AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 16/00049
-Jonction des procédure 14/10056 et 14/09974 en date du9 avril 2015
-14/9974 radiation en date du 9 décembre 2015
-réinsciption après radiation en date du 17/12/2015
SAS LUXOTTICA FRANCE
C/
[M]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 27 Novembre 2014
RG : F 12/04555
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 05 MAI 2017
APPELANTE :
SAS LUXOTTICA FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Carole PENARD, avocat au barreau de NICE
Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 14/10056 (Fond)
INTIMÉE :
[T] [M]
née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Comparante en personne, assistée de Me Christophe NEVOUET de la SELAS BERTHEZENE NEVOUET RIVET, avocat au barreau de PARIS
Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 14/10056 (Fond)
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Mars 2017
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Michel SORNAY, Président
Didier JOLY, Conseiller
Marie-Christine DE LA SALLE, Conseiller
Assistés pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 05 Mai 2017, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Michel SORNAY, Président, et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
[T] [M] a été engagée par la société Bausch & Lomb le 11 août 1998 en qualité d'attachée commerciale sur un secteur géographique comprenant les départements du Rhône, de l'Ain, de la Savoie et de la Haute-Savoie.
Par lettre du 15 septembre 1999, la S.A.S. Luxottica France lui a notifié qu'elle était son nouvel employeur à compter du 27 juin 1999, suite au rachat de l'activité Eyewear de Bausch & Lomb.
Son contrat de travail restait soumis à la convention collective du commerce de gros.
Le 28 janvier 2002, les parties ont signé un contrat de travail de V.R.P. exclusif soumis à l'accord national interprofessionnel des V.R.P. sans modification du secteur géographique de la salariée. Celle-ci était chargée de la représentation de la ligne de produits Ray Ban Solaire.
En rémunération de ses services, [T] [M] percevait, sur toutes les commandes directes et indirectes faites par son intermédiaire dans le secteur concédé :
- une commission brute de 6%,
- une surcommission brute de 2% constituant un versement anticipé sur l'indemnité de clientèle future éventuellement due en cas de rupture du contrat,
- une prime calculée ainsi qu'il suit :
pour la période du 1er janvier au 31 juillet, de 0,5 à 2% maximum du chiffre d'affaires toutes remises déduites si l'objectif de cette période était atteint,
pour la période du 1er août au 31 décembre, de 0,5 à 2% maximum du chiffre d'affaires toutes remises déduites si l'objectif de cette période était atteint.
Les commissions étaient calculées sur le montant net des factures, après déduction des remises éventuellement accordées, des frais de recouvrement assurés par la société elle-même, de la taxe à la valeur ajoutée et autres droits et taxes.
Il était précisé, de convention expresse entre les parties, que les taux de commission définis avaient été calculés de manière à couvrir l'ensemble des frais exposés par le représentant dans l'exercice de sa profession (voyages, véhicule, correspondance, téléphone, etc), ceux-ci étant évalués forfaitairement à 30% du montant desdites commissions.
[T] [M] ne pouvait prétendre à aucune commission sur les commandes non livrées ou non encaissées pour quelque cause que ce soit dès lors que le défaut d'exécution ou d'encaissement ne résultait pas d'un fait volontaire de la société. Celle-ci se réservait de ne pas donner suite à certaines propositions d'ordre sans que le représentant puisse réclamer de ce fait une commission ou une indemnité, quel que soit le motif de la décision.
Dans les deux mois suivant le début de chaque période commerciale (1er janvier au 31 juillet et 1er août au 31 décembre), les objectifs à réaliser seraient fixés par la direction.
Par lettre recommandée du 14 juin 2005, la S.A.S. Luxottica France a soumis à [T] [M] une proposition de modification de son contrat de travail pour motif économique sous la forme d'une réduction à 5% de la commission mensuelle brute versée au titre de la ligne Ray Ban Solaire et Ray Ban Solaire Junior et d'une réduction à 1% de la surcommission constituant un versement anticipé de l'indemnité de clientèle.
En l'absence de refus de [T] [M] dans le délai d'un mois, ces nouvelles conditions de rémunération sont entrées en vigueur.
Le 18 juillet 2007, [T] [M] a refusé une nouvelle proposition de modification de son contrat de travail en date du 25 juin.
Mettant en avant la nécessité de dégager des ressources financières pour répondre à la croissance de l'activité téléphonique et internet, la S.A.S. Luxottica France a proposé à la salariée le 26 juillet 2007 une réduction à 4% de ses commissions sur les lignes Ray Ban Solaire et Ray Ban Solaire Junior.
[T] [M] a signé l'avenant contractuel proposé qui contenait une définition de sa clientèle et précisait que les objectifs semestriels de la salariée étaient fixée par avenant. L'avenant a pris effet le 1er septembre 2007.
Une annexe du 24 août 2007 à cet avenant a fixé d'un commun accord les objectifs de [T] [M] pour les périodes du 1er août 2007 au 31 décembre 2007 et du 1er janvier 2008 au 31 juillet 2008.
Le 24 août 2007, les parties ont conclu un accord transactionnel, [T] [M] acceptant la perte des clients grands comptes repris directement par la société moyennant une indemnité de clientèle brute de 19 514,31 €.
[T] [M] a refusé de signer l'avenant lui fixant des objectifs pour la période du 1er janvier au 31 juillet 2008. Elle n'a pas davantage accepté ceux du deuxième semestre 2008 et ceux des deux semestres de 2009.
Par lettre recommandée du 1er septembre 2009, la S.A.S. Luxottica France a proposé à la salariée une réduction à 3% de ses commissions sur les lignes Ray Ban Solaire et Ray Ban Solaire Junior à compter du 5 octobre 2009. Le taux de la prime sur objectifs était fixé à 1% du chiffre d'affaires réalisé.
Par lettre recommandée du 30 septembre 2009, [T] [M] a refusé de signer l'avenant proposé, l'employeur ne justifiant pas des motifs de la modification du contrat de travail.
Le 2 octobre 2009, il a été convenu que la S.A.S. Luxottica France assurerait à [T] [M] le versement de l'intégralité de la prime du 2ème semestre 2009, quels que soient les résultats du secteur et lui verserait le différentiel entre l'ancien et le nouveau taux de commission sous forme de prime exceptionnelle, durant les mois de novembre et décembre 2009.
[T] [M] n'a plus signé aucun avenant contractuel relatif aux objectifs semestriels.
Par lettre recommandée du 25 septembre 2012, la S.A.S. Luxottica France a convoqué [T] [M] le 9 octobre 2012 en vue d'un entretien préalable à son licenciement.
Par lettre recommandée du 18 octobre 2012, elle lui a notifié son licenciement pour les motifs suivants :
1°) Une insuffisance professionnelle se matérialisant, en particulier, par ;
- une incapacité à promouvoir comme il se doit les séries spéciales (Ray Ban Liteforce et Special Light Ray),
- la non-atteinte des objectifs quantitatifs depuis le 2ème semestre 2010,
- la non-atteinte des objectifs qualitatifs (taux de polarisant de 17% pour un objectif de 20% et une moyenne de 19,2% réalisée par les autres salariés sur des secteurs similaires),
- l'insuffisante promotion des Ray Ban Junior,
- la détérioration de la présence de la marque Ray Ban sur le secteur de la salariée ;
2°) Un manque de professionnalisme illustré, en particulier, par deux incidents :
- le non-respect des consignes communiquées lors de la réunion nationale du 27 août 2012 et relatives à la saisie des commandes,
- un comportement inadapté, le 24 septembre 2012 lors du "showroom" clients de [Localité 2], sous la forme d'un manque de respect de la salariée à l'égard de son supérieur hiérarchique.
[T] [M] a contesté son licenciement par un courrier du 13 novembre 2012 dans lequel elle a renoncé à l'indemnité de clientèle et demandé le paiement de l'indemnité spéciale de rupture prévue par l'accord national interprofessionnel des voyageurs représentants placiers du 3 octobre 1975. Elle a soutenu notamment que la mesure de licenciement était exclusivement motivée par la volonté de la société de supprimer les derniers postes des VRP Ray Ban solaires de l'entreprise dont la rémunération était jugée trop élevée.
Elle a saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon le 29 novembre 2012.
Par lettre du 6 décembre 2012, la S.A.S. Luxottica France a dispensé [T] [M] d'effectuer son préavis à compter du 1er janvier 2013.
Le 2 janvier 2013, le service ressources humaines a annoncé l'arrivée du successeur de [T] [M], [L] [R], en intégration au siège les 8 et 9 janvier 2013.
Par lettre du 21 décembre 2012, la S.A.S. Luxottica France a maintenu que la mesure de licenciement était parfaitement fondée et réfuté les "tentatives d'amalgame" auxquelles se livrait la salariée.
Par décision du 31 janvier 2013, le bureau de conciliation du Conseil de prud'hommes a ordonné à la S.A.S. Luxottica France de verser à [T] [M] une provision sur l'indemnité spéciale de rupture de 50 000 €.
L'affaire a été fixée à l'audience du bureau de jugement du 23 janvier 2014.
*
* *
LA COUR,
Statuant sur :
1°) l'appel interjeté le 23 décembre 2014 par la S.A.S. Luxottica France,
2°) l'appel interjeté le 24 décembre 2014 par [T] [M],
du jugement rendu le 27 novembre 2014 par le Conseil de prud'hommes de Lyon (section encadrement) qui a :
- condamné la SAS LUXOTTICA à payer à Madame, [T] [M] les sommes suivantes
180 000 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif,
1 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
Au titre de la clause ducroire :
1.587,35 € au titre de l'année 2007 (novembre et décembre 2007) outre 158,73 € de congés payés,
6.710,91€ au titre de l'année 2008 outre 671,09 € de congés payés,
8 294,01 € au titre de l'année 2009 outre 829,4 € de congés payés,
8.630,41 € au titre de l'année 2010 outre 863,04 € de congés payés,
9.327,75 € au titre de l'année 2011 outre 932,77 € de congés payés,
7.550,95 € au titre de l'année 2012 outre 755,09 € de congés payés,
soit la somme globale de 42.101,38 € outre 4 210,13 € au titre des congés payés afférents ;
Au titre des commissions de retour sur échantillonnage :
41 622,90 € à titre de rappel de salaire outre 4 162,29 € au titre des congés payés afférents,
Au titre des rappels de prime sur objectifs :
12 132,70 € pour l'année 2009,
33 954,62 € pour l'année 2010,
63 902,46 € pour l'année 2011,
62 156,94 € pour l'année 2012,
soit la somme globale de 243 386,42 € outre 24 338,64 € de congés payés afférents ;
23 738,50 € au titre de rappel de salaire pour l'indemnité de préavis outre 2 373,85 € de congés payés afférents,
9 353,14 € au titre d'indemnité pour utilisation du domicile personnel pour raisons professionnelles;
- fixé le salaire mensuel moyen de [T] [M] à la somme de 16 707,62 €
- ordonné l'exécution de droit sur les sommes de nature salariale dans la limite de 9 mois de salaire, soit la somme de 147 368,58 € de laquelle il conviendra de retrancher la somme de 50 000 € allouée en bureau de conciliation et infirmée par le jugement, soit la somme de 97 368,58 €
- ordonné l'exécution provisoire autre que celle de droit en application de l'article 515 du code de procédure civile sur la somme de 100 000 € sur les dommages-intérêts pour licenciement abusif,
- condamné la S.A.S. Luxottica France à payer à [T] [M] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné le remboursement par la S.A.S. Luxottica France à Pôle Emploi des indemnités de chômage perçues par [T] [M] du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage,
- débouté les parties de toute autre demande plus ample ou contraire,
- condamné la S.A.S. Luxottica France aux dépens ;
Vu l'ordonnance de jonction du 9 avril 2015,
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 2 mars 2017 par la S.A.S. Luxottica France qui demande à la Cour de :
- infirmer le jugement déféré en ce que le Conseil de prud'hommes a dit et jugé que :
le licenciement de Madame [M] n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Madame [M] était fondée dans ses prétentions au titre du ducroire, du retour sur échantillonnage, des primes sur objectifs, de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'occupation du domicile, et de leurs demandes accessoires,
et dans la limite des condamnations prononcées à l'encontre de la Société Luxottica,
- le confirmer pour le surplus,
En tout état de cause,
- dire et juger bien fondé le licenciement mis en oeuvre à l'égard de Madame [M],
- dire et juger que Madame [M] n'est pas fondée, tant sur le principe que sur le quantum, à solliciter une indemnité spéciale de rupture,
- dire et juger que la Société est fondée à solliciter le remboursement de la provision de 50 000 euros, somme à laquelle elle a été indûment condamnée au titre de cette indemnité spéciale de rupture,
- dire et juger que Madame [M] n'est pas fondée à solliciter l'inopposabilité de ses avenants à son contrat de travail de 2005, 2007 et 2009,
- dire et juger que Madame [M] n'est pas fondée dans ses autres prétentions tant au titre de la rupture que de l'exécution de son contrat de travail,
- dire et juger, d'une manière générale, non fondées dans leur principe et injustifiées dans leur montant les demandes de Madame [M] ;
En conséquence
- débouter Madame [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner Madame [M] à rembourser à la Société LUXOTTICA la somme de 218.852,63 euros nets, correspondant au montant des condamnations exécutées à titre provisoire par la Société à la suite de l'ordonnance rendue par le bureau de' conciliation du 31 janvier 2013 et du jugement du 27 novembre 2014,
- condamner Madame [M] au paiement d'une somme de 7 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 2 mars 2017 par [T] [M] qui demande à la Cour de :
Au titre de la rupture du contrat de travail :
- confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Lyon du 27 novembre 2014 en ce que celui-ci jugeait le licenciement de Madame [M] dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,
- requalifier le licenciement de Madame [M] en licenciement pour motif économique et condamner la Société à verser à la salariée les sommes suivantes :
109.580,43 € nets à titre de dommages-intérêts pour la privation du bénéfice du congé de reclassement,
40.000 € nets à titre de dommages-intérêt pour la privation des dispositions légales relatives à l'obligation de reclassement et à l'ordre des licenciements,
40.000 € nets à ce titre des dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage sur le fondement de l'article L. 1235-13 du Code du Travail ;
- infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes, en ce que celui-ci limitait le montant des dommages-intérêts octroyés à Madame [M] et condamner la société Luxottica à verser à Madame [M] la somme de 600.000 € nets à titre de dommages- intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes et dire Madame [M] bien fondée à percevoir l'indemnité spéciale de rupture et condamner la société Luxottica à percevoir la somme de 142.719,11 € nets à titre d'indemnité spéciale de rupture,
- infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes en ce que celui-ci limitait le montant de l'indemnité de retour sur échantillonnage octroyée à Madame [M] et condamner la société Luxottica à verser à la salariée la somme de 83.245,80 € bruts à titre d'indemnité de retour sur échantillonnage et 8.324,58 € bruts en paiement des congés payés afférents ;
Au titre de l'exécution du contrat de travail :
- confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Lyon du 27 novembre 2014 en ce que celui-ci condamnait la société Luxottica à verser à Madame [M] les sommes suivantes:
* au titre de la clause ducroire :
10.000 € nets à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
42.101,38 € bruts à titre de rappels de salaire,
4.210,13 € bruts en paiement des congés payés afférents. au titre de la prime sur objectifs,
* au titre de la prime sur objectifs :
243.386,42 € bruts à titre de rappels de salaire,
24.338,64 € bruts en paiement des congés payés afférents,
23.738,50 € bruts à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis,
2.373,85 € bruts en paiement des congés payés afférents,
- infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes, en ce que celui-ci limitait le montant de l'indemnité d'occupation professionnelle du domicile personnel versée à Madame [M] et condamner la société Luxottica à verser à la salariée la somme de 26.955,88 € à titre d'indemnisation au titre de l'occupation professionnelle du domicile personnel et à défaut, la somme de 9.353,14 € nets,
- infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes du 27 novembre 2014 et condamner la société Luxottica à verser à Madame [M] les sommes suivantes :
* au titre de l'indemnité de retour sur échantillonnage :
10.000 € nets à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
* au titre de la clause ducroire
5.663,23 € nets à titre de complément d'indemnité spéciale de rupture pour la clause ducroire,
3.997,57 € bruts à titre de complément d'indemnité de retour sur échantillonnage afférente,
399,75 € bruts en paiement des congés payés afférents,
1.998,79 € bruts à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis afférente,
199,87 € bruts en paiement des congés payés afférents ;
* au titre de l'inopposabilité des avenants au contrat de travail de Madame [M] :
790.512,66 € bruts à titre de rappels de salaire compte tenu de l'inopposabilité des avenants au contrat de travail de Madame [M],
79.051,26 € bruts en paiement des congés payés afférents,
142.719,11 € nets à titre de complément d'indemnité spéciale de rupture afférente,
100.742,88 € bruts à titre de complément d'indemnité de retour sur échantillonnage afférente,
10.074,28 € bruts en paiement des congés payés afférents,
50.371,44 € bruts à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis,
5.037,14 € bruts en paiement des congés payés afférents ;
* au titre des remises de fin d'année :
23.670 € bruts à titre de rappels de salaire au titre des RFA,
2.367 € bruts en paiement des congés payés afférents,
6.658,33 € nets à titre de complément d'indemnité spéciale de rupture,
4.699,99 € bruts à titre de complément d'indemnité de retour sur échantillonnage,
469,99 € bruts en paiement des congés payés afférents,
2.349,99 € bruts à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis,
234,99 € bruts en paiement des congés payés afférents ;
* au titre des retours :
4.730,94 € bruts à titre de rappel de salaire au titre des retours de montures de lunettes,
473,09 € bruts en paiement des congés payés afférents,
90,38 € nets à titre de complément d'indemnité spéciale de rupture,
63,79 € bruts à titre de complément d'indemnité de retour sur échantillonnage,
6,37 € bruts en paiement des congés payés afférents,
31,88 € bruts à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis,
3,18 € bruts en paiement des congés payés afférents ;
* au titre des fermetures de comptes de clients
3.109,52 € bruts à titre de rappels de salaire au titre des fermetures de comptes de clients,
310,95 € bruts en paiement des congés payés afférents,
1.637,24 € nets à titre de complément d'indemnité spéciale de rupture,
1.155,70 € bruts à titre de complément d'indemnité de retour sur échantillonnage,
115,57 € bruts en paiement des congés payés afférents,
577,85 € bruts à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis,
57,78 € bruts en paiement des congés payés afférents ;
* au titre des primes sur objectifs :
57.966,58 € nets à titre de complément d'indemnité spéciale de rupture relative aux primes sur objectifs,
40.917,59 € bruts à titre de complément d'indemnité de retour sur échantillonnage,
4.091,75 € bruts en paiement des congés payés afférents ;
* au titre des frais professionnels :
126.896 € nets en remboursement des frais professionnels,
3.500 € nets à titre d'indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal dans le cadre des dispositions des articles 1153 et suivants du Code civil, avec capitalisation des intérêts,
- condamner la société Luxottica aux entiers dépens, en ce compris les frais éventuels d'exécution forcée de la décision à intervenir ;
Sur le remboursement des frais professionnels :
Attendu que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur, doivent être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition, d'une part, que cette somme forfaitaire ne soit pas manifestement disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés
Qu'en l'espèce, le contrat de travail du 28 janvier 2002 contient la clause suivante : ' De convention expresse entre les parties, il est précisé que les taux de commission définis ont été calculés de manière à couvrir l'ensemble des frais exposés par le représentant dans l'exercice de sa profession (voyages, véhicule, correspondance, téléphone....) ceux ci étant évalués forfaitairement à 30% du montant desdites commissions ' ;
Que les frais professionnels exposés par [T] [M], dont l'importance dépendait du volume de son activité et par conséquent du montant de ses commissions, étaient inclus dans celles-ci pour un montant établi de manière forfaitaire en pourcentage des commissions ; que le montant des frais pris en charge par la S.A.S. Luxottica France pouvait donc être déterminé ; que les parties n'ont fait ainsi qu'user de la liberté qui leur est reconnue de convenir des modalités de prise en charge des frais professionnels du V.R.P. ; que la salariée ne conteste d'ailleurs pas les termes de la comparaison effectuée par l'employeur, année par année, entre le montant de la prise en charge forfaitaire des frais et le montant des frais professionnels réellement exposés par la demanderesse ; qu'il en ressort que la clause contractuelle litigieuse lui était plus favorable que le remboursement des frais réels ;
Qu'en conséquence, [T] [M] sera déboutée de sa demande de remboursement des frais professionnels ;
Sur la demande d'indemnisation au titre de l'occupation professionnelle du domicile personnel :
Attendu que le salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l'occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition ; que [T] [M] démontre qu'il en était ainsi pour ce qui la concernait ; que la S.A.S. Luxottica France ne peut pas sérieusement soutenir que la salariée pouvait, sinon très ponctuellement, utiliser son outil informatique sur le terrain et entre deux rendez-vous pour assumer ses tâches administratives ; qu'elle ne pouvait davantage laisser dans son véhicule les échantillons des collections qu'elle présentait ; que la clause contractuelle relative à la prise en charge à hauteur de 30% des commissions des frais professionnels exposés, ne comporte aucune mention de nature à établir que ce montant couvrait également la sujétion découlant de l'obligation pour la salariée d'utiliser une partie de son domicile personnel à des fins professionnelles ;
Que la S.A.S. Luxottica France soulève la prescription pour la période antérieure au 29 novembre 2007, [T] [M] ayant présenté sa demande pour la première fois le 29 novembre 2012 ; que selon l'article 2222 du code civil, en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, ayant réduit le délai de prescription de trente à cinq ans pour actions personnelles ou mobilières, étant entrée en vigueur le 19 juin 2008, la salariée pouvait présenter sa demande jusqu'au 18 juin 2013 pour toute sa période d'emploi ; que la fin de non-recevoir tirée de la prescription sera donc écartée ;
Que si les clichés communiqués attestent de l'affectation d'une pièce du domicile à des fins professionnelles, l'angle de prise de vue ne permet pas de vérifier s'il s'agissait d'une affectation exclusive ou seulement partielle ; qu'en outre, [T] [M] n'est pas fondée à solliciter une indemnisation couvrant une période supérieure à quatorze ans en retenant pour l'ensemble de celle-ci une valeur locative dont rien ne démontre la permanence depuis 1998 ; que dans ces conditions, le montant de la demande est particulièrement déraisonnable ; que sur la base de 500 € d'indemnité par année, la Cour allouera à [T] [M] une somme forfaitaire de 7 250 € ;
Sur la demande de rappels de commissions :
Attendu que selon [T] [M], en l'absence de motif économique au sens de l'article L 1233-3 du code du travail, la S.A.S. Luxottica France ne pouvait se prévaloir ni d'un refus ni d'une acceptation des avenants des 14 juin 2005, 25 juin 2007 et 1er septembre 2009, ayant réduit son taux de commissions sur le fondement de l'article L 1222-6 du code du travail ;
Mais attendu que la S.A.S. Luxottica France a respecté les formalités prescrites par l'article L 1222-6 pour permettre à la salariée de se prononcer sur les modifications successivement proposées du contrat de travail ; que [T] [M] a refusé de signer l'avenant du 1er septembre 2009 et se borne à alléguer, sans le démontrer, que l'employeur a néanmoins réduit sa rémunération ; qu'elle a signé l'avenant du 26 juillet 2007 et n'a pas exprimé dans le délai d'un mois son refus de la modification proposée le 14 juin 2005 ; qu'elle n'est pas fondée à remettre en cause a posteriori l'existence du motif économique à l'origine des modifications qu'elle a acceptées expressément ou tacitement ;
Attendu que selon l'article 1116 du code civil, alors applicable, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'il ne se présume pas et doit être prouvé ;
Qu'en l'espèce, à l'occasion de chacune des propositions de modification de son contrat de travail, [T] [M] a pesé les motifs de celles-ci ainsi que le démontrent ses lettres des 18 juillet 2007 et 30 septembre 2009 ; que dans ce second courrier, elle a relevé que la société avait apporté des justifications d'ordre économique à l'appui des précédentes propositions d'avenant ; que ces propositions successives avaient d'ailleurs donné lieu à des débats en comité d'entreprise ; que [T] [M] ne rapporte pas la preuve de l'existence de manoeuvres dolosives de la S.A.S. Luxottica France, ayant vicié son consentement ;
Qu'en conséquence, [T] [M] sera déboutée de sa demande de rappel de commissions ;
Sur la demande de rappel de salaire au titre de la clause ducroire :
Attendu qu'aux termes de l'article 5-3 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975, est nulle et de nul effet toute clause de ducroire incluse dans un contrat de travail ayant pour conséquence de rendre le salarié pécuniairement responsable du recouvrement des créances de son employeur à l'égard de tiers ; qu'en revanche, il peut être contractuellement prévu que les commandes non menées à bonne fin n'ouvrent pas droit à commission, à condition que ce soit sans faute de l'employeur et sans que le salarié soit privé des commissions qui lui étaient dues sur des contrats effectivement réalisés ;
Qu'en l'espèce, il résulte des tableaux de calcul des commissions établis par la S.A.S. Luxottica France que celle-ci prélevait un taux moyen de 5% du chiffre d'affaires, correspondant au 'taux moyen ducroire, frais de gestion, référencement, remises centrales hors centrale Afflelou' et un taux moyen de 17% correspondant au 'taux moyen ducroire, frais de gestion, référencement, remises centrales centrale Afflelou' ; que le prélèvement de 17% a disparu en 2008 ; qu'à la suite de questions des membres du comité d'entreprise, la mention portée sur les tableaux à compter d'avril 2009 est devenue 'taux moyen, frais de gestion et recouvrement centrales', sans diminution du taux ; qu'il s'agit, selon l'employeur, d'une participation à la garantie assurée par les centrales d'achats contre les factures impayées ; que la S.A.S. Luxottica France fait valoir que cette déduction, certes formulée en termes maladroits, s'apparente à une clause de bonne fin, une telle déduction des frais de recouvrement, opérée ici en amont et non en aval, étant licite ; que précisément parce que les prélèvements sont effectués en amont de manière forfaitaire, et non en aval, en fonction des impayés de la période concernée, cette pratique ne peut être assimilée à la mise en oeuvre d'une clause de bonne fin ; qu'elle tombe sous la prohibition des clauses de ducroire ; que si la déduction des autres frais imposés par les centrales d'achats est licite, la S.A.S. Luxottica France ne met pas la Cour en mesure d'individualiser la part de chaque poste de frais dans le taux global ;
Qu'en conséquence, le jugement qui a condamné la S.A.S. Luxottica France à payer à [T] [M] un rappel de salaire de 42 101,38 € et une indemnité de congés payés de 4 210,13 € sur les années 2007 à 2012, selon le détail figurant dans son dispositif, doit être confirmé ;
Sur la demande de rappel de salaire au titre des remises de fin d'année :
Attendu que le contrat de travail de [T] [M] prévoyait que les commissions versées à la salariée étaient calculées en fonction du chiffre d'affaires net résultant des commandes passées par son intermédiaire et que les remises consenties aux clients seraient déduites du montant des commissions ; que la salariée ne rapporte pas la preuve de la volonté de la S.A.S. Luxottica France de faire de l'absence de déduction des remises de fin d'année du chiffre d'affaires réalisé une pratique générale, constante et fixe, constituant un usage d'entreprise substitué aux clauses des contrats de travail individuels ; que ces déductions pouvaient donc être opérées à nouveau sans dénonciation d'un usage inexistant ; que la variation de la rémunération de la salariée résultant des remises de fin d'année consenties par l'employeur à ses clients était proportionnelle à celle du chiffre d'affaires de la société, dont le volume était lui-même majoré par la perspective de telles remises ; qu'elle était par conséquent fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur ;
Que le jugement qui a débouté [T] [M] de ce chef de demande sera donc confirmé ;
Sur la demande de rappel de salaire au titre des retours de montures de lunettes :
Attendu que, selon [T] [M], en cas de retour par les clients des lunettes qu'elle avait vendues, la S.A.S. Luxottica France déduisait de l'assiette de ses commissions un montant supérieur à celui du prix de vente ; qu'il faudrait alors admettre que, contre toute attente, la société ne reprenait pas les montures dont il lui était fait retour selon une valeur minorée, mais au contraire selon une valeur majorée comme si, loin d'être affectées d'un coefficient de vétusté, les montures en stock chez l'opticien prenaient de la valeur avec le temps ; que la S.A.S. Luxottica France démontre que [T] [M] fait une interprétation erronée des listings sur lesquels elle fonde cette assertion ; qu'en conséquence, le jugement qui l'a déboutée de ce chef de demande sera confirmé ;
Sur la demande de rappel de salaire au titre de la fermeture des comptes de certains clients :
Attendu que les opticiens agréés signent avec la S.A.S. Luxottica France, par l'intermédiaire de leur V.R.P. , un contrat par lequel ils s'engagent à acheter un certain nombre de pièces par mois et par an ; qu'il en est résulté des fermetures de comptes de clients insuffisamment productifs au regard du volume de leurs commandes, inférieures à cinquante articles ; que ces comptes pouvaient cependant être réactivés sous certaines conditions ; que l'article 3 du contrat de travail de [T] [M] désignant la clientèle confiée à celle-ci précisait 'sauf décision restrictive de la société présente ou à venir' ; que l'article 4 du contrat faisait par ailleurs obligation à [T] [M] de respecter les conditions de vente ; qu'en fermant certains comptes, la S.A.S. Luxottica France a exercé sa liberté de choisir ses partenaires commerciaux, rappelée dans le contrat de travail de la salariée ; que le jugement qui a débouté [T] [M] de ce chef de demande sera donc confirmé ;
Sur la demande de rappel de primes sur objectifs :
Attendu que, lorsque le droit à une rémunération variable résulte du contrat de travail et que celui-ci prévoit que les objectifs à l'atteinte desquels est suspendue l'ouverture du droit à cette rémunération sont fixés d'un commun accord entre l'employeur et le salarié, il appartient au juge, si l'objectif semestriel ou annuel de résultats a été arrêté unilatéralement par l'employeur, de fixer la rémunération due par référence aux derniers objectifs sur lesquels s'était réalisé l'accord des parties ;
Que le jugement entrepris, qui a fait application de ce principe et calculé le rappel de primes en résultant ainsi que l'indemnité de congés payés incidente doit être confirmé ;
Sur la demande de requalification du licenciement en licenciement pour motif économique :
Attendu que si l'employeur est tenu par les dispositions de l'article L 1232-6 du code du travail d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement, ces motifs ne fixent les limites du litige qu'à l'égard de l'employeur qui l'a rédigée ; qu'il appartient au juge de rechercher, lorsqu'il y est invité par le salarié, si les motifs énoncés sont la véritable cause de la rupture ;
Qu'en l'espèce, [T] [M] soutient que le véritable motif du licenciement est économique, la S.A.S. Luxottica France ayant la volonté de se séparer des V.R.P. et de les remplacer successivement par des attachés commerciaux moins bien rémunérés ; qu'il y a lieu, d'abord, de faire remarquer à la salariée qu'elle doit à la S.A.S. Luxottica France d'avoir vu substituer en 2002 le statut de V.R.P. à ses anciennes fonctions d'attachée commerciale ; qu'ensuite, si la directrice des ressources humaines a déclaré le 10 juillet 2008 devant le comité d'entreprise que la société ne voulait plus à court terme de V.R.P., ces propos ont été contredits dès la réunion du 28 août 2008 par [G] [B] qui a déclaré, en présence de la même directrice : 'tout cas de démission ou de retraite sera remplacé au cas par cas par un attaché commercial ou un V.R.P.' ; que les nombreux jugements et arrêts communiqués démontrent en outre que nombre d'attachés commerciaux ont été licenciés pour insuffisance de résultats de sorte que leur moindre rémunération n'était pas le gage d'une plus grande sécurité de l'emploi ; que [T] [M] n'a pas été licenciée pour motif économique à la suite de son refus de la modification de son contrat de travail le 30 septembre 2009, contrairement à son collègue [O] [Q] qui avait refusé la même modification ; qu'il ne résulte pas des pièces et des débats que le véritable motif de la rupture du contrat de travail de [T] [M] est de nature économique ;
Qu'en conséquence, la salariée doit être déboutée de ses demandes de dommages-intérêts pour privation du bénéfice du congé de reclassement, privation des dispositions légales relatives à l'obligation de reclassement et à l'ordre des licenciements et non-respect de la priorité de réembauche ;
Sur les motifs du licenciement :
Attendu qu'il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige et de former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, conformément aux dispositions de l'article L 1235-1 du code du travail ;
Attendu, sur l'insuffisance professionnelle alléguée, que manque à l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail l'employeur qui laisse un salarié poursuivre l'exécution de son contrat de travail dans des conditions qui provoquent son insatisfaction sans appeler l'attention de l'intéressé sur ses carences et qui rompt soudain le contrat sans avoir pris aucune mesure de nature à lui permettre d'améliorer ses performances ; qu'en l'espèce, la S.A.S. Luxottica France ne démontre pas qu'à plusieurs reprises, elle avait rappelé la salariée à l'ordre sur ses obligations contractuelles et notamment sur les objectifs à atteindre ainsi qu'elle le soutient (page 8) ; qu'elle n'a mis en oeuvre en faveur de [T] [M] aucun 'plan de progrès' comparable à celui dont a bénéficié [J] [Y] (pièce 160 de la salariée) ;
Attendu que l'insuffisance de résultats ne peut constituer une cause de licenciement que si elle procède soit d'une insuffisance professionnelle, soit d'une faute du salarié ; que l'employeur ne peut faire de l'insuffisance professionnelle un motif de licenciement sans examiner l'ensemble de l'activité du salarié ; qu'en l'espèce, la S.A.S. Luxottica France ne démontre pas que les résultats obtenus par [T] [M] sur les séries spéciales Ray Ban Light Force et Light Ray ainsi que sur le Ray Ban juniors sont représentatifs de la performance d'ensemble de l'intéressée ; qu'en outre, celle-ci communique de nombreuses attestations d'opticiens qui expliquent que les modèles Light Ray (aux verres interchangeables) passaient pour démodés, que la série limitée Light Force restait en magasin et que le prix de la collection junior était trop élevé ; que la S.A.S. Luxottica France ne saurait imputer à la salariée un échec commercial qui tient à l'inadéquation des produits proposés aux attentes de la clientèle du secteur géographique ;
Attendu que ne peut constituer un motif de licenciement l'absence de réalisation d'objectifs que l'employeur avait fixés unilatéralement alors qu'ils devaient résulter d'un accord des parties ; qu'en l'espèce, les objectifs de la salariée étaient définis unilatéralement par l'employeur jusqu'en 2007 ; qu'un avenant contractuel à effet du 1er septembre 2007 a prévu que les objectifs semestriels de la salariée seraient désormais fixés par avenant, c'est-à -dire d'un commun accord ; que la S.A.S. Luxottica France fait valoir qu'à compter du 1er semestre 2009, pour obtenir l'adhésion de ses commerciaux, elle leur a laissé un délai d'un mois, selon le formalisme prévu à l'article L 1222-6 du code du travail, pour refuser les objectifs communiqués ; qu'il s'agissait là d'un subterfuge destiné à forcer l'accord des commerciaux ; qu'en effet, les dispositions de l'article L 1222-6 impliquent la modification d'un élément essentiel du contrat de travail ; que chaque avenant à durée déterminée étant caduc au terme des périodes semestrielles que couvraient des objectifs par nature évolutifs, le nouvel avenant proposé ne modifiait pas le précédent avenant, déjà privé d'effet pour l'avenir ; que c'est donc abusivement que, de manière systématique, la S.A.S. Luxottica France se plaçait dans le cadre de l'article L 1222-6 pour éluder la nécessité de l'accord exprès de la salariée ; qu'elle ne peut donc opposer à celle-ci des objectifs auxquels elle n'a pas consenti ;
Attendu, sur le manque de professionnalisme allégué, que la S.A.S. Luxottica France ne rapporte la preuve ni de ce que des consignes avaient été données au cours de la réunion nationale du 27 août 2012 ni du contenu de celles-ci ; qu'elle renvoie la Cour à la lecture d'une pièce 28 qui est un courriel adressé par un certain [F] [C] à une certaine [P] [Z] le 20 janvier 2014 ; que l'émetteur confirme qu'il a eu une conversation avec [T] [M] au sujet d'une application permettant de saisir des commandes sur Ipad ; qu'il ne précise pas la date de cet échange ce qui retire tout caractère probant à la pièce n°28 ; que pour ce qui concerne l'attitude déplacée qu'aurait eue [T] [M] lors du 'showroom' du 24 septembre 2012, il n'existe aucune raison objective de faire prévaloir les dires d'[B] [S], supérieur hiérarchique de [T] [M], sur ceux de la salariée ; que dans une attestation assez tardive, [X] [J] a écrit que celle-ci avait eu un ton irrespectueux envers [B] [S] ; qu'elle a été cependant incapable de préciser le sujet de leur 'discussion houleuse', dont elle semble n'avoir retenu que le thème musical et non le livret ; que cette attestation est trop lacunaire pour faire la preuve du grief retenu contre [T] [M] ;
Que la Cour ne retire pas des pièces et des débats la conviction de ce que [T] [M] a manifesté une insuffisance professionnelle et/ou un manque de professionnalisme susceptible de constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Attendu que [T] [M] qui a été licenciée sans cause réelle et sérieuse, alors qu'elle avait plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, est en droit de prétendre, en application de l'article L 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; que [T] [M] a été admise le 9 mai 2013 au bénéfice de l'allocation de retour à l'emploi, dont le versement a été repris le 11 février 2014 ; qu'après un congé de maternité, elle a suivi une formation (gestion d'une entreprise) du 1er septembre 2014 au 28 janvier 2015 ; qu'elle a été engagée le 7 janvier 2016 en qualité de vendeuse par la société Alrine ; qu'elle est devenue directrice d'un magasin portant l'enseigne Intermarché le 1er septembre 2016 ; qu'en janvier 2017, son salaire mensuel brut s'élevait à 1 909,14 € ; qu'au regard de l'importance du préjudice subi par [T] [M], la S.A.S. Luxottica France sera condamnée à payer à celle-ci une indemnité de deux cent cinquante mille euros (250 000 €) ;
Attendu en outre qu'en application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par la S.A.S. Luxottica France à Pôle Emploi des indemnités de chômage payées à [T] [M] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;
Sur la demande d'indemnité spéciale de rupture :
Attendu qu'aux termes de l'article 14 de l' accord national interprofessionnel applicable : Lorsque le représentant de commerce se trouve dans l'un des cas de cessation du contrat prévus à l'article L. 751-9, alinéas 1er et 2, du code du travail alors qu'il est âgé de moins de 65 ans et qu'il ne rentre pas dans le champ d'application de l'article 16 du présent accord, et sauf opposition de l'employeur exprimée par écrit et au plus tard dans les 15 jours de la notification de la rupture ou de la date d'expiration du contrat à durée déterminée non renouvelable, ce représentant, à la condition d'avoir renoncé au plus tard dans les 30 jours suivant l'expiration du contrat de travail à l'indemnité de clientèle à laquelle il pourrait avoir droit en vertu de l'article L. 751-9 précité, bénéficie d'une indemnité spéciale de rupture fixée comme suit, dans la limite d'un maximum de 10 mois ;
Pour les années comprises entre 0 et 3 ans d'ancienneté : 0,70 mois par année entière ;
Pour les années comprises entre 3 et 6 ans d'ancienneté : 1 mois par année entière ;
Pour les années comprises entre 6 et 9 ans d'ancienneté : 0,70 mois par année entière ;
Pour les années comprises entre 9 et 12 ans d'ancienneté : 0,30 mois par année entière ;
Pour les années comprises entre 12 et 15 ans d'ancienneté : 0,20 mois par année entière ;
Pour les années d'ancienneté au-delà de 15 ans : 0,10 mois par année entière.
Cette indemnité spéciale de rupture, qui n'est cumulable ni avec l'indemnité légale de licenciement, ni avec l'indemnité de clientèle, est calculée sur la rémunération moyenne mensuelle des 12 derniers mois, déduction faite des frais professionnels, et à l'exclusion de la partie fixe convenue de cette rémunération.
L'ancienneté à retenir pour la détermination de l'indemnité prévue au présent article sera l'ancienneté dans la fonction ;
Qu'en l'espèce, par un courrier du 13 novembre 2012, expédié dans les trente jours de son licenciement, [T] [M] a renoncé à l'indemnité de clientèle et demandé le paiement de l'indemnité spéciale de rupture ; que cette renonciation est régulière, le mobile de la salariée étant indifférent ; que dans une lettre du 21 décembre 2012, la S.A.S. Luxottica France a soutenu que les avances perçues sur l'indemnité de clientèle couvraient le montant de l'indemnité spéciale de rupture ; que cette contestation n'est pas intervenue dans les quinze jours du licenciement et ne vaut d'ailleurs pas opposition au principe de l'ouverture du droit à l'indemnité spéciale de rupture, seul le calcul de l'indemnité étant discuté dans la lettre  de l'employeur ;
Attendu qu'aux termes de l'article L 7313-13 du code du travail, en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en l'absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui ; qu'il résulte de ce texte légal que si la rémunération spéciale versée par l'employeur, pour indemniser le salarié ayant la qualité de représentant de l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui, a la nature d'un salaire qui lui reste acquis, même en cas de faute grave, cette rémunération doit être prise en compte pour le montant net qu'il a perçu, dans le calcul de l'indemnité de clientèle à laquelle il a droit lors de la résiliation du contrat ;
Qu'en l'espèce, il résulte des pièces communiquées que la S.A.S. Luxottica France a versé à [T] [M], de 2003 à 2013, à titre d'avances sur l'indemnité de clientèle, la somme nette de 226 659,73 €, très supérieure au montant de l'indemnité spéciale de rupture sollicitée par la salariée (120 706,41 €) ;
Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté [T] [M] de sa demande d'indemnité de clientèle et dit que la provision de 50 000 € allouée par le bureau de conciliation viendrait en déduction des condamnations prononcées ;
Sur l'indemnité de retour sur échantillonnage :
Attendu qu'aux termes des articles L 7313-11 et 7313-12 du code du travail, quelles que soient la cause et la date de rupture du contrat de travail, le voyageur, représentant ou placier a droit, à titre de salaire, aux commissions et remises sur les ordres non encore transmis à la date de son départ, mais qui sont la suite directe des remises d'échantillon et des prix faits antérieurs à l'expiration du contrat ; que sauf clause contractuelle plus favorable au voyageur, représentant ou placier, le droit à commissions est apprécié en fonction de la durée normale consacrée par les usages ; qu'une durée plus longue est retenue pour tenir compte des sujétions administratives, techniques, commerciales ou financières propres à la clientèle ; que cette durée ne peut excéder trois ans à compter de la date à laquelle le contrat de travail a pris fin ;
Qu'en l'espèce, [T] [M] a été dispensée de l'exécution de son préavis à compter du 1er janvier 2013 et remplacée le 8 janvier 2013 par [L] [R] ; que compte tenu du taux de renouvellement de la gamme d'articles offerts à la vente, le Conseil de prud'hommes était fondé à considérer que le droit à commissions de la salariée expirait au terme d'un délai de trois mois à compter de la cessation de son activité ; que sur ces trois mois, le chiffre d'affaires réalisé sur le secteur de [T] [M] s'est élevé à 488 562,59 € ; que la S.A.S. Luxottica France ne démontre pas que la diffusion des modèles Aviator et Wayfarer ne nécessitait aucun appui commercial ; qu'il n'y a donc pas lieu de les exclure du chiffre d'affaires servant de base de calcul ; qu'[L] [R] étant encore en phase d'intégration dans la société, il n'est pas possible de lui imputer plus de 30% du chiffre d'affaires réalisé au cours du trimestre ; qu'après déduction de la part propre d'[L] [R] et des frais professionnels (30%) inclus dans le taux de commissions de [T] [M], les commissions de retour sur échantillonnage dues à la salariée s'élèvent à :
488 562,59 € x 70% = 341 993,81 € x 3% = 10 259,81 € - 3 077,94 € (30%) = 7 181,87 € ;
Que ces commissions n'entrent pas dans l'assiette de calcul des congés payés ;
Sur le rappel d'indemnité compensatrice de préavis :
Attendu que [T] [M] percevant une rémunération variable, le montant de ses droits à indemnité compensatrice de préavis doit s'apprécier au regard des commissions et primes des douze derniers mois ; que sur cette période, il est allouée à la salariée un rappel de primes sur objectifs de 94 954 € qui entre dans l'assiette de calcul de l'indemnité compensatrice de préavis et ouvre droit à un rappel d'indemnité de 23 738,50 € et à une indemnité de congés payés incidente de 2 373,85 € ; que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive :
Attendu que [T] [M] n'est pas fondée à reprocher à la S.A.S. Luxottica France de ne pas avoir tiré les leçons des décisions de justice rendues dans des litiges l'ayant opposée à d'autres salariés, alors qu'elle-même présente à cette Cour des demandes dont ses collègues, tous assistés du même conseil, ont été invariablement déboutés ; qu'elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Confirme le jugement rendu le 27 novembre 2014 par le Conseil de prud'hommes de Lyon (section encadrement) en ce qu'il a :
- dit que le licenciement de [T] [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la SAS LUXOTTICA à payer à [T] [M] les sommes suivantes
Au titre de la clause ducroire :
1.587,35 € au titre de l'année 2007 (novembre et décembre 2007) outre 158,73 € de congés payés,
6.710,91€ au titre de l'année 2008 outre 671,09 € de congés payés,
8 294,01 € au titre de l'année 2009 outre 829,4 € de congés payés,
8.630,41 € au titre de l'année 2010 outre 863,04 € de congés payés,
9.327,75 € au titre de l'année 2011 outre 932,77 € de congés payés,
7.550,95 € au titre de l'année 2012 outre 755,09 € de congés payés,
soit la somme globale de 42.101,38 € outre 4 210,13 € au titre des congés payés afférents ;
Au titre des rappels de prime sur objectifs :
12 132,70 € pour l'année 2009,
33 954,62 € pour l'année 2010,
63 902,46 € pour l'année 2011,
62 156,94 € pour l'année 2012,
soit la somme globale de 243 386,42 € outre 24 338,64 € de congés payés afférents ;
23 738,50 € au titre de rappel de salaire pour l'indemnité de préavis outre 2 373,85 € de congés payés afférents,
- ordonné le remboursement par la S.A.S. Luxottica France à Pôle Emploi des indemnités de chômage perçues par [T] [M] du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage,
- débouté [T] [M] de :
sa demande de remboursement de frais professionnels,
sa demande de rappel de salaire fondée sur l'inopposabilité des avenants ayant réduit son taux de commissions,
sa demande d'indemnité spéciale de rupture,
sa demande de rappel de salaire au titre des remises de fin d'année,
sa demande de rappel de salaire au titre de la fermeture des comptes de certains clients,
sa demande de rappel de salaire au titre des retours de montures de lunettes,
- condamné la S.A.S. Luxottica France aux dépens ;
Infirme le jugement entrepris dans ses autres dispositions,
Statuant à nouveau :
Condamne la S.A.S. Luxottica France à payer à [T] [M] la somme de deux cent cinquante mille euros (250 000 €) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2014 à concurrence de cent quatre-vingt-mille euros (180 000 €) et à compter de la date du présent arrêt pour le surplus,
Condamne la S.A.S. Luxottica France à payer à [T] [M] :
la somme de sept mille deux cent cinquante euros (7 250 €) à titre d'indemnité pour l'occupation à titre professionnel de son domicile personnel,
la somme de sept mille cent quatre-vingt-un euros et quatre-vingt-sept centimes (7 181,87 €) à titre de commissions de retour sur échantillonnage ;
Déboute [T] [M] de :
sa demande d'indemnité de congés payés sur commissions de retour sur échantillonnage,
sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
Y ajoutant :
Déboute [T] [M] de ses demandes de dommages-intérêts pour privation du bénéfice du congé de reclassement, privation des dispositions légales relatives à l'obligation de reclassement et à l'ordre des licenciements et non-respect de la priorité de réembauche ;
Dit que la provision accordée par le bureau de conciliation viendra en déduction des sommes allouées ci-avant,
Dit que les intérêts des sommes allouées, échus depuis le 1er mars 2017, date de la demande de capitalisation, produiront eux-mêmes des intérêts au taux légal par années entières, en application de l'article 1154 du code civil, devenu 1343-2,
Dit que les sommes allouées à [T] [M] supporteront, s'il y a lieu, le prélèvement des cotisations et contributions sociales,
Condamne la S.A.S. Luxottica France aux dépens d'appel,
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance que devant la Cour.
Le GreffierLe Président
Gaétan PILLIEMichel SORNAY