La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/03/2017 | FRANCE | N°15/04516

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 30 mars 2017, 15/04516


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 15/04516





[G]



C/

SARL ACTIV RADIO







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 18 Mai 2015

RG : F 14/00008











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 30 MARS 2017







APPELANT :



[Q] [G]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 1]

[Adresse

1]

[Localité 1]



comparant en personne, assisté de Me Jérôme MESSANT de la SELARL MESSANT & HERRI, avocat au barreau de TOULOUSE substituée par Me Delphine PIQUEMAL, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



SARL ACTIV RADIO

[Adresse 2]

[Localité 1]



représ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 15/04516

[G]

C/

SARL ACTIV RADIO

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 18 Mai 2015

RG : F 14/00008

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 30 MARS 2017

APPELANT :

[Q] [G]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Jérôme MESSANT de la SELARL MESSANT & HERRI, avocat au barreau de TOULOUSE substituée par Me Delphine PIQUEMAL, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SARL ACTIV RADIO

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Pascal GARCIA de la SELARL CAPSTAN RHONE ALPES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE substituée par Me Sandra VALLET, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 03 Février 2017

Présidée par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Elizabeth POLLE-SENANEUCH, président

- Marie-Christine DE LA SALLE, conseiller

- Ambroise CATTEAU, Vice-Président placé, faisant fonction de conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 30 Mars 2017 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président et par Carole NOIRARD, Greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS PROCEDURE PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES.

Monsieur [Q] [G] a été recruté par la SARL ACTIV RADIO en qualité d'animateur selon différents contrats à durée déterminée et à temps partiel au cours de la période ayant couru du mois de septembre 2008 au 31 août 2011. Il travaillait en parallèle au cours de cette période, pour le Conseil Général de la LOIRE.

Monsieur [Q] [G] a, par la suite été recruté en qualité de coordinateur d'antenne, suivant contrat à durée indéterminée en date du 1er août 2011.

La relation de travail était régie par la convention collective de la Radiodiffusion.

Au début de la relation contractuelle, Monsieur [Q] [G] percevait une rémunération brute mensuelle de 2.676,00 euros, correspondant à un horaire hebdomadaire de 35 heures de travail.

Monsieur [Q] [G] ayant formé le voeu de percevoir une rémunération mensuelle plus élevée, la SARL ACTIV RADIO a finalement accepté de porter sa rémunération à hauteur de 2.500,00 euros nets, en contrepartie de l'accomplissement de 18 heures supplémentaires essentiellement dédiées à la co-animation de matchs.

Par lettre remise en main propre du 26 août 2013, la SARL ACTIV RADIO a convoqué Monsieur [Q] [G] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 5 septembre 2013.

Monsieur [Q] [G] a finalement été licencié pour insuffisance professionnelle et difficultés relationnelles le 13 septembre 2013.

C'est en l'état que l'affaire s'est présentée devant le Conseil de Prud'hommes de SAINT-ETIENNE,saisi par acte du 8 janvier 2014 à l'initiative de Monsieur [Q] [G], aux fins de:

- dire et juger que le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse;

- dire et juger que Monsieur [Q] [G] a effectué 767,07 heures supplémentaires;

- dire et juger que le travail dissimulé est caractérisé;

- condamner la SARL ACTIV RADIO à devoir lui verser diverses sommes à titre: de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, rappel de salaire pour les heures supplémentaires, au titre du travail dissimulé, à titre de repos compensateur au-delà du contingent, ainsi qu'enfin au titre de l'article 700 du Code de procédure civile .

Selon jugement rendu le 28 mai 2015, le Conseil de Prud'hommes de SAINT-ETIENNE, section Activités diverses a:

- dit que le licenciement pour insuffisance professionnelle est bien fondé;

- dit que l'existence d'heures supplémentaires au-delà de celles déjà rémunérées n'est pas établie;

- constaté que l'intention d'ACTIV RADIO n'est pas établie, qu'il n'y a donc pas travail dissimulé;

- en conséquence, débouté Monsieur [Q] [G] de l'ensemble de ses demandes;

débouté ACTIV RADIO de sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

- Condamné Monsieur [Q] [G] aux entiers dépens de l'instance.

Par acte du 29 mai 2015, Monsieur [Q] [G] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appel, déposées le 9 octobre 2015 en vue de l'audience du 1er avril 2016 puis de l'audience de renvoi du 3 février 2017, Monsieur [Q] [G] sollicite de la Cour de bien vouloir :

- infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de SAINT-ETIENNE dans son intégralité;

- dire et juger que le licenciement d'[Q] [G] est dépourvu de cause réelle et sérieuse;

- dire et juger qu'[Q] [G] a effectué 767,07 heures supplémentaires;

- dire et juger que le travail dissimulé est caractérisé;

en conséquence:

- condamner la SARL ACTIV RADIO à verser à [Q] [G] les sommes de:

- à titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif: 35.437,00 euros;

- à titre de rappel de salaire heures supplémentaires: 19.251,45 euros;

- à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire: 19.251,14 euros;

- à titre d'indemnité de travail dissimulé: 16.377,36 euros;

- à titre de repos compensateur obligatoire au-delà du contingent: 4.857,44 euros;

- à titre d'indemnité de congés payés sur repos compensateur: 485,75 euros;

- au titre de l'article 700 du Code de procédure civile : 2.000,00 euros.

Aux termes de ses dernières écritures en réplique déposées le 9 mars 2016, la SARL ACTIV RADIO présente les demandes suivantes :

Vu l'article L.8221-5 du code du travail,

Vu la jurisprudence de la Cour de cassation,

- Confirmer le jugement de première instance entrepris, en ce que le Conseil a reconnu le bien-fondé du licenciement pour insuffisance professionnelle de Monsieur [G],

- dire et juger que le licenciement de Monsieur [G] fondé sur son insuffisance professionnelle est parfaitement justifié,

- en conséquence, débouter Monsieur [G] de ses entières demandes.

- Confirmer le jugement entrepris en ce que le Conseil a débouté Monsieur [G] de l'ensemble de ses demandes injustifiées au titre de prétendues heures supplémentaires au-delà de son forfait de 18 heures mensuelles contractuellement convenues, ainsi que de sa demande de repos compensateur y afférent,

- A titre principal, constater que Monsieur [G] ne rapporte pas la preuve sérieuse au sens de la jurisprudence permettant de déterminer l'existence et le nombre d'heures supplémentaires revendiquées;

- A titre subsidiaire, constater que Monsieur [G] a donc perçu l'exacte rémunération qui lui était due au titre du travail effectué;

- A titre infiniment subsidiaire, constater qu'en tout état de cause la charge de travail de Monsieur [G] n'est pas de nature à justifier l'accomplissement de la moindre heure supplémentaire;

- En conséquence, débouter Monsieur [G] de sa demande sa demande infondée de rappel d'heures supplémentaires, ainsi que de l'indemnité compensatrice des congés payés y afférents,

- En conséquence, débouter Monsieur [G] de sa demande d'indemnité au titre de repos compensateur non acquis;

- Confirmer le jugement entrepris en ce que le Conseil de Prud'hommes de Saint-Etienne a constaté l'absence de preuve de l'intention frauduleuse de la société, condition du travail dissimulé ;

- Constater que l'intention frauduleuse de la société ACTIV RADIO, indispensable à caractériser le travail dissimulé, n'est pas établie;

- En conséquence, débouter Monsieur [G] de sa demande au titre du travail dissimulé.

Statuant de nouveau,

- Condamner Monsieur [G] à payer à la SARL ACTIV RADIO la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile .

Pour plus ample relation des faits, de la procédure et des prétentions et moyens antérieurs des parties, il y a lieu de se référer, conformément auxainsi que le permettent les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, à la décision attaquée et aux conclusions déposées, oralement reprises par chacune des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la cause du licenciement

Aux termes de sa lettre de licenciement pour insuffisance professionnelle et difficultés relationnelles du 13 septembre 2013, qui fixe les termes du litige, la SARL ACTIV RADIO énumère un certain nombre de griefs à l'encontre de Monsieur [G] :

«'Vous avez été engagé par notre société le 1er août 2011 en qualité de Coordinateur.

En cette qualité et eu égard aux missions contractuelles qui vous incombaient, il vous appartenait notamment de procéder aux animations de l'antenne en direct et en voice track mais également de coordonner les contenus antenne et les écrans publicitaires.

Par ailleurs, lors de votre embauche, il avait été \spécifiquement insisté sur le contexte de ce poste (notamment la nécessité d'être autonome) et les moyens qui étaient à votre disposition.

Or, nonobstant les obligations contractuelles précitées et les différentes mises en garde verbales et écrites auxquelles nous avons procédé à votre encontre, nous avons été contraints de relever que votre activité traduisait votre insuffisance professionnelle ainsi que le non-respect de vos engagements contractuels.

En effet, il a fallu rapidement procéder à des mises au point sur votre façon de travailler.

Il a ainsi été constaté que vous n'étiez pas autonome dans vos fonctions comme ce dernières l'exigent pourtant, et que vous ne parveniez pas à réaliser vos tâches dans les délais impartis.

Dès lors, afin-de vous aider et de solutionner votre difficulté à exercer votre prestation de travail dans les temps impartis, nous vous avons proposé, dans un courrier du 18 décembre 2012 d'utiliser vos heures de DIF pour suivre une formation à la Chambre de Commerce et d'Industrie de [Localité 1]/[Localité 2] telles que celles suivantes: « Optimiser son efficacité professionnelle » et/ou « Savoir gérer son temps et ses priorités». Nous vous avions dès lors joint le détail de ces formations,

Cette proposition est restée sans réponse de votre part. Cette attitude laisse deviner votre manque d'implication et surtout votre obstination à ne pas vouloir progresser professionnellement.

Au-delà, dès septembre 2012, nous vous avions retiré certaines tâches pour vous soulager. Il s'agissait notamment de la production des spots promo, la programmation en semaine du 19H00-23H59, la veille sur les timings des week ends.

Malgré les démarches entreprises précitées, la situation a perdurée.

Ainsi, par courriers recommandés avec AR en date du 27 février 2013, du 28 juin 2013 et du 5 août 2013, nous vous avons fait part d'un certain nombre d'insuffisances, de manquements; et aussi notre insatisfaction concernant votre travail.

Malheureusement, nonobstant ces courriers, nous avons été au regret de constater que vos insuffisances professionnelles perduraient.

Ainsi, nous avons été amenés à constater que les tâches qui vous ont été contractuellement imparties ne sont pas réalisées de manière satisfaisante. En effet, récemment, lundi 2 septembre 2013, nous avons encore constaté des insuffisances professionnelles dans l'exécution de vos tâches.

Ainsi, vous avez oublié de préciser les invités de la Matinale dans les notes'«'animateur'».Or, il s'agissait d'une information importante en cette semaine de rentrée. Tout vous avez pourtant été donné, il suffisait de copié/collé. La Matinale représenté, pour la radio, le' «'prime time'» de la journée.

Ce même lundi, vous avez omis de faire votre météo de 13H00 ! Or, nous vous avions déjà relancé à plusieurs reprises sur l'enregistrement de vos météos. Cet oubli a conduit, une fois de plus, à un moment vide sur l'antenne, nous avons été obligé d'intervenir en urgence sur l'antenne afin de contrer le problème en direct.

Vous avez également, toujours ce même jour, parlé en détail d'un rendez-vous agricole alors que toute l'équipe de la radio dont vous faites partie, sortait de réunion de rentrée au cours de laquelle nous avions expressément indiqué qu'il ne fallait plus procéder de la sorte à savoir rentrer dans le détail des RDV. A contrario, cette année, nous vous avons précisé que des interventions synthétiques et fluides devaient être réalisées .

Lors de cette animation beaucoup trop détaillée par rapport aux consignes données, nous nous sommes approchés de vous pour vous indiquer que votre intervention n'était pas judicieuse après les consignes données quelques jours avant en réunion. Vous nous avez alors répondu u Tu ne vas pas m'apprendre mon métier», Là encore, votre attitude laisse deviner votre obstination à ne pas vouloir progresser professionnellement.

Au-delà, nous constatons des difficultés relationnelles avec vos collègues de travail. Or, nous sommes une petite structure. Il est donc impératif pour son bon fonctionnement qu'il y ait une fluidité dans la communication entre les membres de l'équipe.

Ainsi, nous réalisons des réunions d'équipe tous les deux à trois mois. Ces dernières se déroulent sur le temps de midi en débutant par une réunion d'information de 30 minutes. Ces réunions ont été établies afin de faciliter la communication entre l'équipe et la direction et de résoudre les problèmes ensemble afin de favoriser un bon climat de travail. Ce moment privilégié est l'occasion pour chaque collaborateur de nous indiquer les éventuelles difficultés rencontrées dans l'exercice de son travail et de donner certaines consignes et conseils afin, de solutionner ces difficultés. Ces réunions se terminent par un repas au restaurant, offert par la direction. Vous n'assistez pas aux repas. Naturellement, nous ne pouvons pas vous contraindre à assister à ces repas mais, par cette attitude, vous ne facilitez pas vos relations ni avec la direction ni avec vos collègues.

Nous ne pouvons donc tolérer plus longtemps de tels insuffisances, manquements et difficultés relationnelles particulièrement préjudiciables à l'activité de notre société.

En conséquence, nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour insuffisances professionnelles difficultés relationnelles.

La date de première présentation de cette lettre à votre domicile fixera le point de départ de votre préavis de deux mois au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu.'»

La SARL ACTIV RADIO fait ainsi valoir, notamment : le manque d'autonomie de Monsieur [G] dans ses fonctions de coordinateur, résultant en une incapacité de réaliser les tâches lui incombant dans le délai imparti ; son refus de formation symptomatique d'un "manque d'implication et surtout [d'une] obstination à ne pas vouloir progresser professionnellement" ; une réalisation des tâches imparties tout à fait insatisfaisante, la SARL ACTIV RADIO excipant de manquements successifs relevés le 2 septembre 2013: oubli de présentation des invités de la Matinale ce même jour, information capitale en ce que ce créneau correspondrait au "prime time de la journée" pour la radio; omission d'enregistrer la météo, cet oubli ayant provoqué un vide d'antenne à combler en urgence et en direct; animation trop détaillée en méconnaissance des consignes données, militant en faveur d'interventions synthétiques et fluides...Au surplus, la SARL ACTIV RADIO fait état des absences répétées de Monsieur [G] aux repas de groupe offerts par la Direction à l'issue des réunions de travail organisées tous les deux à trois mois, déduisant de cette seule circonstances des difficultés relationnelles de son salarié avec ses collègues, second motif invoqué au soutien de la mesure de licenciement.

Monsieur [Q] [G] au rejet de ces griefs objecte que le licenciement pour insuffisance professionnelle et difficultés relationnelles prononcé à son encontre serait dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il souligne que cette insuffisance ainsi alléguée serait, en réalité, inhérente aux conditions de travail qu'il aurait eu à subir du fait des carences de son employeur, ce dernier ne lui ayant jamais fourni les moyens nécessaires pour accomplir et mener à bien la mission qui lui était impartie.

Ainsi Monsieur [Q] [G] invoque-t-il successivement, en réponse, au titre des difficultés auxquelles il était, selon lui, régulièrement confronté:

-l'absence de fiche de poste correspondant au métier de coordinateur radio, défaillance génératrice d'incertitudes quant aux contours de la fonction. Monsieur [G] aurait ainsi "navigué à vue" pendant de longs mois sans que son employeur ne soit en mesure de lui préciser l'étendue des tâches qui lui incombait en qualité de "coordinateur d'antenne", un poste créé pour accompagner l'essor de la radio et dont les contours n'ont jamais été définis, contraignant Monsieur [G] à devenir "l'homme à tout faire de la radio";

- le volume des tâches qui lui étaient confiées et l'impossibilité de les réaliser en 35 heures: Monsieur [G] aurait été contraint d'effectuer, aux fins de parvenir à réaliser sa prestation de travail, non moins de 50 heures hebdomadaires, voire bien au-delà en cas d'événements exceptionnels. Sa prétention serait d'autant plus établie sur ce point que la SARL ACTIV RADIO lui a retiré, dès 2012, certaines tâches, preuve, selon lui, de sa parfaite conscience de l'impossibilité de mener à bien les missions confiées. Il n'aurait eu, en dépit de cet allégement (dont il pointe l'insuffisance), d'autre choix que d'effectuer régulièrement des heures supplémentaires, cette circonstance lui ayant valu reproches et mises en demeure de ses superviseurs, lesquels l'enjoignaient en effet régulièrement de respecter la durée contractuelle du travail.

- des problèmes techniques récurrents le retardant constamment dans son travail, le manque de moyens et d'outils nécessaires au bon déroulement de sa mission, ainsi qu'une désorganisation notable au sein de la radio, les informations indispensables à sa parfaite réactivité lui étant en effet systématiquement communiquées et transmises au compte-goutte et de manière extrêmement tardive.

Selon Monsieur [G], la rupture de son contrat de travail par la SARL ACTIV RADIO aurait, en réalité, été motivée par ses demandes réitérées de régularisation des heures supplémentaires qu'il était contraint de réaliser.

La SARL ACTIV RADIO au rejet de ces demandes maintient que les manquements de Monsieur [Q] [G] suffisent à caractériser l'insuffisance professionnelle invoquée.

Elle met en exergue le "manque de rigueur évident" ainsi que les erreurs réitérées de son salarié (erreurs d'agenda, de présentation, de programmation...).

Selon elle, Monsieur [Q] [G] manquait au surplus d'autonomie, cette circonstance contraignant régulièrement ses superviseurs et employeurs à suppléer ses carences.

La SARL ACTIV RADIO, laquelle souligne avoir régulièrement fait part de son insatisfaction à Monsieur [Q] [G], aurait pourtant fait en sorte de laisser le temps à ce dernier de s'adapter à ses nouvelles fonctions de coordinateur, avant de se résoudre alléger les tâches et missions qui lui étaient imparties.

Elle objecte de surcroît avoir mis en oeuvre et à la disposition de son salarié tout moyen et outil de nature à pallier ses insuffisances, lui proposant notamment et à titre d'illustration, de suivre, selon sa convenance personnelle, une voire plusieurs formations dispensées à la Chambre de Commerce et d'Industrie de [Localité 1], et dédiées à l'optimisation de l'efficacité professionnelle et à la gestion du temps et des priorités, Monsieur [Q] [G] n'ayant pas jugé utile de donner suite à cette proposition.

Le manque d'autonomie de Monsieur [G] ainsi que la répétition des erreurs (oublis de programmation, notamment, à l'origine de vides d'antennes et ayant résulté en une baisse d'audience sur son créneau d'animation) commises par Monsieur [G] en dépit de ces mesures "palliatives" caractériserait l'insuffisance professionnelle reprochée.

La SARL ACTIV RADIO retient in fine que ces manquements réitérés de Monsieur [Q] [G] étaient parfaitement incompatibles avec sa mission de coordinateur, justifiant parfaitement le licenciement prononcé.

L'insuffisance professionnelle, s'entendant de l'incapacité, de l'inaptitude durable d'un salarié d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, constitue un motif légitime de licenciement.

Si l'appréciation de l'insuffisance professionnelle d'un salarié et de l'adaptation à l'emploi relève en principe du seul pouvoir de direction de l'employeur, l'insuffisance alléguée doit, en tout état de cause, reposer sur des faits objectifs, concrets, précis et matériellement vérifiables.

Par ailleurs, la mésentente entre un salarié et tout ou partie du personnel ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement que si elle repose objectivement sur des faits imputables au salarié concerné et si elle perturbe le bon fonctionnement de l'entreprise ou nuit aux intérêts de celle-ci.

En présence de versions différentes sur l'origine de la dégradation des relations professionnelles au sein de l'entreprise, le doute doit profiter au salarié.

La SARL ACTIV RADIO fait état de difficultés relationnelles de Monsieur [G], déduisant ces dernières, sans plus d'éléments, de son refus de participer aux repas de groupe régulièrement offerts par la Direction de la radio.

En l'absence d'éléments concrets de nature à caractériser une réelle mésentente entre Monsieur [G] et ses collègues, imputable à Monsieur [G] et de nature à perturber le bon fonctionnement de l'entreprise ou nuire aux intérêts de celle-ci, ce grief n'est pas fondé.

Sur l'absence d'autonomie qui lui est reprochée, ayant notamment résulté en une incapacité à réaliser les tâches lui incombant dans les délais impartis, Monsieur [G] fait valoir:

- qu'il jouit d'une importante ancienneté;

- que le volume desdites tâches, telles que listées à la faveur du courrier du 4 décembre 2012 précité, aurait requis de sa part non moins de 50 heures hebdomadaires voire au-delà en cas d'événements exceptionnels.

Il verse aux débats, aux fins d'étayer ses allégations, outre une estimation des temps de travail requis établie par ses soins et présentée à ses employeurs dans le courrier du 4 décembre 2012, une attestation émanant de Monsieur [U] [F], chargé de promotion au sein d'une radio concurrente (Radio Scoop), aux termes de laquelle ce dernier, reprenant les missions imparties à Monsieur [G] chez Activ, atteste que l'ensemble des dites missions "sont réalisées , chez Radio Scoop par 4 personnes différentes. Ceci dans un souci de bonne organisation et d'efficacité".

La SARL ACTIV RADIO conteste cette estimation du temps de travail établie par Monsieur [G] et fait valoir que les retards dans l'exécution des tâches confiées à ce dernier procéderait de son incompétence et son incapacité à s'organiser en dépit des conseils qui lui étaient régulièrement prodigués par ses supérieurs.

Elle produit au soutien de son argumentation:

- de nombreux échanges et courriers adressés à Monsieur [G], reprenant les tâches imparties à ce dernier et arrêtant un mode opératoire pour leur réalisation;

-un tableau récapitulatif -adressé à Monsieur [G] à plusieurs reprises aux fins de l'aider à s'organiser- portant détermination des tâches imparties et évaluation du temps à consacrer à chacune d'entre elle, évaluation contestée par Monsieur [G] à la faveur de nombreux courriers adressés à ses employeurs.

La SARL ACTIV RADIO rétorque au surplus que, consciente des défaillances de son salarié, elle a procédé, dès le mois de septembre 2012, à l'aménagement et à l'allégement des tâches confiées à Monsieur [G].

Il est en effet établi qu'à compter de ce même mois de septembre 2012, Monsieur [G] n'assumait plus la charge de la production du spot promo de la semaine, de la recherche et programmation d'ACTIV CHARTS et de la programmation du 20h00-00h00 et de son envoi.

L'examen des éléments produits laisse apparaître que l'attestation de Monsieur [F], susvisée, ne saurait éclairer la Cour puisque décrivant l'organisation mise en place au sein d'une radio (Radio Scoop) constituée d'un nombre d'antennes actives bien supérieur à celui (2) dont justifiait Activ au cours de la relation contractuelle entre les parties.

Au surplus et au-delà du débat technique relatif au nombre d'heures requis par la réalisation des tâches dévolues au "coordinateur radio"- débat ne pouvant être arbitré au seul vu des tableaux parfaitement contradictoires que produisent les parties et en l'absence de tout élément concret de nature à confirmer les estimations de chacun-, la Cour observe que de manière contradictoire Monsieur [G], surchargé de travail, sollicitait pourtant de son employeur, par courrier qu'il lui remettait le 4 décembre 2012, qu'il le "[décharge] de l'animation des soirées"... afin qu'il puisse "travailler ponctuellement [à côté] pour combler [le] manque à gagner" par lui subi ensuite de la suppression du dispositif d'allégement fiscal issu de la loi TEPA.

Il résulte enfin de la lecture des nombreux courriers adressés à Monsieur [G] par ses superviseurs, en réponse aux courriers tout aussi nombreux qu'il leur adressait, que ces derniers ont tout mis en oeuvre pour que leur coordinateur progresse dans la réalisation des tâches qui lui étaient confiées.

En effet, l'examen de ces différentes pièces produites aux débats permet de retenir, notamment:

- que Monsieur [G] a bénéficié d'un suivi personnel de plus d'un mois, au cours duquel il a pu bénéficier des conseils de Messieurs [N] et [I] (courrier du 27 février 2013 d'ailleurs intitulé Rappel à l'ordre)

-que ces derniers se tenaient à la disposition de Monsieur [G], répondant avec la plus grande disponibilité à ses innombrables courriels (Monsieur [N] faisant état dans son courrier du 28 juin 2013 de non moins de 132, 130, 123, et 135 mails reçus de Monsieur [G] au cours des mois de février, mars, avril et mai 2013, soit plus d'un an après la prise de poste de ce dernier, ces éléments caractérisant son absence totale d'autonomie);

-que Messieurs [N] et [I] n'ont pas hésité, à plusieurs reprises, à effectuer avec Monsieur [G] les tâches lui posant difficulté, à reprendre "tâches après tâches [ses] missions à [ses] côtés", l'invitant régulièrement, notamment à la faveur de leur courrier du 8 décembre 2012, à revenir auprès d'eux aux fins de programmer de nouvelles séances d'accompagnement;

-que ces derniers ont régulièrement, dans le même sens, tenté d'alléger les tâches incombant à Monsieur [G], ainsi qu'en atteste notamment la proposition qui lui était faite de confier "à nouveau [la répartition des cadeaux] à [F]" (courrier du 8 décembre précité),

L'ensemble de ces éléments atteste d'un accompagnement réel et soutenu de Monsieur [G] dans ses fonctions de coordinateurs d'antenne.

Ce dernier est, au vu de ces éléments et du suivi dont il a bénéficié au quotidien, particulièrement malvenu , aux fins d'expliquer les multiples manquements relevés à son encontre, à se retrancher derrière la prétendue absence de définition de son poste.

Il résulte ainsi des éléments produits aux débats que l'insuffisance professionnelle reprochée à Monsieur [G] dans l'exécution de ses missions est établie.

S'agissant enfin des incidents d'antenne évoqués au soutien de la mesure de licenciement, la SARL ACTIV RADIO fait état, au soutien de ses allégations d'insuffisance professionnelle, bien au-delà des "erreurs" relevées au cours de la seule journée du 2 septembre 2013, des carences et manquements réguliers de Monsieur [G] ayant émaillé la relation contractuelle entre les parties.

Elle produit de nombreux courriels et courriers adressés à Monsieur [G] et reprenant, en ce sens et de manière extrêmement circonstanciée, les "insuffisances professionnelles manifestes [de ce dernier] dans les différentes tâches [...] confiées [...]", faisant état de fréquents oublis d'enregistrement des pages météo, d'enregistrements erronés provoquant des vides d'antenne (incidents particulièrement incitatifs au zapping), d'erreurs dans l'édition des écrans publicitaires, d'annonces incomplètes ou erronées d'événements à venir...

Monsieur [G], de son côté, excipe, aux fins de justifier ces manquements et incidents, de dysfonctionnements techniques demeurés irrésolus en dépit de ses alertes récurrentes.

Il sera toutefois retenu, au vu des nombreuses pièces produites par la SARL ACTIV RADIO, que ces dysfonctionnements ainsi invoqués ne sauraient, à eux seuls, expliquer et justifier ces manquements récurrents, effectivement symptomatiques de l'inaptitude de Monsieur [G] à remplir ses fonctions, et constituant, en conséquence, une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il y a ici lieu de confirmer le jugement du Conseil des Prud'hommes de SAINT-ETIENNE entrepris en ce qu'il a dit le licenciement de Monsieur [Q] [G] fondé.

Monsieur [G] sera en conséquence débouté de sa demande de de dommages et intérêts de ce chef.

Sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé

Monsieur [Q] [G] prétend avoir été contraint, eu égard à la surcharge de travail ayant pesé sur lui au cours de la période d'exécution de sa prestation de travail, d'accomplir régulièrement des heures supplémentaires, tandis que parallèlement son employeur supprimait le forfait de 18 heures susvisé.

Il aurait ainsi accompli non moins de 706,07 heures supplémentaires pour les années 2011 et 2012.

La Société SARL ACTIV RADIO au rejet de ces demandes fait au contraire valoir :

- d'une part, qu'elle n'aurait jamais consenti à l'accomplissement d'heures supplémentaires par son salarié, exception faite des 18 heures supplémentaires prévues contractuellement et dédiées à la co-animation, en week-end, des matchs de l'ASSE;

-d'autre part, que les tâches imparties à Monsieur [Q] [G], telles que décrites et développées en ses écritures, ne justifiaient aucunement l'accomplissement de telles heures, mais que, bien au contraire, "les heures [...] revendiquées par Monsieur [G] résultaient [...] d'une mauvaise organisation de sa part et donc directement de son insuffisance professionnelle".

La SARL ACTIV RADIO retient in fine que Monsieur [Q] [G] n'apportant aucunement la preuve de la réalisation effective des heures supplémentaires qu'il aurait accompli au-delà des 18 heures susvisées ni, partant, de l'intention frauduleuse qui l'aurait, selon lui, animée, l'infraction de travail dissimulé ne saurait être constituée.

Il est constant que si, aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, la preuve des heures effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties (l'employeur demeurant en tout état de cause tenu de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié), il appartient toutefois à ce même salarié, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures supplémentaires de travail accomplies, d'étayer sa demande de régularisation par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires qu'il aurait effectués pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments.

Monsieur [G] produit, au soutien de ses prétentions, outre les attestations de certains de ses collègues, faisant état de la réalisation d'heures supplémentaires, un certain nombre de tableaux récapitulatifs établis à la semaine reprenant de manière manuscrite et pour chacune des journées travaillées, le nombre d'heures qu'il aurait réalisées. Il produit également des captures d'écran de son téléphone portable tendant, selon lui à démontrer, la présence sur son lieu de travail au-delà des heures de travail contractuelles.

La Cour observe qu'à la lettre même du jugement entrepris du Conseil des Prud'hommes de SAINT-ETIENNE ces éléments n'ont pas été produits devant les premiers juges.

En effet, ces derniers soulignaient que "pour étayer ses dires, [Monsieur [G]] apport[ait] deux témoignages, l'un d'un ancien salarié, l'autre d'un ami, afin de démontrer qu'il travaillait au-delà de 35 heures".

Les documents qu'il produit à hauteur d'appel ne présentent aucun en-tête de la radio, ne sont pas contresignés par la Direction, et apparaissent en conséquence avoir été établis par lui pour les seuls besoins de la cause. Par ailleurs, les attestations produites se contentent de relever que Monsieur [G] travaillait souvent le midi et le soir pour effectuer son travail, sans que ces témoignages, insuffisamment circonstanciés ,puissent faire la preuve des heures supplémentaires alléguées. Enfin, les captures d'écran attestant d'envois de sms le soir vers 19 heures sont également insuffisantes quant à la preuve des heures supplémentaires alléguées.

Il convient au surplus de rappeler que Monsieur [G] disposait contractuellement de 18 heures supplémentaires par mois pour effectuer les commentaires de match et cela même durant les périodes de trêve.

Monsieur [G] n'apportant pas d'éléments suffisamment précis quant aux horaires qu'il aurait effectivement réalisés, il y a lieu de rejeter ses prétentions de ce chef par voie de confirmation du jugement déféré.

C'est en conséquence également de manière pertinente que le Conseil des Prud'hommes de SAINT-ETIENNE a retenu que Monsieur [G] n'apportait, en l'absence d'heures supplémentaires, aucun élément établissant l'intention frauduleuse de la SARL ACTIV RADIO .

Monsieur [G] sera également débouté de ses demandes du chef de travail dissimulé.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société ACTIV RADIO ses frais non recouvrables exposés à hauteur d'appel, la décision de première instance étant toutefois confirmée de ce chef.

Monsieur [G] sera débouté de sa demande à ce titre et condamné aux dépens de première instance , par confirmation de la décision entreprise et y ajoutant à ceux d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe,

CONFIRME la décision déférée rendue le 18 mai 2015 par le Conseil de Prud'hommes de SAINT-ETIENNE (section Activités Diverses) en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DEBOUTE Monsieur [Q] [G] de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

LE CONDAMNE de ce chef à payer à la société ACTIV RADIO la somme de 1500 euros,

LE CONDAMNE aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRELa PRESIDENTE

Carole NOIRARDElizabeth POLLE-SENANEUCH


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 15/04516
Date de la décision : 30/03/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°15/04516 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-30;15.04516 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award