AFFAIRE BAUX RURAUX:
R.G : 15/08477
[H]
C/
[K]
[K]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Tribunal paritaire des baux ruraux de LYON
du 07 Octobre 2015
RG : 51-11-000007
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 17 MARS 2017
APPELANT :
[Q] [H]
né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Non comparant, représenté par Me François ROBBE de la SCP SCP DESILETS ROBBE ET ROQUEL, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE
INTIMÉES :
[A] [S] [F] [K] épouse [X]
née le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[M] [D] [G] [K] épouse [L]
née le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 2]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Non comparantes, représentéee par Me Christian PAROVEL de la SELARL CABINET PACAUT-PAROVEL, avocat au barreau de l'AIN
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 05 Janvier 2017
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Michel SORNAY, Président
Didier JOLY, Conseiller
Natacha LAVILLE, Conseiller
Assistés pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 17 Mars 2017, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Michel SORNAY, Président, et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par jugement du 7 septembre 2011, le tribunal paritaire des baux ruraux de Lyon a reconnu notamment que [Q] [H] bénéficiait d'un bail rural sur les parcelles cadastrées sur la commune de [Localité 3] section BC numéro [Cadastre 1],[Cadastre 2] et [Cadastre 3], hormis sur la maison d'habitation située sur la parcelle BC [Cadastre 3], parcelles dont [F] [Q] divorcée [K] était usufruitière, les nues-propriétaires en étant, par suite d'une donation, ses 2 filles, [A] [K] épouse [X] et [M] [K] épouse [L].
Le tribunal a également condamné les bailleresses à régler au preneur la somme de 23'000 € à titre de remboursement de fermages excédentaires qu'il avait versés sur les 5 dernières années.
Les bailleresses ont interjeté appel de cette décision devant la cour de Lyon, qui a finalement confirmé par arrêt du 18 décembre 2014 le jugement déféré, notamment en ce qu'il a reconnu l'existence d'un bail à ferme verbal au profit de [Q] [H] sur ces 3 parcelles
Entre-temps, [F] [Q] divorcée [K], [A] [K] épouse [X] et [M] [K] épouse [L] ont fait délivrer à [Q] [H] le 29 mars 2011 par la SCP [N]'[B]'[U]-[T], huissier de justice à [Localité 4]), un congé au titre du bail verbal dont il est titulaire sur les parcelles BC [Cadastre 3], BC [Cadastre 1] et BC [Cadastre 2] pour [Cadastre 4] ares 93 centiares.
Le 12 avril 2011, [Q] [H] s'est toutefois vu notifier par le même huissier un second congé, annulant et remplaçant le précédent délivré le 29 mars 2011, ce nouvel acte ne visant cette fois que la parcelle BC [Cadastre 1], avec une date d'effet au 15 avril 2012.
Par requête du 11 mai 2011, [Q] [H] a fait convoquer devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Lyon ses bailleresses, [F] [Q] divorcée [K], [A] [K] épouse [X] et [M] [K] épouse [L] afin de voir déclarer nul le congé qui lui a été délivré le 12 avril 2011 pour le 15 avril 2012, et à titre subsidiaire, au motif qu'il était porté atteint à l'équilibre économique de son implantation. Au cas où le tribunal refuserait de constater la nullité du congé sur la parcelle BC [Cadastre 1], il demandait au tribunal paritaire de dire que la résiliation portera sur la totalité 3 parcelles, BC [Cadastre 3], BC [Cadastre 4], et BC [Cadastre 1].
Les défenderesses se sont opposées à l'ensemble de ses demandes, estimant leur congé valable sur le fondement de l'article L411'32 du code rural qui prévoit que le propriétaire peut à tout moment résilier le bail
Par jugement du 7 octobre 2015, le tribunal paritaire des baux ruraux de Lyon a :
'déclaré régulière la demande de résiliation du bail en date du 12 avril 2011 pour le 15 avril 2012 pour changement de destination de la parcelle BC [Cadastre 1],
'donné acte aux parties de ce qu'elles sont d'accord pour que la résiliation du bail porte sur l'ensemble de l'exploitation, soit sur les parcelles BC [Cadastre 3], BC [Cadastre 1] et BC [Cadastre 2] pour 2693 m² sur la commune de [Localité 3],
'prononcé la résiliation du bail entre les parties sur les parcelles BC [Cadastre 3], BC [Cadastre 1] et BC [Cadastre 2] pour 2693 m² sur la commune de [Localité 3],
'dit que [Q] [H] exploite les terres selon bail verbal depuis le 1er janvier 1996 ;
'dit que cette résiliation intervenant en cours de bail et non lors de son renouvellement, une indemnité d'éviction est due,
'ordonné avant dire droit à une expertise judiciaire confiée à [U] [V] afin pouvoir disposer d'éléments lui permettant de déterminer l'indemnité d'éviction et l'indemnité du preneur sortant , une consignation d'une somme de 1200 € à valoir sur les honoraires de l'expert étant mise à la charge de [Q] [H] et la date de dépôt par l'expert de son rapport étant fixée au 15 février 2016,
'ordonné l'exécution provisoire du jugement,
'sursis à statuer sur le reste des demandes,
'réservé les dépens.
[Q] [H] a interjeté appel de cette décision le 30 octobre 2015.
***
Au terme de ses écritures reçues la cour d'appel le 7 avril 2016, [Q] [H] demande la cour d'appel de :
' à titre principal :
'confirmer le jugement en ce qu'il a dit que [Q] [H] est preneur à bail depuis le 1er janvier 1996,
'le réformer pour le surplus,
'constater la nullité du congé délivré à [Q] [H] le 12 avril 2011,
' à titre subsidiaire :
'confirmer le jugement ce qu'il a dit que la résiliation partielle compromet gravement l'équilibre économique de l'exploitation de [Q] [H] ,
'en conséquence, dire et juger que le congé s'il est validé, devra porter sur la totalité des parcelles BC [Cadastre 3], BC [Cadastre 4] et BC [Cadastre 2],
'condamner les intimées à verser à [Q] [H] une indemnité de 144'198,95 euros sur le fondement de l'article L4 111'32 du code rural,
'condamner les intimées à verser à [Q] [H] une indemnité de 6000 € sur le fondement de l'article L 411'59 du code rural ,
' en tout état de cause :
'condamner les intimées à verser à [Q] [H] la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Par leurs dernières conclusions, [A] [K] épouse [X] et [M] [K] épouse [L], désormais pleines propriétaires des parcelles litigieuses à la suite du décès de leur mère [F] [Q] le 31 mars 2012, demandent pour leur part à la cour d'appel de :
'rejeter comme injustifié et non fondé l'appel formé par [Q] [H] ,
'confirmant le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux du 9 septembre 2015,
'valider le congé portant résiliation de bail délivré par l'étude de Maîtres [N]'[B]'[U]-[T], huissiers de justice associés à [Localité 4] le 12 avril 2011,
'ordonner à [Q] [H] de libérer les lieux après avoir remis les terres et installations dans leur état d'origine,
'en tant que de besoin, ordonner l'expulsion de [Q] [H] de ses biens et de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique si cela est nécessaire,
'dire qu'il n'est pas rapporté la preuve d'une perte de revenus par [Q] [H],
'en l'état, rejeter les demandes d'indemnisation présentée par [Q] [H] ,
subsidiairement,
'ordonner à [Q] [H] de produire aux débats :
la copie de ces bilans pour les 10 derniers exercices clos,
le grand livre journal de chacun des 10 derniers exercices,
la copie déclaration d'impôts sur les revenus de [Q] [H] pour les années 2001 à 2014 incluses,
la copie des avis d'imposition de [Q] [H] sur les revenus encaissés au cours des années 2001 à 2014,
une copie de l'avis d'imposition sur ses revenus encaissés par [Q] [H] pour l'année 2014,
les justificatifs de ses forfaits fiscaux pour l'exploitation des terres concernées par le bail,
'ordonner une expertise judiciaire aux frais avancés de [Q] [H] , demandeur d'indemnité,
'condamner [Q] [H] en tous les dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.
Par courrier postal daté du 11 janvier 2017, maître ROBBE, conseil de [Q] [H], a indiqué à la cour avoir pris conscience de ce que ses dernières conclusions et ses pièces n° 19 et 20 n'avaient pas été communiqués avant l'audience à son confrère adverse et a sollicité en conséquence, pour que le principe du contradictoire respecté, une réouverture des débats afin de permettre aux intimées de conclure sur ces documents si elles l'estiment nécessaire.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1.'Sur la procédure :
Aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
En l'espèce il est constant que [Q] [H] et son avocat Me François ROBBE ont jugé opportun de remettre à la cour au terme de l'audience de plaidoiries un dossier contenant en particulier de pièces nouvelles, numérotées 19 et 20 ainsi qu'un exemplaire de leurs 'conclusions d'appel n° 2", bien que ces documents n'aient pas été préalablement communiqués à leurs contradicteurs.
La cour relève d'ailleurs que l'avocat de [Q] [H] n'a pas jugé opportun de lui adresser avant l'audience une copie de ses conclusions n°2'
Dans un tel contexte, il n'y a pas lieu d'ordonner une réouverture des débats qui ne ferait que retarder l'issue du présent litige, mais seulement, pour assurer le respect du principe du contradictoire, simplement de rejeter des débats tant les deux pièces précitées (n° 19 et 20 de l'appelant) que les conclusions d'appel numéro 2 de [Q] [H] , la cour estimant n'être régulièrement saisie que de ses premières conclusions d'appel qu'elle a reçu le 7 avril 2016 par courrier daté du 5 avril 2016 et qui, elles, ont été régulièrement portées à la connaissance des intimées et de leur conseil.
2.' Sur la demande d'annulation du congé du 12 avril 2011
L'article L 411-32 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
'Le propriétaire peut, à tout moment, résilier le bail sur des parcelles dont la destination agricole peut être changée et qui sont situées en zone urbaine en application d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu.
En l'absence d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ou, lorsque existe un plan local d'urbanisme, en dehors des zones urbaines mentionnées à l'alinéa précédent, le droit de résiliation ne peut être exercé sur des parcelles en vue d'un changement de leur destination agricole qu'avec l'autorisation de l'autorité administrative.
La résiliation doit être notifiée au preneur par acte extrajudiciaire, et prend effet un an après cette notification qui doit mentionner l'engagement du propriétaire de changer ou de faire changer la destination des terrains dans le respect d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, s'il en existe, au cours des trois années qui suivent la résiliation.
Lorsque l'équilibre économique de son exploitation est gravement compromis par une résiliation partielle, le preneur peut exiger que la résiliation porte sur la totalité du bien loué.
Le preneur est indemnisé du préjudice qu'il subit comme il le serait en cas d'expropriation. Il ne peut être contraint de quitter les lieux avant l'expiration de l'année culturale en cours lors du paiement de l'indemnité qui peut lui être due, ou d'une indemnité prévisionnelle fixée, à défaut d'accord entre les parties, par le président du tribunal paritaire statuant en référé'
[A] [K] épouse [X] et [M] [K] épouse [L] exposent que ces sur le fondement de ce texte qu'elles ont fait délivrer à [Q] [H] le 12 avril 2011 le congé litigieux qui visait expressément l'article L411'32 précitées, en rappeler intégralement les termes et comprenait leur engagement par cet acte de changer la destination des terrains.
Il apparaît toutefois clairement, à la lecture de cet acte, que le congé litigieux était donné par les bailleresses à [Q] [H] pour le 15 avril 2012 au motif qu'elles entendaient lui refuser le renouvellement de son bail rural, précisant : « cette décision de non renouvellement est motivée par le désir des bailleurs de reprendre les biens loués, ils s'engagent par les présentes, à changer la destination des terrains dans le respect des dispositions des documents d'urbanisme dans les 3 années suivant la résiliation. »
Selon le preneur, son bail rural verbal a commencé à courir le 1er janvier 1996 et s'est donc renouvelé le 1er janvier 2005 puis le 1er janvier 2014, ce qui ne correspond aucunement à la date du refus de renouvellement qui lui a été notifié par l'acte litigieux.
Pour leur part, les bailleresses ne contestent pas que la date du 15 avril 2012 ainsi notifiée ne correspondait en réalité pas à la date de renouvellement de ce bail, sur laquelle elles s'abstiennent d'ailleurs prudemment de se prononcer dans leurs écritures devant la cour.
En l'état des pièces versées aux débats par le preneur et en l'absence de tout élément contraire établi par des documents objectifs communiqués par les bailleresses, la cour dispose en la cause d'éléments suffisants pour fixer au 1er janvier 1996 la date de conclusion initiale du bail verbal litigieux.
Pour autant, il n'est pas sérieux de la part du preneur de soutenir, en dissociant artificiellement des morceaux de cet acte du 12 avril 2011, que ce dernier emportait un refus de renouvellement du bail non motivé au regard des articles L 411-31 et L411-32 du code rural et de la pêche maritime.
La simple lecture de l'ensemble du congé litigieux permet en effet de constater que, nonobstant ses maladresses évidentes de rédaction, cet acte du 12 avril 2011 notifiait clairement au preneur la décision des bailleresses de résilier le contrat de bail à compter du 15 avril 2012 (le mot 'résilier' étant expressément employé en page 2, 6e ligne)et ce, par application de l'article L 411-32 du code rural dont les termes étaient bien repris en détail dans le document, ainsi que leur engagement exprès de 'changer la destination de ces terrains dans le respect des dispositions des documents d'urbanisme dans les 3 années suivant la résiliation'.
Il s'ensuit que la référence de ce congé à un refus de renouvellement alors qu'il était donné pour une date ne correspondant pas au terme du bail ne constituait qu'une maladresse de forme qui n'était assurément pas de nature à induire le preneur en erreur sur les conséquences juridiques de cet acte.
Aucune nullité n'est donc encourue du seul fait de la référence erronée de cet acte à un 'refus de renouvellement' du bail pour changement de destination des terrains, la contradiction ici alléguée n'étant qu'apparente et ne causant en réalité aucun grief au destinataire de l'acte.
Le congé litigieux est donc valable et doit être considéré comme portant, par application du 3e alinéa de l'article L411'32 précité, sur les 3 parcelles données à bail par les intimées à [Q] [H] (BC [Cadastre 3], BC [Cadastre 1] et BC [Cadastre 2]), les parties étant d'accord pour considérer qu'une résiliation partielle compromettrait gravement l'équilibre économique de l'exploitation de l'appelant.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré sur ces points, de valider le congé litigieux portant résiliation de bail à compter du 15 février 2012, d'enjoindre à [Q] [H] de libérer les lieux après avoir remis les terres et installations dans leur état d'origine et, en tant que de besoin, d'ordonner l'expulsion de [Q] [H] de ses biens de tous occupants de son chef avec si nécessaire le concours de la force publique.
3.' Sur les indemnités réclamées par [Q] [H] :
Il résulte du dernier alinéa de l'article L 411-32 qu'en cas de congés pour changement de destination de la parcelle, le preneur doit être indemnisé comme en matière d'expropriation.
[Q] [H] sollicite en conséquence une indemnisation à hauteur de 144'198,95 euros sur la base du dernier protocole d'accord signé entre la société des Autoroutes Paris- Rhin-Rhône (APRR) et la chambre d'agriculture du [Localité 5] datant de 2011, lequel prévoyait les paramètres d'indemnisation pour les exploitants expropriés à l'occasion de travaux autoroutiers
L'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique prévoit que l'indemnité allouée à un propriétaire exproprié doit couvrir l'intégralité de son préjudice direct, matériel et certain.
Il appartient dès lors à [Q] [H] de prouver dans son principe le préjudice direct matériel et certain qu'il dit avoir subi et dont il demande ici la réparation, et aux deux parties de fournir au juge des éléments de comparaison issus d'expropriations précédemment réalisées portant sur des biens immobiliers comparables à ceux ici litigieux.
En l'état, [Q] [H] fonde sa demande sur le protocole de 2011 précité, qu'il communique en pièce 7. Ce document concerne explicitement (article premier) l'indemnisation « des dommages et préjudices subis par les exploitants, résultant de l'acquisition des terrains nécessaires aux opérations suivantes confiées à APRR par l'État dans le [Localité 5] :
'A466 liaison A6/A46
'élargissement de l'autoroute A46
'réaménagement de noeud autoroutier A43/A432
'liaison A89/A6.
Sont concernés les terrains objet d'expropriation et d'éviction et aussi les terrains non expropriés, mais dépendant d'un îlot de culture ou d'exploitation touchés par l'acquisition et dépréciés du fait de l'emprise. »
C'est sur le fondement de ce document que [Q] [H] demande la cour de retenir une base d'indemnisation de 2322 € à l'hectare, à laquelle il sollicite l'application de coefficients pondérateurs, en fonction de la culture pratiquée à savoir un coefficient de 120 pour les cultures horticoles sous abri chauffé, et un coefficient de 16,07 pour les cultures horticole de plein champ.
Les bailleresses contestent toutefois d'une part l'applicabilité en l'espèce de ce protocole, qui n'a aucune valeur obligatoire et qui ne pourrait en tout état de cause être mis en 'uvre, selon elles, qu'en cas de bail rural écrit, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, et sur la seule base des parcelles déclarées à la MSA.
Il convient toutefois de rappeler aux intimées que ce protocole, s'il n'a effectivement aucune valeur obligatoire, a néanmoins une valeur indicative intéressante, et que la référence qui y figure à un bail rural écrit ou à la déclaration des parcelles à la MSA a pour unique objet de vérifier l'existence d'un tel bail rural et les parcelles sur lesquelles il porte, questions qui en l'espèce ne font plus l'objet d'aucun débat, tant il est aujourd'hui certain que [Q] [H] bénéficie d'un bail verbal portant sur les trois parcelles précitées BC [Cadastre 3] (à l'exception de la maison d'habitation), BC [Cadastre 1] et BC [Cadastre 2].
Par contre, les objections des intimées apparaissent plus sérieuses sur la question de la perte de revenus de [Q] [H] et de l'état des lieux donnés à bail, les bailleresses produisant en pièce 13 un procès-verbal de constat du 5 mai 2009 de Me [N], huissier, dont il résulte que cette date les différentes serres semblaient à l'état d'abandon, sans chauffage et avec de nombreuses vitres cassées.
Ce constat du huissier n'est, quoi qu'en dise l'appelant, pas contredit par le document établi antérieurement, en février de la même année, par [C] [Z] au titre du calcul du fermage (pièce 2 de l'appelant) il n'établit aucunement que les serres soient chauffées et réellement exploitées dans le cadre d'une activité horticole, se contentant d'indiquer que les bâtiments agricoles et les serres 'sont occupés par le fermier' , ce qui n'est pas incompatible avec le constat effectué 3 mois plus tard par Me [N] au terme duquel celui-ci avait constaté le mauvais état des serres, voir leur état d'abandon avec encombrement par différents engins matériels reflétant un 'désordre indescriptible'.
Il en résulte qu'il n'est aucunement établi que [Q] [H] exploitait encore effectivement à la date de la résiliation du bail litigieux le 15 avril 2012 ces parcelles et les serres et installations construites dessus.
En l'état de ces éléments, [Q] [H] ne justifie pas de la réalité du préjudice de perte de revenus qu'il allègue et encore moins de la pertinence en l'espèce tant de la base d'évaluation des indemnisations proposées par le protocole de 2011 précité que des correctifs précités qu'il souhaite y voir appliquer.
Par application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de ses prétentions, et l'article 146 du même code dispose qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver, et qu'en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.
En l'espèce, c'est bien à [Q] [H] , demandeur à l'indemnisation, qu'il appartient de prouver son préjudice né de la reprise des terrains et installations par les bailleresses pour changement de destination, et force est de constater que l'appelant, qui conclut lui-même qu'il n'est pas ici besoin d'une expertise, ne fournit pas la cour d'éléments suffisants pour lui permettre de constater et évaluer le préjudice qu'il subit réellement de ce chef.
Il sera donc déboutée de ce chef de demande indemnitaire sans qu'il y ait lieu ici d'ordonner une quelconque mesure judiciaire d'instruction, ni même d'ordonner la production des diverses pièces réclamées par les intimés, cette production n'étant sollicitée par elles qu'à titre subsidiaire, pour le cas où le principe de la créance indemnitaire du preneur serait retenu, ce qui n'est pas ici le cas.
[Q] [H] sollicite encore la condamnation des bailleresses à lui verser une somme de 6000 € à titre d'indemnité due au preneur sortant sur le fondement de l'article L411'69 du code rural (et non L411'59 comme mentionné par erreur au dispositif de ses conclusions).
En ce sens, il fait valoir d'une part qu'il a financé le raccordement de la propriété au gaz de ville pour un montant de 4000 € et d'autre part qu'il a assuré le remplacement des vitres des salaires lorsque celui-ci était nécessaire, pour un montant de 2000 €.
L'article L411'69 du code rural et la pêche maritime dispose notamment que :
'Le preneur qui a, par son travail ou par ses investissements, apporté des améliorations au fond louait a droit, l'expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail.
Sont assimilées aux améliorations les réparations nécessaires à la conservation d'un bâtiment indispensable pour assurer l'exploitation du bien louée ou l'habitation du preneur, effectuées avec l'accord du bailleur par le preneur et excédant les obligations légales de ce dernier. Il en est de même des travaux ayant pour objet de permettre d'exploiter le bien loué en conformité avec la législation ou la réglementation.'
Si le remplacement des vitres des serres apparaît effectivement constituer une réparation nécessaire à la conservation de ces bâtiments indispensables à l'exploitation horticole, il n'en reste pas moins qu'en l'état, [Q] [H] ne justifie aucunement du montant de 2000 € qu'il réclame à ce titre, se contentant de produire en pièce 8 une attestation de la miroiterie [C] à [Localité 3] en date du 17 février 2011, par laquelle elle se contentait d'indiquer 'nous vendons quelques verres pour remplacement et entretien, à Mr [H], depuis quelques années.', ce qui ne saurait suffire à établir le bien-fondé et le montant de cette créance indemnitaire.
De même, en ce qui concerne le raccordement de la propriété au gaz de ville pour un montant de 4000 €, la cour constate que le preneur, s'il justifie bien avoir fait procéder à ce raccordement (pièce 2, rapport [Z]) ne produit cependant aucune pièce justificative de la dépense qu'il dit avoir engagée à ce titre, si bien que sa demande de ce chef s'avère également mal fondée.
[Q] [H] sera donc totalement débouté de sa demande d'indemnité au preneur sortant.
4.'Sur l'expertise judiciaire sollicitée par les intimées :
Cette demande n'est présentée par les intimées qu'à titre subsidiaire pour le cas où le préjudice économique invoqué par [Q] [H] serait retenu dans son principe. Tel n'étant pas le cas en l'espèce, cette demande sera rejetée comme sans objet.
5.' Sur les demandes accessoires :
Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par [Q] [H] .
Vu les données du litige, il ne parait pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge intégrale des frais de procédure et honoraires qu'elle a dû exposer pour la présente instance.
Il n'y a donc pas lieu en l'espèce de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
REJETTE la demande de réouverture des débats et ÉCARTE de ces derniers les conclusions d'appel n° 2 établies pour la défense des intérêts de [Q] [H] ainsi que ses pièces n° 19 et 20, ces 3 documents ayant été communiqués trop tardivement aux intimées ;
STATUANT sur le fond du litige,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :
'retenu que le bail verbal litigieux conclu entre les parties et portant sur les parcelles cadastrées section BC numéros [Cadastre 3],[Cadastre 1] et [Cadastre 2] sur la commune de [Localité 3] pour une superficie totale de 2693 m², a commencé à courir à compter du 1er janvier 1996 ;
'rejeté la demande présentée par [Q] [H] tendant à l'annulation du congé pour changement de destination des terrains, qui lui a été signifié par huissier à la requête des bailleresses le 12 avril 2011 avec effet au 15 avril 2012 ;
'ce congé étant valable, retenu que la résiliation du bail verbal qui en résulte s'applique non seulement à la parcelle BC [Cadastre 1] de la commune de [Localité 3], expressément visée par cet acte huissier, mais également aux 2 autres parcelles (BC [Cadastre 3] et BC [Cadastre 2] de la même commune), objet du bail verbal liant les parties;
Y AJOUTANT, ENJOINT à [Q] [H] de libérer ces 3 parcelles après avoir remis les terres et installations dans leur état d'origine et, en tant que de besoin, ORDONNE l'expulsion de [Q] [H] de ses biens de tous occupants de son chef, avec si nécessaire le concours de la force publique ou d'un serrurier,
INFIRMANT la décision déférée pour le surplus,
DÉCLARE [Q] [H] recevable mais mal fondé en ses demandes d'indemnité d'éviction et d'indemnité au preneur sortant ;
DIT n'y avoir lieu à l'organisation d'une mesure judiciaire d'instruction pour pallier à cette carence probatoire de [Q] [H], et DÉBOUTE en conséquence l'intéressé de ses demandes indemnitaires de ces chefs ;
CONDAMNE [Q] [H] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
DIT n'y avoir lieu en l'espèce l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Le GreffierLe Président
Gaétan PILLIEMichel SORNAY