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10/02/2017 | FRANCE | N°15/08017

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 10 février 2017, 15/08017


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 15/08017





[N]



C/

SA HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 17 Septembre 2015

RG : F 12/04935

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 10 FEVRIER 2017





APPELANTE :



[X] [N]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité

2]



Non comparante, représentée par Me Nicolas FANGET de la SELARL VEBER ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Virginie DUBOC, avocat au barreau de LYON





INTIMÉE :



SA HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES

[Adresse...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 15/08017

[N]

C/

SA HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 17 Septembre 2015

RG : F 12/04935

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 10 FEVRIER 2017

APPELANTE :

[X] [N]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Non comparante, représentée par Me Nicolas FANGET de la SELARL VEBER ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Virginie DUBOC, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

SA HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Guillaume BORDIER de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Louis RICHARD, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 07 Décembre 2016

Présidée par Didier JOLY, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Michel SORNAY, président

- Didier JOLY, conseiller

- Natacha LAVILLE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 10 Février 2017 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Madame [X] [N] a été engagée par la société Helvetia Compagnie suisse d'assurances en qualité de souscripteur technico-commercial (cadre, classe 6) à la délégation régionale de [Localité 1] suivant contrat écrit à durée indéterminée du 1er octobre 2007, soumis à la convention collective nationale des sociétés d'assurances.

Son salaire mensuel brut a été fixé à 3 704 € x 13,5 mois par an.

Son responsable hiérarchique direct était alors [Z] [R].

En raison d'un congé de maladie, l'exécution du contrat de travail de [X] [N] a été suspendue du 26 septembre 2008 au 23 novembre 2008. L'absence de la salariée a stoppé la commercialisation du produit Domatrans sur lequel celle-ci travaillait, aucun spécialiste n'étant en mesure de la remplacer à la délégation de [Localité 1].

Le 1er janvier 2009, [R] [X] est devenu responsable de la délégation de [Localité 1].

[X] [N] a été admise le 23 septembre 2010 au Centre hospitalier [Localité 1]à la suite d'un accident non professionnel entraînant notamment une double fracture du bassin. Dès lors, l'exécution de son contrat de travail a été suspendue pendant plusieurs années.

Par lettre recommandée du 6 mai 2011, la société Helvetia a convoqué [X] [N] le 20 mai en vue d'un entretien préalable à son licenciement.

La salariée lui ayant transmis un certificat médical attestant de ce qu'elle ne pouvait se déplacer, l'employeur a notifié à celle-ci le 12 mai 2011 qu'il renonçait à l'entretien prévu.

Le 27 juillet 2011, la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées a reconnu à [X] [N] la qualité de travailleur handicapé pour la période du 27 juillet 2011 au 31 juillet 2014.

Par lettre du 2 septembre 2011, la société Helvetia a exprimé le souhait de faire le point sur la situation de [X] [N] et son éventuelle reprise d'activité. Elle a demandé à celle-ci de l'appeler pour convenir d'un rendez-vous.

La salariée n'a pas donné suite.

Par lettre recommandée du 11 octobre 2011, l'employeur a fait savoir à [X] [N] que son absence continue depuis le 23 septembre 2010 perturbait le fonctionnement de l'entreprise. Il lui a demandé si son état de santé lui permettrait de reprendre le travail au terme de l'arrêt de travail en cours (25 octobre 2011), faute de quoi il pourrait être amené à envisager son remplacement à titre définitif.

Par lettre recommandée du 26 octobre 2011, le conseil de [X] [N] a fait savoir à la société Helvetia que la suspension du contrat de travail était la conséquence directe des agissements du responsable hiérarchique de la salariée, ces agissements relevant du harcèlement moral. Cet avocat a ajouté qu'il détenait suffisamment d'éléments permettant de démontrer que la société n'ignorait pas cette situation et que rien n'avait été fait pour y remédier.

La direction de Helvetia a décidé alors de confier une mission d'enquête à une commission composée d'une responsable des ressources humaines et de deux des délégués du personnel, désignés par ces derniers.

L'ensemble des collaborateurs de la délégation de [Localité 1] ont été entendus les 30 et 31 janvier 2012.

Par lettre recommandée du 2 février 2012, la responsable des ressources humaines et les deux délégués ont proposé à [X] [N] de l'entendre le 16 février dans les bureaux de la délégation de [Localité 1] ou dans un autre lieu à convenir ou, en cas d'impossibilité, de leur faire parvenir une description des faits reprochés.

Ils ont renouvelé cette proposition par lettre recommandée du 10 février 2012 puis, en l'absence de réponse, ont fait savoir le 13 février à la salariée que les représentants du personnel ne se déplaceraient pas à [Localité 1]. Ils restaient cependant dans l'attente d'une description des faits.

[X] [N] ne s'est manifestée d'aucune manière.

Le rapport d'enquête du 16 février 2012 a conclu qu'aucun élément concret (agissements, propos ou événements) susceptible de relever de la qualification de harcèlement moral n'avait été relevé.

Dans le prolongement d'un entretien téléphonique du 14 février 2012, la responsable des ressources humaines a écrit à [X] [N] le 24 février qu'elle avait bien compris qu'à ce jour, la salariée n'était pas en mesure de lui transmettre des exemples ou illustrations précis des faits reprochés. Elle l'a informée de ce qu'elle était disposée à lui communiquer une première synthèse des entretiens si [X] [N] le souhaitait.

[X] [N] n'a pas donné suite à cette proposition.

Le 19 décembre 2012, [X] [N] a saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et rupture abusive du contrat de travail.

Le 4 mars 2013, [X] [N] a transmis à la société Helvetia copie du titre de pension d'invalidité (catégorie 2) émis par la Caisse primaire d'assurance maladie du Rhône le 12 février 2013.

Par lettre recommandée du 17 avril 2013, l'employeur l'a informée de ce que la visite de reprise était fixée le 25 avril 2013 à [Localité 3].

A cette date, le médecin du travail a émis l'avis suivant :

Inapte définitivement au poste de travail. Un seul examen (article R 4624-31 al. 2 du code du travail = "risque de danger immédiat pour la santé ou la sécurité du salarié ou celle des tiers"). L'état de santé actuel ne permet pas d'envisager un aménagement du poste ou un reclassement à un autre emploi dans l'entreprise.

Le 27 mai 2013, la société Helvetia a communiqué au médecin du travail le descriptif du poste qu'occupait [X] [N], lui a annoncé qu'il lui soumettrait l'ensemble des postes qu'elle aurait identifiés et lui a proposé d'examiner in situ les conditions de travail de la salariée et les possibilités éventuelles de reclassement.

Le médecin du travail s'est rendu dans les locaux de la délégation de [Localité 1] le 5 juillet 2013.

Selon son courriel du 7 août 2013, il n'a pas vu de possibilité d'aménagement ni de transformation du poste de [X] [N]. Il a ajouté qu'un aménagement du temps de travail de celle-ci n'était pas une solution envisageable.

Par lettre recommandée du 14 août 2013, la société Helvetia a convoqué [X] [N] le 5 septembre 2013 à [Localité 3] en vue d'un entretien préalable à son licenciement.

La salariée n'a pu se rendre à l'entretien.

Par lettre recommandée du 30 septembre 2013, la société Helvetia a notifié son licenciement à la salariée dans les termes suivants :

Nous sommes au regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement lié à l'impossibilité de trouver une solution de reclassement, à la suite de votre inaptitude définitive à votre poste de Souscripteur technico-commercial.

Vous occupez le poste de Souscripteur technico-commercial au sein de notre Société depuis le ler octobre 2007.

Vous avez été en arrêt maladie jusqu'au 31 janvier 2013. Par une décision du 12 février 2013, le Médecin conseil de la Caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a prononcé votre classement en invalidité deuxième catégorie.

Le 25 avril 2013, vous avez été reçu par le Docteur [G] [S], Médecin du travail dans le cadre d'une « visite de reprise ». A l'issue de cette visite, le Docteur [G] [S] e rendu l'avis suivant : « inapte définitivement au poste de travail. Un examen (article R. 4624-31 al. 2 du code du travail : "risque de danger immédiat pour la santé ou la sécurité du salarié ou celle des tiers'). L'état de santé actuel ne permet pas d'envisager un aménagement du poste ou un reclassement à un autre emploi dans l'entreprise ». Nous avons pris connaissance de cet avis le 13 mai 2013.

Le 27 mai 2013, nous avons adressé une télécopie au Docteur [G] [S] en lui demandant de nous faire part de ses observations complémentaires relatives à votre état de santé afin d'examiner la possibilité de mettre en oeuvre des mesures éventuelles de mutation, de transformation de votre poste de travail ou d'aménagement de votre temps de travail et de pouvoir rechercher les postes disponibles au sein de la Société et des autres sociétés du groupe auquel elle appartient et compatibles avec votre état de santé.

Nous lui avons également communiqué dans le cadre de l'étude de votre poste et de vos conditions de travail une description des principales missions confiées au Souscripteur technico-commercial.

Le 31 mai 2013, le Docteur [G] [S] nous a indiqué qu'il prenait bonne note de nos recherches de postes vacants au sein de la Société et du groupe. Il nous a également confirmé qu'il prendrait attache avec la délégation de [Localité 1] afin de procéder à une visite des locaux pour examiner in situ vos conditions de travail et les possibilités éventuelles de reclassement vous concernant.

En parallèle, nous avons recherché et recensé les postes de reclassement susceptibles de vous être proposés au sein de la Société et des autres sociétés du groupe auquel elle appartient, en France et à l'étranger.

Dans ce cadre, nous avons interrogé les autres sociétés du groupe Helvetia. Il ressortait de ces recherches qu'il n'existait aucun poste vacant susceptible de vous être proposé.

Le 1er juillet 2013, nous avons informé le Docteur [G] [S] de l'absence de poste actuellement vacant au sein de la société Helvetia Compagnie suisse d'assurances et des autres sociétés du groupe auquel elle appartient.

Le Docteur [G] [S] a pris acte de cette absence de postes vacants par un email du 5 juillet 2013 : « Je vous remercie de votre courriel du 1er juillet 2013. Je prends bonne note de vos recherches de reclassement de Madame [N] ».

Nous avons toutefois poursuivi nos recherches de postes vacants. Ainsi, au cours du mois de juillet, deux postes sont devenus disponibles :

Gestionnaire de contrats au sein de la Délégation Régionale de Nantes

Gestionnaire de contrats au sein de la Délégation Régionale de Lille

Le 17 juillet 2013 nous avons adressé au Docteur [G] [S] un descriptif de ces deux postes afin de recueillir son avis sur votre aptitude ou non à les occuper.

Le Docteur [G] [S] nous a précisé, par email du 19 juillet 2013, que : « Je prends bonne note de vos deux propositions de poste, que j'ai examinées. Ma conclusion est que l'état de santé de Madame [N] ne permet pas à celle-ci d'occuper ces postes, elle n'en n'est pas médicalement apte. »

Le 5 juillet 2013, le Docteur [G] [S] a également visité les locaux de la délégation de [Localité 1] de la Société afin d'étudier si une éventuelle adaptation ou transformation de votre poste de travail était envisageable.

Dans un email du 7 août 2013, le Médecin du travail nous a indiqué qu'aucune adaptation ou transformation de votre poste n'était envisageable : « Par ce courriel, je viens vous indiquer que, lors de ma visite en vos locaux de la délégation de [Localité 1] (rendez-vous avec Monsieur [X]), je n'ai pas vu la possibilité d'aménagement ni de transformation du poste de Madame [N]. Un aménagement du temps de travail de cette dernière n'est pas une solution envisageable. »

Nous avons donc poursuivi nos recherches d'un poste de reclassement susceptible d'être compatible avec votre état de santé. Malheureusement, en dépit de nos recherches, aucun poste de reclassement disponible et compatible avec les préconisations du Médecin du travail n'a pu être identifié.

Dès lors, étant dans l'impossibilité de procéder à votre reclassement nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement.

La date de la première présentation de cette lettre à votre domicile marquera le point de départ de votre préavis d'une durée de 3 mois, que vous n'êtes cependant pas en mesure d'exécuter et qui ne vous sera donc pas rémunéré.

Votre contrat de travail est donc rompu ce jour, date de l'envoi de la présente lettre de licenciement. [...]

Le Conseil de prud'hommes a statué sur le dernier état des demandes de [X] [N] le 17 septembre 2015.

*

* *

LA COUR,

Statuant sur l'appel interjeté le 16 octobre 2015 par [X] [N] du jugement rendu le 17 septembre 2015 par le Conseil de prud'hommes de LYON (section encadrement) qui a :

- dit et jugé que Mme [X] [N] n'a subi aucun fait de harcèlement moral,

- débouté, en conséquence, la salariée de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail,

- dit et jugé que la société HELVETIA Compagnie Suisse d'Assurance a respecté son obligation de recherche de reclassement,

- dit et jugé que le licenciement pour inaptitude de Mme [X] [N] est justifié,

- débouté, en conséquence, Mme [X] [N], de ses demandes relatives :

à l'indemnité compensatrice de préavis,

aux dommages et intérêts pour harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail,

aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- dit et jugé que Mme [X] [N] a été remplie de ses droits en ce qui concerne l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- débouté, en conséquence, Mme [X] [N] de sa demande de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- dit que la demande concernant la remise de documents corrigés est consécutivement sans objet,

- condamné, par contre, la société HELVETIA Compagnie Suisse d'Assurance à verser, à Mme [X] [N], la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts, pour délivrance tardive de l'attestation Pole Emploi,

- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement,

- condamné la société HELVETIA Compagnie Suisse d'Assurance â verser, à Mme [X] [N], la somme de 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamné la société HELVETIA Compagnie Suisse d'Assurance aux entiers dépens de l'instance y compris les éventuels frais d'exécution,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 7 décembre 2016 par [X] [N] qui demande à la Cour de :

- réformer le jugement rendu le 17 septembre 2015 par le Conseil de prud'hommes de Lyon,

Statuant à nouveau :

A titre principal :

- prononcer la résiliation judiciaire son contrat de travail aux torts exclusifs de la société HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCE,

A titre subsidiaire :

- dire et juger que le licenciement de madame [N] est dénué de cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause :

- condamner la société HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCE au paiement des sommes suivantes :

indemnité compensatrice de préavis ( bruts)14.209,32 €

congés payés afférents (bruts)1.420,93 €

rappel sur indemnité conventionnelle de licenciement 5.405,04 €

dommages et intérêts pour harcèlement moral

et exécution déloyale du contrat de travail (nets)53 000,00 €

dommages et intérêts pour licenciement nul ou

sans cause réelle et sérieuse (nets)105.000,00 €

dommages et intérêts pour remise tardive de

son attestation Pole Emploi (nets)5.000,00 €

article 700 du Code de procédure civile 3.000,00 €

- ordonner la remise de son attestation Pole Emploi et de documents de fin de contrat ainsi que de bulletins de paie conformes à la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 50 € par jour de retard et, par document à compter de la décision à intervenir, la liquidation de l'astreinte étant de la compétence du juge qui l'aura ordonnée,

- condamner de la société HELVETIA aux entiers dépens de l'instance ;

Vu les conclusions régulièrement communiquées au soutien de ses observations orales du 7 décembre 2016 par la société Helvetia Compagnie suisse d'assurances qui demande à la Cour de :

- dire et juger que la demande de résiliation judiciaire de [X] [N] est injustifiée,

- dire et juger que le licenciement de [X] [N] était justifié,

- en conséquence, débouter [X] [N] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner [X] [N] à verser à la société Helvetia la somme de 2 000 €sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens incluant les frais d'exécution de l'arrêt à venir ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour hatcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail :

Attendu qu'aux termes des articles L 1152-1 à L 1152-3 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel';'qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi, ou refusé de subir, les agissements précédemment définis ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés';'que toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit';

Attendu qu'aux termes de l'article L 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, en cas de litige relatif à l'application des articles L 1152-1 à L 1152-3, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement'; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Qu'en effet, les règles relatives à la charge de la preuve résultant de l'article 3 de la loi n°2016-1088 ne constituent pas des règles de procédure applicables aux instances en cours ; qu'elles touchent au fond du droit ;

Qu'en l'espèce, de très nombreux mois se sont écoulés encore avant que [X] [N] ne mette en relation l'imputation de harcèlement moral, formulée pour la première fois en octobre 2011, avec des faits précis se rapportant au comportement de son supérieur hiérarchique [R] [X] ; que son récit demeure empreint de silences, d'approximations voire d'inexactitudes ; que l'appelante prétend qu'elle a été débauchée par la société Helvetia alors qu'elle avait quitté le cabinet Garance Assurances le 31 mars 2006 et tenté de se reconvertir ensuite en ouvrant une galerie d'art ; que ces circonstances demeureraient anecdotiques si la candidature de [X] [N] n'avait été appuyée par [R] [X] ; que selon l'appelante, pour 'des motifs étrangers au travail', ce dernier a décidé de se séparer d'elle et ses conditions de travail se sont subitement détériorées ; qu'il s'agit là d'un raccourci téméraire si on considère qu'en 2012, [X] [N] et [R] [X] se connaissaient depuis une douzaine d'années, la salariée ayant été une des premières personnes que celui-ci avait connues à son arrivée à [Localité 1] ; que dans ce contexte, les "motifs étrangers au travail" pour lesquels [R] [X] aurait harcelé l'appelante demeurent énigmatiques ; que le silence de la salariée sur ce point est d'autant plus étrange que dès son arrivée à Helvetia, l'intéressée avait au contraire livré des détails intimes de sa vie privée qui avaient mis mal à l'aise certains de ses collègues ;

Qu'en cause d'appel, [X] [N] allègue comme susceptibles de caractériser un harcèlement moral :

une mise à l'écart se traduisant par le changement brutal de son bureau et le retrait de ses fonctions commerciales,

des brimades, humiliations et un dénigrement de son travail,

des pressions et menaces de rupture de son contrat de travail,

ayant eu des conséquences désastreuses sur sa santé ;

Que pour étayer ses dires, la salariée communique l'attestation d'[H] [O], placé en congé de maladie le 7 décembre 2010 pour troubles anxio-dépressifs consécutifs à une situation de travail difficile ; que ce salarié a été licencié le 16 mars 2011 pour insuffisance professionnelle ; qu'il a contesté son licenciement par courrier du 19 mars 2011 en faisant valoir qu'il avait été l'objet de reproches après qu'il avait critiqué les méthodes de management de son directeur régional, à l'origine de la dégradation de son état de santé ; qu'il existe donc un certain parallélisme entre l'évolution de [X] [N] et celle d'[H] [O] jusque dans le flou des reproches adressés à [R] [X] en 2011 ; que si [H] [O] a pu constater certains faits qu'il relate, d'autres, dont il ne pouvait avoir une connaissance directe (débranchement anarchique des appareils informatiques dans le bureau de [X] [N]), lui ont manifestement été rapportés par l'appelante ; que la comparaison de l'attestation d'[H] [O] avec les déclarations faites par les autres salariés au cours de l'enquête des 30 et 31 janvier 2012 révèle, pour les faits qu'[H] [O] a été en mesure de constater lui-même (changement et partage du bureau) que ce salarié rapporte des faits matériellement exacts, mais colorés d'une lumière subjective qui doit certainement beaucoup à ses propres difficultés ; qu'ainsi, il présente le changement de bureau de janvier 2009 comme une mesure brutale, dénuée de raison apparente, sinon de permettre à [R] [X] de surveiller constamment [X] [N] ; qu'il ressort du rapport d'enquête que l'objectif poursuivi par le responsable régional était de regrouper tout le personnel de la délégation au même étage ; que dans ce but, lorsqu'il a pris ses nouvelles fonctions, [R] [X] s'est installé dans le bureau de son prédécesseur [Z] [R], que [X] [N] a occupé le bureau que [R] [X] avait libéré et qu'elle a partagé ensuite avec M. [F], que deux inspecteurs qui occupaient le même bureau au troisième étage ont partagé l'ancien bureau de [X] [N] ; que si certains salariés ont noté que celle-ci avait été gênée par l'arrivée de M. [F], ce qui est compréhensible, la société Helvetia soutient sans être contredite que seul le délégué régional avait un bureau personnel, les autres bureaux étant occupés par deux voire trois salariés ;

Que [X] [N] affirme que la lecture de ses rapports d'activité pour les années 2007, 2008 et 2009 fait nettement apparaître la suppression de ses fonctions commerciales en décembre 2008 ; qu'elle ne va cependant pas au-delà de cette affirmation et ne précise pas quelle fonction commerciale lui aurait été retirée ; que l'entretien d'évaluation du 2 décembre 2008 a été conduit tant par [R] [X] que par [Z] [R] qui a signé le compte rendu ; qu'il ne révèle aucune modification du champ d'intervention de [X] [N] ; qu'au cours de l'entretien d'évaluation qu'il a mené seul le 8 décembre 2009, [R] [X] a bien assigné à la salariée une mission proprement commerciale (détecter et solliciter commercialement les apporteurs susceptibles de développer du dommage aux biens) ;

Que [X] [N] soutient encore que [R] [X] a cessé de la saluer publiquement devant ses collègues de travail ; que cette assertion n'est pas corroborée, seul [H] [O] ayant pu affirmer qu'en une occasion, le 20 septembre 2010, lors d'une réunion à [Localité 3] (le salon "les journées du courtage", selon la société), [R] [X] avait laissé de côté [X] [N] et lui-même, alors qu'il saluait ostensiblement "certains membres" de son équipe ; que le témoin laisse cependant entière la question de savoir si seuls certains membres de l'équipe étaient présents, que le délégué régional avait salués à l'exclusion de [X] [N] et [H] [O], ou si tous étant présents, [R] [X] n'avaient salué que certains d'entre eux ; qu'en d'autres termes, [H] [O] ne précise pas si quelques-uns ont eu le privilège d'être salués ou si deux d'entre eux seulement ([X] [N] et lui-même) ont eu le désagrément de ne pas l'être ; que l'attestation est trop imprécise pour corroborer les dires de l'appelante ;

Que les multiples reproches contradictoires et infondés dont [R] [X] aurait rendu [X] [N] destinataire n'ont jamais reçu aucun début de démonstration ; que l'appelante ajoute pourtant qu'après avoir résisté pendant presque deux ans aux brimades et humiliations, elle avait finalement craqué, ce qui l'avait amenée à être placée en longue maladie à compter du 22 octobre 2010 ; qu'elle oblitère l'accident de septembre 2010 et ses graves séquelles invalidantes pour rattacher son état anxio-dépressif au harcèlement ;: que cette thèse ne repose sur aucune données médicale objective ;

Que [X] [N] met aussi en avant les menaces de licenciement exercées pendant la suspension de son contrat de travail (convocation en vue d'un entretien préalable, lettres des 2 septembre et 11 octobre 2011) ; que la société Helvetia a cependant renoncé à la procédure de licenciement avant même la date retenue pour l'entretien préalable ; qu'ensuite, ses courriers de septembre et octobre démontrent qu'elle n'a fait qu'envisager de remplacer définitivement la salariée dont l'absence prolongée depuis un an perturbait le fonctionnement de l'entreprise ; qu'en portant cette éventualité à la connaissance de [X] [N], l'employeur ne s'est livré à aucune menace ; qu'il a seulement informé l'appelante d'un droit qui lui était ouvert et dont celle-ci conteste vainement l'existence ;

Qu'en conclusion, parmi des faits inexacts, [X] [N] a fini par établir un certain nombre de faits qui, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement ; que la société Helvetia a cependant démontré que ses décisions, et ses courriers non suivis d'effets, étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, plus précisément par l'intérêt que présentait pour elle le regroupement des salariés sur un seul étage et la cessation de la perturbation que l'absence prolongée de la salariée apportait à son fonctionnement ; qu'après n'avoir pu ou voulu communiquer début 2012 le moindre fait susceptible d'étayer les dires de son conseil et s'être ostensiblement désintéressée d'une enquête effectuée dans son seul intérêt, au point de ne pas demander communication de ses conclusions, [X] [N] est malvenue à prétendre, avec un aplomb étonnant, que la société Helvetia a couvert les agissements de son directeur d'agence au lieu de chercher à découvrir la vérité ;

Qu'en conséquence, la Cour n'ayant pas la conviction de ce que [X] [N] a été victime de harcèlement moral, le jugement entrepris sera confirmé ; que les mêmes faits tels que spécifiés ci-dessus ne relèvent pas davantage de la qualification d'exécution déloyale du contrat de travail ;

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

Attendu qu'aux termes de l'article L 1221-1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun des contrats synallagmatiques pour tout ce sur quoi il n'est pas dérogé par des dispositions légales particulières ; que l'action en résiliation d'un contrat de travail est donc recevable, conformément à l'article 1184 du code civil, dès lors qu'elle est fondée sur l'inexécution par l'employeur de ses obligations ;

Qu'en l'espèce, aucun manquement suffisamment grave de la société Helvetia n'était de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ;

Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

Sur le licenciement :

Attendu qu'aux termes de l'article L 1226-2 du code du travail, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ;

Qu'en l'espèce, la société Helvetia n'a aucune responsabilité dans l'inaptitude de [X] [N], qui ne résulte pas d'agissements fautifs de l'employeur ; que ce dernier n'était pas tenu de consulter les délégués du personnel, l'inaptitude n'étant pas d'origine professionnelle ;

Que pour ce qui concerne l'obligation de reclassement, l'ardeur que met [X] [N] à contester le respect de celle-ci est inversement proportionnelle à sa capacité à occuper un emploi ; qu'invalide de catégorie 2 et travailleur handicapé, la salariée a séjourné à la Clinique [Établissement 1] du 24 septembre 2013 au 2 janvier 2014 (sortant contre avis médical), puis à la Clinique [Établissement 2] du 16 mai au 30 juillet 2014 ; qu'il est donc compréhensible qu'elle ait écrit à la société intimée en octobre 2013 que son état de santé ne lui permettait pas de rechercher un emploi ; que la salariée manque totalement du sérieux dont elle reproche (page 31) à son ancien employeur d'être dépourvu ; que la lettre de licenciement reproduite ci-avant a précisément relaté l'ensemble des démarches entreprises par la société pour tenter de la reclasser ainsi que les avis et réponses du médecin du travail ; que les pièces 17 et 18 de la société Helvetia démontrent que celle-ci a vainement interrogé la société-mère sur l'existence, dans l'une des filiales, d'un poste susceptible de permettre le reclassement de la salariée, dont le curriculum vitae a été diffusé ; que le médecin du travail n'a pas validé les postes de gestionnaire de contrat à [Localité 4] ou [Localité 5] envisagés pour l'appelante ; que, dans ces conditions, l'obligation de reclassement que l'article L 1226-2 du code du travail mettait à la charge de l'employeur a été respectée ;

Qu'en conséquence, le licenciement de [X] [N] procède d'une cause réelle et sérieuse ;

Sur la demande de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement :

Attendu que le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement versée à [X] [N] est conforme aux dispositions des articles 35 b 4 et 92 de la convention collective nationale des sociétés d'assurances ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour remise tardive de l'attestation Pôle Emploi :

Attendu que selon l'article R 1234-9 du code du travail, alors applicable, l'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L.5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à l'institution mentionnée à l'article L.5312-1 ;

Qu'en l'espèce, l'attestation destinée à Pôle Emploi a été envoyée à [X] [N] le 7 avril 2014, six mois après le licenciement ; que [X] [N], qui avait fait part à la société Helvetia de son intention de ne pas rechercher d'emploi, ne justifie ni de son inscription comme demandeur d'emploi ni de la perception d'allocations de Pôle Emploi ; qu'elle ne démontre l'existence d'aucun préjudice susceptible de justifier l'indemnité que lui ont octroyée les premiers juges et a fortiori celle de 5 000 € qu'elle sollicite en cause d'appel ;

Qu'en conséquence, [X] [N] doit être déboutée de ce chef de demande, le jugement entrepris étant infirmé ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Infirme le jugement rendu le 17 septembre 2015 par le Conseil de prud'hommes de Lyon (section encadrement) en ce qu'il a :

- condamné la société HELVETIA Compagnie Suisse d'Assurance à verser à [X] [N] la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts, pour délivrance tardive de l'attestation Pole Emploi,

- condamné la société HELVETIA Compagnie Suisse d'Assurance à verser à [X] [N] la somme de 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamné la société HELVETIA Compagnie Suisse d'Assurance aux entiers dépens de l'instance y compris les éventuels frais d'exécution ;

Statuant à nouveau :

Déboute [X] [N] de sa demande de dommages-intérêts pour remise tardive de l'attestation destinée à Pôle Emploi,

Confirme le jugement entrepris dans ses autres dispositions,

En conséquence, déboute [X] [N] de l'intégralité de ses demandes,

Condamne [X] [N] aux dépens de première instance et d'appel,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président

Gaétan PILLIEMichel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 15/08017
Date de la décision : 10/02/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°15/08017 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-10;15.08017 ?
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