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16/05/2017 | FRANCE | N°16/04277

France | France, Cour d'appel de Lyon, Sécurité sociale, 16 mai 2017, 16/04277


AFFAIRE SÉCURITÉ SOCIALE



RAPPORTEUR





R.G : 16/04277

Jonction avec le RG 16/4461



[N]

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D'ASSURANCE VIEILLESSE



C/







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'AIN

du 25 Avril 2016

RG : 205.15


















































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Sécurité sociale



ARRÊT DU 16 MAI 2017













APPELANT:



[Z] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 2]



comparant en personne, assisté de Me Ouarda TABOUZI, avocat au barreau de LYON



Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 16/04461 (Fond)





INTIMEE

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYAN...

AFFAIRE SÉCURITÉ SOCIALE

RAPPORTEUR

R.G : 16/04277

Jonction avec le RG 16/4461

[N]

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D'ASSURANCE VIEILLESSE

C/

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'AIN

du 25 Avril 2016

RG : 205.15

COUR D'APPEL DE LYON

Sécurité sociale

ARRÊT DU 16 MAI 2017

APPELANT:

[Z] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Ouarda TABOUZI, avocat au barreau de LYON

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 16/04461 (Fond)

INTIMEE

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D'ASSURANCE VIEILLESSE

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représenté par Me Eric DEZ, avocat au barreau d'AIN substitué par Me Stéphanie BARADEL de la SCP ANTIGONE AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 16/04461 (Fond)

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Mars 2017

Présidée par Ambroise CATTEAU, Vice-Président placé, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président

Marie-Christine DE LA SALLE, Conseiller

Ambroise CATTEAU, Vice-Président placé

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 16 Mai 2017 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Monsieur [N] exerce l'activité de Consultant en qualité de travailleur indépendant depuis le 15 janvier 1995 et a procédé à son inscription au Centre de formalités des entreprises, lequel informait la Caisse nationale d'assurance maladie des professions indépendantes ( CANAM ). Cependant, Monsieur [N] n'était pas affilié au régime d'assurance vieillesse de base de la CIPAV.

Par courrier en date du 13 octobre 2014, la CIPAV informait Monsieur [N] qu'elle procédait à son affiliation au régime d'assurance retraite à compter du 1er janvier 2011.

Par requête déposée le 26 mars 2015, Monsieur [N] saisissait le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Ain d'une demande de mise en jeu de la responsabilité de la CIPAV pour manquement à son obligation d'affiliation et d'une demande de condamnation à lui payer la somme de 206 772 € de dommages et intérêts au titre de la réparation de son préjudice subi du fait de la perte de ses droits à pension de retraite.

Par jugement, en date du 25 avril 2016 notifié le 12 mai suivant, le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Ain condamnait la CIPAV à payer à Monsieur [N] la somme de 21 209,32 € à titre de dommages et intérêts outre une indemnité de 1 300 € au titre de ses frais irrépétibles.

Par déclaration en date du 1er juin 2016 au greffe du tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Ain, Monsieur [N] interjetait appel du jugement précité.

Par courrier reçu le 3 juin 2016 au greffe de la Cour d'appel de Lyon, le conseil de Monsieur [N] interjetait appel du jugement déféré, lequel était enregistré sous le numéro de rôle 16 /4277.

Par courrier reçu au greffe de la Cour, le 9 juin 2016, le conseil de la CIPAV formait appel incident du jugement déféré, lequel était enregistré sous le numéro 16/4461.

Par ordonnance, en date du 15 novembre 2016, la jonction était prononcée entre les instances n°16/4461 et 16/4277 sous le numéro le plus ancien 16/4277.

L'affaire était plaidée à l'audience du 21 mars 2017 et mise en délibéré à ce jour par mise à disposition au greffe.

Monsieur [N] demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré, sur le quantum de la condamnation prononcée, de statuer à nouveau et de condamner la CIPAV à lui payer une somme de 206 772 € à titre de dommages et intérêts réparant son préjudice résultant de la perte de ses droits à la retraite et de lui allouer une indemnité de 1 500 € au titre de ses frais irrépétibles.

La CIPAV demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré et de déclarer le tribunal des affaires de sécurité sociale incompétent et à titre subsidiaire de débouter Monsieur [N] de ses demandes.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont soutenues lors de l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Chacune des parties ayant comparu, le présent arrêt sera contradictoire.

1/ Sur la recevabilité de l'action en responsabilité exercée par Monsieur [N] à l'égard de la CIPAV,

Selon les dispositions de l'article L 142-2 du code de la sécurité sociale, le tribunal des affaires de sécurité sociale connaît en première instance des litiges relevant du contentieux général de la sécurité sociale.

Selon les dispositions combinées des articles R 142-1, R 142- 4 et R 142-18 du code précité, les réclamations contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale sont soumises à une commission de recours amiable, le tribunal des affaires de sécurité sociale étant saisi après l'accomplissement, le cas échéant, de la procédure prévue à la section 2 du présent chapitre, par simple requête, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision.

Cependant, si la procédure applicable en matière de contentieux de la sécurité sociale implique une saisine préalable de la commission de recours amiable dont l'omission constitue une fin de non-recevoir pouvant être soulevée en tout état de cause, les actions en dommages et intérêts engagées contre les organismes de sécurité sociale ne sont pas soumises à cette règle.

En l'espèce, Monsieur [N] exerce une action en responsabilité civile délictuelle à l'égard de la CIPAV aux fins d'indemnisation du préjudice résultant de son défaut d'affiliation imputable à cette dernière. Dès lors, cette action en justice n'est pas soumise à la saisine préalable obligatoire de la Commission de recours amiable applicable au seul contentieux technique de la sécurité sociale et non au contentieux du droit commun de la responsabilité civile.

Il s'en déduit que le premier juge a valablement retenu la recevabilité de l'action en responsabilité exercée par Monsieur [N] et la compétence du tribunal des affaires de sécurité sociale saisi directement par ce dernier pour statuer sur le bien fondé de son action.

2/ Sur le bien fondé de l'action en responsabilité exercée par Monsieur [N],

- Sur la mise en jeu de la responsabilité civile de la CIPAV,

En application des dispositions de l'article 1382 du code civil, dans leur version applicable au présent litige, la responsabilité d'un organisme social est engagée dès lors que la faute qu'il a commise à l'égard d'un assuré cause, à ce dernier, un préjudice.

Selon les dispositions des articles 5 et 6 du décret n°81-257 du 18 mars 1981, le centre de formalités des entreprises délivre au déclarant un récépissé de dépôt de la déclaration et la transmet sans délai aux organismes destinataires de la formalité, l'acceptation de la déclaration vaut déclaration auprès de l'organisme destinataire de la formalité, tel que la Caisse de retraite.

Ainsi, il résulte des dispositions précitées une présomption de déclaration auprès des organismes destinataires et l'organisme destinataire de la formalité doit donc rapporter la preuve, aux fins de mettre à néant les effets de cette présomption, de la non-transmission de la déclaration par le CFE ou de sa non-réception.

En l'espèce, Monsieur [N] produit une attestation de l'Urssaf Rhône-Alpes en date du 16 octobre 2014 établissant qu'il y est affilié depuis le 15 janvier 1995 en qualité de travailleur indépendant sous le numéro 827216028053.

Ainsi, en application des dispositions des 5 et 6 du décret n°81-257 du 18 mars 1981, l'affiliation de Monsieur [N] au Centre de formalités des entreprises vaut présomption de déclaration auprès des organismes destinataires de la formalité tels que la CIPAV, laquelle ne produit aux débats aucun élément de preuve de nature à établir qu'elle n'avait pas connaissance du début d'activité de Monsieur [N] en janvier 1995.

La présomption de déclaration auprès de la CIPAV doit donc produire ses effets et l'absence d'assujettissement de Monsieur [N] au titre de l'assurance-vieillesse pendant plus de quinze ans résulte d'une négligence fautive de cet organisme social. Le caractère portable des cotisations sociales et l'absence de vérification de Monsieur [N] de sa situation sociale pendant 15 ans sont sans effet sur la faute commise par la CIPAV et ne peuvent constituer qu'une cause d'exonération partielle, selon les modalités examinées ci-dessous.

Il s'en déduit que la CIPAV a engagé sa responsabilité délictuelle pour faute et que la mise en jeu de sa responsabilité l'oblige à réparer le préjudice en lien avec la faute commise.

- Sur la réparation du préjudice en lien avec la faute de la CIPAV,

Au titre des dispositions de l'article R 643-10 du code de la sécurité sociale, la CIPAV a demandé à Monsieur [N] le paiement rétroactif de ses cotisations au titre des exercices 2011 à 2014, pour un montant total de 16 606 €. Ce dernier justifie avoir été contraint de souscrire un prêt bancaire pour payer ladite somme. En l'état de son obligation de payer lesdites sommes si leur échéance normale avait été respectée, son préjudice est uniquement constitué par le montant des intérêts d'emprunt, soit 1 209,32 € selon tableau d'amortissement produit.

Au titre du préjudice résultant du défaut de cotisation entre 1995 et 2010, Monsieur [N] aurait du rapporter la preuve de ce qu'il va percevoir en l'état des cotisations versées et de ce qu'il aurait du percevoir s'il avait cotisé pendant cette période, soit pendant une période d'activité d'environ 40 ans, son préjudice correspondant à sa perte de pension de retraite entre 2033 et la fin de son espérance de vie en raison de l'absence de paiement de cotisations pendant 15 ans.

Si Monsieur [N] prétend avoir été contraint de souscrire un complément de retraite sous forme d'une rente mensuelle à vie et qu'il devra à ce titre débourser une somme totale de 108 500 €, il ne justifie pas de ce complément, les documents produits étant intitulés ' simulation de projet' et non signés, et n'ayant donc aucune valeur contractuelle. De même, son préjudice ne peut être liquidé pour le montant correspondant à la multiplication de sa pension future de retraite de 1 059 € par les 16 années de défaut de paiement de cotisations.

Par contre, il résulte de la simulation des droits à la retraite de Monsieur [N] qu'il percevra, à 66 ans, sur la base d'un dernier revenu estimé à 2 889 €, un montant de pension versé par les régimes obligatoires de 1 059 € par mois. Du fait de sa non-affiliation à la CIPAV pendant 15 ans et d'une durée de cotisations de 25 ans au lieu de 40 ans, sa perte de pension de retraite peut être évaluée à 400 € par mois entre l'age de 66 ans et l'échéance de son espérance de vie, actuellement de 79,6 ans, soit pendant 14 ans, soit un gain manqué de 67 200 €.

Cependant, les cotisations de retraite ont un caractère portable de sorte que tout travailleur a l'obligation de vérifier la régularité de sa situation sociale, et notamment à l'égard des différents organismes de sécurité sociale. Ainsi, Monsieur [N] ne pouvait ignorer son défaut d'affiliation au régime de retraite de base. En l'absence de régularisation de sa situation, notamment après constat du défaut de réception des appels de cotisation, Monsieur [N] a commis une négligence fautive, laquelle doit être considérée comme ayant contribué à la réalisation de son préjudice évalué à 68 409,32 € dans une proportion devant être fixée à 30 %, soit un préjudice indemnisable de 47 886,53 €

Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé sauf à porter la condamnation prononcée à la somme de 47 886,53 € à titre de dommages et intérêts.

L'équité commande d'allouer à Monsieur [N] une indemnité de 1 000 € au titre de ses frais irrépétibles.

La CIPAV, partie perdante, supportera les dépens d'appel.

La procédure étant gratuite et sans frais devant les juridictions de la sécurité sociale en vertu de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, la demande relative aux dépens est dénuée d'objet.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,

- Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions sauf à porter le montant de la condamnation de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse ( CIPAV ) à la somme de 47 886,53 € à titre de dommages et intérêts,

Y ajoutant,

- Condamne la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse ( CIPAV) à payer à Monsieur [Z] [N], une indemnité de 1 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit n'y avoir lieu à dépens ou à paiement de droit en application de l'article R144-10 du code de la sécurité sociale.

LA GREFFIÈRELA PRESIDENTE

Malika CHINOUNE Elizabeth POLLE-SENANEUCH


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 16/04277
Date de la décision : 16/05/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon 51, arrêt n°16/04277 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-16;16.04277 ?
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