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16/02/2017 | FRANCE | N°11/05028

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 16 février 2017, 11/05028


R.G : 11/05028









Décision du tribunal de grande

instance de Lyon

Au fond du 04 mai 2011



1ère chambre section 2 cab B



RG : 2009/8990

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 16 Février 2017





APPELANT :



[A] Yves [G] [Q]

né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 2] (AUTRICHE)



représenté

par la SELARL ROBERT, avocat au barreau de ROANNE



assisté de Maître Sabine HADDAD, avocat au barreau de PARIS









INTIMEE :



[D] [M]

née le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 1]

[Adresse 3]

[Adresse 4]



représentée par la ...

R.G : 11/05028

Décision du tribunal de grande

instance de Lyon

Au fond du 04 mai 2011

1ère chambre section 2 cab B

RG : 2009/8990

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 16 Février 2017

APPELANT :

[A] Yves [G] [Q]

né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 2] (AUTRICHE)

représenté par la SELARL ROBERT, avocat au barreau de ROANNE

assisté de Maître Sabine HADDAD, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

[D] [M]

née le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 1]

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représentée par la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

assistée de Maître Yves PHILIP DE LABORIE, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 12 janvier 2016

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 16 novembre 2016

Date de mise à disposition : 19 janvier 2017, prorogée au 2 février 2017, puis au 16 février 2017, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure

Audience tenue par Jean-Louis BERNAUD, président et Vincent NICOLAS, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier

A l'audience, Vincent NICOLAS a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Jean-Louis BERNAUD, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Vincent NICOLAS, conseiller

Signé par Jean-Louis BERNAUD, président, et par Sylvie BOURRAT, greffier-en-chef, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

[U] [I] épouse de [K] [Q] est décédée le [Date décès 1] 2003.

Ce dernier est décédé le [Date décès 2] 2006. Ils ont laissé pour leur succéder leurs deux enfants [D] et [A].

Le 2 juin 2009 [D] [M] a fait assigner [A] [Q] en partage des successions de leurs parents devant le tribunal de grande instance de Lyon. Elle demandait l'attribution préférentielle d'une maison située à [Localité 2], et la condamnation de son frère à lui payer des dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.

Celui-ci, qui ne s'opposait par à l'ouverture des opérations de comptes liquidation partage, sollicitait la désignation d'un mandataire successoral et le rapport par sa soeur à la succession de plusieurs sommes, au motif qu'elles provenaient d'un recel successoral. Il sollicitait aussi l'attribution de la maison de [Localité 2] et d'un appartement à [Localité 3].

Par jugement du 4 mai 2011, le tribunal de grande instance a, avec exécution provisoire :

- ordonné l'ouverture des opérations de partage des successions de [K] [Q] et de son épouse, désigné pour y procéder le président de la chambre des notaires du Rhône ou à défaut son délégataire, à l'exclusion de Maître [U] et de Maître [K] ou de tout autre notaire déjà intervenu au profit de l'une ou l'autre des parties ;

- dit que le notaire commis établira l'état liquidatif selon les dispositions du jugement dans un délai d'un an, prorogeable un an ;

- dit que si un acte de partage amiable est établi le notaire commis en informera le juge ;

- dit qu'en cas de désaccord des parties sur le projet d'état liquidatif le notaire transmettra au juge un procès-verbal reprenant les dires des parties ainsi que le projet d'état liquidatif ;

- donné acte aux parties de leur accord sur la valorisation des biens immobiliers tels que figurant dans la déclaration de succession signée le 10 octobre 2007 ;

- désigné en qualité de mandataire successoral Monsieur [Z] [A] et dit que la gestion sera réalisée aux frais de l'indivision ;

- dit que les frais MATMUT s'élevant à la somme de 448,80 euros, les frais de FRANCE TELECOM s'élevant à la somme de 139,34 euros et les frais de réparation de la maison de [Localité 2] s'élevant à la somme de 968 €, 84, sont à la charge de l'indivision successorale ;

- débouté les parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ainsi que de tout autre demande.

Par déclaration transmise au greffe le 13 juillet 2011, [A] [Q] a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance d'incident en date du 20 mars 2012, le conseiller de la mise en état a ordonné à [D] [M] de communiquer à son frère, avant le 1er mai 2012, contre reçu et décharge, s'ils ne l'ont pas déjà été dans le cadre de la procédure, différents documents.

Par une nouvelle ordonnance en date du 5 février 2013, le conseiller de la mise en état a enjoint à [D] [M] de remettre à Monsieur le bâtonnier de l'ordre des avocats ou à son délégataire, désigné en qualité de séquestre, divers documents originaux appartenant à ses parents qu'elle détenait, dit qu'il sera dressé par le séquestre la liste exhaustive des documents originaux remis, et dit qu'après avoir reçu ces documents, il en avisera [A] [Q] et son conseil, dit également que le séquestre conservera ces documents jusqu'à ce que ces derniers lui fasse connaître la possibilité de les restituer à [D] [M].

Par une ordonnance du 9 juillet 2013 le conseiller de la mise en état a dit que le bâtonnier de l'ordre des avocats où son délégataire doivent conserver les pièces leur ayant été remises par [D] [M] jusqu'à ce qu'il soit dit qu'il peut s'en dessaisir.

Par ordonnance du 28 janvier 2014 le conseiller de la mise en état a :

- dit que le bâtonnier de l'ordre des avocats désigné en qualité de séquestre devra remettre au greffe de la chambre diverse pièces ;

- enjoint à [D] [M] de lui remettre divers documents originaux dont la liste figure dans l'ordonnance ;

- enjoint à [A] [Q] de communiquer la copie du courrier qu'il avait adressé à la caisse d'épargne ayant motivé la réponse de cette banque le 22 février 2007, ainsi que la copie de la réponse de cet établissement et des procurations qui y étaient jointes ;

- enjoint au directeur régional de la société PRO BTP Rhône-Alpes Bourgogne Auvergne d'adresser au greffe de la première chambre civile la copie d'un contrat d'assurance souscrit le 5 février 2001 par [K] [Q] ainsi que tous éléments utiles sur les modalités selon lesquelles les fonds ayant permis sa souscription lui ont été remis ;

- enjoint également à ce directeur, dans l'hypothèse où n'existerait par un contrat souscrit par [K] [Q] le 5 février 2001, d'adresser au greffe de la première chambre une attestation répondant à des questions qui lui étaient posées dans l'ordonnance.

Le conseiller de la mise en état a également ordonné la comparution personnelle des parties, mesure d'instruction qui a été exécutée le 20 mai 2014.

Enfin, par une ordonnance du 3 février 2015 le conseiller de la mise en état a débouté [A] [Q] de ses demandes relatives notamment au contrat qui aurait été souscrit par ses parents auprès de PRO BTP et à des pièces à fournir par la caisse d'épargne.

Vu les conclusions du 23 septembre 2015 de [A] [Q], déposées et notifiées, par lesquelles il demande à la cour de :

- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Lyon ;

- constater qu'[D] [M] s'est rendu coupable d'un recel successoral et qu'elle a empêché tout partage amiable ;

- en conséquence, et principalement confirmer le jugement en ce qu'il ordonne à Maître [O], notaire désigné par le président de la chambre des notaires du Rhône, de procéder aux opérations de comptes liquidation et partage, en ce qu'il dit que les frais MATMUT, les frais de France Telecom et les frais de réparation concernant la maison de [Localité 2], sont à la charge de l'indivision successorale, et en ce qu'il déboute [D] [M] de ses droits sur la propriété de [Localité 2] et de tout autre demande d'attribution préférentielle ;

- le réformer pour le surplus ;

- priver [D] [M] de ses droits sur l'ensemble des avoirs mobiliers de la succession dans les termes de l'article 778 du Code civil ;

- la dire coupable de recel successoral et la condamner à rapporter à la succession la totalité des sommes recelées ;

- dire qu'en raison du recel elle sera privée de sa part dans les successions sur les sommes suivantes :

*22.000 € correspondant à trois retraits litigieux à la suite de la clôture du PEL de leur mère ;

* 91.100 € correspondant à des espèce trouvés au domicile de leur père ;

*35.000, 63 € provenant du compte de placement de leur mère auprès de la compagnie PRO BTP ;

*12.195 € correspondant au solde de la caisse ménages ;

* 8.220,36 euros provenant du compte de l'indivision ouvert à la caisse d'épargne ;

* 156 titres HSBC HOLDING sur les 312 titres appartenant à leur père ;

* 22.648 € provenant du solde du livret de caisse d'épargne de leur mère ;

- dire qu'en raison du recel commis par [D] [M] sur la maison de [Localité 2], elle sera privée de sa part et de tous les droits y afférents ;

- dire que les sommes et biens recelés seront entièrement attribués à [A] [Q] et viendront en déduction de toutes sommes qui reviendraient à [D] [M] sur les autres biens qu'elle pourrait recevoir dans les autres successions ;

- dire que ces sommes porteront intérêt légal à compter de leur recel initial soit le 27 octobre 2003 sur chacune des sommes recelées avant cette date, ou bien à la date correspondante à leur appropriation injustifiée.

Subsidiairement, s'il n'est pas fait pas droit à la demande de recel successoral, il demande à la cour de :

- dire que toutes les sommes ci-dessus énumérées seront soumises aux règles du rapport successoral et devront apparaître dans les comptes successoraux de l'indivision ;

[A] [Q] demande aussi :

- que lui soient attribué les originaux des pièces de ses parents déposées chez le bâtonnier à charge pour [D] [M] d'en faire exécuter des copies à ses frais si elle le souhaite ;

- qu'elle soit condamnée à lui payer 100'000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier, ainsi que celle de 100'000 à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;

- qu'elle soit aussi à lui payer la somme de 20'000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions du 19 novembre 2015 d'[D] [M], déposées et notifiées, par lesquelles elle demande à la cour de :

- déclarer irrecevables comme nouvelles en cause d'appel les demandes de rapport à la succession formées par [A] [Q], concernant les sommes et biens suivants ;

* la somme de 91.100 € correspondants aux espèces trouvées au domicile du défunt;

* celle de 22.648 € correspondant au solde du livret A de la caisse d'épargne de leur mère ;

* celle de 35.063 € provenant de son compte de placement auprès de la compagnie pro BTP ;

* celle de 12.195 € au titre d'un solde caisse de ménage ;

* les 156 titres HSBC HOLDINGS ;

- déclarer irrecevables comme nouvelles en cause d'appel les demandes portant sur les parts dont elle devrait être privée de rapport à la succession pour cause de recel, soit la somme de 12.195 € au titre d'un solde de caisse ménages, 156 titres HSBC HOLDINGS, et la somme de 8.220,36 € ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il déboute [A] [Q] de ses demandes relatives au rapport à la succession et au recel ;

- statuant à nouveau, le condamner à lui payer la somme de 50.000 € en réparation de son préjudice ;

- dire qu'elle sera indemnisée de l'administration de l'indivision à laquelle elle a procédé ;

- condamner [A] [Q] à payer une amende civile ;

- le condamner aussi à lui payer la somme de 20'000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner la restitution à [D] [M] des éléments de sa comptabilité qu'elle a remise au bâtonnier.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 12 janvier 2016.

SUR QUOI, LA COUR :

Sur la recevabilité des demandes de [A] [Q] formées en cause d'appel :

Attendu que ces demandes, outre que certaines d'entre elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge (recel et demande de rapport à la succession des sommes de 22.000 €, 22.648 €, 91.100 €, 35.000,63 €), en sont la conséquence ou le complément (recel et demande de rapport à la succession des sommes de 12.195 €, 8.220,36 €, et recel de titres) ; qu'elles sont donc recevables ;

Sur la demande principale de [A] [Q] :

Attendu qu'il soutient que :

1. [D] [M] a recelé des documents comptables qui auraient permis une connaissance précise des actifs de la succession ; le recel de ces documents, son incapacité à justifier des retraits effectués, établissent les faits de recels ;

2. Depuis 2006, elle lui refusait de prendre connaissance du rapport d'évaluation de la propriété de SALAGNON, établi par un expert ; au vu de ce rapport, dont il a pris connaissance en 2011, il s'est rendu compte que sa soeur avait porté à l'actif de la succession et déclaré à l'administration fiscale un terrain pour une valeur de 11.400 € alors que celle-ci était d'environ 1.000.000 € ; cette sous-évaluation conséquente en 2003, puis sa dissimulation dans les déclarations établies en 2006, établissent la volonté d'[D] [M] de s'adjuger le bien ;

3. Cette dernière a caché à l'auteur du rapport d'évaluation un terrain situé à [Localité 4], cadastrée section [Cadastre 1], dans le but de le dissimuler ; pour atteindre cet objectif, elle ne l'a pas porté dans les quatre premières déclarations de succession de 2006, ce qui établit un nouveau recel successoral ;

4. [D] [M] a manoeuvré pour réévaluer entre les déclarations de succession de 2003 et celles de 2006 la maison de [Localité 3] et celle de SALAGNON ; cette surévaluation était destinée à équilibrer le prix des maisons pour lui éviter de payer une soulte à son frère à qui elle destinait cette maison ;

5. En raison du recel qu'elle a commis sur la propriété de SALAGNON, elle doit être privée de sa part dans cet immeuble ;

Attendu cependant que [A] [Q], en dehors de ses seules affirmations, ne produit aucun élément permettant de constater qu'[D] [M] aurait dissimulé des documents comptables, en vue de commettre un recel successoral ; que la propriété de [Localité 2], maison et parcelles de terres, figure parmi les biens composant l'actif de la communauté dans la déclaration de succession établie après décès de [U] [Q], signée par [D] [M] le 27 octobre 2003 ; que la sous-évaluation de cet immeuble reprochée à [D] [M], à la supposer établie, ne caractérise en rien une manoeuvre tendant à sa dissimulation ; que le terrain situé au lieudit '[Localité 4]', cadastré section [Cadastre 1], figure dans la déclaration de succession du 27 octobre 2003, parmi les biens composant l'actif de la succession de [U] [Q], preuve qu'[D] [M], qui a signé cette déclaration, n'a pas cherché à le dissimuler ; qu'enfin, le fait que les immeubles dépendant des successions aient été réévalués entre 2003 et 2006 n'établit pas davantage qu'elle a dissimulé leur existence ; que [A] [Q] doit en conséquence être débouté de sa demande tendant à priver sa soeur de sa part dans la propriété de SALAGNON ;

Attendu que pour établir le recel successoral qu'il reproche à sa soeur, il soutient qu'elle a signé un faux projet de procuration sur le livret A de leur père, pour justifier de retraits d'espèces, commettant ainsi un faux en écriture et un usage de faux et une tentative d'escroquerie au jugement ;

Attendu cependant que les retraits allégués, dont le montant n'est même pas précisé, ne sont pas prouvés ; que [A] [Q], au regard de ses écritures, ne soutient pas que la prétendue fausse procuration sur le livret A de son père aurait servi à sa soeur à retirer les sommes qu'il considère, dans le dispositif de ses conclusions, comme ayant été recelées ; que le moyen tiré d'un faux et d'un usage de faux est donc inopérant pour caractériser le recel successoral ;

1. sur le recel de la somme de 22.000 € :

Attendu que pour justifier de sa demande selon laquelle [D] [M] aurait recelé cette somme, [A] [Q] soutient que :

- une procuration sur les comptes de leurs parents ouverts à la HSBC a été établie au bénéfice d'[D] [M] le 27 mai 1998 ;

- l'authenticité et la validité de cette procuration est douteuse, et elle ne s'appliquait pas aux opérations initiées sur un PEL ;

- le 14 février 2012, [D] [M] a clôturé le PEL ouvert au nom de leur mère dans cette banque, sans procuration ;

- elle a souscrit le même jour un nouveau PEL au nom de [U] [Q] et viré sur ce compte la somme de 26.600 € ;

- elle a ensuite effectué trois retraits injustifiés (7.500 € le 27 février 2002, 7.500 € le 6 mars 2002 et 7.000 € le 3 avril 2002), pour un total de 22.000 €, en imitant la signature de leur père, ainsi que cela ressort du rapport d'un expert graphologue ;

- elle est dans l'incapacité de prouver la destination matérielle des sommes ainsi retirées ;

Attendu cependant qu'aux termes d'un acte du 27 mai 1998, les parents d'[D] [M] lui ont donné procuration 'sur tous les comptes ouverts ou à ouvrir' auprès du CCF, la procuration n'étant pas en effet limitée à certaines opérations ; que [A] [Q] produit un rapport d'un expert-graphologue, Mme [X], à qui il a confié la mission de comparer les signatures apposées par ses parents sur des documents, avec celles figurant sur les bordereaux des trois retraits litigieux ; que parmi les documents de comparaison, figure l'acte du 27 mai 1998, ce dont il résulte que cette procuration a bien été signée par [K] [Q] et son épouse ; que le fait qu'[D] [M] ait écrit de sa main, au dessus de la signature de ses parents, la mention 'lu et approuvé' et 'bon pour pouvoir', n'est pas de nature à affecter la validité de cet acte, dès lors qu'il n'est pas prouvé, ni même allégué, qu'ils étaient sous l'empire d'un trouble mental au moment de sa signature ; que les retraits litigieux ont donc pu être réalisés par [D] [M] au moyen de cette procuration dont elle disposait sur tous les comptes de ses parents ouverts au CCF ;

Attendu ensuite que l'examen des pièces produites par [D] [M] fait ressortir que le PEL ouvert dans cette banque au nom de [U] [Q] a été clôturé au mois de février 2002, que le solde de ce plan, soit une somme de 49.332,74 € a été viré le 14 février 2002 sur le compte joint des époux [Q] ouverts au CCF, que le même jour un autre PEL a été souscrit dans cette banque au nom de [U] [Q] sur lequel a été viré du compte joint la somme de 26.600 € ; qu'il n'est pas contesté par [D] [M] qu'elle est l'auteur des trois retraits litigieux, sur ce compte joint ; que l'expert grapholoque choisi par [A] [Q] a conclu que les signatures apposées sur les trois bordereaux de retrait ne peuvent être attribuées à [K] [Q], ce qui est normal, dans la mesure où [D] [M] est l'auteur de ces retraits en vertu de sa procuration ; qu'elle prétend avoir procédé à ces retraits à la demande de ses parents, et [A] [Q] ne produit aucune pièce permettant de se convaincre du contraire, et ne démontre d'ailleurs pas que le prétendu recel de la somme de 22.000 € se serait poursuivi après l'ouverture de la succession de ses parents ; qu'il y a donc lieu de le débouter de sa demande tendant à faire constater qu'[D] [M] a recelé cette somme ;

2. sur le recel des sommes de 22.648 € et 91.100 € :

Attendu que [A] [Q] soutient d'abord que sa soeur a profité de la procuration qu'elle avait sur le livret A de leur mère, pour clôturer celui-ci et retirer les espèces qui s'y trouvaient pour un montant de 22.648 € ; qu'elle a dissimulé cette somme à l'actif de succession en 2003, et de nouveau lors de l'établissement des premières déclarations de succession en 2006 ;

Attendu qu'il prétend ensuite que son père rangeait ses économies dans une cachette avec des bons du trésor, et qu'en 2002, la cassette contenait 91.100 € ; que toutes ces économies ont disparu après le passage d'[D] [M] ; que lors d'un rendez vous chez le notaire le 30 août 2006, elle a apporté avec elle une enveloppe contenant 45.550 € en espèce, et n'a pas donné suite à la demande du notaire de lui faire parvenir la somme de 91.100 € par voie de mandat ; qu'elle s'est donc attribuée cette somme depuis 2006 ;

Attendu qu'[D] [M] expose qu'elle a procédé au retrait de la somme de 22.648 € du livret A de sa mère sur l'ordre de son père, qui les a ensuite déposées dans sa cassette ; qu'elle n'a pas détourné cette somme puisqu'elle l'a remise à son notaire le 30 août 2006 ;

Attendu qu'elle prétend que son père l'avait chargée de partager avec son frère le contenu de la cassette, qui s'élevait seulement à 45.550 € à son décès, et qu'elle n'a jamais cherché à dissimuler ces fonds, qui figurent dans la déclaration de succession signée le 10 octobre 2007 ; que son frère ayant refusé de partager le solde de la cassette devant les notaires chargés de la succession, et Me [U] ne pouvant accepter d'argent liquide, l'a autorisée après concertation avec Me [K], à conserver la somme de 45.550 € à titre d'acompte ;

Attendu cependant que la déclaration de succession de [U] [Q] qu'[D] [M] a signée le 27 octobre 2003 ne mentionne pas dans l'actif de communauté la somme de 22.648 € ; qu'elle a fait parvenir cette somme au notaire le 30 août 2006, soit bien après l'ouverture de la succession de sa mère ; qu'elle ne démontre pas que Me [U] l'a autorisée à conserver la somme de 45.550 € à titre d'acompte, alors que les sommes liquides qu'elle a apportées le 30 août 2006 devant son notaire auraient du parvenir à ce dernier par voie de mandat ; que ces éléments sont de nature à établir la matérialité du recel reproché sur ces sommes, sauf à constater que [A] [Q], en dehors de ses seules affirmations, n'établit pas que la cassette de son père contenait à son décès une somme de 91.100 € ;

Attendu toutefois que le recel successoral suppose une intention frauduleuse de l'héritier qui entend rompre à son profit l'égalité du partage ; qu' en l'espèce il ressort d'un courrier du 19 septembre 2006 d' [D] [M] à son notaire que l'intention de son père était qu'elle partage avec son frère l'argent liquide (soit au total 68.148 € comprenant la somme de 22.648 €) se trouvant au domicile de leurs parents ' de façon à ce qu'ils paient moins de droits de succession' ; que l'intention frauduleuse d'[D] [M] ne peut résulter du seul fait qu'elle a conservé des fonds appartenant à la succession ; qu'il n'est pas prouvé qu'elle a entendu répartir les sommes liquides se trouvant dans la cassette, en exécution des volontés de son père, avec la volonté d'agir au détriment de son frère ; que son intention frauduleuse n'étant donc pas caractérisée, la dissimulation de la somme de 68.148 € ne peut être qualifiée de recel ; qu'il y a donc lieu de débouter [A] [Q] de sa demande tendant à faire constater que sa soeur a recelé les sommes de 22.648 € et 91.100 € ;

3. sur le recel de la somme de 12.195 € :

Attendu que pour justifier de sa demande selon laquelle [D] [M] aurait recelé cette somme, [A] [Q] soutient que :

- elle a inclus dans un tableau en 2006 pour établir le contenu du coffre la somme de 12.195 € correspondant au 1er janvier 2002 à la caisse 'ménage', avec laquelle leurs parents payaient leurs courses quotidienne ;

- les dépenses de ménage s'étant poursuivies après 2002, la somme de 12.195 € ne peut pas se retrouver en l'état dans le coffre en 2006 ;

- [D] [M] est dans l'incapacité de justifier de l'utilisation de la somme au bénéfice de leurs parents ;

Attendu cependant que cette somme de 12.195 € correspond, selon [D] [M], aux espèces contenues dans la cassette lors du changement en 2002 des francs en euros ; que [A] [Q] ne démontre pas que sa soeur a détourné ces fonds ; qu'il y a donc lieu de le débouter de sa demande tendant à faire constater qu'elle recelé cette somme ;

4. sur le recel de la somme de 35.000,63 € :

Attendu que [A] [Q] soutient que cette somme a été détournée par [D] [M] d'un compte de placement dont leur mère était titulaire auprès de la compagnie PRO BTP ; que si cette compagnie, en réponse à sa sommation, lui a fait savoir qu'elle n'avait pas de contrat d'assurance vie au nom de [U] [Q], elle s'est gardé de prendre position sur un éventuel compte hors assurance vie ; que PRO BTP et [D] [M], qui dispose aussi d'un compte assurance vie auprès de cette compagnie, ont voulu cacher le passage du compte de [U] [Q] sur celui de sa fille ; que ces éléments démontrent suffisamment le détournement du compte opéré par [D] [M] avec la complicité de la compagnie PRO BTP ; que ce compte faisait partie des avoirs de [U] [Q] ; qu' [D] [M] n'a pas porté ce compte à l'actif de la succession en 2003, puis de nouveau en 2006 ;

Attendu cependant que la dissimulation d'un contrat d'assurance vie n'est pas un fait de recel successoral car le bénéfice de cette assurance ne fait pas partie de la succession ; qu'ensuite, la société PRO BTP, dans un courrier du 11 mars 2014 adressée au greffe de cette cour, en exécution de l'ordonnance du 28 janvier 2014 du conseiller de la mise en état, expose qu'elle n'a jamais enregistré de contrat d'assurance vie au nom de [U] [Q] ; que dans ces conditions, il y a lieu de débouter [A] [Q], qui ne justifie en rien de son allégation de détournement, de sa demande tendant à faire constater que sa soeur recelé la somme de 35.000,63 € ;

5. sur le recel des titres HSBC HOLDING :

Attendu que [A] [Q] soutient qu'[D] [M] s'est fait virer ces titres avant qu'un notaire ne soit désigné pour les opérations de liquidation et de partage, qu'elle a, pour abuser la HSBC, utilisé frauduleusement un certain nombre d'informations de l'étude de Me [U] et que la banque, consciente de s'être fait abusée, lui a demandé de retourner les titres ;

Attendu cependant que la HSBC, dans un courrier du 28 avril 2008 adressé à [D] [M], lui a fait savoir notamment qu'elle détenait un portefeuille titres au nom de Mr et Mme [Q] et lui demandait de lui préciser si ce portefeuille était à vendre ou à transférer ; qu'[D] [M], dans sa lettre en réponse du 17 juillet 2008, a demandé à la banque que la part lui revenant dans le portefeuille titre de ses parents soit transférée sur son propre compte titre ; que ce transfert est intervenu au mois de mai 2012, avant d'être annulé par la banque au mois de juillet 2012, à son initiative ; qu'il ne résulte pas de ces éléments que le transfert litigieux a procédé d'une fraude imputable à [D] [M] ayant eu pour but de rompre l'égalité du partage entre les co-héritiers ; qu'il y a donc lieu de débouter [A] [Q] de sa demande tendant à faire constater que sa soeur a recelé ces titres ;

6. sur le recel de la somme de 8.220,36 € :

Attendu que [A] [Q] soutient que :

- après la nomination par le tribunal de grande instance de Lyon de Me [C] ès qualités de mandataire successoral, celui-ci a demandé à [D] [M] de lui transférer le solde du compte de l'indivision ouvert à la caisse d'épargne ;

- [D] [M] a transféré la somme de 227,94 €, alors que le solde s'élevait à 16.676,57 € ;

- elle a pu ainsi profiter de la signature qu'elle avait encore sur ce compte pour s'octroyer 8.167,27 € ;

- cette tentative de s'attribuer de manière illégitime un bien de l'indivision est constitutive d'un recel ;

Attendu cependant qu'[D] [M], dans un mail adressé à son frère le 3 octobre 2012, l'informait de sa décision de partager le solde du compte de l'indivision, qui n'avait plus selon elle de raison d'être après la désignation d'un mandataire successoral ; qu'elle lui indiquait virer la moitié du solde sur son compte, soit une somme de 8.167,27 € et lui laissait le soin d'encaisser l'autre moitié ; qu'il ne résulte pas de ces éléments une intention frauduleuse chez [D] [M] de rompre à son avantage l'égalité du partage ; qu'il y a donc lieu de débouter [A] [Q] de sa demande tendant à faire constater que sa soeur a recelé la somme de 8.220,36 € ;

Sur la demande subsidiaire de [A] [Q] :

Attendu que pour le cas où le recel successoral ne serait pas retenu, il sollicite le rapport à l'actif successoral de l'intégralité des sommes considérées comme recelées ;

Attendu cependant que seules les sommes de 45.500 € et 8.220,36 € doivent être restituées par [D] [M] à la masse partageable ;

Sur la demande dommages-intérêts de [A] [Q] en réparation de son préjudice financier :

Attendu qu'il la justifie par tous les frais qu'il a engagés et qui ont pour origine les multiples recels de sa soeur ;

Attendu cependant que le recel successoral n'étant pas établi, il y a lieu de le débouter de ce chef de sa demande ;

Sur la demande de dommages-intérêts de [A] [Q] :

Attendu qu'il soutient avoir subi un préjudice moral en raison de la résistance abusive de sa soeur à la consultation de documents liés aux opérations de l'indivision successorale et aussi du fait de la dissimulation d'élément d'actif successoral ;

Attendu cependant qu'il n'est pas établi qu'[D] [M] a abusivement empêché la consultation de ces documents et la dissimulation d'éléments d'actif dans le but de fausser les opérations du partage au détriment de l'un des co-héritiers n'est pas prouvée ; qu'ainsi, en l'absence de preuve d'une faute de l'intimée en relation de causalité avec le préjudice moral allégué, il y a lieu de débouter [A] [Q] de ce chef de sa demande ;

Sur la demande de dommages-intérêts d'[D] [M] :

Attendu qu'il n'est pas établi que [A] [Q] a fait dégénérer en abus son droit de résister aux prétentions de sa soeur ; qu'[D] [M] doit être en conséquence déboutée de ce chef de sa demande ;

Sur la demande de [A] [Q] tendant à se voir attribuer les originaux des pièces déposées chez le bâtonnier :

Attendu que ces pièces dépendent de la succession ; que rien ne justifie qu'elles soient attribuées de manière préférentielle à [A] [Q] ; qu'il doit être débouté en conséquence de ce chef de sa demande ;

Sur la demande d'[D] [M] tendant à la restitution des éléments de sa comptabilité :

Attendu qu'il y lieu d'y faire droit ;

Sur la demande d'[D] [M] tendant à être indemnisée de l'administration de l'indivision :

Attendu qu'il y a lieu de rejeter cette demande, en raison de son imprécision, l'indemnité sollicitée n'étant en particulier même pas chiffrée ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare recevables les demandes formées en cause d'appel par [A] [Q] ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il déboute [A] [Q] de ses demandes de réintégration de sommes à la succession ;

Et statuant à nouveau sur le chef infirmé,

Ordonne à [D] [M] de rapporter à la masse partageable de la succession de ses parents les sommes de 45.500 € et 8.220,36 € ;

Y ajoutant,

Déboute [A] [Q] de sa demande tendant à voir [D] [M] priver de sa part, pour cause de recel, dans les sommes de 12.195 €, 8.220,36 €, et sur les 156 titres HSBC HOLDINGS, ainsi que de ses demandes subséquentes ;

Déboute [A] [Q] de sa demande tendant à voir priver [D] [M] de sa part, pour cause de recel, dans la maison de [Localité 2], et de ses demandes subséquentes ;

Déboute [A] [Q] de sa demande tendant à l'attribution des originaux des pièces de ses parents déposés chez le bâtonnier ;

Le déboute de ses demandes de dommages-intérêts formées contre [D] [M] ;

Déboute [D] [M] de sa demande de dommages-intérêts formée contre [A] [Q] ;

Déboute [D] [M] de sa demande d'indemnisation de l'administration de l'indivision ;

Ordonne la restitution à [D] [M] des éléments de sa comptabilité qu'elle a remis en exécution de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 28 janvier 2014 ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de [A] [Q] et le condamne à payer à [D] [M] la somme de 6.500 € ;

Condamne [A] [Q] aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER-EN-CHEFLE PRESIDENT

Sylvie BOURRATJean-Louis BERNAUD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 11/05028
Date de la décision : 16/02/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon 01, arrêt n°11/05028 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-16;11.05028 ?
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