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20/01/2017 | FRANCE | N°15/02699

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 20 janvier 2017, 15/02699


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 15/02699





Me [E] [S] - Mandataire liquidateur de SARL AXE CONSULT



C/

Me [B] [R] - Administrateur judiciaire de SARL EXPERTYS RHONE ALPES

Me [Q] [M] - Mandataire judiciaire de SARL EXPERTYS RHONE ALPES

[E]

SARL FARWELL

SARL EXPERTYS RHONE ALPES

Association AGS CGEA DE [Localité 1]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 02 Avril 2014

RG : F 11/

00883











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 20 JANVIER 2017







APPELANTE :



SELARL MJ SYNERGIE représentée par Me [S] [E] ès qualités de mandataire l...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 15/02699

Me [E] [S] - Mandataire liquidateur de SARL AXE CONSULT

C/

Me [B] [R] - Administrateur judiciaire de SARL EXPERTYS RHONE ALPES

Me [Q] [M] - Mandataire judiciaire de SARL EXPERTYS RHONE ALPES

[E]

SARL FARWELL

SARL EXPERTYS RHONE ALPES

Association AGS CGEA DE [Localité 1]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 02 Avril 2014

RG : F 11/00883

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 20 JANVIER 2017

APPELANTE :

SELARL MJ SYNERGIE représentée par Me [S] [E] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL AXE CONSULT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Anne sophie SCHWEITZER -SVMH AVOCATS-, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉS :

[G] [E]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Frédéric HORDOT de la SCP BONIFACE-HORDOT-FUMAT-MALLON, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

SARL FARWELL

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Catherine GAROUX de la SELARL C & G LAW, STOULS & SULLY AVOCATS, avocat au barreau de LYON

SARL EXPERTYS RHONE ALPES

[Adresse 4]

[Adresse 2]

Non comparante

SELARL AJ PARTENAIRES représentée par Me [R] [B] ès qualités d'Administrateur judiciaire de la SARL EXPERTYS RHONE ALPES

[Adresse 5]

[Adresse 2]

non comparant

SELASU MJ LEX représentée par Me [M] [Q] ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL EXPERTYS RHONE ALPES

[Adresse 6]

[Adresse 6]

non comparant

Association AGS CGEA DE [Localité 1]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

représenté par Me Jean-claude DESSEIGNE de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON substituée par Me Sarah ACHAHBAR, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Octobre 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président

Chantal THEUREY-PARISOT, Conseiller

Marie-Christine DE LA SALLE, Conseiller

Assistés pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier.

ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 20 Janvier 2017 (initialement fixé au 16 décembre 2016), par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAIT, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société d'expertise comptable et de commissariat aux comptes AXE CONSULT a été constituée le 4 janvier 2007, entre Monsieur [F] [W], associé majoritaire, seul gérant détenant 75 % des parts et Monsieur [G] [E] détenant le reste ; cette société était située [Adresse 8], dans des locaux donnés à bail par la SCI ELSAADA dont Monsieur [G] [E] était le gérant.

Suivant contrat à durée indéterminée, la Société AXE CONSULT a engagé le 30 août 2007 à compter du 4 septembre 2007, monsieur [G] [E] en qualité de responsable de mission d'expertise comptable, de chef de groupe, de responsable de la gestion du personnel de l'établissement des bulletins de paie et déclarations sociales afférentes, moyennant une rémunération de 3 000 € bruts.

Préalablement à la constitution de la société AXE CONSULT, Monsieur [E] était gérant de fait et associé unique de la société AXE NADAUD, dont les locaux étaient également loués par la SCI ELSAADA.

La société AXE NADAUD a cessé toute activité à partir du 31 décembre 2007 en raison des poursuites judiciaires dont a fait l'objet Monsieur [E] pour exercice illégal de la profession d'expert comptable dans le courant des années 2005, 2006 et 2007, et par jugement du 28 mai 2009 monsieur [E] a été condamné par le tribunal correctionnel de Saint-Étienne pour exercice illégal de la profession d'expert comptable, et monsieur [H] [X], expert comptable, a été condamné pour complicité ayant prêté sa signature en donnant une apparence de légalité à cette activité.

Fin juillet 2010, monsieur [G] [E] demandait un congé formation jusqu'au 30 juillet 2011, afin d'obtenir le diplôme d'expert comptable.

Le 19 juillet 2010, un premier compromis portant sur la cession du droit de présentation d'une partie de clientèle de la société AXE CONSULT à la société CONSULTIS COMPTABILITE sous condition suspensive de prêt, n'a pas abouti faute d'obtention des prêts.

Finalement, le 11 février 2011, la société AXE CONSULT a conclu avec la société FARWELL une convention portant sur un droit de présentation d'une partie de sa clientèle civile.

Le 25 février 2011, la société AXE CONSULT a été assignée en redressement judiciaire à la requête des services de l'URSSAF en raison de cotisations impayées pour un montant de 82'678 € suivant état de dette du 29 novembre 2010 au titre de la période s'étendant de l'année 2008 à novembre 2010 inclus

Par jugement du 30 mars 2011, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a prononcé la liquidation judiciaire immédiate de la société AXE CONSULT et a désigné la SELARL MJ SYNERGIE, représentée par Maître [S], ès qualités de mandataire liquidateur.

Le 12 avril 2011, Monsieur [G] [E] a été licencié pour motif économique par le liquidateur judiciaire, sous réserve de reconnaissance du statut de salarié.

Après étude de la situation de Monsieur [E] par la délégation régionale de l'Unedic AGS qui l'a informé que Monsieur [E] avait travaillé pour la société ART SOL du 1er octobre 2010 au 30 juin 2011 en contrat à durée déterminée comme comptable, alors qu'il était censé être en congé formation, que d'autres salariés avaient saisi le conseil de prud'hommes pour rupture abusive de la société AXE CONSULT et de la société FARWELL et que la situation était pour le moins obscure, Maître [E] [S] a informé monsieur [E], le 3 août 2011 que son statut de salarié n'était pas reconnu.

Monsieur [G] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Étienne en date du 30 décembre 2011 en requalification de son licenciement économique en licenciement sans cause réelle ni sérieuse, en demandant la condamnation solidaire de la société AXE CONSULT, de la société FARWELL et de la société CONSULTIS COMPTABILITE à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 92'000 € , pour collusion frauduleuse à hauteur de 30'000 € de dommages intérêts outre des indemnités de licenciement, de préavis et congés payés et à réclamer à la liquidation judiciaire de la société AXE CONSULT un rappel de salaire.

Par ordonnance du juge commissaire du 16 mars 2012, maître [S], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société AXE CONSULT a cédé la partie de clientèle qui aurait du être reprise par la société CONSULTIS à la société EXPERTYS RHONE ALPES;

Par jugement du 2 avril 2014, le conseil de prud'hommes de Saint-Étienne a :

' dit que Monsieur [G] [E] était salarié de la société AXE CONSULT

' dit que le licenciement économique de Monsieur [G] [E] était fondé du fait de la liquidation de la société AXE CONSULT

' fixé la créance de Monsieur [G] [E] au passif de la société AXE CONSULT aux sommes de :

- 15 366 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre le paiement de 1 536  € de congés payés,

- 3 670 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 11 053.34 € au titre des salaires impayés (application de l'ordonnance de référé du 7 février 2011),

- 3 028 € au titre des congés payés sur salaires impayés (ordonnance de référé du 7 février 2011),

- 500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- débouté monsieur [E] du surplus de ses demandes.

' mis hors de cause la société FARWELL et EXPERTISE Rhône-Alpes.

- déclaré le présent jugement opposable au CGEA

- dit que les dépens de l'instance seront à la charge de la liquidation.

La SELARL MJ synergie, représentée par Maître [E] [S] ès qualités de mandataire liquidateur de la société AXE CONSULT a interjeté appel partiel de la décision du conseil de prud'homme.

Parallèlement à cette procédure, Maître [E] [S] ès qualités de mandataire liquidateur de la société AXE CONSULT a également interjeté appel d'un jugement du tribunal de commerce de Saint Etienne du 8 décembre 2015 qui a rejeté sa demande de faire reconnaître la qualité de dirigeant de fait de Monsieur [E] de la société AXE CONSULT et par arrêt rendu par la 3ème chambre de la Cour d'appel de LYON du 23 juin 2016, il a été ordonné le sursis à statuer dans l'attente de la décision définitive de la présente instance, au motif que la juridiction sociale a une compétence exclusive pour déterminer le caractère effectif ou fictif du contrat de travail de monsieur [E].

***

Par conclusions régulièrement, visées, communiquées et reprises oralement à l'audience, la SELARL MJ SYNERGIE, représentée par Maître [E] [S], ès qualités de mandataire judiciaire de la société AXE CONSULT, soulève l'absence de qualité de salarié de Monsieur [G] [E], qui dans les faits, a toujours agi comme dirigeant de fait de la société AXE CONSULT, qui a repris tous les salariés de la société AXE NADAUD dont monsieur [E] était ancien gérant de fait et associé unique et dont l'activité a cessé le 31 décembre 2007, en raison des poursuites pénales dont Monsieur [E] a fait l'objet ayant donné lieu à sa condamnation par jugement du 28 mai 2009 par le tribunal correctionnel de Saint-Étienne, pour exercice illégal de la profession d'expert comptable.

Elle pointe également que la Société AXE CONSULT a repris les locaux commerciaux de la société AXE NADAUD louées par la SCI immobilière [O] dont monsieur [E] était également gérant ;

Elle excipe que le prétendu emploi salarié d'un ancien gérant d'une société mise en liquidation au sein d'une société nouvellement créée est fictif, dès lors que la mission de l'intéressé n'est pas effective et qu'il est l'animateur de la nouvelle société qu'il a domiciliée à la même adresse que l'ancienne et que l'envoi d'une lettre de licenciement par le mandataire de justice chargée de la liquidation judiciaire d'une entreprise ne saurait valoir de sa part reconnaissance d'un lien de subordination caractérisant l'existence d'un contrat de travail.

Elle fait valoir que si Monsieur [E] produit un contrat de travail écrit , il n'en demeure pas moins que celui-ci présente un caractère fictif puisqu'étant associé de la société AXE CONSULT, il a toujours agi comme dirigeant de fait de cette société, qu'il n'a jamais produit au liquidateur d'écrit justifiant d'un lien de subordination juridique avec son employeur qui n'a d'ailleurs jamais été en mesure de contrôler l'exécution de son travail salarié, ni de sanctionner son comportement.

Elle relève que Monsieur [E] ne disposait d'aucune compétence pour établir des bulletins de paye, procéder aux déclarations sociales et gérer le personnel et qu'il ne rendait pas compte de son travail à monsieur [W] gérant de droit et associé et que les éléments qu'il produit à l'appui de l'effectivité de son contrat de travail (demandes de congés payés, attestations de salariés en litige avec la société AXE CONSULT ...) sont inopérants.

A titre subsidiaire, si la qualité de salarié était reconnue à Monsieur [E], maître [S] ès qualités de mandataire liquidateur de la société AXE CONSULT soutient :

- que Monsieur [E] ne peut remettre valablement en cause le bien-fondé de son licenciement en raison des difficultés économiques enregistrées par la société AXE CONSULT, antérieures au mois de février 2011, ni de son impossibilité de reclassement,

- que l'article L 1224-1 du Code du travail n 'est pas applicable, puisque le premier compromis signé en juillet 2010 n'ayant pas donné lieu à la signature d'un acte de droit de présentation de clientèle, le transfert du contrat de travail de Monsieur [E] ne pouvait intervenir à ce titre,

- que l'acte de cession de droits de présentation de clientèle signée le 11 février 2011 avec la société FARWELL n'a porté que sur un droit de présentation de clientèle et non sur une entité économique autonome,

- qu'il ne peut valablement être considéré en conséquence d'un transfert du contrat de travail de Monsieur [E] à la société FARWELL.

Elle demande la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

***

Par conclusions régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience, la société FARWELL demande la confirmation partielle du jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a constaté que les dispositions de l'article L 1224 ' 1du code du travail n'était pas applicables en l'espèce, que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, qu'il n'y avait pas de collusion et qu'il a débouté Monsieur [E] de l'intégralité de ses demandes indemnitaires au titre du licenciement.

À titre subsidiaire, elle demande à être mise hors de cause et réclame la somme de 3000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

À titre liminaire, elle soulève l'absence de lien de subordination de Monsieur [G] [E] qui caractériserait un contrat de travail avec la société AXE CONSULT et qu'il n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions inhérentes à la rupture d'un contrat de travail.

Elle relève que monsieur [E] était caution personnelle de la société, qu'il avait la signature en banque, qu'il était titulaire d'une délégation de pouvoirs étendus et notamment en matière de gestion du personnel.

Elle souligne qu'antérieurement à son entrée au sein de la société AXE CONSULT, Monsieur [G] [E] agissait comme dirigeant de fait de cette société, qu'il a été condamné pour exercice illégal de la profession d'expert-comptable et qu'il a donc toujours adopté un comportement de dirigeant de fait quelles que soient les sociétés au sein desquelles il travaillait et qu'il agissait en toute autonomie.

Sur l'inapplicabilité des dispositions de l'article L 1224 ' 1 du code du travail, elle fait valoir que la société FARWELL a simplement acquis un droit de présentation portant sur une partie de la clientèle civile de la société AXE CONSULT et qu'en l'absence de transfert d'une entité économique autonome, il n'y a pas lieu à transfert du contrat de travail de [G] [E].

***

Par conclusions régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience, le CGEA AGS demande l'infirmation de la décision déférée en contestant l'existence d'un contrat de travail entre Monsieur [G] [E] et la société AXE CONSULT dont il était en réalité associé et dirigeant de fait.

Il fait valoir que Monsieur [E] ne produit aucune preuve, ni directives, ni instructions écrites, de nature à établir un lien de subordination, que les seules pièces sur lesquelles il s'appuie confirment sa qualité de dirigeant de fait, que les attestations qu 'il produit n'ont aucune force probante et que Monsieur [F] [W], formule de graves reproches à son encontre et dénonce sa gérance de fait de l'entreprise et qu'il convient donc d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu la qualité de salarié de Monsieur [E] qui devra être débouté de ses demandes de rappel de salaire et d'indemnité compensatrice de congés payés afférents

Subsidiairement, il rappelle que face à la liquidation judiciaire des sociétés AXE CONSULT et CONSULTE COMPTABILITÉ, aucune demande de condamnation solidaire ne peut être prononcée seule une fixation de créance pouvant intervenir.

Sur le fond, il relève que l'article L 1224 ' 1 du code du travail ne peut s'appliquer puisqu'en l'espèce, il ressortait du compromis de présentation de clientèle civile ainsi que de son avenant puis de l'acte comprenant cession de droits de présentation de clientèle civile que :

' le bail a été cédé,

' la présentation de clientèle a été accompagnée de la transmission des dossiers des clients concernés et de la transmission de matériel de bureau et informatique figurant en annexe 2

' le cédant à savoir la société AXE CONSULT s'est engagé à reprendre les contrats de travail des salariés figurant sur la liste en annexe 3 à compter du 1er janvier 2011,

- le nom de Monsieur [G] [E] ni figurant pas, celui-ci n'a pas été transféré à la société FARWELL.

Il fait valoir qu'en conséquence son travail au sein de la société AXE CONSULT s'est donc poursuivi et que c'est normalement que le mandataire liquidateur lui a notifié son licenciement pour motif économique le 12 avril 2011 en raison de la cessation d'activité et de l'impossibilité d'un reclassement interne.

***

Par conclusions régulièrement communiquées et reprises oralement à l'audience Monsieur [G] [E] sollicite confirmation du jugement déféré en ce qu'il a jugé qu'il était salarié de la société AXE CONSULT et fait appel incident sur le surplus.

Il demande que son licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse, et abusif, qu'il soit constaté la collusion frauduleuse entre la société AXE CONSULT, la société FARWELL et la société EXPERTYS Rhône-Alpes et demande la condamnation solidaire de ces trois sociétés, la société AXE CONSULT étant représentée par son mandataire judiciaire à lui verser les sommes suivantes :

' 3 926 90 € à titre d'indemnité légale de licenciement

' 15'366,15 euros à titre indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés

' 92'000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

' 30'000 € à titre de dommages intérêts pour collusion frauduleuse.

Il sollicite par ailleurs vu les salaires impayés reconnus par ordonnance de référé du 7 février 2011 que la société AXE CONSULT représentée par Maître [S] ès qualités lui règle les sommes suivantes :

' 11'053,34 euros nets au titre des salaires impayés

' 3 028 € à titre indemnité compensatrice de congés payés

' 500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Il demande que ces condamnations à intervenir soient inscrites au passif et portées sur le relevé des créances salariales de la société AXE CONSULT et de la société EXPERTYS Rhône-Alpes, que les condamnations soient garanties par le CGEA et sollicite la condamnation solidaire des trois sociétés à lui régler la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Il soutient qu'il avait bien la qualité de salarié de la société AXE CONSULT puisqu'il ne détenait que 25 % du capital de la société et qu'en sa qualité d'associé minoritaire, il n'a jamais dirigé en droit ou en fait cette société gérée par Monsieur [W] dont il était placé sous la direction.

Il indique qu'il n'a ni négocié, ni signé le compromis de présentation de clientèle civile régularisée le 19 juillet 2010, qu'il n'a pas signé l'avenant du compromis de vente du 27 août 2010, ni l'avenant du 11 novembre 2010 pas plus que la cession de clientèle civile du 11 février 2011.

Il soutient qu'il ne disposait que d'une délégation de signature occasionnelle, en l'absence de Monsieur [W] pour signer différents documents administratifs.

Concernant son licenciement, il excipe que celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse alors que les difficultés économiques de la société AXE CONSULT résultent d'une faute intentionnelle de l'employeur et que son contrat de travail aurait dû être transféré à la société FARWELL ou à la société EXPERTYS RHONE ALPES indiquant par ailleurs que la société AXE CONSULT n'a pas respecté son obligation de reclassement.

Il expose que les pertes d'exploitation sont directement liées à la cession de clientèle intervenue le 11 février 2011, soit un mois et demi avant le placement en liquidation judiciaire et sont liées à des prélèvements injustifiés effectués par le gérant pour régler des dettes qu'il avait contractées pour payer les frais de la société.

Au regard des dispositions de l'article L 1224 ' 1 du code du travail, il indique que l'obligation de transfert de son contrat travail n'a pas été respectée et que la responsabilité en incombe à la société FARWELL à laquelle le droit de présentation de clientèle civile a été cédé le 11 février 2011 alors qu'il y avait un véritable transfert d'une entité économique.

Concernant le non respect de l'obligation de reclassement, il soutient que la société AXE CONSULT a violé les dispositions de l'article 1134 ' 4 du code du travail en ne lui adressant aucune proposition écrite de reclassement, alors qu'il n'est pas justifié de la réalité des recherches effectuées de reclassement interne.

***

Maître [R] [B], représentant la SELARL AJ PARTENAIRE, ès qualités d'administrateur de la SARL EXPERTYS RHÔNE-ALPES et maître [M], ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL EXPERTYS RHONE ALPES ne comparaissent pas.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions écrites des parties qui ont été soutenues oralement lors de l'audience de plaidoiries.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.

Ainsi pour déterminer l'existence d'un contrat de travail il faut que trois conditions soient cumulativement remplies : une prestation de travail, une rémunération, en contrepartie de la prestation de travail et une subordination juridique caractérisée par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L'existence d'un contrat de travail ne peut résulter d'une convention conclue entre les parties et de la qualification donnée par celles-ci mais dépend des conditions d'exécution du contrat.

Il appartient donc à la SELARL MJ SYNERGIE qui conteste la réalité du contrat de travail de rapporter la preuve du caractère fictif de celui-ci.

Monsieur [E] produit un contrat de travail écrit à durée indéterminée prenant effet le 4 septembre 2007 en qualité de : « responsable de mission d'expertise comptable et audit, chef de groupe, responsable de la gestion du personnel, de l'établissement des bulletins de paie et déclarations sociales afférentes'.

Par ailleurs, monsieur [E] produit des fiches de paie d'où il ressort que son salaire qui était de 3 000 € en septembre 2007 s'est élevé à 5 122 euros bruts en 2010, soit plus de 70 % d'augmentation en 3 ans, sans qu'il soit produit le moindre document de Monsieur [W] concernant cette augmentation, alors que monsieur [E] établissait lui-même ses bulletins de paye;

Il ressort de la lecture du jugement du tribunal correctionnel de Saint Etienne en date du 28 mai 2009 que monsieur [E] a été condamné pour exercice illégal de la profession d'expert comptable, le tribunal ayant jugé que courant 2005, 2006 et 2007, il était 'établi que [G] [E] sous couvert de la société AXE NADAUD ou du cabinet SAFA a assuré la saisie et l'établissement de la comptabilité de nombreuse micro entreprise exerçant ainsi une activité d'expert comptable pour laquelle il ne disposait d'aucun diplôme en permettant l'exercice légal ; que le recours à la signature de complaisance de [H] [X] (expert-comptable) avait pour seul objet de donner une apparence de légalité à son activité ; que [G] [E] était parfaitement informé du caractère illégal de cette activité dès lors que le 27 décembre 2006, le greffier en chef du tribunal de commerce avait refusé l'inscription de la société AXE CONSULTANT au registre du commerce au motif que cette société n'avait pas été inscrite au tableau des experts-comptables.'

Ainsi la société AXE CONSULTANT n'ayant pu être inscrite le 27 décembre 2006, la société AXE CONSULT a été constituée le 4 janvier 2007, entre Monsieur [F] [W], expert-comptable, associé majoritaire gérant et Monsieur [G] [E] détenant 25 % du capital ; cette société était située [Adresse 8], dans des locaux donnés à bail par la SCI [O] dont Monsieur [G] [E] était le gérant.

Par ailleurs, monsieur [E] ne dément pas que les salariés de la société NADAUD ont été repris par la société AXE CONSULT;

Ainsi les témoignages du lien de subordination existant entre monsieur [W] et monsieur [E] que ce dernier verse au débat venant de Mesdames [F] et [T] sont sujets à caution compte tenu des contentieux que ces dernières ont initié à l'encontre de la société AXE CONSULT et de leur relation d'anciennes salariées liées à Monsieur [E].

De même, les attestations de clients n'ayant pu personnellement constater le lien de subordination, ne sont pas probantes et seront rejetées.

Quant à l'attestation de l'avocat de la société AXE CONSULTqui indique que 'systématiquement Mr [F] [W] rappelait que c'était lui le responsable de la société AXE CONSULT, qu'il prenait les décisions et qu'[G] [E] était salarié', elle démontre à contrario, que monsieur [E] n'avait pas un comportement de subordonné, ce qui est confirmé par le licenciement que monsieur [E] a notifié à monsieur [D] sans en référer à monsieur [W] qui l'a annulé.

Par ailleurs, monsieur [E] a reconnu avoir bénéficié d'une délégation de la signature bancaire sur les comptes de la société, ainsi qu'il l'a indiqué sur la fiche de renseignement AGS UNEDIC qu'il a rempli lui-même le 18 avril 2011 et l'attestation de la BNP en date du 4 avril 2011 qui indique que monsieur [E] [B] 'n'a pas la signature au compte ouvert au nom de la société AXE CONSULT', alors qu'il est censé être en congé formation et qu'il est salarié de la société ART SOL, est inopérante.

Enfin, il ressort de cette demande de renseignement de délégation UNEDIC AGS remplie par Monsieur [E] qu''il certifie qu'il recevait les directives de Monsieur [F] [W] dirigeant selon une périodicité quotidienne hebdomadaire matérialisée par des écrits et que son activité était contrôlée par celui-ci sous la forme d'entretiens quotidiens, réunions et divers écrits.

Néanmoins, les quelques courriers de monsieur [W] qui sont versés au débat par monsieur [E] à l'appui du contrôle de son activité révélent encore une fois un conflit de pouvoir entre les deux associés, avec le besoin pour monsieur [W] de réaffirmer son autorité face aux agissements de monsieur [E];

Ainsi la SELARL MJ SYNERGIE produit plusieurs courriers de monsieur [W] se plaignant de la gestion de fait de son associé soit :

- une correspondance en date du 2 août 2010 par laquelle Monsieur [F] [W] formulait de graves reproches contre son associé notamment d'avoir :

' scanné et utilisé à son insu sa signature et son titre

' reçu et travaillé avec des clients dont Monsieur [W] ignorait l'existence

' profité du titre et des moyens du cabinet pour réaliser des travaux juridiques interdits, travaux ayant parfois été encaissés sur une autre société

' émis des règlements AXE CONSULT avec sa propre signature

' émis deux bordereaux URSSAF à zéro

- une note du 25 octobre 2010 de Monsieur [W] qui informe l'ordre des experts-comptables des agissements de Monsieur [E] qui ont conduit la société AXE CONSULT à faire l'objet d'un redressement URSSAF et d'une action pour travail dissimulé, que Monsieur [W] déplorait de n'avoir pas su remettre 'dans le droit chemin' Monsieur [E], qu 'il se plaignait des menaces régulières qu'il subissait de sa part et qu'il espérait que Monsieur [E] paie un jour pour tout le mal qu'il lui avait fait pour avoir usé et abusé de son nom et de son statut, d'avoir falsifié et utilisé sa signature, et d'avoir pensé que le mettre en péril financièrement suffisait à le rendre corvéable à merci.

Ainsi, il résulte de tous ces éléments et plus particulièrement des écrits de monsieur [W] qui sont versés aux débats par monsieur [E] lui-même, que monsieur [W], gérant de droit et associé majoritaire de la société AXE CONSULT, même s'il avait le pouvoir de donner des ordres et des dire0ctives, était, concernant Monsieur [E], dans l'incapacité de contrôler l'exécution de ceux-ci, mais surtout, était dans l'impossibilité de sanctionner les manquements de celui-ci qui n'a pas fait l'objet du moindre avertissement.

La SELARL MJ SYNERGIE, démontre ainsi l'absence du lien de subordination juridique entre les parties;

Cette condition nécessaire n'étant pas remplie en l'espèce, la cour constate le caractère fictif du contrat de travail conclu entre la société AXE CONSULT et monsieur [E] le 30 août 2007.

En conséquence, il convient d'infirmer la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'il a reconnu la qualité de salarié à monsieur [E] au seul motif que le compromis de présentation de clientèle civile signé le 19 juillet 2010 entre la société AXE CONSULT et CONSULTIS COMPTABILITE(qui n'a pas abouti) confirmait la qualité de salarié de celui-ci et de débouter monsieur [E] de l'intégralité de ses demandes.

L'équité commande de condamner monsieur [E] [B] à payer à la SELARL MJ SYNERGIE, mandataire judiciaire, représentée par maître [E] [S] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL AXE CONSULT, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter les autres parties à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

statuant par arrêt réputé contradictoire , par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a reconnu à monsieur [G] [E] la qualité de salarié de la société AXE CONSULT et lui a alloué des indemnités de rupture, des salaires, des congés payés et une indemnité en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Confirme le surplus en ce qu'il a débouté monsieur [G] [E] du surplus de ses demandes,

Statuant à nouveau,

Déboute monsieur [G] [E] de l'intégralité de ses demandes,

Y ajoutant,

Condamne monsieur [E] [B] au paiement de la somme de 1 500 € à la SELARL MJ SYNERGIE, mandataire judiciaire, représentée par maître [E] [S] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL AXE CONSULT au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Déboute les autres parties de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne monsieur [E] à l'intégralité des dépens de la première instance et de l'instance d'appel.

LA GREFFIÈRELa PRESIDENTE

Christine SENTISElizabeth POLLE-SENANEUCH


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 15/02699
Date de la décision : 20/01/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°15/02699 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-20;15.02699 ?
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