La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2017 | FRANCE | N°15/09631

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 23 juin 2017, 15/09631


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 15/09631





[R]



C/

Me MJ SYNERGIE - Mandataire liquidateur de SAS BEL MAILLE

SAS BEL MAILLE

AGS CGEA DE CHALON-SUR-SAONE DELEGATION UNEDIC AGS







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

du 02 Décembre 2015

RG : F13/00159











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 23 JUIN 2017



r>


APPELANT :



[B] [R]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1] (PORTUGAL)

[Adresse 1] ,

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Roland VIGNON de la SELARL SELARL AD JUSTITIAM, avocat au barreau de ROANNE substituée par Me S...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 15/09631

[R]

C/

Me MJ SYNERGIE - Mandataire liquidateur de SAS BEL MAILLE

SAS BEL MAILLE

AGS CGEA DE CHALON-SUR-SAONE DELEGATION UNEDIC AGS

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROANNE

du 02 Décembre 2015

RG : F13/00159

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 23 JUIN 2017

APPELANT :

[B] [R]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1] (PORTUGAL)

[Adresse 1] ,

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Roland VIGNON de la SELARL SELARL AD JUSTITIAM, avocat au barreau de ROANNE substituée par Me Sylvain SENGEL, avocat au barreau de ROANNE

INTIMÉES :

Me MJ SYNERGIE (SELARL [G] [S]) - Mandataire liquidateur de SAS BEL MAILLE

[Adresse 3]

[Localité 2]

non comparant

SAS BEL MAILLE

[Adresse 4]

[Localité 3]

non comparante

AGS CGEA DE CHALON-SUR-SAONE DELEGATION UNEDIC AGS

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représenté par Me Pierre- yves LUCCHIARI de la SELARL SELARL LUCCHIARI, avocat au barreau de ROANNE substituée par Me Marie-harmony BELLONI, avocat au barreau de ROANNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 05 Mai 2017

Présidée par Ambroise CATTEAU, Vice-Président placé magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Géraldine BONNEVILLE, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Elizabeth POLLE-SENANEUCH, président

- Marie-Christine DE LA SALLE, conseiller

- Ambroise CATTEAU, vice président placé faisant fonction de conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 23 Juin 2017 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président et par Géraldine BONNEVILLE, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Le 11 octobre 1999, la société Bel Maille embauchait Monsieur [B] [R] sous contrat à durée déterminée, la relation contractuelle s'étant poursuivie à durée indéterminée. Ce dernier occupait en dernier lieu le poste de conducteur de rame au coefficient 170, affecté à l'équipe de nuit, en contrepartie d'une rémunération mensuelle brute de 1 555,99 €.

Le 21 février 2012, Monsieur [B] [R] était élu en qualité de membre suppléant de la Délégation unique du personnel.

Le 16 avril 2012, il était victime d'un accident du travail, pris en charge par la Caisse primaire d'assurance maladie de la Loire et placé en arrêt de travail jusqu'au 13 juillet 2012, avec poursuite des soins sans arrêt de travail jusqu'au 19 février 2013, date de la consolidation de son état de santé.

Par jugement, en date du 22 août 2012, le tribunal de commerce de Roanne prononçait l'ouverture d'une mesure de sauvegarde à l'égard de la SAS Bel Maille et désignait le Selarl AJ Partnaires représentée par Maître [N] en qualité d'administrateur judiciaire et la Selarl MJ Synergie représentée par Maître [S] [G] en qualité de mandataire judiciaire.

Le 14 septembre 2012, la société Bel Maille engageait une procédure de licenciement pour motif économique à l'égard de 25 salariés.

Par courrier, en date du 9 novembre 2012, la société Bel Maille informait Monsieur [R] de ce que la suppression de son poste était envisagée et lui communiquait différentes offres d'emploi externe à l'entreprise en l'invitant à prendre attache avec le cabinet PBC en vue de la réalisation d'un bilan professionnel, un délai de 15 jours lui étant imparti pour opter sur les propositions de reclassement sous peine de refus tacite. Le plan de sauvegarde de l'emploi était joint et Monsieur [R] était convié à une réunion d'information sur le contrat de sécurisation professionnelle.

Par courrier, en date du 26 novembre 2012, Monsieur [R] était convoqué à un entretien, fixé au 7 décembre 2012, préalable à une éventuelle mesure de licenciement pour motif économique.

Par courrier, en date du 7 décembre 2012, la société Bel Maille communiquait à Monsieur [R], les informations relatives a contrat de sécurisation professionnelles auquel elle lui proposait d'adhérer.

Le Comité d'entreprise se prononçait avec 2 abstentions et 2 voix pour un avis défavorable au licenciement de Monsieur [R].

Le 12 décembre 2012, la société Bel Maille sollicitait de l'Inspection du travail, son autorisation de licencier Monsieur [R].

Par décision, en date du 8 février 2013, l'Inspecteur du travail autorisait le licenciement de Monsieur [R].

Par décision, en date du 19 juillet 2013, Monsieur le Ministre du Travail, saisi d'un recours hiérarchique de Monsieur [R], annulait la décision de l'Inspecteur du travail et autorisait le licenciement de ce dernier.

Par courrier en date du 12 février 2013, la société Bel Maille notifiait à Monsieur [R] son licenciement pour motif économique dans les termes suivants :

'Compte tenu de l'évolution structurelle du marché sur lequel nous évoluons, la société et le groupe auquel elle appartient doivent faire face depuis 2007 à une diminution forte et continue de chiffre d'affaires et de marge.

L'industrie textile française fait en effet face à des difficultés structurelles liées aux stratégies de délocalisation des productions de vêtements et à la baisse de consommation en Europe.

L'industrie textile est par ailleurs actuellement en surcapacité de production, ce qui impacte les prix à la baisse. En conséquence, la concurrence est plus vive et les marges baissent dans toute la filière.

Chez Bel Maille, il en est résulté une diminution forte et continue du chiffre d'affaires depuis 2001 de 41 % ( 2001: 30 millions d'euros, 2011: 17,9 millions).

En plus de cette évolution structurelle, nous devons faire face à une nouvelle baisse significative des commandes et une forte pression sur les prix de vente du fait de la diminution générale de l'activité à laquelle nos clients sont confrontés. Ainsi, la production en tonnes est tombée à 1 010 tonnes en 2010 et à 840 tonnes à fin 2011, soit une diminution de 17 % par an.

Début 2012, la société a par ailleurs subi la perte de deux marchés très importants en volume ( maille unie pour la lingerie et distributeurs intégrés)

A l'issue des 7 premiers mois de l'année 2012, nous avons enregistré, par rapport à la même période 2011, une chute de chiffres d'affaires de 34 %, de production de 37 % et du carnet de commandes de 31 % avec des perspectives pour le second semestre de - 25 %.

Malgré l'ensemble des mesures prises au cours des dernières années, la société reste onc largement déficitaire. Après 4 années d'exercice clôturés en perte ( 2008 - 331 K€; 2009 - 1 539 K€ ; 2010 - 141 K€ et 2011 - 197 K€ ), les pertes d'exploitation sont de 840 K€ sur le premier semestre 2012.

Le groupe dans son ensemble, est également en difficulté puisque la société BM Finance qui détient la société Bel Maille est elle-même endettée et doit faire face à des remboursements d'emprunts très importants.

Compte tenu de la gravité de la situation, la société Bel Maille et sa maison mère, la société BM Finance, ont été autorisées par le tribunal de commerce de Roanne, à effet au 22 août 2012, à mettre en place une procédure de sauvegarde.

Dans ces conditions, en l'absence de toute amélioration prévisible de la situation, nous sommes donc contraints pour tenter d'assurer la survie de la société de mettre en place un plan de restructuration qui implique la suppression du poste que vous occupez.

Nous avons recherché toute solution de reclassement au sein de l'entreprise et du groupe d'une part, et d'autre part, en externe conformément au PSE mis en oeuvre dans le cadre de cette procédure.

Toutefois, aucune solution n'est envisageable à l'heure actuelle dans l'entreprise et le groupe vous concernant. Nous sommes donc contraints de rompre nos relations contractuelles.

S'agissant de nos recherches externes, nous vous avons remis le 9 novembre, une lettre de propositions de reclassement sur des postes disponibles. A l'issue du délai de réflexion de 15 jours, vous n'avez pas donné de suite favorable à ces propositions.

Comme nous vous l'avons précédemment indiqué, vous avez la possibilité d'adhérer au Contrat de Sécurisation Professionnelle.

Pour vous permettre de choisir entre le licenciement économique ou la rupture du fait de l'adhésion au Contrat de Sécurisation professionnelle, nous vous avons adressé le 23 novembre dernier, une documentation établie par Pôle emploi rappelant que, pour ce choix, vous disposez d'un délai de 21 jours calendaires.

Si vous adhérez au contrat de Sécurisation Professionnelle, votre contrat de travail sera automatiquement rompu le 17 décembre 2012 au soir et la présente lettre deviendra sans objet.

Si au contraire à la date précitée, au plus tard, vous n'avez pas fait connaître votre réponse sur la proposition du Contrat de Sécurisation Professionnelle ou, bien entendu, si vous l'avez refusée, la présente lettre constituera la notification de votre licenciement.

Conformément à la loi, la date à laquelle cette lettre vous sera présentée marquera le point de départ de votre préavis d'une durée de deux mois.

Nous vous informons toutefois que nous vous dispensons intégralement de son exécution. Vous continuerez à percevoir votre rémunération jusqu'au terme du préavis précité.

A l'expiration de votre contrat de travail, nous vous adresserons par courrier séparé le solde de votre compte, un certificat de travail, et l'attestation Pôle emploi'.

Le 10 juillet 2013, Monsieur [R] saisissait le Conseil de Prud'hommes de Roanne aux fins de voir:

- dire et juger que le plan de sauvegarde de l'emploi du 29 octobre 2012 est insuffisant et entaché de nullité,

- dire et juger que la rupture conséquente de son contrat de travail est entachée de nullité et à titre subsidiaire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- dire et juger que la société Bel Maille n'a pas respecté les critères d'ordre des licenciements,

- fixer ses créances au passif de la procédure collective de la société Bel Maille à la somme de 25 007,63 € au titre de la nullité de son licenciement et à tout le moins au titre du non respect des critères d'ordre des licenciements et 1 500 € à titre d'indemnité pour frais irrépétibles,

- ordonner la remise d'une attestation destinée à Pôle emploi, d'un certificat de travail, de bulletins de paye rectifiés et conformes aux dispositions de la décision à intervenir,

- dire le jugement opposable à l'AGS dont la garantie est acquise pour l'intégralité des créances fixées à l'exception de l'indemnité pour frais irrépétibles.

Par jugement en date du 31 juillet 2013, le tribunal de commerce de Roanne arrêtait un plan de sauvegarde de la société Bel Maille, ledit plan étant résolu par jugement en date du 4 juin 2014 avec ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

Par jugement, en date du 16 octobre 2014, le tribunal de commerce de Roanne prononçait la liquidation judiciaire de la société Bel Maille et désignait la Selarl MJ Synergie représentée par Maître [S] [G] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement en date du 2 décembre 2015, le Conseil de Prud'hommes de Roanne, statuant par son juge départiteur, déclarait irrecevables l'ensemble des demandes de Monsieur [R].

Par courrier reçu le 15 décembre 2015 au greffe de la Cour d'appel de Lyon, Monsieur [R] interjetait appel du jugement précité.

L'affaire était plaidée à l'audience du 5 mai 2017 et mise en délibéré à ce jour par mise à disposition au greffe.

Monsieur [R] demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions et de :

- dire et juger que le plan de sauvegarde de l'emploi du 29 octobre 2012 est insuffisant et entaché de nullité,

- dire et juger que la rupture conséquente de son contrat de travail est entachée de nullité,

- dire et juger que son licenciement, intervenu au cours de la période de suspension de son contrat de travail pour accident du travail, est entaché de nullité,

- dire et juger que la société Bel Maille n'a pas respecté les critères d'ordre des licenciements,

- dire et juger que son licenciement est irrégulier,

- fixer ses créances au passif de la procédure collective de la société Bel Maille aux sommes de 25 007,63 € à titre de dommages et intérêts au titre de la nullité de son licenciement, et à titre subsidiaire, du défaut de cause réelle et sérieuse et à défaut, au titre du non-respect des critères d'ordre des licenciements, et 2 500 € à titre d'indemnité pour frais irrépétibles,

- ordonner la remise d'une attestation destinée à Pôle emploi, d'un certificat de travail, de bulletins de paye rectifiés et conformes aux dispositions de la décision à intervenir,

- dire le jugement opposable à l'AGS dont la garantie est acquise pour l'intégralité des créances fixées à l'exception de l'indemnité pour frais irrépétibles.

La Selarl MJ Synergie en qualité de liquidateur de la société Bel Maille demande la confirmation du jugement et la condamnation de Monsieur [R] à lui payer une indemnité de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles.

Le CGEA de Chalon sur Saône demande la confirmation du jugement déféré.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.

MOTIFS:

Chacune des parties ayant comparu, le présent jugement sera contradictoire.

1/ Sur la demande de nullité du plan de sauvegarde de l'emploi,

La contestation de la validité du plan de sauvegarde de l'emploi devant la juge judiciaire, ne concerne pas le bien-fondé de la décision administrative ayant autorisé le licenciement et ne porte donc pas atteinte à au principe de la séparation des pouvoirs.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce sens et l'action en nullité du plan de sauvegarde de l'emploi sera donc déclarée recevable.

Selon les dispositions de l'article L 1233-61 du code du travail, dans leur rédaction applicable au présent litige, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre.

Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile.

Selon celles de l'article L 1233-62 du code du travail, dans leur rédaction applicable au présent litige, le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que:

1° Des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure,

2° des créations d'activité nouvelle par l'entreprise,

3° des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi,

4° des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés,

5° des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents;

6° Des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires réalisées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à trente cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée.

Selon celles de l'article 1235-10 alinéa 2 du code précité, dans leur version applicable au présent litige, la validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou l'unité économique et sociale ou le groupe.

Il résulte des dispositions précitées que le plan de sauvegarde doit comporter des mesures précises et concrètes pour éviter ou limiter les licenciements et pour faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement est inévitable. En l'absence d'emplois disponibles en rapport avec les compétences des salariés, au besoin au moyen d'une formation d'adaptation, il ne saurait être fait grief à une entreprise de ne pas avoir mentionné de postes de reclassement disponibles dans le plan de sauvegarde de l'emploi.

En l'espèce, le plan de sauvegarde de l'emploi présenté par l'employeur au Comité d'entreprise mentionne:

- les conditions de mise en oeuvre du contrat de sécurisation professionnelle,

- la forme et les délais de proposition de reclassement de chaque salarié,

- au titre du reclassement interne au sein de la société, que des reclassements internes pourraient être envisagés si des postes venaient à se libérer,

- au titre du reclassement externe, une recherche de postes concernant les entreprises du bassin roannais par l'intermédiaire e la chambre syndicale de la maille et Pôle emploi, quel que soit le secteur d'activité, et dans toutes les entreprises au niveau régional intervenant dans le domaine du secteur textile par l'intermédiaire du syndicat UNITEX, avec l'envoi d'un profil professionnel détaillé anonymisé de chaque salarié concerné,

- les mesures prises pour favoriser le reclassement externe, notamment la mise en place,

* d'un cellule de reclassement, proposant la réalisation d'un bilan professionnel, la détermination d'un projet professionnel, l'élaboration d'un curriculum vitae, l'apprentissage de méthodes de recherches d'emploi, des entraînements aux entretiens de sélection,

* d'aides à la formation, avec un budget de 1 000 € par salarié en cas de formation d'adaptation ( 1 500 € pour les salariés de plus de 50 ans), et de 1 500 € en cas de formation reconversion ( 2 000 € pour les salariés de plus de 50 ans ),

* d'aides à la création d'entreprises, avec un budget de 2 000 € par salarié,

* d'aides à la mobilité géographique, avec notamment une prise en charge des frais de déménagement à concurrence de 500 €,

* de mesures spécifiques destinées aux salariés de plus de 50 ans.

Au titre des actions en vue de favoriser le reclassement interne des salariés sur des emplois de même catégorie ou de catégorie inférieure avec l'accord du salarié, le plan de sauvegarde de l'emploi mentionne que des reclassements internes pourraient être envisagés au cas où des postes viendraient à se libérer dès lors qu'un reclassement suppose l'existence d'un autre poste disponible. Or, le liquidateur produit le registre d'entrée et de sortie du personnel lequel établit qu'aucun poste, autre que les 25 postes supprimés par le licenciement collectif opéré, n'était vacant. Ainsi, le maintien de l'emploi de l'appelant dans l'entreprise supposait la création d'un autre poste excédant l'obligation de reclassement de l'employeur à qui il ne peut être fait grief d'avoir stipulé l'existence d'un possible reclassement interne conditionné à une vacance de poste.

Un reclassement interne dans un périmètre élargi suppose l'existence d'un groupe d'entreprises dont la société Bel Maille ferait partie.

Or, les possibilités de reclassement d'un salarié doivent être recherchées à l'intérieur d'un groupe auquel appartient l'employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel; la seule détention d'une partie du capital de la société Bel Maille par une société BM informatique, n'implique pas en soi la possibilité d'effectuer entre elles une permutation de tout ou partie de leur personnel et ne caractérise donc pas l'existence d'un groupe au sein duquel le reclassement devait s'effectuer.

Si le plan de sauvegarde pour l'emploi ne mentionne pas l'existence d'une possibilité de reclassement dans le groupe composé de la société BM Finance, société holding détenant le capital de la société Bel Maille et de la société Alliance Informatique dans laquelle la société BM Finance détenait une participation, ce défaut de mention doit être examiné eu égard à la nature de leur activité respective.

Or, la société Holding a pour objet social la gestion de fonds de placement et la société Alliance Informatique a pour objet social, la programmation informatique, soit deux secteurs d'activité totalement étrangers à l'activité de fabrication et de création de tissus mailles.

L'appelant ne peut donc faire grief au plan de sauvegarde de l'emploi de ne pas faire mention de propositions de reclassement dans les sociétés du groupe.

Au titre des actions de nature à favoriser un reclassement externe, la cellule de reclassement mise en place n'avait pas de caractère illusoire dès lors que si aucun reclassement interne ne pouvait être envisagé, une recherche de reclassement externe pouvait intervenir, soit dans une entreprise extérieure, soit par la création d'entreprise, les deux pouvant nécessiter notamment une aide pour mettre en place un projet professionnel et réaliser un bilan de compétences, permettant notamment de donner une suite utile aux 15 offres de reclassement communiquées aux salariés concernés par le projet de licenciement collectif.

Par ailleurs, le liquidateur de la société Bel Maille justifie que cette dernière a, par courrier reçu le 30 octobre 2012, communiqué à la chambre syndicale de la Maille les profils professionnels des postes concernés par le licenciement, laquelle en a informé ses adhérents. De même, l'employeur justifie avoir adressé à Pole emploi par courriel en date du 30 octobre 2012, avec rappels en date des 5 et 7 novembre 2012, le courrier précité, ainsi qu'à la commission paritaire de l'emploi par lettre recommandée avec accusé de réception et par courriel au syndicat Unitex qui a fait réponse le 7 novembre 2012.

Enfin, l'employeur justifie avoir été en lien direct avec les société Lacoste, Thuasne, Shime Seiki France, Textile de la Dunière, Esprit Maille, et Bonneterie Gautier et avoir transmis les offres d'emploi reçues à l'ensemble des salariés.

Il s'en déduit que dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi, l'employeur justifie avoir exécuté son obligation, de moyen, de recherche de reclassement externe des salariés licenciés, laquelle a donné lieu à la transmission de 15 offres d'emploi externes à l'entreprise refusées par les salariés.

Au titre des actions de soutien à la création d'activités nouvelles et d'aides à la formation, sous forme d'aides financières, le montant des aides à la formation (1 000 € ), à la création d'entreprise (2 000 €) et à la mobilité géographique (500 € ), l'appelant qui n'invoque pas l'existence d'autres mesures susceptibles d'être financées par l'employeur, n'établit pas le caractère insuffisant du montant alloué pour l'exécution des prestations retenues.

En tout état de cause, l'insuffisance alléguée des aides allouées doit être examinée par rapport à la situation financière de la société Bel Maille. Cette capacité financière ne se mesure pas par rapport au montant des dividendes distribuées à l'actionnaire mais par rapport à l'indice de performance de l'entreprise, à son résultat comptable, et au montant de sa trésorerie.

Le résultat d'exploitation résulte de la différence entre les produits et les charges d'exploitation et permet d'apprécier les performances de l'entreprise indépendamment de sa politique d'investissement ou de distribution. Or, le résultat d'exploitation de l'exercice 2011 était déficitaire de 196 883 € et celui de l'exercice 2012 s'est révélé déficitaire de 1 309 396 €.

De même, le résultat de l'exercice incluant les produits et charges d'exploitation, les produits et charges financières et les produits et charges exceptionnelles, était déficitaire de 420 423 € au 31 décembre 2011 et de 2 010 476 € au 31 décembre 2012. Ainsi, la distribution à l'actionnaire de dividendes d'un montant de 350 000 €, au cours de l'exercice 2012, doit être confrontée à l'endettement de ce dernier de 1 500 000 € et de son obligation de remboursement annuel d'emprunt de 200 000 €. Elle est sans incidence sur la perte de rentabilité de l'activité et la dégradation très importante du résultat d'exploitation entre les exercices 2011 et 2012.

Enfin, la trésorerie de la société Bel Maille de 293 216 € au 31 décembre 2011, a été réduite à 77 516 € au 31 décembre 2012 de sorte que ses disponibilités financières ne lui permettaient pas de financer le plan de sauvegarde de l'emploi pour un montant supérieur à celui arrêté d'environ 100 000 €.

Il s'en déduit que le caractère prétendument dérisoire des aides financières stipulées dans le plan précité n'est pas établi et ne peut fonder la nullité de ce dernier.

Par conséquent, la demande de nullité du plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas fondée et Monsieur [R] sera débouté de sa demande à ce titre.

2/ Sur la demande de nullité du licenciement prononcé au cours de la période de suspension du contrat de travail,

La demande de nullité du licenciement au motif de sa notification pendant une période de suspension du contrat de travail n'a pas été examinée par l'autorité administrative ayant autorisé le licenciement de Monsieur [R] de sorte qu'elle ne porte pas atteinte à la séparation des pouvoirs. Le jugement déféré sera donc infirmé en ce sens et l'action en nullité du licenciement fondée sur la suspension du contrat de travail sera donc déclarée recevable.

Par contre, lorsque l'autorisation de licenciement a été accordé pour un motif économique, le juge judiciaire ne peut contrôler le respect de l'obligation individuelle de reclassement, qui a déjà été vérifié par l'inspecteur du travail.

Selon les dispositions de l'article L 1226-9 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

En application de cette disposition, l'impossibilité de maintenir le contrat n'est caractérisée, en cas de suppression pour motif économique de l'emploi, que si le reclassement du salarié n'est pas possible.

En l'espèce, Monsieur [R] justifie avoir été victime d'un accident du travail en date du 16 avril 2012 pris en charge par la CPAM de la Loire et avoir été placé en arrêt de travail jusqu'au 13 juillet 2012, date à laquelle il n'a pas bénéficié d'une visite médicale de reprise par le médecin du travail de sorte que son contrat de travail était suspendu au jour de la notification, en date du 12 février 2013, de son licenciement.

Or, l'autorisation administrative a retenu, le motif économique du licenciement de Monsieur [R], l'impossibilité de son reclassement, et a autorisé son licenciement; sa décision s'impose au juge judiciaire en vertu de la séparation des pouvoirs. L'impossibilité de maintenir le contrat de travail pour une cause économique, fondant le licenciement de Monsieur [R], est donc établie.

Ainsi, l'employeur établit, au sens des dispositions de l'article L 1226-9 du code du travail, l'impossibilité de maintenir le contrat de travail de Monsieur [R] pour un motif économique, soit un motif autre que l'accident ou la maladie, exception légale permettent de rompre un contrat de travail suspendu.

Monsieur [R] n'est donc plus fondé à invoquer la suspension de son contrat de travail, comme moyen de nullité de son licenciement.

Enfin, les motifs de la lettre de licenciement mentionnent la cause économique du licenciement et de l'impossibilité de procéder au reclassement interne ou externe de Monsieur [R].

Il s'en déduit que la demande relative à la nullité de son licenciement pour cause de suspension de son contrat de travail, n'est pas fondée et sera rejetée.

3/ Sur la demande fondée sur le non-respect des critères d'ordre,

La contestation des critères d'ordre des licenciements devant le juge judiciaire, ne concerne pas le bien-fondé de la décision administrative ayant autorisé le licenciement et ne porte donc pas atteinte au principe de la séparation des pouvoirs.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce sens et l'action en dommages et intérêts à ce titre sera donc déclarée recevable.

L'article 54 de la convention collective de l'industrie textile relatif aux licenciements collectifs stipule que les licenciements s'opéreront dans chaque catégorie suivant les règles générales prévues en matière de licenciement et conformément au règlement intérieur, compte tenu à la fois des charges de famille, de l'ancienneté de service dans l'établissement et des qualités professionnelles. Cet ordre n'est pas préférentiel.

Selon celles de l'article L 1233-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, l'employeur, en l'absence de convention collective applicable, définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements après consultation du comité d'entreprise.

Ces critères pour fixer l'ordre des licenciements prennent notamment en compte:

1° les charges de famille, en particulier celles des parents isolés,

2 ° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise,

3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celles des personnes handicapées et des salariés âgés,

4° Les qualités professionnelles appréciées par cette catégorie.

L'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements ne rend pas la rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse mais constitue pour le salarié, une illégalité entraînant pour le salarié un préjudice pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de son emploi et doit être intégralement réparé selon son étendue.

En l'espèce, en l'état d'une convention collective applicable fixant les critères d'ordre des licenciements, ceux fixées par la convention doivent être suivies, les critères légaux précités ayant un caractère supplétif et n'ayant vocation à s'appliquer qu'en l'absence de convention collective. En effet, les dispositions précitées de l'article L 1233-5 prévoient expréssément que les critères légaux ne s'appliquent qu''en l'absence de convention collective applicable'.

En l'état d'une dérogation légale expresse, il ne peut donc être fait grief à l'employeur d'avoir appliqué les seuls critères mentionnés dans la convention collective, laquelle ne retient pas notamment le critère lié à l'âge.

La société Bel Maille a donc valablement appliqué les critères conventionnels de la manière suivante:

- charges de familles: enfant à charge ( 4 points ) et supplément parent isolé ( 2 points )

- ancienneté : inférieure à 5 ans: 0 point et supérieur à 5 ans, 2 points,

- Qualités professionnelles avec possibilité d'attribuer jusqu'à 12 points en considération des qualités professionnelles suivantes: niveau de formation ( 2 points ), savoir-faire professionnel en fonction des besoins de l'entreprise ( 6 points ), compétences particulières ( 2 points ), polyvalence ( 2 points ).

Au titre du critère des charges de famille, Monsieur [R] est père de 4 enfants à charge et s'est donc vu attribuer 4 points à ce titre.

Au titre du critère de l'ancienneté, 2 points ont été attribués à Monsieur [R] en l'état d'une ancienneté supérieur à 5 ans.

Au titre du critère des qualités professionnelles, et notamment du critère du niveau de formation, ce critère se fonde sur le niveau d'études et les diplômes obtenus. le tableau d'attribution des points aux salariés de la catégorie ' ouvriers' ( D3) établit que seuls les titulaires d'un BTS ou d'un diplôme supérieur ont obtenu 2 points.

Or, Monsieur [R] n'allègue, ni ne justifie avoir obtenu un diplôme de niveau BTS ou de niveau supérieur de sorte que sa demande d'attribution de points au titre du niveau de formation n'est pas fondée.

Au titre du critère du savoir faire professionnel, le maximum de six points a été attribué à Monsieur [R] dont la compétence a donc été reconnue.

Au titre du critère des compétences professionnelles particulières donnant droit à l'attribution de deux points, elles supposent une compétence spécifique supplémentaire, tel n'est pas le cas d'une validation d'un stage de 7 heures effectué, le 15 avril 1999, sur le thème de l'entretien et du perfectionnement des connaissances pour des tricoteurs, tricoteurs régleurs et chefs d'équipe.

Au titre du critère de la polyvalence, la Cour doit statuer au seul vu des pièces produites dans la présente instance. Or aucune pièce versée au débat ne permet d'établir les conditions alléguées par le liquidateur et relatives à l'exercice de trois postes de techniques différentes, à un accord écrit de polyvalence et à un sur-classement de coefficient par rapport à celui du poste occupé. Ainsi, la polyvalence peut être établie par tous moyens et notamment par témoignage versé au débat.

Or, le témoignage de Monsieur [U] fait état d'un travail en binome avec Monsieur [R] et d'une permutation, effective jusqu'en 2009, date de son départ à la retraite, de fait convenue entre les salariés entre les fonctions de conducteur de rame, de visiteur, de préparateur au fendage de tissus, et de nettoyage de la machine toutes les semaines, leur polyvalence leur permettant de passer d'un poste à un autre afin de respecter le planning. Ainsi, ce témoignage précis et portant sur une longue période est suffisant pouir établir la polyvalence de l'appelant.

Ainsi, Monsieur [R] est fondé à soutenir que deux points auraient du lui être attribué par l'employeur au titre de sa polyvalence.

Par contre, il n'établit pas le préjudice susceptible de résulter du non-respect des critères d'ordre de licenciement dès lors que la société Bel Maille a été déclarée en liquidation judiciaire quelques mois plus tard et qu'il aurait, en tout état de cause, été licencié pour motif économique.

Par conséquent, Monsieur [R] sera débouté de sa demande de paiement de dommages et intérêts pour non-respect des critères d'ordre de licenciement.

4/ Sur les demandes accessoires,

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de chacune des parties.

Monsieur [R], partie perdante, supportera les dépens d'appel.

Compte tenu de la situation financière respective des parties, l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de chacune des parties.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition des parties après que ces dernières aient été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

- Infirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

- Statuant à nouveau et y ajoutant,

- Déclare recevables l'intégralité des demandes de Monsieur [B] [R],

- Déboute Monsieur [B] [R] de toutes ses demandes,

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de chacune des parties,

- Condamne Monsieur [B] [R] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Géraldine BONNEVILLE Elizabeth POLLE SENANEUCH


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 15/09631
Date de la décision : 23/06/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°15/09631 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-23;15.09631 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award