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20/06/2017 | FRANCE | N°16/00355

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 20 juin 2017, 16/00355


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 16/00355





[D]



C/

SARL ARCANE ARCHITECTES







Saisine sur renvoi de la Cour de Cassation



jugement du conseil de prud'hommes de GRENOBLE du 25 juin 2012

RG : F 11/00871



arrêt de la Cour d'appel de GRENOBLE du 30 janvier 2014

RG : 12/03139



arrêt de la Cour de Cassation de PARIS

du 23 Septembre 2015

RG : C 1414916











COUR D'APPEL DE LYON




CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 20 JUIN 2017













APPELANT :



[E] [D]

[Adresse 1]



comparant en personne, assisté de Me Anouk GERVAT, avocat au barreau de GRENOBLE







INTIMÉE :



SARL ARCANE ARCHITECTES

[Adresse 2...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 16/00355

[D]

C/

SARL ARCANE ARCHITECTES

Saisine sur renvoi de la Cour de Cassation

jugement du conseil de prud'hommes de GRENOBLE du 25 juin 2012

RG : F 11/00871

arrêt de la Cour d'appel de GRENOBLE du 30 janvier 2014

RG : 12/03139

arrêt de la Cour de Cassation de PARIS

du 23 Septembre 2015

RG : C 1414916

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 20 JUIN 2017

APPELANT :

[E] [D]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Anouk GERVAT, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE :

SARL ARCANE ARCHITECTES

[Adresse 2]

[Adresse 1]

représentée par Me GIBERT, avocat au barreau de GRENOBLE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Mai 2017

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Laurence BERTHIER, Conseiller le plus ancien faisant fonction de Président

Hervé LEMOINE, Conseiller

Muriel GUILLET, Vice-Président placé

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 20 Juin 2017, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Laurence BERTHIER, Conseiller le plus ancien faisant fonction de Président , et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

La société ARCANE ARCHITECTES est une agence d'architecture et d'urbanisme qui réalise principalement des logements collectifs et des équipements publics et emploie 18 salariés.

Elle a embauché le 2 mai 2007 d'abord par contrats à durée déterminée puis à compter du 27 novembre 2007 par contrat à durée indéterminée Monsieur [E] [D] en qualité de collaborateur d'architecte. Il était classé au coefficient 370, statut Non cadre, de la convention collective des entreprises d'architecture.

Sa rémunération mensuelle s'élevait à 2 987,42 euros bruts pour 164,76 heures mensuelles correspondant à un forfait hebdomadaire de 13 heures supplémentaires.

Le 4 février 2011, la société ARCANE ARCHITECTES adressait un courrier au salarié intitulé 'fautes professionnelles' reprochant divers manquements dans le traitement de deux dossiers et lui enjoignait de changer ses méthodes de travail.

Par lettre du 21 février 2011, Monsieur [D] contestait les fautes qui lui étaient reprochées et formulait diverses demandes notamment relatives à la requalification de son statut et le paiement d'heures supplémentaires.

Il était placé en arrêt maladie à compter du 1er mars 2011.

Le 8 mars 2011, l'employeur répondait au courrier en maintenant l'avertissement au regard de divers manquements et refusait de donner une suite favorable aux demandes de Monsieur [D].

Le 25 mars 2011, Monsieur [D] a saisi le conseil des prud'hommes de Grenoble aux fins de requalification de son statut, d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et pour obtenir un rappel de salaires ainsi que le paiement d'heures supplémentaires.

Par jugement du 25 juin 2012, le conseil des prud'hommes de Grenoble a :

- débouté [E] [D] de sa demande de requalification de son statut en position de cadre et son reclassement au niveau IV, position 1, coefficient 430 de la convention collective nationale des entreprises d'architecture ainsi que de sa demande de rappels de salaires subséquente ;

- débouté [E] [D] de sa demande de paiement d'heures supplémentaires et de repos compensateurs ;

- dit n'y avoir lieu à annulation de l'avertissement du 4 février 2011 ;

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société ARCANE ARCHITECTES avec effet au 25 juin 2012, date du jugement ;

- condamné la société ARCANE ARCHITECTES à payer à [E] [D] :

avec intérêts au taux légal à compter de la demande :

* 5 974,84 euros au titre du préavis,

* 2 290,35 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 826,52 euros pour les congés payés afférents ;

Avec exécution provisoire de droit en application de l'article R 1454-28 du code du travail et production du bulletin de salaire correspondant et avec intérêts au taux légal à compter du jugement :

avec intérêts au taux légal à compter du jugement :

* 18 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et

sérieuse ;

* 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté [E] [D] du surplus de ses demandes ;

- condamné la société la société ARCANE ARCHITECTES aux dépens.

Le 12 juillet 2012, [E] [D] a interjeté appel de cette décision.

Lors d'une visite de pré-reprise organisée le 9 décembre 2013, le médecin du travail déclaré Monsieur [D] 'inapte à tous les postes dans l'entreprise ARCANE ARCHITECTES vu le danger immédiat pour la santé du salarié en application de l'article R4624-31 du Code du travail, ....inapte au poste d'architecte procédure en une seule visite'.

Par courrier du 3 janvier 2014, la S.A.R.L. ARCANE ARCHITECTES convoquait Monsieur [D] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé le 13 janvier 2014.

Par courrier du 17 janvier 2014, la S.A.R.L. ARCANE ARCHITECTES notifiait à Monsieur [D] son licenciement pour inaptitude.

Le 30 janvier 2014, la Cour d'appel de Grenoble a rendu l'arrêt suivant :

- Confirme le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société ARCANE ARCHITECTES avec effet au 25 juin 2012 et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation de l'avertissement du 4 février 2011 ;

- L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau :

- Requalifie le statut contractuel de non-cadre de [E] [D] et le reclasse au niveau IV position 1 coefficient 430 de la convention collective des entreprises d'architecture.

- Condamne en conséquence, la société ARCANE ARCHITECTES à payer à [E] [D], suite à la requalification :

*15 687,87 euros au titre du rappel de salaires de mai 2007 à février 2011 ;

* 1 568,78 euros pour les congés payés y afférents ;

avec intérêts au taux légal à compter de la demande :

- Ordonne la délivrance des fiches de paie correspondantes rectifiées ;

- Condamne en outre la société ARCANE ARCHITECTES à payer à [E] [D]

*18 728,65 euros au titre des heures supplémentaires de mai 2007 à février 2011 ;

* 1 872,86 euros pour les congés payés y afférents ;

* 499,60 euros au titre de repos compensateur ;

* 49,96 euros pour les congés payés y afférents ;

avec intérêts au taux légal à compter de la demande :

- Condamne la société ARCANE ARCHITECTES à payer à [E] [D], suite à la résiliation du contrat de travail :

*10 097,25 euros au titre du préavis ;

* 1 009,72 euros à titre de congés payés y afférents

* 3 836,95 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ; avec intérêts au taux légal à compter de la demande :

* 2 580,40 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

*30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

avec intérêts au taux légal à compter du jugement :

- Condamne la société ARCANE ARCHITECTES à payer à [E] [D], suite à la résiliation du contrat de travail :

- Condamne la société ARCANE ARCHITECTES à payer à [E] [D] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la société ARCANE ARCHITECTES aux dépens.

La S.A.R.L. ARCANE ARCHITECTES a formé un pourvoi.

Par arrêt du 23 septembre 2015, la Cour de Cassation a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 30 janvier 2014 entre les parties par la cour d'appel de Grenoble et a remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, les renvoyant devant la cour d'appel de Lyon.

Le 15 janvier 2016, Monsieur [D] a saisi la cour d'appel de Lyon.

Par ses dernières conclusions déposées le 2 mai 2017, telles qu'exposées oralement le jour de l'audience, Monsieur [D] demande à la cour de :

- Requalifier le statut de non cadre de Monsieur [D] en cadre, en le reclassant au Niveau IV, Position 1, et coefficient de 430 de la convention collective

- Dire et juger que la preuve des heures supplémentaires effectuées par Monsieur [D] est rapportée;

En conséquence,

- Condamner la Société ARCANE ARCHITECTES à verser à Monsieur [D] les sommes suivantes :

- 15 687,87 € à titre de rappel de salaire de mai 2007 à février 2011

- 1 568,78 € à titre de l'indemnité de congés payés y afférent

- 32 597,63 € au titre des heures supplémentaires effectuées de mai 2007 à février 2011

- 3 259,76 € au titre de l'indemnité de congés payés y afférent

- 17 515,15 € à titre d'indemnité de repos compensateur

- 1 751,51 € l'indemnité de congés payés y afférent

- Ordonner, sous astreinte la délivrance des fiches de paie rectifiées en autant de mois considérés par les rappels de salaires sollicités avec mentions du statut cadre et des cotisations de retraite AGIRC afférentes.

- Dire et juger que la société ARCANE ARCHITECTES a manqué de façon suffisamment grave à ses obligations contractuelles.

En conséquence,

- Confirmer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société ARCANE

- Condamner la Société ARCANE ARCHITECTES à verser à Monsieur [D] les sommes suivantes :

- 5 974,84 € au titre des 2 mois de préavis

- 597,48 € à titre de l'indemnité de congés payés y afférent 2290,35 € au titre de l'indemnité légale de licenciement

- 3 405,55 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés

Ou,

- Condamner la Société ARCANE ARCHITECTES à verser à Monsieur [D] les sommes suivantes si statut cadre :

- 10 097,25 € au titre des 3 mois de préavis

- 1 009,72 € à titre d'indemnité de congés payés y afférent 2580,40 € à titre d'indemnité de licenciement

- 3 836,95 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés

- Condamner la Société ARCANE Architectes à verser à Monsieur [D] les sommes suivantes :

- 90 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- Annuler l'avertissement notifié à Monsieur [D].

- Condamner aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions déposées le 24 avril 2017, telles qu'exposées oralement le jour de l'audience, la S.A.R.L. ARCANE ARCHITECTES demande à la cour de :

- DIRE et JUGER que Monsieur [D] n'a pas été embauché et n'a pas travaillé comme architecte en titre pour la société ARCANE ARCHITECTES,

-DIRE et JUGER que Monsieur [D] n'a pas exercé des attributions de l'architecte en titre, relevant du coefficient 430 de la convention collective,

-DEBOUTER Monsieur [D] de sa demande de classification au coefficient 430 de la convention collective,

-DEBOUTER Monsieur [D] de ses demandes de rappels de salaire relatives au coefficient 430, soit 15 687,87 € bruts et 1 568,78 bruts de congés payés afférents ainsi que l'indemnité compensatrice de préavis (3 mois), le rappel sur l'indemnité de licenciement et le rappel sur l'indemnité compensatrice de congés payés,

- DIRE et JUGER que Monsieur [D] n'a pas respecté l'horaire collectif,

- CONSTATER que Monsieur [D] n'a pas accompli d'heures supplémentaires à la demande de la société ARCANE ARCHITECTES,

-DEBOUTER Monsieur [D] de ses demandes au titre des heures supplémentaires (32 597,63 bruts), congés payés afférents (3 259,76 bruts), d'indemnité de repos compensateur (17 515,15 € bruts) et de congés payés afférents (1 751,51 bruts),

- DIRE et JUGER que le courrier du 4 février 2011 repose sur des faits justifiés et prouvés,

- DIRE et JUGER qu'il n'y a pas lieu d'annuler l'avertissement du 4 février 2011,

- CONSTATER que Monsieur [D] n'établit pas le lien de causalité entre l'avertissement du 4 février 2011 et la dégradation de son état de santé,

- DIRE et JUGER qu'il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [D],

- DEBOUTER Monsieur [D] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis (2 ou 3 mois selon le coefficient retenu), les congés payés afférents, de 90 000 € de dommages-intérêts,

- DIRE et JUGER qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'établissement de bulletins de paie rectificatifs,

- DIRE et JUGER que le licenciement de Monsieur [D] pour inaptitude repose sur une cause réelle et sérieuse,

- DEBOUTER Monsieur [D] de sa demande de 90 000 € de dommages-intérêts,

- CONSTATER que l'arrêt de la Cour d'Appel de GRENOBLE du 30 janvier 2014 a totalement été exécuté par la société ARCANE ARCHITECTES pour un montant de 65 240,72 € nets, avant d'être cassé par l'arrêt de la Cour de Cassation du 23 septembre 2015,

- ORDONNER à Monsieur [D] la restitution des sommes perçues en exécution de l'arrêt de la Cour d'Appel de GRENOBLE soit la somme de 62 997,51 euros nets, déduction faite du montant de 2 243,21 euros correspondant à l'indemnité de licenciement pour inaptitude, demeurant acquise à Monsieur [D],

- DEBOUTER Monsieur [D] de sa demande de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- CONDAMNER Monsieur [D] à la somme de 3 000 euros au titre du fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et de le condamner aux dépens.

***

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de requalification de classification professionnelle

Monsieur [D] fait valoir pour soutenir sa demande de requalification en statut cadre, niveau IV, position 1 coefficient 430 de 'la convention collective' :

- Il est 'architecte en titre' ayant la qualification d'architecte et étant inscrit à l'ordre régional des architectes depuis mars 2002 et, à ce titre, doit bénéficier de la qualification revendiquée.

- Il a été en charge d'exécuter des missions clés et spécifiquement dévolues à l'architecte, sans que l'ensemble des phases soient abordées sur chaque dossier, tels que : ESQ (études d'esquisses), AVP (études d'avant projet: PAS : avant projet sommaire et APD : avant projet détaillé) DPC (dossier de demande de permis de construire), PRO (avec DCE dossier de consultation des entreprises), EXE (études d'exécution), SYN (Plan de synthèse) , VISA (visa des études d'exécutions) ACT (assistance pour passation des contrats de travaux).

- Il disposait d'une autonomie réelle dans l'exercice de ses fonctions puisqu'il est établi qu'il travaillait seul sur les projets, sous la responsabilité d'un associé qui ne faisait que superviser son travail

- Il a été anormalement classé au niveau III Position 2 correspondant au coefficient 370 (niveau II de l'éducation nationale).

- Il a toujours été engagé en qualité d'architecte dans ses emplois précédents, au coefficient 430 qui est le minimum prévu par la convention collective.

- En outre, il doit bénéficier de la position cadre, le coefficient étant supérieur à 400.

La S.A.R.L. ARCANE ARCHITECTES réplique que :

- Monsieur [D] n'a pas été employé en qualité d'architecte en titre.

- Les exigences de la convention collective n'étaient pas remplies puisque d'une part les contrats de travail de Monsieur [D] ne mentionnaient pas que le titre d'architecte du salarié était utilisé par l'entreprise d'architecture et d'autre part ils ne faisaient pas référence aux dispositions de la loi sur l'architecture et notamment la signature des projets et l'obligation d'assurance professionnelle de l'employeur.

- Monsieur [D] ne signait pas les plans des permis de construire

- Monsieur [D] n'a pas justifié auprès de son employeur de son inscription à l'ordre des architectes.

- Les bulletins de salaire ne comportaient pas la mention 'architecte en titre'.

- Monsieur [D] était rattaché et placé sous l'autorité d'un architecte dans la partie de la gestion des projets qui lui étaient confiés.

- Il est intervenu uniquement sous la responsabilité de divers architectes et/ou co-gérant de la société, essentiellement sur les phases PRO-DCE de différents projets (DIVERCITE, La Troche ZH3, AFIPAIEM, Echirolles ILOT R, etc...) mais il n'a jamais réalisé de conception architecturale, de pilotage d'équipe, de question globale, de suivi économique ou de suivi de chantier, ni travaillé en autonomie.

***

Il est constant que Monsieur [D] est titulaire du diplôme d'architecte bien qu'il ne le produise pas aux débats. Lors de la conclusion du contrat de travail, il a été employé en qualité de collaborateur d'architecte, coefficient 370, statut non cadre.

Aux termes de la convention collective nationale des entreprises d'architecture, le niveau IV position 1 coefficient 430 revendiqué par Monsieur [D] correspond aux salariés qui 'réalisent et organisent, sous la condition d'en rendre compte à leur direction, des missions à partir de directives générales. Leur activité s'exerce dans le cadre d'une autonomie définie ponctuellement.

Ils sont, dans cette limite, responsables de l'accomplissement de leurs missions.

Les emplois de ce niveau comportent des missions nécessitant d'une part la maîtrise des outils nécessaires à leur réalisation d'autre part la capacité à analyser les contraintes liées à leur activité acquises par :

- diplôme de niveau II ou de niveau I de l'éducation nationale ;

- des formations continues ou autres ;

- et/ou une expérience professionnelle acquise aux positions précédentes.

L'architecte en titre est classé à cette position. (cf. article III-2-2)'.

L'article III-2-2 dispose que 'lorsqu'il y a accord entre l'employeur et le salarié pour que le titre d'architecte de ce dernier soit utilisé par l'entreprise, il doit être tenu compte des dispositions suivantes : le contrat d'embauche (ou l'avenant pour les salariés déjà en place) doit stipuler que le titre d'architecte du salarié est utilisé par l'entreprise d'architecture. Il doit faire référence aux dispositions de la loi sur l'architecture de 1977, notamment celles concernant la signature des projets et celles portant sur l'obligation d'assurance professionnelle de l'employeur. Le salarié devra justifier de son inscription à l'ordre des architectes. Le bulletin de salaire doit comporter la mention 'architecte en titre', correspondant au coefficient hiérarchique figurant sur la grille de référence. En l'absence d'un contrat tel que défini ci-dessus, l'employeur ne peut en aucun cas mentionner le titre d'architecte du salarié dans les références et autres documents de son entreprise, y compris sur le bulletin de salaire'.

Il ressort de ces dispositions que pour prétendre au coefficient 430 en qualité d' 'architecte en titre' comme le fait Monsieur [D], celui-ci aurait dû envisager avec son employeur l'utilisation de son titre d'architecte et les conditions dans lesquelles il pouvait signer des projets.

Or d'une part, les parties n'ont pas entendu contracter dans ces conditions dès lors que si Monsieur [D] justifie être inscrit au tableau de l'ordre depuis 2002 de son propre chef, il n'établit pas en avoir fait état à son employeur, il ne démontre pas, ni ne soutient avoir signé ses propres projets, ni que l'entreprise ait utilisé le titre d'architecte le concernant, ni que le contrat de travail ait fait référence aux dispositions de la loi sur l'architecture de 1977.

Il ne pouvait donc prétendre à la qualification d' 'architecte en titre'.

D'autre part, l'attestation de Madame [I] produite par Monsieur [D] établit que celui-ci était spécialisé sur la phase DCE, travaillait sous la responsabilité d'un associé chef de projet qui supervisait son travail en faisant le point sur l'avancement de son travail plusieurs fois par semaine.

Il est constant qu'il n'exerçait pas toutes les missions d'architecte (prospection, élaboration des projets, réunions, demandes de permis de construire...).

L'attestation produite n'étant pas de nature à combattre les dispositions conventionnelles précitées desquelles il se déduit que la classification de Monsieur [D] est bien celle qui lui a été attribuée aux termes du contrat de travail liant les parties, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de reclassification et la demande en paiement de rappels de salaires en découlant.

Sur la demande de rappels d'heures supplémentaires

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié'; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Pour étayer sa demande le salarié doit produire des éléments factuels suffisamment précis quant au volume de travail effectué en heures supplémentaires pour mettre l'employeur en mesure de répondre en fournissant ses propres éléments.

En l'espèce, pour étayer sa demande, Monsieur [D] fait valoir qu'il effectuait des heures supplémentaires puisqu'une 'semaine type' comptait au moins 44 heures par semaine soit 9 heures supplémentaires dont seulement 3 rémunérées dan le forfait, outre 6 semaines 'charette' par an à 54 heures et 2 semaines par an incluant les samedis soit 63 heures.

Il invoque des courriels adressés en dehors des horaires de l'agence et les attestations de deux collègues.

La S.A.R.L. ARCANE ARCHITECTES s'oppose à la demande au motif que le calcul systématique de Monsieur [D] n'est pas pertinent et notamment par la réduction systématique qu'il fait de sa pause déjeuner.

Elle soutient que Monsieur [D] a pris des heures de récupérations et qu'il a été rappelé au salarié qu'il devait respecter les horaires de l'agence sans effectuer d'heures supplémentaires.

Toutefois, il ne ressort ni du calcul purement théorique opéré par le salarié sur la base d'un nombre d'heures supplémentaires fixes par semaine, ni de la production de sept courriels adressés en soirée postérieurement aux horaires de fermeture de l'agence correspondant à des envois de plans ou demande de renseignement, ni encore de deux attestations d'anciens collègues faisant état de la réalisation d'heures supplémentaires, des éléments suffisamment précis quant au volume de travail effectué en heures supplémentaires, au-delà du forfait pour permettre à l'employeur d'y répondre.

Il ne peut être fait droit à la demande de Monsieur [D] dans ces conditions.

Sur la demande d'annulation de l'avertissement

Aux termes de l'article L 1331-1 du Code du travail :

'Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération'.

En l'espèce, il convient d'observer au préalable que les parties s'accordent pour considérer que la lettre du 4 février 2011 constitue un avertissement et que la S.A.R.L. ARCANE ARCHITECTES a ainsi entendu sanctionner par écrit Monsieur [D].

Celui-ci sollicite l'annulation de cette sanction jugée injustifiée selon lui et conteste la qualification de recadrage retenue par le conseil.

Il soutient s'agissant du premier grief que le reproche de défaut de transmission du dossier modifié au contrôleur technique ne peut lui être imputé car il n'était ni responsable de la phase ACT (dossier marché), ni de la phase EXE (plans d'exécution), ni du suivi de chantier.

Il prétend par ailleurs que le second grief est infondé puisque la méthode graphique de représentation qu'il a utilisée ne peut être mise en cause dans la perte réelle de temps sur cette affaire et encore moins dans l'insatisfaction du client.

La S.A.R.L. ARCANE ARCHITECTES prétend que les griefs sont établis par les pièces produites et qu'il n'y a pas lieu d'annuler l'avertissement prononcé.

***

Il est reproché à Monsieur [D] d'avoir en premier lieu, pour le dossier [C], dans le cadre de la réalisation de la phase PRO-DCE, d'avoir mis en place des détails de façades, et notamment les détails d'embrasure de baies, 'en relation soit disant avec le bureau de contrôle. Or, il s'avère aujourd'hui que ces détails ont été mis au point sans aucune communication et donc validation du bureau de contrôle. Ceci nous conduit à faire modifier des plans, les marchés entreprises et à créer une dépense supplémentaire au client...nous met en porte à faux avec le client principal de l'agence'.

La S.A.R.L. ARCANE ARCHITECTES produit le rapport de contrôle technique faisant état de la non conformité de détails transmis (pièce 22).

Les explications de Monsieur [D] sur la communication des informations en phase PRO ne répondent pas au grief allégué qui apparaît justifié, le salarié ne contestant pas cette 'carence' mais faisant valoir de manière inopérante que d'autres contrôles intermédiaires auraient dû la révéler par la suite.

Il est reproché par ailleurs à Monsieur [D], dans le dossier de constructions de logements PERETTO, où il devait réaliser des esquisses de faisabilité, d'avoir utilisé 'une méthode présentation graphique peu rentable, très brouillonne qui a généré une perte de temps très importante et une impossibilité pour vous-même à vous concentrer sur les objectifs de fonctionnement et d'optimisation des logements...ont généré un appel de mise en demeure de la part du client m'indiquant que si les choses ne revenaient pas à la normalité, nous perdions l'affaire. J'ai dû présenter mes excuses à ce client par écrit et confier cette affaire à d'autres personnes dans l'agence...'.

La S.A.R.L. ARCANE ARCHITECTES justifie avoir présenté ses excuses au client PERETTO le 20 janvier 2011 concernant la 'piètre qualité des logements présentés' précisant à son client que 'nous revoyons tout d'ici demain afin que tu puisses regarder de vrais plans de logements dès lundi'.

Monsieur [D] ne conteste pas le ralentissement de son travail dans ce dossier qu'il impute à de nombreux changements de programme imposés par le maître d'ouvrage et par d'autres tâches non prévues au planning.

Monsieur [D] ne verse toutefois aucune pièce pour justifier de ce qu'il allègue.

Les griefs étant justifiés, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'annulation de l'avertissement reçu.

Sur la demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur

Il est constant que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation était justifiée et que c'est seulement s'il l'estime non fondée qu'il doit statuer sur le licenciement.

Il incombe au salarié qui sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail de démontrer le caractère réel et suffisamment grave des faits reprochés à son employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Monsieur [D] fait valoir le non respect par l'employeur de ses obligations découlant de la convention collective en matière de rémunération. Il prétend qu'en outre l'altération de son état de santé a pour origine l'attitude de l'employeur qui l'a déstabilisé en lui infligeant un avertissement le 11 février 2011. Il invoque les éléments médicaux de son dossier qui établissent sa souffrance au travail. Ainsi l'employeur a manqué selon lui à son obligation 'de sécurité de résultat' ce qui fonde sa demande de résiliation du contrat de travail.

La S.A.R.L. ARCANE ARCHITECTES soutient que l'avertissement délivré était parfaitement justifié, que Monsieur [D] n'avait jamais alerté auparavant son employeur sur une éventuelle surcharge de travail et que la preuve que l'arrêt de travail pour maladie est la conséquence d'une dégradation de ses conditions de travail n'est pas apportée.

Il ressort des motifs qui précèdent que l'employeur n'a pas failli à ses obligations en matière de rémunération et que la sanction d'avertissement infligée était justifiée.

Par ailleurs, les pièces médicales versées aux débats par Monsieur [D] qui relèvent l'existence d'un syndrome anxio-dépressif de celui-ci ne font que reprendre les dires de Monsieur [D] quant aux causes alléguées. Il n'est pas contesté que le caractère professionnel de la maladie n'a pas été retenu par l'organisme social.

Au vu de ces éléments, il ne peut être fait droit à la demande de résiliation du contrat de travail.

Le jugement doit être infirmé de ce chef et Monsieur [D] doit être débouté de l'ensemble de ses demandes indemnitaires à ce titre.

Sur la demande de remboursement

La S.A.R.L. ARCANE ARCHITECTES demande que soit ordonnée la restitution des sommes qui ont pu être versées en application de l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble.

Toutefois, le présent arrêt, infirmatif quant aux condamnations au paiement de diverses sommes prononcées à l'encontre de la S.A.R.L. ARCANE ARCHITECTES, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande.

Sur les dépens et l'indemnité procédurale

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la S.A.R.L. ARCANE ARCHITECTES aux dépens et au versement d'une indemnité procédurale.

Monsieur [D] qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris ceux de l'arrêt cassé.

Au vu des circonstances économiques de la cause, il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [D] de ses demandes de requalification de son statut et de rappels de salaires pour heures supplémentaires et dit n'y avoir lieu à annulation de l'avertissement du 4 février 2011.

L'infirme sur le surplus.

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Déboute Monsieur [D] de ses demandes au titre de la résiliation du contrat de travail.

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de remboursement de condamnations.

Laisse à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles.

Condamne Monsieur [D] aux dépens de première instance et d'appel en ce compris ceux de l'arrêt cassé.

Le greffierLe Président

Sophie MASCRIERLaurence BERTHIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 16/00355
Date de la décision : 20/06/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°16/00355 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-20;16.00355 ?
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