu dans ces conditions et que d'ailleurs l'employeur n'a jamais cessé de lui verser son salaire en exécution du contrat de travail, ne lui réglant par ailleurs qu'une rémunération complémentaire au titre de son mandat de directeur général délégué.

L'examen des bulletins de paye de [G] [S] figurant en pièce 34'1 de l'employeur permet de constater qu'il a perçu au cours des 12 mois précédant la rupture de son contrat de travail une somme totale de 64'146,16 euros bruts, soit une moyenne de 5345,51 euros par mois.

L'employeur est donc mal fondé à invoquer ici un salaire de base de 4788,44 euros, qui n'intègre pas la prime de 13e mois versée au salarié.

[G] [S] ne revendiquant ici qu'un salaire moyen de 5220,91 euros bruts, c'est cette somme qui sera retenue comme salaire de référence pour le calcul de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis, des lors que la cour ne peut allouer au demandeur des sommes supérieures à celle qu'il réclame.

Les dispositions de la convention collective applicable la relation de travail prévoient le versement à un salarié licencié disposant de plus de 2 ans d'ancienneté d'une indemnité conventionnelle de licenciement égal à 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté, ce qui fonde la réclamation de [G] [S] au titre de cette indemnité conventionnelle à hauteur de 7178,75 euros.

De même, [G] [S] aurait dû effectuer un préavis d'une durée de 3 mois conformément aux dispositions conventionnelles et est donc fondé à solliciter la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 15'662,73 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1566,27 euros au titre des congés payés y afférents.

Conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, ces indemnités de nature salariale porteront intérêt à compter du 10 décembre 2013, dans la mesure où elles ont été réclamées dès le mois d'octobre 2013. par le salarié à l'employeur dans sa saisine du conseil de prud'hommes, cette saisine valant première mise en demeure de payer dont il soit justifié.

Par application de l'article L 1235'3'1 du code du travail le salarié ayant subi la rupture de son contrat de travail par suite de harcèlement et fondés à réclamer l'indemnisation de son préjudice né de cette rupture, c'est indemnisation ne pouvant être inférieur au salaire qu'il a perçu pour ses 6 derniers mois de travail.

En l'espèce, [G] [S] sollicite la condamnation de son employeur à lui payer à ce titre la somme de 187'952,76 euros, équivalente à 36 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise (40 personnes), des circonstances très particulières de la rupture consécutive à un harcèlement moral, du montant précité de la rémunération versée à [G] [S] , de son âge au jour de son licenciement (60 ans), de son ancienneté à cette même date, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3-1 du code du travail, une somme de 130'000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

Il y a donc lieu de condamner la société SACOVIV à payer cette somme à [G] [S] , avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt .

Enfin, [G] [S] sollicite la condamnation de la société SACOVIV à lui payer la somme de 15'662,73 euros, soit 3 mois de salaire, à titre de dommages-intérêts pour procédure vexatoire de licenciement.

Au soutien de cette demande, il fait valoir qu'il a été licencié dans des conditions particulièrement vexatoires, son employeur allant jusqu'à refuser de lui adresser la parole lors de l'entretien préalable et à le priver ainsi de toute possibilité d'apporter ces explications sur les faits qui lui étaient reprochés, et qu'une telle situation traduit le mépris à son égard de son employeur, qui n'a par ailleurs pas hésité à largement communiquer à ce sujet dans la presse.

Il y a lieu toutefois de relever que ce comportement de l'employeur figure parmi les éléments constitutifs du harcèlement moral à l'origine du prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la SACOVIV, et qu'en l'état [G] [S] ne rapporte pas la preuve de ce qu'il aurait subi, du fait de ce comportement vexatoire, un préjudice distinct qui ne soit pas déjà réparé par les dommages-intérêts alloués ci-dessus en réparation des dommages nés pour le salarié de la rupture de son contrat de travail produisant des effets d'un licenciement nul.

Cette demande sera donc rejetée comme mal fondée.

5.'Sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires :

[G] [S] sollicite la condamnation de la SACOVIV lui payer la somme de 9896,10 euros bruts au titre d'heures supplémentaires lui restant dû, outre les congés payés y afférents. Cette somme correspond, selon son décompte figurant en pièce 65, aux heures supplémentaires qu'il soutient avoir accomplies entre le 16 septembre et le 10 décembre 2013 et non, comme le soutient mensongèrement employeur dans ses écritures, au cours de la période de son mandat social de directeur général délégué.

La durée légale du travail effectif de 35 h par semaine prévue à l'article L.3121-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article 3121-22 du même code.

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l'espèce, il y a lieu de constater que [G] [S] n'avait durant cette période litigieuse du 16 septembre 10 décembre 2013 plus aucune fonction de cadre dirigeant autonome et n'a bénéficié d'aucune convention de forfait.

Il verse aux débats au soutien de sa demande des fiches de temps établis pour les mois de septembre à novembre 2013, dûment signées tant par lui-même que par la directrice générale [C] [X], ce qui n'est pas contesté matériellement.

Ces éléments laissent présumer l'accomplissement effectif par l'intéressé des 278 heures + 15 heures supplémentaires qu'il invoque et dont il demande aujourd'hui le paiement.

La cour constate que l'employeur ne rapporte pas la preuve de ce que ce salarié n'aurait pas accompli ces heures supplémentaires, étant précisé qu'il s'avère, après vérification, que les fiches de temps produites tiennent bien compte des absences pour congés et/ou maladie du salarié invoquées par l'employeur.

Il y a donc lieu de faire droit la demande de [G] [S] sur la base d'un taux horaire de 27,0 2 € brut pour le total ici réclamé de 9804 16,10 euros bruts outre 989,61 euros bruts de congés payés y afférents.

Cette somme portera, conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, intérêts au taux légal à compter de l'audience de non conciliation du 13 février 2014, au cours de laquelle elle a été réclamée pour la première fois à l'employeur par le salarié.

6.'Sur les demandes accessoires :

Partie perdante, la SACOVIV supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

[G] [S] a dû pour la présente instance exposer tant en première instance qu'en appel des frais de procédure et honoraires non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser intégralement à sa charge.

La société SACOVIV sera donc condamnée à lui payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

DÉBOUTE la Société anonyme de construction de la ville de Vénissieux (SACOVIV) de son exception de nullité de l'acte d'appel formé par [G] [S] le 13 février 2016 et DÉCLARE cet appel recevable ;

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,

DIT que [G] [S] a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur la SACOVIV ;

PRONONCE l'annulation de l'avertissement disciplinaire notifié à [G] [S] par la SACOVIV le 4 octobre 2013 ;

PRONONCE aux torts de l'employeur la résiliation judiciaire du contrat de travail liant les parties;

DIT que cette résiliation est réputée intervenue à compter du 10 décembre 2013 et produit les effets d'un licenciement nul comme consécutif à un harcèlement moral ;

CONDAMNE la Société anonyme de construction de la ville de Vénissieux (SACOVIV) à payer à [G] [S] les sommes suivantes :

' 7178,75 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2013 ;

'15'662,73 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1566,27 euros de congés payés y afférents, ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2013 ;

' 130'000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

'9896,10 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires restant dues pour le mois de septembre à novembre 2013 inclus, outre 989,61 euros de congés payés y afférents, cet somme portant intérêts au taux légal à compter du 13 février 2014 ;

DIT que les sommes ainsi allouées par le présent arrêt supporteront, s'il y a lieu, les cotisations et contributions prévues par le code de la sécurité sociale ;

CONDAMNE la Société anonyme de construction de la ville de Vénissieux (SACOVIV) aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE la Société anonyme de construction de la ville de Vénissieux (SACOVIV) à payer à [G] [S] la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le GreffierLe Président

Gaétan PILLIEMichel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 16/01160
Date de la décision : 08/09/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°16/01160 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-08;16.01160 ?
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