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01/06/2017 | FRANCE | N°15/03351

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 01 juin 2017, 15/03351


R.G : 15/03351









Décision du tribunal de commerce de Lyon

Au fond du 13 mars 2015



RG : 2014J716

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 01 Juin 2017





APPELANTE :



SASU OPTIVERSE CONSULTING

[Adresse 1]

[Localité 1]



représentée par la SELARL BISMUTH AVOCATS, avocat au barreau de LYON

assistée de Maître Djamel SEOUDI, avocat au barrea

u de PARIS, substitué par Maître Delphine HALIMI, avocat au barreau de PARIS









INTIMEE :



SA APRIL

[Adresse 2]

[Localité 2]



représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau ...

R.G : 15/03351

Décision du tribunal de commerce de Lyon

Au fond du 13 mars 2015

RG : 2014J716

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 01 Juin 2017

APPELANTE :

SASU OPTIVERSE CONSULTING

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par la SELARL BISMUTH AVOCATS, avocat au barreau de LYON

assistée de Maître Djamel SEOUDI, avocat au barreau de PARIS, substitué par Maître Delphine HALIMI, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

SA APRIL

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

assistée de la SCP BES SAUVAIGO ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 10 mai 2016

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 mars 2017

Date de mise à disposition : 18 mai 2017, prorogée au 1er juin 2017, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure

Audience tenue par Jean-Louis BERNAUD, président et Vincent NICOLAS, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Ouarda BELAHCENE, greffier

A l'audience, Vincent NICOLAS a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Jean-Louis BERNAUD, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Vincent NICOLAS, conseiller

Signé par Jean-Louis BERNAUD, président, et par Sylvie BOURRAT, greffier-en-chef, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

La SASU OPTIVERSE CONSULTING est une société de conseil spécialisée dans le domaine de la direction générale d'entreprise.

La SA APRIL est un courtier multi-spécialiste dans le domaine des assurances.

Les représentants légaux de ces deux sociétés, Mrs [L] [K] et [U] [L], respectivement directeur général et président directeur général, sont entrés en pourparlers. Antérieurement à la création de sa société, M.[K] avait été président du directoire de la Caisse d'Epargne Rhône Alpes (CERA).

Le 23 septembre 2013, la société OPTIVERSE CONSULTING a adressé à la société APRIL un courrier électronique auquel était joint une 'proposition d'accompagnement de la présidence du groupe'. Cette proposition, tout en indiquant qu'il était difficile de prévoir d'emblée une durée de mission, mentionnait que le budget proposé, soit une somme de 240.000 € H.T, couvrait une période de six mois, de janvier à juin 2014. Elle précisait aussi qu'en se basant sur un début de travaux fixé au 2 janvier 2014, les honoraires facturés chaque mois forfaitairement s'élèveraient à 40.000 € H.T.

M. [L] répondait le même jour par mail à cette proposition.

Un accord de confidentialité a été ensuite signé par les deux sociétés, avec prise d'effet au 1er octobre 2013.

Le 21 novembre suivant, M. [L] a adressé un mail à M. [K], rédigé comme suit :'en annonçant à mon équipe rapprochée notre projet de collaboration, j'ai fait face à une levée de boucliers que je n'avais pas anticipée. Je pense que l'épisode CERA a laissé quelques traces dans les esprits. Il me sera difficile dans ces conditions de réussir votre intégration particulièrement en cette période où j'entame une mutation profonde du groupe. Je me vois contraint de renoncer (...) à ce projet de collaboration qui me tenait à coeur '.

La société OPTIVERSE CONSULTING a alors notifié à la société APRIL, mais sans succès, une mise en demeure de paiement dans les quinze jours de la somme de 240.000 € à titre de dommages-intérêts.

La société OPTIVERSE CONSULTING a saisi ensuite le 31 mars 2014 le tribunal de commerce de Lyon en demandant que la société APRIL soit condamnée à lui payer cette somme à titre de dommages-intérêts, pour rupture abusive et vexatoire des relations contractuelles.

Par jugement du 13 mars 2015, le tribunal de commerce a :

- débouté la société OPTIVERSE CONSULTING de sa demande de dommages-intérêts ;

- débouté la société APRIL de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et condamné la société OPTIVERSE CONSULTING à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration transmise au greffe le 20 avril 2015, la société OPTIVERSE CONSULTING a interjeté appel de cette décision.

Vu les conclusions du 12 février 2016 de la société OPTIVERSE CONSULTING, déposées et notifiées, par lesquelles elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement ;

- dire qu'une convention à durée déterminée est née de l'émission d'une offre par la société OPTIVERSE CONSULTING et de son acceptation par la société APRIL ;

- condamner cette dernière à lui payer la somme de 240.000 € H.T à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive et vexatoire des relations contractuelles ;

- subsidiairement, si une convention à durée indéterminée a été conclue entre les parties, dire que la période de deux mois comprise entre sa conclusion et sa terminaison, ouvre un droit à paiement, et condamner en conséquence la société APRIL à lui payer la somme de 80.000 € à titre de dommages-intérêts ;

- plus subsidiairement, dire que la société APRIL a rompu de manière abusive les pourparlers et la condamner en conséquence à lui payer la somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts ;

- la condamner en tout état de cause à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions du 23 juillet 2015 de la société APRIL, déposées et notifiées, par lesquelles elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement ;

- principalement, dire qu'aucun contrat ferme ne s'est formé entre la société OPTIVERSE CONSULTING et la société APRIL ;

- subsidiairement, dire que si un contrat s'est formé entre les parties, il l'a été pour une durée indéterminée, et a été rompu, avant toute exécution, avec un préavis suffisant ;

- très subsidiairement, dire que la société OPTIVERSE CONSULTING n'a pas subi de préjudice ;

- la condamner à lui payer la somme de 7.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 10 mai 2016.

SUR QUOI, LA COUR :

Attendu que la société OPTIVERSE CONSULTING fait valoir que :

- elle a émis une offre ferme et définitive de contracter avec la société APRIL, les caractéristiques essentielles de la convention, à savoir l'objet et le prix, étant bien définis dans cette offre ;

- la société APRIL a accepté, sans réserve, ni condition, cette offre, et elle a réitéré sa volonté de contracter dans l'accord de confidentialité et en lui remettant des documents confidentiels, ce qui caractérise un début d'exécution ;

- ce contrat était à durée déterminée, et sa rupture avant son terme lui a causé un préjudice, ce qui lui ouvre droit à réparation par l'allocation du montant qu'elle aurait pu réclamer en cas d'exécution de la convention jusqu'à son terme ;

Attendu que la société APRIL, pour conclure au contraire à la confirmation du jugement, soutient que :

- M. [K], dans son courrier électronique du 23 septembre 2013, ou dans son annexe, n'ayant pas exprimé la volonté de sa société d'être liée en cas d'acceptation, un contrat ferme n'a pu se former à cette date par les 'simples échanges électroniques' ;

- le document intitulé 'proposition d'accompagnement de la présidence du groupe' est un document sommaire, non signé, particulièrement évasif sur le contenu de la mission, sa nature, sa durée et ses modalités pratiques d'exécution ;

- le mail en réponse de M. [L] en date du 23 septembre 2013 est seulement un accord de principe sur les conditions de la mission envisagée, et essentiellement sur ses modalités financières ;

- cet accord ne peut constituer un contrat définitif, dans la mesure où les parties ont continué postérieurement leurs pourparlers, sans obligation d'aboutir, avant tout commencement d'exécution ;

- la signature d'un accord de confidentialité n'établit pas la conclusion d'un contrat définitif ;

- en conséquence, la renonciation au projet de collaboration du 21 novembre 2013 ne constitue pas une rupture des relations contractuelles établies ;

- la société OPTIVERSE CONSULTING n'établit pas que le contrat, s'il a été conclu le 23 septembre 2013, l'a été pour une durée déterminée ;

- il a été conclu, au regard des éléments du débat, pour une durée indéterminée ;

- elle pouvait donc y mettre fin à tout moment, et ce d'autant plus qu'il n'avait reçu aucun début d'exécution, et qu'elle a respecté un délai de préavis suffisant ;

Attendu cependant, et en premier lieu, qu'il résulte du courriel de M. [K] adressé à M. [L], par lequel il lui transmet sa proposition d'accompagnement de la présidence du groupe, que la société OPTIVERSE CONSULTING avait la volonté d'être liée en cas d'acceptation, M. [K] y affirmant notamment à son interlocuteur sa motivation d'être engagé à ses côtés ;

Attendu ensuite que cette proposition définit l'objet du contrat, à savoir 'accompagner, comme le ferait un adjoint, le président directeur général afin de s'intégrer dans le groupe, le connaître, identifier les changements d'organisation et de culture à opérer dans le but de les mettre en place de manière opérationnelle' ; qu'elle prévoit aussi des dispositions relatives au prix de la prestation de la société OPTIVERSE CONSULTING, la facturation mensuelle étant fixée à 40.000 € H.T ; qu'il ne peut s'agir d'un accord de principe, dans la mesure où la proposition ne stipule pas que les parties s'engagent à poursuivre la négociation des conditions d'un contrat futur ; qu'en tous cas, la société APRIL, en dehors de ses seules affirmations, ne produit aucun élément permettant de le constater ; qu'en réalité, le courrier de M. [K] du 23 septembre 2013, accompagné du document contractuel intitulé 'proposition d'accompagnement de la présidence du groupe', s'analyse en une offre précise, complète et ferme, qui a été acceptée sans aucune réserve par M. [L], ès qualité de représentant légal de la société APRIL, ainsi que cela ressort de son courrier du même jour ; qu'en effet, sa réponse est rédigée comme suit : 'je vous remercie de cet envoi. Les conditions de la mission me conviennent et je me réjouis de cette future collaboration (...). [G] [Y], mon assistante, se charge de vous constituer un dossier pour la prise de connaissance du groupe. Je reste à votre disposition si nécessaire avant le 1er janvier (...)'; qu'en outre, cette acceptation non équivoque de l'offre de la société OPTIVERSE CONSULTING par la société APRIL résulte d'une part de la signature le 1er octobre suivant d'un accord de confidentialité ayant pour objet la fixation des conditions de divulgation d'informations confidentielles à la société OPTIVERSE CONSULTING, dans le cadre de l'étude qui lui a été confiée, et d'autre part de la remise à M. [K], au mois d'octobre 2013, d'une clé USB comprenant des documents internes à la société intimée ;

Attendu en conséquence qu'un contrat s'est bien formé le 21 septembre 2013 entre la société OPTIVERSE CONSULTING et la société APRIL, ainsi que le relève à juste titre le tribunal de commerce ;

Attendu en second lieu que si la durée du contrat n'apparaît pas comme un élément essentiel dans la proposition d'assistance faite par la société OPTIVERSE CONSULTING, la durée de sa mission dépendait du résultat de cette assistance ; qu'il en découle que ce contrat est à durée déterminée, compte tenu de sa nature, mais avec un terme incertain et que la société APRIL ne pouvait y mettre fin de manière anticipée, sans justifier d'un manquement grave commis par la société OPTIVERSE CONSULTING, ce qu'elle n'allègue et ne démontre pas ;

Attendu que cette rupture anticipée a causé un préjudice à la société OPTIVERSE CONSULTING, caractérisé notamment par la privation de la perception du prix prévu en cas d'exécution de sa prestation ;

Attendu dans ces conditions que la société APRIL engage sa responsabilité à son égard ;

Attendu cependant que le quantum de ses dommages-intérêts ne peut pas être fixé au montant du prix convenu, en l'absence d'exécution du contrat, mais en fonction du préjudice résultant pour elle de sa résiliation prématurée ; que la société OPTIVERSE CONSULTING ne prouve pas en effet que le contrat, dont elle avait elle même fixé la prise d'effet au 2 janvier 2014, a reçu un commencement d'exécution avant sa résiliation ; qu'elle ne verse d'ailleurs aucun justificatifs de frais qu'elle aurait pu exposer à la suite de l'acceptation de son offre ; que dans ces conditions, il y a lieu de réparer son préjudice par l'allocation d'une indemnité de 40.000 € ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il déboute la société APRIL de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Et statuant à nouveau,

Condamne la société APRIL à payer à la société OPTIVERSE CONSULTING la somme de 40.000 € à titre de dommages-intérêts, avec les intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société APRIL et la condamne à payer à la société OPTIVERSE CONSULTING la somme de 5.000 € ;

Condamne la société APRIL aux dépens de première instance et d'appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER-EN-CHEFLE PRESIDENT

Sylvie BOURRATJean-Louis BERNAUD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 15/03351
Date de la décision : 01/06/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°15/03351 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-01;15.03351 ?
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