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10/03/2017 | FRANCE | N°15/09359

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 10 mars 2017, 15/09359


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 15/09359





SAS ADREXO



C/

[N]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

du 27 Mars 2014

RG : F 13/00132

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 10 MARS 2017





APPELANTE :



SAS ADREXO

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Jonathan LAUNE, avocat

au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Axelle TESTINI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





INTIMÉ :



[P] [N]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Non comparant, représenté par Me Thomas NOVAL...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 15/09359

SAS ADREXO

C/

[N]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

du 27 Mars 2014

RG : F 13/00132

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 10 MARS 2017

APPELANTE :

SAS ADREXO

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jonathan LAUNE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Axelle TESTINI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉ :

[P] [N]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Non comparant, représenté par Me Thomas NOVALIC, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Janvier 2017

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Michel SORNAY, Président

Didier JOLY, Conseiller

Natacha LAVILLE, Conseiller

Assistés pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 10 Mars 2017, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président, et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société ADREXO exerce sur tout le territoire national une activité de distribution de journaux gratuits et imprimés dans les boîtes aux lettres. Elle applique la convention collective nationale de la distribution directe.

Suivant contrat à durée indéterminée, la société ADREXO a engagé [P] [N] à compter du 3 janvier 2001 en qualité de distributeur de journaux rémunéré à la vacation.

Les parties ont souscrit un contrat à durée indéterminée à temps partiel pour l'embauche de [P] [N] en qualité de contrôleur-chauffeur-manutentionnaire, statut employé, pour 86.67 heures mensuelles et une rémunération mensuelle brute de 657 euros à compter du 10 mai 2004.

Par ailleurs, [P] [N] a été désigné délégué syndical d'établissement à [Localité 1] et [Localité 2] du 27 juillet 2006 au 16 février 2010 et délégué syndical d'établissement à [Localité 1] à partir du 1er septembre 2010.

[P] [N] a en outre été élu délégué du personnel de l'établissement de [Localité 1] du 5 avril 2006 au 19 novembre 2010 et membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 17 juin 2011 au 15 novembre 2011, date d'annulation des élections, puis à compter du 15 mars 2013.

Le 1er août 2011, [P] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE de demandes en paiement de rappel de salaire au titre d'heures de délégations et les congés payés afférents, de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et d'une indemnité de procédure.

Le 2 avril 2012, un nouveau contrat à durée indéterminée à temps partiel était signé entre la société ADREXO et [P] [N] pour l'embauche de ce dernier en qualité de technicien de distribution niveau d'emploi 1.2. de la convention collective pour 86.67 heures de travail mensuelles moyennant une rémunération mensuelle brute de 843.03 euros.

Par jugement rendu le 27 mars 2014, le conseil de prud'hommes de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE a:

- condamné la société ADREXO au paiement de la somme de 9 082.47 euros à titre de rappel de salaire pour des heures de délégations non payées entre avril 2006 et juillet 2011 et la somme de 908.24 euros au titre des congés payés afférents,

- condamné la société ADREXO à payer à [P] [N] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société ADREXO aux dépens.

La cour est saisie de l'appel interjeté le 23 avril 2014 par la société ADREXO.

Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 19 janvier 2017, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, la société ADREXO demande à la cour de réformer le jugement entrepris sur les heures de délégations, de le confirmer sur la discrimination syndicale, de débouter [P] [N] de l'intégralité de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 19 janvier 2017, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, [P] [N] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et:

- d'ordonner la production des bons de délégation et les bulletins de salaire des années 2007 à 2011 de [P] [I],

- de condamner la société ADREXO au paiement des sommes suivantes:

* 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

* 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

1 - sur les rappels de salaire

Attendu que tout délégué syndical dispose d'un crédit d'heures représentant le temps nécessaire à l'exercice de ses fonctions; que ces heures sont de plein droit considérées comme temps de travail.

Attendu que les heures de délégation doivent être payées à l'échéance normale; qu'en conséquence, l'employeur ne peut contester l'usage qui en est fait qu'après avoir rémunéré le salarié à ce titre.

Attendu que la pratique des bons de délégation visant à avertir le chef de service ou le supérieur de l'intention du représentant syndical de se mettre en délégation consiste à assurer l'information préalable de l'employeur quant à un déplacement du salarié pour l'exercice du mandat dans ou en dehors de l'entreprise.

Attendu que l'employeur n'est pas autorisé à exiger avant tout paiement des heures de délégation que le délégué lui rende compte de l'emploi de son temps durant ces heures sauf à s'exposer à des poursuites pour délit d'entrave.

Attendu que l'article 1.5 de l'accord d'entreprise du 20 décembre 2005 applicable au sein de la société ADREXO dispose que:

'Pour les salariés à temps partiel (modulé ou non), l'utilisation des crédits d'heures ne peut entraîner la réduction de plus d'un tiers du nombre d'heures de travail contractuel.'

Attendu qu'il se déduit des écritures soutenues par [P] [N] à l'audience que ce dernier sollicite le paiement de la somme de 9 437.30 euros, déduction à faire de la somme de 354.83 euros, au titre du paiement des heures de délégations qu'il a effectuées entre le mois d'avril 2006 et le mois de juillet 2011; qu'il fait valoir que ses heures de délégations n'ont pas été payées d'avril 2006 à décembre 2007 et qu'elles ont été partiellement payées ensuite; qu'il disposait chaque mois au titre de ses mandats de 35 heures de délégation par mois; qu'il les a intégralement utilisées en ayant pris soin de compléter pour chacune d'elles un bon de délégation qu'il a transmis à son chef de centre de [Localité 1] qui apposait a posteriori sa signature puis les transmettait au siège de l'entreprise à [Localité 3] par fax; que [P] [N] ne restait en possession que de la copie des bons de délégation remis à son chef avant signature; qu'il était fondé à réaliser ses heures de délégations en-dehors de ses heures de travail et qu'en tout état de cause l'employeur ne peut élever une contestation qu'après paiement des heures de délégation.

Attendu que la société ADREXO s'oppose à la demande en paiement en faisant valoir que les heures de délégation qui ont fait l'objet de bons de délégation adressés par [P] [N] entre 2008 et 2012 lui ont été régulièrement payées, à l'exception de la somme de 354.83 euros effectivement due au salarié et qui lui a été réglée; que la société ADREXO refuse de payer les heures de délégation litigieuses en soutenant que [P] [N] n'a établi aucun bon de délégation afférent et qu'il ne rapporte pas la preuve que ses mandats justifiaient que l'intégralité des heures de délégation soient prises en-dehors du temps de travail.

Attendu que la cour constate que la société ADREXO s'oppose au paiement des heures de délégation litigieuses aux motifs qu'elle n'a pas été préalablement prévenue de leur utilisation et que le salarié ne rapporte pas la preuve de son emploi de temps susceptible de justifier les circonstances qui l'auraient empêché de prendre ses heures de délégation durant son temps de travail.

Attendu qu'il s'ensuit que la contestation par la société ADREXO de la réalité des heures de délégation prises par le salarié dans le cadre de ses fonctions représentatives porte non seulement sur l'information de l'employeur mais aussi nécessairement sur l'usage du temps qui était ainsi attribué à ce salarié pour l'exercice de son mandat;

que ces contestations ne sont cependant recevables qu'après paiement des heures de délégation, ainsi que cela résulte des principes précités;

que force est de constater que la société ADREXO s'est abstenue de rémunérer les heures de délégation litigieuses; que l'employeur est donc redevable intégralement de la rémunération des heures de délégation de [P] [N];

que dès lors, la cour n'est pas tenue de se prononcer sur les moyens soulevés par la société ADREXO.

Attendu que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société ADREXO au paiement de la somme de 9 082.47 euros à titre de rappel de salaire pour les heures de délégations impayées entre avril 2006 et juillet 2011, et la somme de 908.24 euros au titre des congés payés afférents

2 - sur la discrimination syndicale

Attendu qu'aux termes de l'article L 1132-1 dans sa rédaction alors applicable sont prohibées les mesures discriminatoires à l'égard d'un salarié en matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat à raison de ses activités syndicales.

Attendu que l'article L2141-5 du code du travail dans sa rédaction alors applicable interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Attendu qu'il résulte de l'article L 1134-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable qu'en cas de litige reposant sur les principes précités, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte; qu'il appartient ensuite au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Attendu qu'en l'espèce, [P] [N] demande à la cour de condamner la société ADREXO à réparer son préjudice résultant d'une discrimination syndicale en lui allouant la somme de 20 000 euros, étant relevé par la cour que [P] [N] avait limité sa réclamation à la somme de 10 000 euros devant les premiers juges.

Attendu que [P] [N] fait valoir que ses heures de délégation ne lui ont pas été intégralement rémunérées en raison de son appartenance au syndicat FO alors que les heures de délégation ont été intégralement rémunérées à [P] [I], délégué syndical appartenant quant à lui au syndicat CFDT.

Attendu qu'il n'est pas contesté par la société ADREXO que les heures de délégation de [P] [I] lui ont constamment été intégralement rémunérées.

Attendu que [P] [N] établit donc la matérialité de faits précis et concordants qui sont de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination salariale fondée sur ses activités syndicales.

Attendu que la société ADREXO justifie sa décision de rémunérer intégralement [P] [I] par la circonstance que ce dernier respectait la procédure interne des bons de délégation en les transmettant systématiquement à son employeur.

Attendu que la cour constate que l'employeur verse aux débats les bons de délégation et les bulletins de salaire de [P] [I] qui confirment les explications de l'employeur;

que cette production rend sans objet la demande de production de pièces de [P] [N] dont il sera en conséquence débouté;

que sur le fond, les bons de délégation et les bulletins de salaire de [P] [I] ne sont pas discutés par [P] [N].

Attendu qu'il s'ensuit que l'employeur rapporte la preuve que sa décision, susceptible de relever d'une exécution déloyale du contrat de travail de [P] [N] qui n'est pas invoquée en l'espèce, est justifiée par des éléments étrangers à toute discrimination fondée sur l'appartenance syndicale de [P] [N] qui se trouve dès lors mal fondé en sa demande; que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté [P] [N] de ce chef.

3 - sur les demandes accessoires

Attendu qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de la société ADREXO les dépens de première instance et en ce qu'il a alloué à [P] [N] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Attendu que la société ADREXO sera condamnée aux dépens d'appel.

Attendu que l'équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

DEBOUTE [P] [N] de sa demande de production de pièces,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

CONDAMNE la société ADREXO aux dépens d'appel,

CONDAMNE la société ADREXO à payer à [P] [N] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président

Gaétan PILLIEMichel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 15/09359
Date de la décision : 10/03/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°15/09359 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-10;15.09359 ?
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