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11/04/2017 | FRANCE | N°16/02008

France | France, Cour d'appel de Lyon, Sécurité sociale, 11 avril 2017, 16/02008


AFFAIRE SÉCURITÉ SOCIALE



RAPPORTEUR





R.G : 16/02008





SOCIETE BM RHONE ALPES



C/

[K]

CPAM [Localité 1]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON

du 29 Février 2016

RG : 20132296



















































COUR D'APPEL DE LYON



Sécurité sociale



ARRÊT DU 11 AVRIL 2017













APPELANTE :



SOCIETE BM RHONE ALPES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE ALPES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Charlotte PARFAIT, avocat au barreau de LYON







INTIMES :



[Y] [K]

né le [Date ...

AFFAIRE SÉCURITÉ SOCIALE

RAPPORTEUR

R.G : 16/02008

SOCIETE BM RHONE ALPES

C/

[K]

CPAM [Localité 1]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON

du 29 Février 2016

RG : 20132296

COUR D'APPEL DE LYON

Sécurité sociale

ARRÊT DU 11 AVRIL 2017

APPELANTE :

SOCIETE BM RHONE ALPES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE ALPES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Charlotte PARFAIT, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

[Y] [K]

né le [Date naissance 1] 1960

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Stéphanie ATTIA-COLOMBIN, avocat au barreau de LYON

CPAM [Localité 1]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Madame [G] [M], munie d'un pouvoir

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Février 2017

Présidée par Ambroise CATTEAU, Vice-Président placé, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président

Marie-Christine DE LA SALLE, Conseiller

Ambroise CATTEAU, Vice-Président placé

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 11 Avril 2017 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Monsieur [Y] [K], chef manutention depuis le 1er septembre 1993 au sein de la société BM Rhône Alpes, était victime d'un accident du travail en date du 30 juillet 2011, objet d'une déclaration d'accident du travail établie par l'employeur, le 1er août 2011, mentionnant: ' il est tombé du quai car il s'est pris les pieds dans un feuillard'.

Le certificat médical initial en date du 30 juillet 2011 mentionnait une contusion du poignet droit et une entorse du ligament latéral externe du genou droit.

Les lésions relatives à l'accident étaient déclarées consolidées le 24 mai 2013 avec attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle de 20 %.

Suite à un procès-verbal de non-conciliation en date du 10 septembre 2013 par la Caisse primaire d'assurance-maladie [Localité 2], Monsieur [K] saisissait le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon, le 20 novembre 2013, aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur à l'origine de son accident du travail.

Par jugement, en date du 29 février 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon:

- disait que l'accident du travail survenu le 30 juillet 2011 à Monsieur [Y] [K] est imputable à la faute inexcusable de l'employeur,

- ordonnait la majoration de la rente attribuée à Monsieur [K] au taux maximum prévu par la loi et disait que seul le taux décidé par le TCI saisi d'une procédure en contestation du taux d'incapacité permanente partielle par l'employeur sera opposable à la société BM Rhône Alpes,

- avant dire droit sur l'indemnisation, ordonnait une expertise et désignait le docteur [F],

- condamnait la société BM Rhône Alpes à payer à Monsieur [K] une indemnité de 1 500€ au titre de ses frais irrépétibles.

Par courrier reçu le 14 mars 2016 au greffe de la Cour d'appel de Lyon, le conseil de la société BM Rhône Alpes interjetait appel du jugement précité.

L'affaire était plaidée à l'audience du 21 février 2017 et mise en délibéré à ce jour par mise à disposition au greffe.

La société BM Rhône Alpes demande à la Cour d'infirmer le jugement dans toutes ses dispositions et de débouter Monsieur [K] de toutes ses demandes.

A titre subsidiaire, elle demande à la Cour de dire que la CPAM devra faire l'avance de toutes les sommes accordées au titre de cette reconnaissance, de limiter l'expertise aux préjudices visés par l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale, et de rejeter la demande de provision.

En tout état de cause, elle demande la condamnation de Monsieur [K] à lui payer une indemnité de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles.

Monsieur [K] demande à la Cour de confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions et de condamner la société BM Rhône Alpes à lui payer une provision de

10 000€ à valoir sur la réparation de ses préjudices et une indemnité de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles.

La CPAM [Localité 1] s'en rapporte à justice sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et fait appel incident en cas de confirmation de la décision en sollicitant de la Cour qu'elle déclare le jugement commun et opposable à la société BMRA, qu'elle dise et juge que la Caisse pourra recouvrer l'intégralité des sommes dont elle serait susceptible de faire l'avance, de constater que la Caisse, subrogée dans les droits de la victime, procédera au recouvrement des sommes avancées au titre de la majoration de la rente calculée selon le taux d'incapacité permanente partielle définitivement attribué à la victime.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Chacune des parties ayant comparu, le présent arrêt sera contradictoire.

1/ Sur l'existence d'une faute inexcusable imputable à la société BM Rhône Alpes,

En application du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité notamment en ce qui concerne les accidents du travail.

Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident et il suffit qu'elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée alors même que d'autres facteurs ont concouru au dommage.

En l'espèce, les dispositions de l'article L4121-3-1 d code du travail créant une fiche individuelle d'exposition au risque résultent de la loi n°2010- 1330 du 9 novembre 2010 dont l'article 118 IV prévoit que les dispositions précitées ne seront applicables qu'à compter d'une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2012.

En l'absence de décret, et en l'état d'un accident du travail en date du 30 juillet 2010, il ne peut être fait grief à la société BM Rhône Alpes ne pas avoir établi une fiche individuelle d'exposition aux risques concernant le poste de Monsieur [K].

Les dispositions de l'article R 4224-5 du code du travail selon lesquelles les passerelles, planchers en encorbellement, plate-formes en surélévation, ainsi que leurs moyens d'accès, sont construits, installées ou protégés, de telle sorte que les travailleurs appelés à les utiliser ne soient pas exposer à des chutes, ne sont pas applicables aux quais de distribution non visés par cette disposition.

Au titre du non-respect allégué des recommandations de la CNAMTS sur les conditions de travail d'un salarié devant être considéré comme isolé, Monsieur [K] a la charge de la preuve de la faute inexcusable et doit établir sa qualité de travailleur isolé et le contenu des recommandations, qui n'auraient pas, selon lui, été respectées par son employeur.

Au titre de la qualité de travailleur isolé, si Monsieur [K] produit deux témoignages de chauffeur attestant qu'il était seul salarié sur les quais entre 23 h00 et 0h00, les nuits du lundi au samedi, Monsieur [W] atteste avoir travaillé en doublon avec Monsieur [K] jusqu'au 30 juillet 2011, de 0h00 à 9h00, du dimanche soir au vendredi matin. Ainsi, Monsieur [K] ne justifie pas de sa qualité de travailleur isolé permanent pendant son temps de travail de nuit.

Si Monsieur [K] ne travaillait pas en doublon avec Monsieur [W] dans la nuit du vendredi au samedi, la main courante établie par Madame [T], de la direction départementale de la sécurité publique, mentionne que Monsieur [K] était accompagné par un collègue de 23 h00 à 2h00 du matin et qu'il a fini sa nuit tout seul.

De plus, le témoignage de Monsieur [C] établit qu'il exerçait ses fonctions d'agent de sécurité sur le site et effectuait des rondes de nature à assurer une présence et permettant de fournir une aide en cas de problème, le gardien ayant d'allieurs alerté les pompiers, le samedi 30 juillet 2010 vers 6h00 du matin, suite à la chute de Monsieur [K].

Il résulte aussi du témoignage de Madame [X], coordinatrice sous-traitance, que le semi remorque arrivant la nuit était déchargé sur le quai par le conducteur et que le travail de Monsieur [K] consistait à mettre la marchandise en travées. Ainsi, le chauffeur du camion se trouvait à proximité et assurait une présence ne permettant pas de retenir la qualité de travailleur isolé.

Enfin, Monsieur [K] ne produit pas aux débats les recommandations de la CNAMTS de protection des travailleurs isolés dont il invoque le prétendu non-respect par l'employeur.

Il s'en déduit que les éléments de preuve produits par Monsieur [K] n'ont pas une valeur probante suffisante pour établir ni sa qualité de travailleur isolé, ni le contenu de recommandations qui n'auraient, selon lui, pas été respectées par son employeur.

Par ailleurs, l'article R 4214-21 du code du travail dispose que les rampes et quais de chargement sont disposés et aménagés de manière à éviter aux travailleurs les risques de chute.

Il résulte de la déclaration d'accident du travail que Monsieur [K] est tombé du quai de déchargement après s'être pris les pieds dans un feuillard constitué par une bande métallique ou plastique utilisée pour cercler un emballage, ladite chute ayant provoqué une entorse du genou constatée médicalement. Les photographies versées au débat établisssent la configuration des lieux et notamment le quai de déchargement d'une hauteur d'environ 1,30 mètre selon mention portée sur la main courante précitée.

Monsieur [K] soutient que l'accident a pour origine, la présence, sur le quai, d'un feuillard dans lequel il s'est pris les pieds avant de chuter, et non la dégradation de la bordure du quai; le premier juge a donc valablement retenu que ni l'état des ponts de liaison, ni l'absence de cornières, lesquelles ont uniquement pour fonction de protéger le béton du quai des chocs avec les camions, ne peuvent être considérés comme une cause de l'accident. Le fait que l'employeur ait été alerté de l'état des cornières par courriel en date du 17 juin 2011, est sans incidence sur la faute inexcusable à l'origine d'un accident du travail causé par la présence alléguée d'un feuillard sur le quai.

Si l'employeur doit établir, en application des dispositions de l'article R 4121-1 du code du travail, un document unique d'évaluation des risques comportant un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise, la société BM Rhône Alpes justifie de l'existence de ce document d'évaluation des risques, lequel a pour objet de prescrire les mesures de prévention à prendre pour chaque opération de déchargement de camions dans l'enceinte des sites de [Localité 3] et de [Localité 4].

Le document d'évaluation des risques ne peut avoir pour objet un rappel exhaustif, à chaque corps de métier intervenant sur le site, des mesures de prévention applicables à chaque fonction alors que d'autres documents remis à ces salariés contiennent le rappel de ces mesures spécifiques.

En effet et d'une part, il résulte de la fiche de poste de cariste/manutentionnaire de Monsieur [K] qu'il avait notamment pour tâches de, gérer les opérations de chargement et de déchargement, participer au nettoyage intérieur et extérieur de la plateforme, respecter et faire respecter les consignes de sécurité.

D'autre part, le livret d'accueil mentionne qu'en tant que cariste/manutentionnaire, nous vous demandons de veiller à la propreté de notre site, et en particulier, à la propreté des plateformes sur lesquelles vous serez amené à travailler.

Merci d'utiliser les poubelles à disposition sur le site.

Et n'oubliez pas que ranger votre poste de travail réduit les risques d'accident...'.

De plus, le manuel du cariste rappelle que ' vous devez veiller en permanence à l'état et à la propreté du site ...sur les quais ( propreté, fonctionnement des équipements, dégradations éventuelles, risques potentiels ...'.

Enfin, Monsieur [K] était chef d'équipe doté d'une ancienneté de 28 ans et ne pouvait à ce titre ignorer les consignes précises de nettoyer le quai de déchargement de tout objet de nature à géner son déplacement et notamment celle d'évacuer une bande métallique ou plastique utilisée pour cercler un emballage.

Il s'en déduit que Monsieur [K] n'établit pas que la société BM Rhône Alpes n'a pas pris les mesures nécessaires pour le préserver du risque de chute du quai alors que les instructions données par l'employeur et mentionnées dans sa fiche de poste, son livret d'accueil et son manuel de cariste étaient précises quant à la prévention des chutes. Monsieur [K] n'établit donc pas l'existence d'une faute inexcusable imputable à son employeur.

Par conséquent, le jugement déféré sera infirmé dans toutes ses dispositions et Monsieur [K] sera débouté de toutes ses demandes.

En l'état de l'absence de faute inexcusable imputable à la société BM Rhône Alpes, l'appel incident de la CPAM [Localité 1] devient sans objet.

La procédure étant gratuite et sans frais devant les juridictions de la sécurité sociale en vertu de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, il sera dit n'y avoir lieu à dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,

- Infirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- Déboute Monsieur [Y] [K] de toutes ses demandes,

- Dit n'y avoir lieu à dépens ou à paiement de droit en application de l'article R144-10 du code de la sécurité sociale.

LA GREFFIÈRELA PRESIDENTE

Malika CHINOUNE Elizabeth POLLE-SENANEUCH


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 16/02008
Date de la décision : 11/04/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon 51, arrêt n°16/02008 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-11;16.02008 ?
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