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12/05/2017 | FRANCE | N°15/09606

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 12 mai 2017, 15/09606


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 15/09606





SAS SOCIETE A2E-SADEL



C/

[I]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 10 Décembre 2015

RG : F 14/04636

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 12 MAI 2017



APPELANTE :



SAS A2E-SADEL

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Emmanuel MOUCHTOURIS de la SELARL SOCIETE D'A

VOCATS SAINT CYR AVOCATS, avocat au barreau de LYON





INTIMÉ :



[Y] [I]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Comparant en personne, assisté de Me Michel NICOLAS, avocat au barreau de LYON





DÉ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 15/09606

SAS SOCIETE A2E-SADEL

C/

[I]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 10 Décembre 2015

RG : F 14/04636

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 12 MAI 2017

APPELANTE :

SAS A2E-SADEL

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Emmanuel MOUCHTOURIS de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS SAINT CYR AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[Y] [I]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Comparant en personne, assisté de Me Michel NICOLAS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Mars 2017

Présidée par Didier JOLY, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Michel SORNAY, président

- Didier JOLY, conseiller

- Natacha LAVILLE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 Mai 2017 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

[Y] [I] a été engagé par la société Application Energie Electrique (A.2.E) en qualité de cadre technique (position B, 1er échelon, catégorie II, coefficient 100) suivant contrat écrit à durée indéterminée du 9 mai 2005, soumis à la convention collective nationale des cadres du bâtiment.

Son salaire mensuel brut a été fixé à 3 399,29 € pour 39 heures hebdomadaires de travail.

La société ICC Industries, placée en liquidation judiciaire le 17 août 2010, détenait la totalité du capital des sociétés A.2.E et MSE.

Par ordonnance du 6 janvier 2012, le juge commissaire a autorisé la cession de 100% du capital de la société A.2.E et de 100% du capital de la société MSE à une société à constituer, dont le capital serait détenu à 75% par la famille [A] et à 25% par des salariés des deux sociétés.

Le contrat de travail de [Y] [I] a été transféré à la S.A.S. A2E-SADEL au 1er décembre 2012 par suite de la transmission universelle du patrimoine de la société SADEL, filiale à 100% de la société A2E.

Par lettre remise en main propre le 15 avril 2014, la S.A.S. A2E-SADEL a convoqué [Y] [I] le 12 mai 2014 en vue d'un entretien préalable à son licenciement.

Le 13 mai 2014, elle lui a remis en main propre un courrier l'informant sur le motif économique du licenciement envisagé, dans les termes suivants :

Conformément aux dispositions en vigueur, nous vous remettons ce jour, en annexe à la présente lettre d'information, un dossier de contrat de sécurisation professionnelle (CSP) dont nous vous invitons à prendre connaissance.

Vous noterez notamment que vous disposez d'un délai de 21 jours calendaires pour nous faire connaître votre décision quant à votre adhésion éventuelle à ce dispositif de CSP.

Il vous appartient de vous rapprocher de Pôle Emploi afin de vous assurer, en considération de votre situation personnelle et notamment de votre période d'affiliation à l'assurance chômage, que vous remplissez effectivement les conditions susceptibles de vous permettre de bénéficier de ce dispositif.

Nous vous avons exposé ce jour les motifs économiques qui nous conduisent à envisager de procéder à la rupture de votre contrat de travail pour motifs économiques, et que nous vous rappelons ci- après.

Vous occupez au sein de la société A2E-SADEL, des fonctions de Chargé d'Affaire depuis le 2 Mai 2005.

La situation économique et financière de notre Société est aujourd'hui extrêmement préoccupante.

En effet, nous vous avons exposé lors de notre entretien les différents aspects qui nous préoccupent très sérieusement et que nous reprenons ci-dessous :

Pertes financières de l'entreprise :

Frais généraux (inhérents au C.A) trop importants à plus de 22 % de moyenne depuis le début de l'exercice (contre 15.24 % en N-1 à la même période). Ce pourcentage n'a jamais été atteint depuis 2004, il devient un grave handicap pour être compétitifs lors des appels d'offre.

Graves difficultés de trésorerie, déficit budgétaire important et déficit d'exploitation :

Aucun investissement ne peut être envisagé

Détérioration du résultat et du chiffre d'affaires :

2 554 643 € au 31/03/2013

1 667 696 € au 31/03/2014

Aucun chantier n'a été traité depuis Octobre 2013 ce qui commence à entraîner de graves difficultés de trésorerie, déficit budgétaire important et déficit d'exploitation.

26.66 % de Marge nette cumulée au 31/03/2013

-21.08 % de Marge nette cumulée au 31/03/2014

Baisse de rentabilité malgré les mesures prises dans le cadre d'une restructuration depuis début 2013 :

Après le départ volontaire d'une Secrétaire Administrative, nous avons supprimé ce poste dès Janvier 2013, nous avons ensuite procédé à la répartition des tâches entre les personnes des services Comptable, Administratif et la Direction.

Nous n'avons pu réaliser aucune embauche de personnel Ouvrier sur les chantiers depuis Mars 2013 et nous n'avons pas reconduit les 2 Contrats à Durée Déterminée Ouvriers arrivés à leur terme fin 2013. La répartition du surplus de travail de Conduction des Travaux sur les chantiers est assumée par le Dirigeant et un autre Chargé d'Affaire - Co dirigeant.

La répartition du surplus de travail d'Exécution des Travaux sur les chantiers est assumée par les Conducteurs de Travaux et les Dessinateurs du Bureau d'Étude.

Aucune prévision ne nous permet à court terme, moyen terme et a fortiori long terme d'envisager un retournement de cette tendance qui devrait malheureusement s'accentuer.

Cette situation particulièrement préoccupante nous contraint d'envisager toute solution et mesure susceptibles de procéder au redressement de l'équilibre financier de notre Société et maintenir sa pérennité, notamment en ajustant au plus près les charges fixes avec le niveau de nos ressources.

C'est dans ce cadre que nous avons été amenés à prendre la décision de supprimer votre poste de Chargé d'Affaire.

Nous avons cependant étudié la solution d'un reclassement que nous serions en mesure de vous proposer au sein de notre entreprise et du groupe dont celle-ci fait partie, sur un poste disponible correspondant à votre qualification et aussi comparable que possible avec celui que vous occupez jusqu'à ce jour.

Nous poursuivons actuellement nos recherches, mais il s'avère a priori qu'aucune solution de reclassement n'est malheureusement susceptible de vous être proposée. [...]

[Y] [I] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 23 mai 2014.

Par lettre recommandée du 27 mai 2014, la S.A.S. A2E-SADEL lui a notifié que son contrat de travail serait considéré comme rompu d'un commun accord le 2 juin 2014, pour le motif suivant :

Vous occupez au sein de la Société A2E-SADEL des fonctions de Chargé d'Affaires depuis le 2 mai 2005.

La situation économique et financière de notre Société est aujourd'hui extrêmement préoccupante.

L'équilibre économique et financier de notre entreprise est en effet fragilisé, notamment et en premier lieu, par une augmentation de nos frais généraux au cours de l'exercice 2013/2014, selon notre situation comptable du 31 mars 2014, qui représentent aujourd'hui 22% de notre chiffre d'affaires contre 15,24% sur l'exercice précédent, pourcentage jamais atteint depuis 2004, soit depuis dix ans.

Ce déséquilibre handicape notre société lors des appels d'offres, qui représentent l'essentiel de notre chiffre d'affaires, où elle se retrouve en décalage et en manque de compétitivité par rapport à ses concurrents.

Cette situation est aggravée par de graves difficultés de trésorerie liées en particulier à la persistance d'un déficit budgétaire important et d'un déficit d'exploitation, qui ne nous permettent d'envisager aucun investissement.

Notre chiffre d'affaires est en baisse, à 1 667 696 € au 31 mars 2014, contre 2 554 643 € au 31 mars 2013.

Par conséquent, la marge nette est elle aussi en forte baisse, de 26,66 % au 31 mars 2013, à -21,08 % au 31 mars 2014.

Cette dégradation se répercute bien entendu sur notre résultat d'exploitation.

Ainsi, alors que le résultat d'exploitation ressortait au 31 mars 2013 à 681 184 €, le résultat d'exploitation au 31 mars 2014 s'établit à -351 561 €.

Sur les premiers mois de l'exercice 2014/2015, le chiffre d'affaires ressort à 1 667 696 € sur 6 Mois, soit une prévision annuelle compte tenu de nos chantiers en cours de l'ordre de 3 335 390 €, ce qui confirme malheureusement la persistance de cette tendance particulièrement négative.

Aucune prévision ne nous permet à court terme, moyen terme et a fortiori long terme d'envisager un retournement de cette tendance qui devrait malheureusement s'accentuer.

Cette situation particulièrement préoccupante nous contraint d'envisager toute solution et mesure susceptibles de procéder au redressement de l'équilibre financier de notre Société et maintenir sa pérennité, en ajustant au plus près les charges fixes avec le niveau de nos ressources, ce qui conduit notamment à un redimensionnement de nos effectifs.

Nous sommes malheureusement contraints dans ce cadre de prendre la décision de supprimer votre poste de chargé d'affaires.

Nous avons cependant étudié la solution d'un reclassement que nous serions en mesure de vous proposer au sein de notre entreprise et du Groupe dont cette dernière fait partie, sur un poste disponible correspondant à votre qualification et aussi comparable que possible avec celui que vous occupez jusqu'à ce jour.

Après recherche, il s'avère qu'aucune solution de reclassement n'est malheureusement susceptible de vous être proposée. [...]

[Y] [I] a saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon le 26 novembre 2014.

La DIRECCTE a autorisé la S.A.S. A2E-SADEL à placer son établissement en activité partielle du 1er janvier au 30 avril 2015 pour 21 salariés.

*

* *

LA COUR,

Statuant sur l'appel interjeté le 15 décembre 2015 par la S.A.S. A2E-SADEL du jugement rendu le 10 décembre 2015 par le Conseil de prud'hommes de LYON (section encadrement) qui a :

- dit et jugé que le licenciement de Monsieur [Y] [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société A2E-SADEL à verser à Monsieur [I] les sommes de :

83 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

4 100,00 € à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière pour défaut de mise en place préalable du C.E. ou délégué dans le cadre d'un licenciement économique,

143,10 € à titre de remboursement de frais professionnels,

- condamné la société A2E-SADEL à rembourser Pôle Emploi dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage,

- condamné la société A2E-SADEL à verser à Monsieur [I] la somme de 1 600,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit que les sommes adjugées porteront intérêts de droit à compter du jour de réception de la convocation par la défenderesse à l'audience de conciliation devant le Conseil,

- fixé la moyenne des 3 derniers mois de salaire de Monsieur [I] à 4 100,00 €,

- prononcé l'exécution provisoire sur la décision à intervenir pour un montant de 45 000 €,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la Société A2E-SADEL aux entiers dépens et aux éventuels frais d'exécution de la présente décision et notamment par voie d'huissiers en application de l'article 695 du Code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de référé du 23 mars 2016 par laquelle le premier président a :

- dit n'y avoir lieu à ordonner la limitation à un montant de 36 900 € des sommes bénéficiant de l'exécution provisoire assortissant le jugement du Conseil de prud'hommes du 10 décembre 2015,

- dit n'y avoir lieu à ordonner les mesures d'aménagement de l'exécution provisoire assortissant de droit le jugement du Conseil de prud'hommes,

- dit n'y avoir lieu à ordonner les mesures d'aménagement de l'exécution provisoire ordonnée par le jugement du Conseil de prud'hommes.

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 9 mars 2017 par la S.A.S. A2E-SADEL qui demande à la Cour de :

- réformer le jugement du 10 décembre 2015 rendu par le Conseil de Prud'hommes de LYON en ce qu'il a condamné la société A2E-SADEL à verser à Monsieur [I] la somme de 83 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse outre 4 100 € à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière ;

- confirmer ledit jugement en ce qu'il a condamné la société A2E-SADEL à verser à Monsieur [I] la somme de 143,10 € à titre de remboursement de frais professionnels ;

A titre subsidiaire :

- limiter dans de plus larges proportions l'indemnisation de Monsieur [I];

En toutes hypothèses :

- condamner Monsieur [Y] [I] à verser à la société A2E-SADEL la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 9 mars 2017 par [Y] [I] qui demande à la Cour de :

- débouter purement et simplement la SAS A2E-SADEL de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, à l'exclusion de la reconnaissance de la somme due de 143,10 € de remboursement de frais professionnels,

- confirmer le jugement en ce qu'il dit et juge que le licenciement de M. [Y] [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, dire et juger que les motifs économiques évoqués dans la lettre de licenciement du 27 mai 2014, qui lie les débats, ne sont ni réels, ni sérieux, relevant en réalité d'une cause extérieure justificative sur des considérations purement personnelles concernant le salarié, à caractère vexatoire et infamante,

- infirmer pour le surplus et statuant à nouveau :

- porter la condamnation de la SAS A2E-SADEL à payer à Monsieur [I],

de 83.000 € à la somme de 230.197 € au titre de l'indemnité en suite du licenciement économique pour absence de caractère réel et sérieux du motif économique du licenciement,

de 5.613 € à 5.097,00 € au titre de préjudice de cotisation auprès de la Mutuelle INTERIALE

de 1.600 € à la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles selon l'article 700 du Code de Procédure civile,

- condamner la SAS A2E-SADEL à payer à Monsieur [I],

indemnité pour perte de chance du droit à la prime de départ à la retraite10.824,00 €

indemnité pour remise tardive de transmission du CSP à Pôle Emploi4.100,00 €

- confirmer les condamnations à hauteur de :

4.100 € à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière pour défaut de mise en place préalable du C.E. ou délégué dans le cadre d'un licenciement économique article1235-15 du Code du travail,

143,10 € au titre des frais professionnels,

le tout avec intérêts de droit à compter du jour de la réception de la convocation à l'audience de conciliation devant le Conseil de Prud'hommes,

la condamnation de la SAS A2E-SADEL à rembourser Pôle Emploi sur le trop perçu qu'il aurait versé dans le cadre du contrat CSP qui n'est plus valide en cas d'un licenciement non économique, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage,

- au visa de l'article A 444-32 du Code de commerce, dire que la SAS A2E-SADEL supportera, en cas d'exécution forcée du jugement dont appel, de l'ordonnance du Premier Président et de l'arrêt à intervenir, les droits proportionnels à la charge du créancier, outre ses propres droits proportionnels,

- condamner la SAS A2E-SADEL aux entiers dépens d'instance et d'appel ;

Sur le motif économique du licenciement :

Attendu qu'en application de l'article L 1233-3 du code du travail, alors applicable, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, des mutations technologiques, la cessation d'activité de l'entreprise ou sa réorganisation en vue de sauvegarder sa compétitivité ;

Qu'en l'espèce, les positions sont cristallisées puisque les lettres des 13 et 27 mai 2014 font état de graves difficultés de trésorerie, d'un déficit budgétaire important et d'un déficit d'exploitation ne permettant aucun investissement, tandis que [Y] [I] décrit une société en pleine santé économique et financière, en pleine essor ; que le salarié va jusqu'à soutenir que le licenciement pour motif économique n'est que l'habillage grossier d'un licenciement pour motif personnel, à savoir une incompatibilité avec le dirigeant [A] [A] ; qu'il n'en rapporte cependant aucun début de preuve ;

Qu'il est possible d'extraire des bilans et comptes de résultat communiqués les données suivantes :

Exercices

30/09/2012

30/09/2013

30/09/2014

Chiffre d'affaires net

2 311 359

3 997 018

3 121 252

Salaires et charges sociales

922 631 (39%)

1 427 596

(35%)

1 307 960

(41%)

Résultat d'exploitation

243 302

77 852

- 47 932

Bénéfice ou perte

131 551

244 643

5 450

Que la dissolution sans liquidation de la société SADEL et la transmission universelle de son patrimoine à la société A.2.E s'est accompagnée d'une augmentation des effectifs de la S.A.S. A2E-SADEL, dont le poids a été compensé en 2013 par un accroissement sensible du chiffre d'affaires net ; qu'il n'en demeure pas moins que les postes 'salaires' et 'charges sociales' cumulés ont progressé de 54% de 2012 à 2013 pour diminuer seulement de 8% l'année suivante ; que ces données peuvent être affinées à l'aide de tableaux tirés de la comptabilité analytique de la société ; qu'ils font apparaître qu'après une diminution lente depuis février 2013, la marge brute a subitement 'décroché' en juillet 2013 et n'a commencé à se rétablir progressivement qu'à compter de février 2014 ; que la S.A.S. A2E-SADEL a cependant été dans l'incapacité de juguler la progression de ses frais généraux qui représentaient :

16,25% du chiffre d'affaires en 2012/2013,

25,42% du chiffre d'affaires en 2013/2014,

26,62 % du chiffre d'affaires sur les huit premiers mois de l'exercice 2014/2015 ;

Que la marge nette, infinitésimale d'octobre 2008 à septembre 2011, s'est établie entre 9% et 10% d'octobre 2011 à septembre 2013, pour plonger ensuite à - 16,66% au cours de l'exercice 2013/2014 ; que la marge nette cumulée est passée de + 681 183 en mars 2013 à - 350 407 en mars 2014, un mois avant l'engagement de la procédure de licenciement ; qu'il n'est pas contesté qu'à cette date, aucun chantier n'avait été traité depuis octobre 2013 ; que la baisse du résultat d'exploitation sur trois exercices consécutifs, l'absence de maîtrise des frais généraux et l'insuffisance de la marge nette rendaient nécessaire une réorganisation afin de sauvegarder la compétitivité de la S.A.S. A2E-SADEL ;

Attendu que des licenciements ont une cause économique réelle et sérieuse lorsqu'il est établi que la réorganisation de l'entreprise, qui entraîne des suppressions d'emplois, est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que lorsque cette condition est remplie il n'appartient pas au juge de contrôler le choix effectué par l'employeur entre les solutions possibles pour redresser la situation ; que [Y] [I] n'est donc pas fondé, dès lors que la cause économique de la réorganisation est établie, à critiquer le choix fait par l'employeur de supprimer son poste de travail ; qu'au demeurant, la suppression d'un poste de chargé d'affaires s'accordait avec la réduction du carnet de commandes ; qu'en outre, la réorganisation ne s'est pas limitée à la rupture du contrat de travail de [Y] [I] ; que [G] [G], secrétaire, démissionnaire le 4 janvier 2013, n'a pas été remplacée, ses tâches étant réparties entre les autres salariés ; que les cinq salariés qui ont quitté l'entreprise en 2014 n'ont pas été remplacés ;

Attendu qu'en application de l'article L 1233-4 du code du travail, alors applicable, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ; que le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente ; qu'à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure ; que les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ;

Qu'en l'espèce, le manquement allégué de la S.A.S. A2E-SADEL à son obligation de reclassement, qui n'est pas une obligation de résultat, ne peut se déduire de l'absence de toute proposition écrite, alors que les registres du personnel des sociétés du petit groupe auquel appartient la S.A.S. A2E-SADEL ne révèle l'existence d'aucun poste susceptible de permettre le reclassement du salarié ; qu'au demeurant, l'intimé ne conteste pas formellement ce point, préférant s'en tenir à une approche purement abstraite de l'obligation qui pesait sur l'employeur ;

Qu'en conséquence, le licenciement de [Y] [I] par la S.A.S. A2E-SADEL procède d'une cause réelle et sérieuse ; que le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef ; que [Y] [I] sera donc débouté de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité pour 'préjudice de cotisation' auprès de la Mutuelle INTERIALE et de sa demande d'indemnité pour perte de chance de percevoir la prime de départ à la retraite ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure irrégulière :

Attendu qu'aux termes de l'article L 2312-2 du code du travail, la mise en place des délégués du personnel n'est obligatoire que si l'effectif d'au moins onze salariés est atteint pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes ;

Qu'en l'espèce, l'attestation destinée à Pôle Emploi porte mention d'un effectif de 30 salariés au 31 décembre 2013 ; que l'effectif de la S.A.S. A2E-SADEL au moment de sa demande d'autorisation préalable au titre de l'activité partielle était de 24 salariés ; que la S.A.S. A2E-SADEL, qui supporte la charge de la preuve dès lors que l'effectif était de onze salariés au moins au jour de la rupture, fait valoir que ce seuil a été dépassé seulement par suite du rapprochement des sociétés A2E et SADEL au 1er décembre 2012 ; qu'à supposer même cette assertion vérifiée, force serait de constater qu'au 1er décembre 2013, l'effectif d'au moins onze salariés était atteint depuis douze mois ; que les organisations syndicales n'ont été invitées à négocier le protocole d'accord préélectoral que le 23 juin 2014 ; que les dispositions des articles L 2312-1 et L 2312-2 du code du travail ont donc été méconnues ;

Attendu que selon l'article L 1235-15 du code du travail, est irrégulière toute procédure de licenciement pour motif économique dans une entreprise où le comité d'entreprise ou les délégués du personnel n'ont pas été mis en place alors qu'elle est assujettie à cette obligation et qu'aucun procès-verbal de carence n'a été établi ; que le salarié a droit à une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut, sans préjudice des indemnités de licenciement et de préavis ;

Qu'en conséquence, le jugement qui a condamné la S.A.S. A2E-SADEL à payer à [Y] [I] la somme de 4 100,00 € à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière doit être confirmé ;

Sur l'application des critères d'ordre de licenciement :

Attendu que selon l'article L 1233-5 du code du travail, alors applicable, lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ; que ces critères prennent notamment en compte les charges de famille, l'ancienneté de service, la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile (personnes handicapées, salariés âgés, etc), les qualités professionnelles appréciées par catégorie ; que l'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus ;

Attendu que l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements pour motif économique prévues à l'article L 1233-5 du code du travail n'est pas soumise aux sanctions énoncées à l'article L 1235-3 du code du travail ; qu'elle constitue pour le salarié une illégalité qui entraîne pour celui-ci un préjudice, pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de son emploi, lequel doit être intégralement réparé, selon son étendue, par les juges du fond ;

Que dans ses écritures (pages 20 à 23), [Y] [I] fait observer que la S.A.S. A2E-SADEL employait trois chargés d'affaires ([I] [V], [F] [A] et lui-même), et non deux ; qu'il soutient que parmi ceux-ci, il était à la fois le plus âgé, le plus expérimenté et le plus performant ; que la S.A.S. A2E-SADEL expédie les critères d'ordre de licenciement en quelques lignes (page 11) ; qu'elle dit avoir constaté que l'ancienneté, les charges de famille et la polyvalence professionnelle de [I] [V] étaient supérieures à celles de [Y] [I] ; que l'employeur présente un tableau de répartition des tâches des chargés d'affaires (pièce 9-3) qui fait apparaître que, contrairement à [I] [V] et [F] [A], [Y] [I] n'assumait aucune fonction à dominante technique ou à dominante management et assumait un moins grand nombre de tâches à dominante commerciale ou à dominante chantier ; que ce tableau n'est étayé par aucune pièce permettant de connaître le poste de travail de chacun et les tâches qu'il recouvrait ; que [F] [A] disparaît du tableau d'évaluation des critères d'ordre de licenciement (pièce 9), ce qui accroît encore l'incertitude ; que la pièce 9 démontre que les qualités professionnelles ont été appréciées exclusivement au regard de l'adaptabilité du salarié ; que 10 points ont été attribués à celui qui pouvait occuper plusieurs postes ([I] [V]) et 0 point à celui qui ne pouvait en occuper qu'un seul ([Y] [I]) ; qu'il résulte, certes, de la lecture des registres du personnel que [I] [V], devenu in fine directeur général, avait été engagé par la société nouvelle Sadel en qualité de technicien de bureau d'études sous contrat de qualification le 27 janvier 2003 puis par la S.A.S. A2E-SADEL en qualité de dessinateur détaillant le 26 janvier 2004 ; que la S.A.S. A2E-SADEL n'établit pas que la polyvalence ici prise en considération pour comparer les qualités professionnelles des salariés en concours correspondait à l'état des travaux effectivement réalisés par [I] [V] en mai 2014, et non à une simple virtualité ; que la polyvalence mise en avant en faveur de ce dernier ne pouvait dispenser l'employeur d'apprécier les qualités professionnelles des deux chargés d'affaires dans l'exercice des missions correspondant à ce poste de travail ; que la comparaison des chiffre d'affaires de production aurait pu être un élément, non seulement éclairant, mais essentiel dans un contexte de difficultés économiques ; que l'application des autres critères ayant conduit à attribuer aux deux salariés un total de points presque identique, le critère des qualités professionnelles devenait discriminant ; qu'en substituant à une appréciation objective de celles-ci un indicateur insuffisamment pertinent, auquel il a conféré un caractère exclusif, la S.A.S. A2E-SADEL a méconnu les dispositions de l'article L 1233-5 du code du travail ;

Qu'admis par notification du 8 août 2014 au bénéfice de l'allocation de sécurisation professionnelle, [Y] [I] était toujours inscrit à Pôle Emploi en juin 2015 ; que le salarié, qui subit le handicap de son âge, justifie de nombreuses et vaines recherches d'emploi en 2015 ; que la Cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à 65 000 € le montant des dommages-intérêts dus à [Y] [I] en réparation du préjudice consécutif à l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements pour motif économique ;

Sur la demande d'indemnité pour remise tardive des documents de transmission du contrat de sécurisation professionnelle à Pôle Emploi :

Attendu que par lettre recommandée du 26 juin 2014, [Y] [I] a reproché à la S.A.S. A2E-SADEL de n'avoir pas transmis à Pôle Emploi les documents relatifs au contrat de sécurisation professionnelle et à la mutuelle de santé Alptis les documents lui permettant de bénéficier de la portabilité de ses droits ; que l'employeur a répondu le 27 juin qu'il avait transmis les documents à Pôle Emploi le 10 juin et qu'il joignait à son courrier une fiche que lui avait transmise Alptis à l'intention du salarié en vue de la portabilité des droits ; que la société a transmis les documents le 10 juin au Pôle Emploi [Localité 2] (77) ainsi qu'il résulte de sa pièce 11 ; que dans un courrier du 24 juillet, elle a expliqué au salarié que ce centre de traitement Pôle Emploi lui ayant fait savoir qu'il n'était pas habilité pour traiter ce contrat de sécurisation professionnelle, elle avait envoyé le dossier le 23 juillet au centre de traitement Pôle Emploi [Localité 3] ; que le 20 août, [Y] [I] a fait retour à la S.A.S. A2E-SADEL de la fiche signée concernant la portabilité des droits ouverts à la mutuelle Alptis ainsi que de la prise en charge du contrat de sécurisation professionnelle par Pôle Emploi ; que l'employeur a transmis la demande de portabilité à Alptis le 1er septembre ; que, d'une part, il ressort de l'avis de situation délivré par Pôle Emploi le 18 août 2014 qu'au 31 juillet 2014, [Y] [I] avait déjà bénéficié de 59 allocations journalières ; que, d'autre part, le salarié ne justifie d'aucune dépense de santé non prise en charge par la mutuelle Alptis entre juin et septembre 2014 ; qu'il ne caractérise aucun préjudice consécutif au retard de transmission qu'il dénonce ; que le jugement qui l'a débouté de ce chef de demande sera donc confirmé ;

Sur le droit individuel à la formation :

Attendu que [Y] [I] ne saisit la Cour d'aucun moyen contre le jugement qui l'a débouté de sa demande de remboursement du droit individuel à la formation non perçu ; qu'il ne reprend pas ce chef de demande en cause d'appel ;

Sur les frais professionnels :

Attendu que ce chef de condamnation n'est contesté ni dans son principe ni dans son montant ;

Sur les droits proportionnels à la charge du créancier :

Attendu qu'aucune disposition réglementaire ne permet à la Cour de transférer sur le débiteur la charge de droits que le tarif des huissiers de justice met expressément à la charge du créancier ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement rendu le 10 décembre 2015 par le Conseil de prud'hommes de Lyon (section encadrement) qui a :

- condamné la société A2E-SADEL à verser à [Y] [I] les sommes de :

4 100,00 € à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière pour défaut de mise en place préalable du C.E. ou délégué dans le cadre d'un licenciement économique,

143,10 € à titre de remboursement de frais professionnels,

- condamné la société A2E-SADEL à verser à [Y] [I] la somme de 1 600,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit que les sommes adjugées porteront intérêts de droit à compter du jour de réception de la convocation par la défenderesse à l'audience de conciliation devant le Conseil,

- débouté [Y] [I] de ses demandes d'indemnité pour remise tardive des documents de transmission du contrat de sécurisation professionnelle à Pôle Emploi et de remboursement du droit individuel à la formation non perçu suite à acceptation du contrat de sécurisation professionnelle,

- condamné la Société A2E-SADEL aux entiers dépens ;

Infirme le jugement entrepris dans ses autres dispositions,

Statuant à nouveau :

Dit que le licenciement de [Y] [I] par la S.A.S. A2E-SADEL procède d'une cause économique réelle et sérieuse,

En conséquence, déboute [Y] [I] de ses demandes de réparation de chefs de préjudice consécutifs au licenciement prétendument sans cause réelle et sérieuse,

Dit que la S.A.S. A2E-SADEL a méconnu les dispositions de l'article L 1233-5 du code du travail,

En conséquence, condamne la S.A.S. A2E-SADEL à payer à [Y] [I] la somme de soixante-cinq mille euros (65 000 €) à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements pour motif économique, avec intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 2015, date du jugement,

Déboute [Y] [I] du surplus de ses demandes,

Y ajoutant :

Condamne [Y] [I] aux dépens d'appel,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Le GreffierLe Président

Gaétan PILLIEMichel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 15/09606
Date de la décision : 12/05/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°15/09606 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-12;15.09606 ?
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