AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
R.G : 15/03473
CARSAT RHONE- ALPES
C/
[H]
SYNDICAT SYPSIRA C.F.D.T.
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LYON
du 09 Avril 2015
RG : F 12/04570
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 10 JANVIER 2017
APPELANTE :
CARSAT RHONE- ALPES
[Adresse 1]
[Adresse 2]
[Adresse 3]
représenté par Me Christophe BIDAL de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
Autre qualité : Intimé dans 15/03976 (Fond)
INTIMÉES :
[J] [H]
née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 1]
[Adresse 4]
[Adresse 5]
représentée par Me Cécile RITOUET de la SELARL CABINET RITOUET-SOULA, avocat au barreau de LYON
Autre qualité : Appelant dans 15/03976 (Fond)
SYNDICAT SYPSIRA C.F.D.T.
[Adresse 6]
[Adresse 7]
représentée par Me Cécile RITOUET de la SELARL CABINET RITOUET-SOULA, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 11 Octobre 2016
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Michel SORNAY, Président
Didier PODEVIN, Conseiller
Laurence BERTHIER, Conseiller
Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 10 Janvier 2017, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Michel SORNAY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
La CAISSE D'ASSURANCE RETRAITE DE LA SANTÉ AU TRAVAIL Rhône-Alpes
(la CARSAT' ) a pour mission principale la gestion du risque vieillesse.
Son personnel relève de la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957.
Un certain nombre de conseillers retraite de la CARSAT Rhône-Alpes, dont [J] [H], ont saisi le 29 novembre 2012 le conseil de prud'hommes de Lyon afin d'obtenir de leur employeur le paiement d'une prime de 15 % dite d'itinérance prévue par l'article 23 de la convention collective précitée au bénéfice des agents techniques chargés d'une fonction d'accueil et exerçant leur activité de façon itinérante.
Le syndicat SYPSIRA CFDT est intervenu volontairement à la procédure aux côtés des salariés.
En dernier lieu, [J] [H] demandait au conseil de prud'hommes de condamner la CARSAT Rhône-Alpes à lui payer les sommes suivantes :
'20'523,61 euros à titre de rappel de primes d'itinérance,
' 5000 € à titre de dommages-intérêts ,pour non-respect des dispositions conventionnelles,
' 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En outre, [J] [H] sollicitait la condamnation de la CARSAT
- à lui établir un bulletin de salaire pour l'ensemble de la période concernée, soit à compter de décembre 2011,
- à lui verser la prime d'itinérance chaque mois à compter du jugement à intervenir
- aux entiers dépens,
- le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Le syndicat SYPSIRA CFDT sollicitait quant à lui la condamnation de la CARSAT à lui payer les sommes suivantes :
' 5 000 € à titre de dommages-intérêts,
' 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour sa part, la CARSAT Rhône-Alpes s'est opposée à ces demandes, estimant que les conseillers retraite, étant classés au niveau 5A de la convention collective, étaient assimilés à des cadres et ne pouvait donc prétendre au statut d'agent technique leur ouvrant droit à la prime d'itinérance.
Par jugement du 9 avril 2015, le conseil de prud'hommes de Lyon, dans sa formation de départage, a estimé que [J] [H] , en sa qualité de conseiller retraite classé au niveau 5A de la convention collective, était bien un agent technique au sens l'article 23 de cette dernière et avait donc droit au paiement de la prime d'itinérance litigieuse.
En conséquence, le conseil de prud'hommes a :
condamné la CARSAT Rhône-Alpes à payer à [J] [H] les sommes suivantes :
'16'254,03 euros à titre de rappel de primes d'itinérance arrêtée au 31 mai 2013,
' 1 625,40 euros au titre des congés payés y afférents,
' 300 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
dit que la CARSAT Rhône-Alpes devra remettre à [J] [H] un bulletin de salaire rectifié selon la condamnation prononcée ;
débouté [J] [H] de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de la convention collective ;
débouté le syndicat SYPSIRA CFDT de ses demandes ;
rejeté la demande d'exécution provisoire
rejeté les demandes plus amples ou contraires,
mis les dépens à la charge de la CARSAT Rhône-Alpes.
La CARSAT Rhône-Alpes a interjeté appel principal de cette décision le 23 avril 2015.
[J] [H] et le syndicat SYPSIRA CFDT ont formé un appel incident contre cette décision le 6 mai 2015.
Ces deux appels ont été joints par ordonnance du 8 juillet 2015.
***
Au terme de ses dernières conclusions, communes à l'ensemble des dossiers dont la cour est ici saisie, la CARSAT Rhône-Alpes demande la cour d'appel de :
' la recevoir en son appel ;
' réformer le jugement entrepris,
' débouter l'ensemble des intimés de leurs demandes de rappel de salaire au titre de la prime d'itinérance,
' débouter les syndicats intervenants de leurs demandes,
' les condamner en tous les dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir qu'au regard des critères d'attribution de la prime d'itinérance prévue par l'article 23 de la convention collective, seul le critère de la qualité d'agent technique est ici litigieux, à la différence des qualités d'agent itinérant et d'agent d'accueil des intimés, qui ne sont pas contestées.
Elle estime pour sa part essentiellement que les conseillers retraite, qui sont classés au niveau 5A de la convention collective, accomplissent des activités de management de premier niveau ou des activités complexes requérant un niveau d'expertise confirmée, et ne peuvent donc être considérés comme étant des agents techniques.
Pour leur part, [J] [H] et le syndicat SYPSIRA CFDT demandent, au terme de leurs dernières écritures, à la cour d'appel de :
confirmer le jugement du 9 avril 2015 en ce qu'il a :
'dit et jugé que les conseillers retraite devaient être considérés comme des agents techniques, et ouvraient droit au bénéfice de la prime d'itinérance,
'condamné la CARSAT à régler à chacun des intimés un rappel de salaire, outre congés payés afférents,
'condamné la CARSAT à régler à chacun des salariés demandeurs une somme de 300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
'dit et jugé que le syndicat SYPSIRA CFDT été recevable dans son intervention volontaire.
Et y ajoutant, statuant à nouveau,
condamner la CARSAT Rhône-Alpes à payer les sommes suivantes,
à [J] [H] , les sommes de :
' 22'319,30 euros à titre de rappel de primes d'itinérance, selon décompte arrêté à mars 2014, date de son départ en retraite,
' 2 231,93 euros au titre des congés payés y afférents,
' 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions conventionnelles,
' 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
au syndicat SYPSIRA CFDT,
'la somme globale de 5000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé aux intérêts collectifs de la profession,
'la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la CARSAT aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de ces demandes, les intimés font essentiellement valoir :
'que les conseillers retraite ne bénéficient pas du statut de cadre, puisqu'ils n'exercent aucune fonction d'encadrement mais des fonctions purement techniques ; qu'ils ont donc la qualité d'agent technique au sens de l'article 23 de la convention collective, qualité qui n'est limitée ni à un emploi particulier, ni à un ou plusieurs niveaux de classification particuliers ;
'que les conseillers retraite bénéficiaient avant la révision complète en 1992 de la grille de classification prévue par la convention collective, d'une classification comme agents techniques hautement qualifiés leur ouvrant droit à l'époque sans conteste à la prime d'itinérance, et que si cette révision de la grille aboutit à une augmentation de tous les coefficients de tous les emplois, elle n'a pas pour autant entraîné l'intégration de la prime d'itinérance dans leur salaire de base ;
'que de surcroît l'article 23 de la convention collective a été modifié par un protocole du 31 mars 2016 et prévoit désormais, dans sa nouvelle rédaction, la liste des emplois génériques permettant de prétendre au bénéfice des primes prévues par ce texte, liste qui inclut désormais le métier de gestionnaire conseil de sécurité sociale, dont relèvent les conseillers retraite.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1.'Sur la demande de rappel de prime itinérance :
L'article 23 de la convention collective nationale des personnels des organismes sociaux, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, était ainsi rédigé :
« Les agents techniques perçoivent, dans les conditions fixées par le règlement intérieur type, une indemnité de guichet équivalant à 4 % de leur coefficient de qualification sans points d'expérience ni points de compétence.
En cas de changement de poste ou d'absence au cours d'un mois, cette prime est payée au prorata du temps pendant lequel l'emploi de non-lieu attribution de la prime aurait été exercé.
L'agent technique, chargé d'une fonction d'accueil, bénéficie d'une prime de 15 % de son coefficient de qualification sans points d'expérience ni points de compétence lorsqu'il est itinérant. »
Le seul point ici litigieux est celui de savoir si le salarié demandeur, qui exerce les fonctions de conseiller retraite au sein de la CARSAT Rhône-Alpes, est fondé à revendiquer le paiement de la prime d'itinérance prévue par ce dernier alinéa de l'article 23, les parties ne contestant ni sa fonction d'accueil, ni son itinérance.
La notion d'agent technique au sens de ce texte n'est définie ni par la convention collective et ses avenants, ni par le règlement intérieur qui y est annexé.
Il convient toutefois de relever que le conseiller retraite demandeur bénéficie d'une classification au niveau 5A de la convention collective et qu'il est à ce titre assimilé cadre, la convention collective définissant les activités du niveau 5A comme 'des activités de management de premier niveau ou des activités complexes requérant un niveau d'expertise confirmée'.
La fiche de poste du conseiller retraite niveau 5A décrit ainsi ses activités :
«'accueille, informe, conseille (assurés, partenaires, associations') sur la législation retraite du régime général.
'Facilite les démarches des assurés.
'Oriente les assurés vers les partenaires de la protection sociale (retraite complémentaire, CAF, CPAM, ASSEDIC).
' Recherche avec les assurés toutes informations et documents de nature à permettre la régularisation de leur carrière, l'examen de leurs droits.
'Étudie et régularise la carrière de l'assuré en vue de sa constitution (régularisations simples).
'Participe aux travaux collectifs et à la vie du service. »
Il importe peu à ce stade :
' que les conseillers retraite demandeurs n'exercent aucune fonction d'encadrement ou de management, dès lors qu'il n'est ni contesté, ni contestable au vu de la fiche de poste précitée, que l'exercice de leurs fonctions suppose bien l'accomplissement 'd'activités complexes requérant un niveau d'expertise confirmée' ;
' que les conseillers retraite aient bénéficié de cette prime d'itinérance avant la refonte des classifications à laquelle a procédé le protocole d'accord du 14 mai 1992 instaurant notamment ce nouveau niveau 5A qui leur est désormais applicable, ce remaniement complet des classifications ' et donc des rémunérations ' par les partenaires sociaux n'ayant pas prévu de modification de l'article 23 pour faire bénéficier de la prime d'itinérance les techniciens hautement qualifiés classés au niveau 5A ;
' que de même est ici sans incidence le fait qu'un nouveau protocole d'accord conclu entre les partenaires sociaux le 29 mars 2016 applicable au 1er juillet 2016 ait inclus les conseillers retraite accueil dans la liste des emplois ouvrant droit au bénéfice de la prime itinérance, ce dispositif n'ayant pas d'effet rétroactif.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'elle n'avait pas au cours de la période litigieuse la qualité d'agent technique, et que [J] [H] ne peut donc bénéficier de la prime d'itinérance ici réclamée.
Il y a donc lieu de débouter [J] [H] de sa demande de rappel de salaire au titre de cette prime, et d'infirmer sur ce point le jugement déféré.
De même, il y a lieu de rejeter la demande en dommages-intérêts présentés par [J] [H] pour violation par l'employeur des dispositions conventionnelles, et en particulier de celle de l'article 23 de la convention collective.
2.'Sur les demandes du syndicat SYPSIRA CFDT :
Dans ce contexte, le syndicat intimé ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une atteinte aux intérêts collectifs dont il assure la défense. Il sera donc débouté de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.
3.'Sur les demandes accessoires :
Vu les données du litige, il y a lieu de dire que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens et de ne pas faire en l'espèce application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :
DÉBOUTE [J] [H] de sa demande de rappel de salaire au titre de la prime d'itinérance et de sa demande de dommages-intérêts ;
DÉBOUTE le syndicat SYPSIRA CFDT de sa demande de dommages-intérêts ;
DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel ;
DIT n'y avoir lieu en l'espèce à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffierLe Président
Sophie MASCRIERMichel SORNAY