La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/05/2017 | FRANCE | N°16/00252

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 05 mai 2017, 16/00252


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 16/00252





[R]



C/

SOCIETE EUROCAVE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 17 Décembre 2015

RG : F 12/00527











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 05 MAI 2017







APPELANT :



[E] [R]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1] ([Localité 1])<

br>
[Adresse 1]

[Adresse 2]



comparant en personne, assisté de Me Karine THIEBAULT de la SCP ANTIGONE AVOCATS, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SOCIETE EUROCAVE

[Adresse 3]

[Adresse 4]



représentée par Me Joseph AGUERA de la SCP JOSEPH AGUERA & ASS...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 16/00252

[R]

C/

SOCIETE EUROCAVE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 17 Décembre 2015

RG : F 12/00527

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 05 MAI 2017

APPELANT :

[E] [R]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1] ([Localité 1])

[Adresse 1]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Karine THIEBAULT de la SCP ANTIGONE AVOCATS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SOCIETE EUROCAVE

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représentée par Me Joseph AGUERA de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Février 2017

Présidée par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Elizabeth POLLE-SENANEUCH, président

- Marie-Christine DA LA SALLE, conseiller

- Ambroise CATTEAU, vice-président placé faisant fonction de conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 05 Mai 2017 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président et par Géraldine BONNEVILLE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES.

Monsieur [E] [R] est entré au service de la société EUROCAVE, qui a pour activité la création, la fabrication et la commercialisation des produits de conservation du vin, à compter du 1er octobre 2010, en qualité de Directeur Général Eurocave Pro, statut Cadre Dirigeant, rattaché hiérarchiquement au PDG, Monsieur [B] [A].

Le contrat de travail indiquait qu'il avait pour fonction le développement du marché des applications à usage professionnel destinées à la conservation, à la mise en température, au service et au rangement du vin et qu'à ce titre, il lui appartenait de définir, ajuster et mettre en 'uvre la stratégie générale pour développer ce marché.

Sa rémunération brute mensuelle était de 12 740 euros outre une rémunération brute variable sur objectifs d'un montant maximal de 35 000 euros.

En qualité de directeur général, Monsieur [R] participait au Comité de Direction et au Comité Exécutif plus restreint .

Le 18 novembre 2011, Monsieur [R] était convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 28 novembre et mis à pied de manière conservatoire ; il était sommé de restituer son ordinateur professionnel.

Le 6 décembre 2011, il se voyait notifier son licenciement pour faute grave.

Monsieur [E] [R] a saisi le conseil des prud'hommes de SAINT ETIENNE, faute de règlement amiable recherché initialement, aux fins de demander l'indemnisation de son licenciement et du défaut de fixation d'objectifs nécessaires au calcul de sa rémunération variable pour 2011.

Selon ordonnance en date du 29 mai 2012, intervenue à la suite d'un partage de voix du bureau de conciliation, le juge départiteur présidant ce bureau, a fixé un calendrier de procédure imposant à l'employeur de communiquer en premier ses pièces et conclusions.

Selon jugement de départage en date du 17 décembre 2015, le juge départiteur du conseil des prud'hommes de LYON a :

déclaré irrecevable la demande de la société EUROCAVE tendant à faire juger non fondée l'ordonnance rendue le 29 mai 2012 par le bureau de conciliation présidé par le juge départiteur,

dit que le licenciement de Monsieur [R] repose bien sur une faute grave,

condamné la société EUROCAVCE à verser à Monsieur [R], outre intérêts légaux à compter de la décision, la somme de 7500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation contractuelle de fixer les objectifs permettant le calcul de la rémunération variable pour 2011,

débouté Monsieur [R] du surplus de ses demandes,

débouté la société EUROCAVE de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société EUROCAVE aux dépens de l'instance.

Monsieur [R] a régulièrement relevé appel de cette décision et en l'état des dernières écritures , auxquelles il convient de se référer pour le surplus des explications, il demande à la Cour, au visa de l'article 10§1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article L 1121-1 du code du travail et de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 de :

réformer intégralement le jugement entrepris,

dire que le licenciement de Monsieur [R] est nul pour être intervenu en violation de sa liberté d'expression et dénué de toute cause rélle et sérieuse,

en conséquence condamner la société EUROCAVE à payer à Monsieur [R] les sommes suivantes :

rappel de salaire afférent à la mise à pied conservatoire : 7446,36 euros,

congés payés afférents : 744,66 euros,

indemnité compensatrice de préavis : 38 220 euros,

congés payés afférents: 3822 euros,

indemnité légale de licenciement: 3618,16 euros,

Ces sommes portant intérêt légal à compter de la demande en justice

dommages et intérêts pour licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse: 76 440 euros

Cette somme étant nette de CSG et de CRDS

dire que la société EUROCAVE a manqué à ses obligations contractuelles en ne fixant pas les objectifs permettant le calcul de la rémunération variable de Monsieur [R] pour l'année 2011,

en conséquence condamner la société EUROCAVE au paiement de la somme de 35 000 euros à titre de rappel de rémunération variable correspondant au montant total de la prime dont il a été privé, outre 3500 euros au titre des congés payés afférents,

condamner la société EUROCAVE au paiement de la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions qu'elle soutient à l'audience de ce jour, et auxquelles il sera référé pour le surplus des explications, la société EUROCAVE demande à la Cour de:

dire que le licenciement de Monsieur [R] repose sur une faute grave et en conséquence débouter ce dernier de l'intégralité de ses demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail,

réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société EUROCAVE au paiement de la somme de 7500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation contractuelle de fixer les objectifs pour le calcul de la rémunération variable 2011,

en conséquence débouter Monsieur [R] de toutes ses demandes afférentes à la rémunération variable et du surplus de ses demandes,

condamner Monsieur [R] au paiement de la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.

MOTIVATION.

Sur le licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement adressée à Monsieur [R] est la suivante :

« Monsieur,

Malheureusement, nous sommes au regret d'avoir constaté à votre encontre de graves agissements dans l'accomplissement de votre mission.

Cette situation nous a contraints à envisager la rupture de votre contrat de travail et nous vous avons reçu en entretien préalable le 28 novembre 2011 afin d'entendre vos explications sur les faits qui vous sont reprochés.

Eu égard à l'importance de vos responsabilités, nous avons été dans l'obligation de vous placer en mise à pied à titre conservatoire durant la procédure.

En effet, vous avez été embauché le 5 octobre 2010 en tant que Directeur général de l'activité EuroCave Professionnel. Votre contrat de travail vous plaçait directement sous le lien de subordination du président.

En ayant la responsabilité de ce réseau vous aviez comme principale fonction d'être le relais et le premier soutien du président dans le pilotage du groupe Eurocave.

Malgré l'impérieuse nécessité de loyauté qu'impose votre fonction de direction générale, vous avez par vos actions portées gravement atteinte à l'autorité et à la crédibilité de votre employeur.

Votre liberté de comportement est d'autant plus grave au regard de votre faible ancienneté dans l'entreprise.

A compter du mois de mars votre collaboration avec la Présidence du groupe Eurocave est devenu difficile avec des enjeux stratégiques non partagés.

Cette situation s'est dégradée au cours de ces derniers mois avec des dénigrements publics et répétés envers le président et une diffusion d'informations contradictoires à votre entourage professionnel.

A titre d'exemples nous avons notamment relevé les faits suivants :

Divergence fréquente et affichée sur les enjeux stratégiques :

Le transfert de la production du site d'[Localité 2] sur le site de [Localité 3] - La fabrication du Sowine en Chine

Le lancement de la gamme EcoCave

La stratégie de la marque ARTEVINO

Dénigrement public de la direction

« Le Président fonctionne en mode panique »

« Le Président déstabilise en permanence l'organisation »

« Le Président est en mode l'engeance... »

Retranscription constante par vos soins de ce qui était dit par le Président en comité de direction»

Le document remis par vos soins à notre consultant en charge de préparer le séminaire stratégique de la société Eurocave, est venu très nettement confirmer ces faits.

Déloyauté, perte de confiance, intention de nuire

Au regard de l'importance du poste que vous occupiez votre comportement caractérise une violation grave de votre obligation de loyauté envers votre employeur.

Nous avons été informés de l'existence d'un projet de lettre anonyme fomenté par vos soins.

Ce qui corrobore votre volonté affichée et délibérée, depuis plusieurs semaines de nuire à l'entreprise.

A aucun moment vous n'avez alerté la présidence des craintes d'une partie des membres du comité de direction. Vous avez délibérément opté pour une attitude d'omission, de mensonge voire de sabotage envers la présidence.

Vous avec sciemment déstabilisé les membres du comité de direction, pour augmenter leurs inquiétudes afin de faire entrave aux pouvoirs de la présidence.

L'enquête nous a amené à confirmer notre sentiment et nos doutes croissant à votre égard

Les nombreuses preuves et témoignages recueillies que nous avons fait constater par voie d'huissier font clairement apparaître une intention manifeste de nuire au Président.

L'ensemble de ces fautes a été de nature à nous faire perdre définitivement toute la confiance que nous avions pu vous accorder.

Au cours de l'entretien nous avons précisément écouté votre sentiment sur les faits reprochés.

Malheureusement vos arguments n'ont pas été de nature à remettre en cause la réalité de vos fautes.

Compte tenu de ce qui précède le maintien de votre contrat de travail s'avère impossible même pendant le préavis. Ce qui nous oblige à rompre notre collaboration pour faute grave.

Votre licenciement prend donc effet par la présente lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis, ni de licenciement.

Cependant, cette rupture ne fait pas obstacle au bénéficie de vos droits auprès du pôle emploi.

La mise à pied à titre conservatoire dont vous faites l'objet depuis le 18 novembre 2011 à 18h50 ne pourra pas vous être rémunérée.

Malgré la qualification atténuée que nous avons souhaité retenir, les faits reprochés caractérisent une faute lourde de nature à engager votre responsabilité personnelle.

Nous nous réservons ainsi le droit d'envisager toute poursuite judiciaire supplémentaire en indemnisation du préjudice subi, si nous devions découvrir d'autres éléments de nature à l'aggraver.

Enfin, nous vous informons que votre contrat de travail comporte une clause de non concurrence à laquelle nous entendons expressément renoncer.

A ce titre, vous serez donc libre de tout engagement.

Néanmoins, nous vous rappelons qu'il vous est interdit de communiquer à qui que ce soit les procédés de réalisation ou les méthodes commerciales ou tout autres informations ou documents quel que soit leurs natures qui seraient en votre possession ou dont vous auriez eu connaissance et à plus forte raison d'en faire l'emploi pour votre compte personnel ou pour le compte d'une autre entreprise.

Nous vous demandons de bien vouloir vous présenter au bureau de Madame [X], le 15 décembre 2011 à 19H afin de :

- percevoir votre dernière paie, votre certificat de travail et votre attestation Pôle Emploi ;

-restituer les biens de la société en votre possession ; véhicule de fonction, papiers et clefs du véhicule, carte totale, (phone, carte 3G+, badge du parking, badge d'entrée, cane totale, dernières notes de frais, ainsi que tous documents appartenant à la société...

-de nous remettre tous documents, fichiers informatiques en votre possession concernant des informations relatives au Groupe EuroCave. »

La société EUROCAVE reproche donc à Monsieur [R] :

des divergences fréquentes et affichées sur les enjeux stratégiques,

un dénigrement public de la direction,

une déloyauté, une perte de confiance et une intention de nuire.

Elle estime que la position et les fonctions de Monsieur [R] dans la société EUROCAVE qui étaient d'être le soutien et le relais de la Direction et de mettre en 'uvre la politique de la Direction, étant précisé qu'il était également membre du comité de direction du Groupe EUROCAVE, le contraignait à une obligation de loyauté renforcée.

Monsieur [R] estime qu'il n'a fait qu'user de sa liberté d'expression, reconnue par principe au sein de l'entreprise et qu'il n'a, ce faisant, jamais utilisé des termes diffamatoires, injurieux ni excessifs permettant de la restreindre ni n'a manqué à l'obligation de loyauté.

Il conteste par ailleurs le caractère public de certains documents retenus par l'employeur pour caractériser la faute grave ainsi que le fait qu'un document de travail qu'il avait remis à un consultant tenu à une obligation de confidentialité soit également utilisé pour lui reproché d'avoir affiché ses divergences et lui reprocher un manquement à l'obligation de loyauté.

Il estime que, dans ces conditions, la mesure de licenciement encourt la nullité.

Il est constant que si le salarié jouit au sein de l'entreprise et en dehors de celle-ci d'une liberté d'expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché, il ne peut abuser de cette liberté en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.

Il est également constant que l'examen du caractère excessif des propos tenus par un salarié dépend non seulement des propos en eux-mêmes mais également du poids qui peut leur être accordé en raison de la position du salarié dans l'entreprise: ainsi, un cadre dirigeant est tenu à une obligation de réserve et de loyauté renforcée par rapport à un simple employé.

Monsieur [R] occupait au sein de la société EUROCAVE PROFESSIONNAL, les fonctions de Directeur Général rattaché directement au PDG du GROUPE EUROCAVE, Monsieur [A], il devait, en collaboration directe avec lui, développer le marché des applications à usage professionnel et définir, ajuster et mettre en 'uvre la stratégie générale pour développer cette activité ; il s'engageait par ailleurs, pour l'exécution de sa fonction, à respecter les directives qui lui seront données et qui concernent la direction de la société.

Il était également membre du comité de direction du Groupe EUROCAVE.

A compter du mois de mars 2011, il apparaît cependant, comme le démontre la société EUROCAVE, que Monsieur [R] a, lors des comités de direction et des comités exécutifs auxquels il participait, affiché une divergence fréquente avec les enjeux stratégiques.

Cette position affichée de divergence est ainsi exprimée dans un document de travail que Monsieur [R] a remis à Monsieur [E], consultant désigné par la direction pour mener un séminaire de réflexion stratégique et qui a, dans ce cadre, interviewé les cadres de la société et notamment Monsieur [R].

L'attestation de Monsieur [E] confirme que ce document remis par Monsieur [R] spontanément, expose de manière très nette la position négative de ce dernier sur la stratégie menée, qu'il devait pourtant soutenir de par ses fonctions, ainsi que les termes excessifs tenus à l'encontre du PDG Monsieur [A] en ces termes: « Un PDG en mode panique », « une équipe de direction qui ne comprend plus son PDG ».

Il importe peu que Monsieur [E] ait été ou non tenu à la confidentialité, il n'en reste pas moins qu'en lui remettant ce document de travail, Monsieur [R] a exprimé publiquement et de manière excessive ses divergences avec son PDG, alors qu'il était pourtant tenu à son endroit à une obligation de loyauté.

Si les autres documents retrouvés dans son ordinateur et allégués par l'employeur à l'appui de la mesure de licenciement, n'ont pas fait l'objet de diffusion publique, tel le projet de mail à un actionnaire de la société EUROCAVE ( société QUALIS) ou la lettre anonyme dans laquelle Monsieur [R], se présentant comme un employé de la société, critique les décisions prises par la direction, indiquant en outre qu'elles sont contraires à l'opinion de « plusieurs personnes de la direction » ou encore le courriel adressé à Mme [K], dans laquelle il indique que [B] [A] « est visiblement reparti sur une paranoïa aigüe », il n'en reste pas moins que ces écrits, dont Monsieur [R] ne nie pas être l'auteur, confirment clairement sa divergence profonde envers sa direction .

Sur ce point, les attestations produites par Monsieur [R] et émanant de plusieurs collègues, membres ou non du comité exécutif ne permettent pas de retenir que les divergences exprimées n'avaient pas de caractère excessif.

S'agissant des propos dénigrants envers Monsieur [A], l'employeur produit la seule attestation de Monsieur [E] qui rapporte que Monsieur [R] a tenu des propos virulents à l'encontre de Monsieur [A] fin novembre 2011: toutefois, ces propos dont la teneur exacte n'est pas rapportée ont été tenus alors que la procédure de licenciement avait été lancée et ne peuvent donc être invoqués comme cause de celui-ci.

Sur le manquement de Monsieur [R] de manière générale à son obligation de loyauté, la société EUROCAVE établit cependant par la production de l'attestation de Monsieur [Z] manager d'EUROCAVE GROUPE sur le secteur ASIE PACIFIQUE, que Monsieur [R], par la diffusion d'informations erronées et de sous-entendus appuyés sur un comportement prétendument inapproprié de Monsieur [A] envers la DRH du GROUPE EUROCAVE, a cherché à nuire à la réputation et à la crédibilité de ce dernier.

Dans ce contexte, les informations émanant de Monsieur [S], de Mme [H] ainsi que la décision judiciaire concernant les liens que Monsieur [R] a eu avec un ancien directeur commercial de la société EUROCAVE, licencié pour faute lourde, ne sont pas pertinentes pour établir un manquement à l'obligation de loyauté de Monsieur [R] dans le cadre de ses fonctions au sein de cette société .

Il résulte toutefois des éléments produits aux débats que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de Monsieur [R] était bien fondé sur une faute grave.

Monsieur [R] sera donc débouté, par confirmation de ce jugement, de toutes demandes indemnitaires découlant d'un licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse.

Sur le manquement à l'obligation contractuelle de la société EUROCAVE concernant la prime d'objectif.

Conformément à l'article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

En l'espèce, Monsieur [R] estime que dès lors que son employeur a manqué à son obligation contractuelle en ne fixant pas les éléments permettant le calcul de sa rémunération variable, il lui doit la totalité de la rémunération soit 35 000 euros , étant rappelé qu'il lui a versé une prime égale à 100 % en 2010.

Il demande également la somme de 3500 euros correspondant aux congés payés afférents à ce rappel de rémunération variable.

L'employeur considère que même si Monsieur [R] a eu droit à une prime de 100 % en 2010, il n'a aucun droit acquis à cette somme en 2011, que la rémunération 2011 était conditionnée cumulativement à l'attente des objectifs personnels et à celle de l'EBIT, de sorte qu'il s'agit en réalité d'une perte de chance d'obtenir la rémunération variable et que Monsieur [R] ne démontrant pas le préjudice allégué doit en être débouté.

Il convient de rappeler que la rémunération variable ne saurait être fixée en fonction d'objectifs définis pas le seul employeur sans transparence et sur des éléments qu'il est le seul à détenir.

Le contrat de travail de Monsieur [R], certes non formalisé mais qui a fait la loi des parties est rédigé comme suit sur la rémunération:

« ARTICLE 7 - REMUNERATION FORFAITAIRE- CLAUSE D' AUTONOMIE

Compte tenu des responsabilités qui lui sont confiées et en contrepartie de son forfait sans référence horaire, Monsieur [E] [R] percevra une rémunération annuelle de base brute forfaitaire de 152 880euros payable en douze mensualités égales de 12 740 euros.

Une rémunération brute variable sur objectif, de 0 à 35 000 euros pourra s'y ajouter. Cette rémunération complémentaire est conditionnée à l'atteinte du niveau d'EBIT de la société Eurocave, fixé chaque année par Direction Générale d'EuroCave, et à la réalisation des objectifs personnels fixés en début de chaque année par sa hiérarchie.

Les modalités d'attributions sont définies chaque année et validées par le comité de direction. Le montant sera versé au plus tard en février de l'année n+1.

Compte tenu de la nature de ses fonctions de ses responsabilités et de son indépendance, Monsieur [E] [R] aura l'initiative d'organiser et d'adapter son emploi du temps dans le respect des intérêts de sa mission et en fonction des nécessités de service.

Les parties conviennent expressément que la rémunération de Monsieur [E] [R] est fixée pour tenir compte de l'ensemble des sujétions, notamment de disponibilité et de déplacement, liée au bon accomplissement de sa mission. »

Début janvier 2011, Monsieur [A] a fait connaître à l'ensemble des cadres une proposition des objectifs à atteindre à laquelle était annexé un tableau reprenant les objectifs individuels et indiquant qu'il convenait d'en discuter afin d'affiner les chiffres.

Si aucun document ne permet de confirmer que Monsieur [R] a validé ces chiffres, il n'apparaît pas qu'il les ait contestés, comme en atteste son courriel du 4 mars 2011 et la réponse de Monsieur [A] qui indique « rien que tu n'aies pas mérité en regard du super boulot de déploiement réalisé en si peu de temps par toi et ton équipe plus ta contribution à des projets parallèles ».

Monsieur [R] a été licencié début décembre 2011.

Il aurait donc dû, à cette date, connaître les éléments chiffrés concernant l'EBIT comme les objectifs atteints, aux fins que soit calculée la prime d'objectifs à laquelle il a contractuellement droit.

En ne le faisant pas, et sans pouvoir lui reprocher sa carence dans l'administration de la preuve alors qu'il s'agit d'éléments comptables qu'elle seule détient, la société EUROCAVE a manqué à son obligation contractuellement prévue et a privé Monsieur [R] d'une chance d'améliorer sa rémunération , lui causant ainsi un préjudice certain qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 17 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Il convient donc de réformer la décision entreprise sur le montant de dommages et intérêts alloués de ce chef.

Monsieur [R] sera toutefois débouté de sa demande tendant à ce que lui soit allouée la somme de 35 000 euros ainsi que les congés payés afférents, la somme allouée étant en effet non un rappel de rémunération variable mais l'indemnisation d'une perte de chance.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser aux parties la charge de leurs frais non recouvrables.

Il convient de laisser à la société EUROCAVE la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS.

CONFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions sauf concernant le montant des dommages et intérêts alloués à Monsieur [E] [R] au titre du manquement à l'obligation contractuelle de fixer les objectifs permettant le calcul de la rémunération variable pour 2011,

Statuant à nouveau de ce chef,

CONDAMNE la société EUROCAVE à payer à Monsieur [E] [R] la somme de 17 500 euros à titre de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation contractuelle de fixer les objectifs permettant le calcul de la rémunération variable pour 2011,

DEBOUTE Monsieur [E] [R] du surplus de ses demandes,

DEBOUTE la société EUROCAVE de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

LAISSE à sa charge les dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Géraldine BONNEVILLE Elizabeth POLLE SENANEUCH


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 16/00252
Date de la décision : 05/05/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°16/00252 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-05;16.00252 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award