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16/12/2016 | FRANCE | N°14/09356

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 16 décembre 2016, 14/09356


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 14/09356





[K]

[O]



C/

Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 28 Octobre 2014

RG : 12/00490











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 16 DECEMBRE 2016













APPELANTS :



[Q] [K]

né le

[Date naissance 1] 1979 à [Localité 1]

Ancienne [Adresse 1]

[Adresse 1]



représenté par Me Flavien JORQUERA de la SCP FESSLER JORQUERA CAVAILLES, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Adrien RENAUD, avocat au barreau de GRENOBLE



[H] [O]

née le [Date naissance 2] ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 14/09356

[K]

[O]

C/

Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 28 Octobre 2014

RG : 12/00490

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 16 DECEMBRE 2016

APPELANTS :

[Q] [K]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 1]

Ancienne [Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Flavien JORQUERA de la SCP FESSLER JORQUERA CAVAILLES, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Adrien RENAUD, avocat au barreau de GRENOBLE

[H] [O]

née le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 2]

Ancienne [Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Flavien JORQUERA de la SCP FESSLER JORQUERA CAVAILLES, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Adrien RENAUD, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE :

Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Yann BOISADAM de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Sahra CHERITI, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Octobre 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président

Chantal THEUREY-PARISOT, Conseiller

Marie-Christine DE LA SALLE, Conseiller

Assistés pendant les débats de Christine SENTIS, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 16 Décembre 2016, (initialement fixé au 09 décembre 2016), par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES.

Monsieur [Q] [K] et Mme [H] [O] ont régularisé avec la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE, un contrat de gérance non salarié d'un magasin Petit Casino à [Localité 3], le 23 avril 2010.

A compter du 4 décembre 2011, Mme [O] était placée en congé maternité puis le 21 février 2012, elle informait la société DCF de ce qu'elle serait en congé parental à compter du 24 mars 2012 pour une durée de 3 années.

Monsieur [K] assumant seul la gérance de la supérette démissionnait selon courrier recommandé du 15 juin 2012 .

Par courrier en date du 5 juillet 2012, la société DCF prononçait la rupture du contrat de cogérance non salarié de Mme [O] par référence à la rupture du contrat de Monsieur [K].

L'inventaire du magasin réalisé le 16 juillet 2012 faisait apparaître un déficit de 104 370,03 euros.

Selon acte introductif d'instance en date du 5 septembre 2012, Monsieur [K] et Mme [O] ont saisi le conseil des prud'hommes de SAINT-ETIENNE aux fins d'obtenir la requalification du contrat de cogérance non salariée en contrats de travail ainsi que de dommages et intérêts pour rupture imputable à la société DCF.

Selon jugement de départage en date du 28 Octobre 2014, le conseil des prud'hommes a débouté les demandeurs de leurs demandes et les a condamné à payer à la société DCF la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [K] et Mme [O] ont relevé appel de cette décision et demandent à la Cour, aux termes des écritures qu'ils soutiennent oralement devant elle de prononcer la requalification des contrats de cogérance non salariée en contrats de travail mais également :

-concernant Monsieur [K], de dire que sa démission était motivée par les manquements de la société DCF et s'analyse en une prise d'acte qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence la condamner au paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement ( 1093 euros), de l'indemnité de préavis ( 2851,34 euros) outre congés payés afférents et de dommages et intérêts ( 25 000 euros),

-concernant Mme [O], de dire que la rupture intervenue pendant son congé parental est abusive et condamner en conséquence la société DCF au paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement ( 712,83 euros), de l'indemnité de préavis ( 2851,34 euros) outre congés payés afférents et de dommages et intérêts ( 25 000 euros),

outre la somme de 3000 euros pour chacun d'eux sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils considèrent en effet :

-que la demande de requalification est justifiée en ce que les dispositions du code du travail bénéficient aux gérants non salariés et qu'il est démontré l'existence d'un lien de subordination et l'absence d'indépendance des cogérants dans leur gestion,

-que la démission que Monsieur [K] a notifié à la société DCF est équivoque et que le contrat soit ou non requalifié en contrat de travail, s'analyse en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, au regard des griefs à l'encontre de la société DCF l'ayant motivée,

-que la rupture du contrat de Mme [O] est intervenue pendant son congé parental au seul motif de la rupture du contrat de Monsieur [K] et ce alors qu'aux termes des dispositions légales et aux stipulations conventionnelles, elle aurait dû reprendre ses fonctions comme gérante non salariée au sein de la société DCF,

La société DCF conclut à la confirmation de la décision déférée et à la condamnation de chacun des appelants au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle estime en effet que :

-que pour l'application du statut de gérant non salarié de succursale de commerce de détail défini par l'article L. 7321-2 du code du travail il faut et il suffit que le gérant exploite une succursale moyennant des remises proportionnelles sur les ventes, que toute latitude lui soit laissée contractuellement pour embaucher du personnel, se substituer des remplaçants et pour organiser au quotidien son propre travail,

-que l'existence d'une dépendance économique n'implique pas l'existence d'un lien de subordination juridique, le contrat s'analysant en un mandat d'intérêt commun,

-que l'existence d'une relation de travail salarié dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle, la qualification ou la dénomination adoptée par les parties étant indifférente,

-qu'il appartient au gérant qui revendique le statut de salarié de démontrer qu'il a été soumis à une relation de subordination dans l'organisation de l'exercice personnel de son activité, c'est-à-dire aux ordres, aux directives et au contrôle de la société mandante dans l'organisation de son propre travail,

-que dans le cadre de l'aide qu'elle est tenue d'apporter aux gérants elle a mis en place un réseau de gérants mandataires intérimaires qui ont pour mission de remplacer les gérants titulaires partant en congé, ce dispositif ne présentant toutefois aucun caractère contraignant, les gérants mandataires titulaires demeurant libres d'organiser eux-mêmes leur remplacement,

-que le gérant mandataire intérimaire, comme le titulaire, ne peut revendiquer l'existence d'un contrat de travail qu'en démontrant l'existence d'une subordination dans l'exercice personnel de son activité,

-que ni les modalités commerciales d'exploitation de la succursale, ni la fourniture exclusive des marchandises à prix imposés, ni les conditions de gestion des commandes et des livraisons, ni l'obligation de participer à des actions commerciales, ni le suivi commercial de l'activité du gérant mandataire, qui s'inscrivent dans le cadre contractuel inhérent aux relations entre la maison-mère et les gérants, ne permettent de caractériser un lien de subordination effectif,

-que les conditions d'application du statut de gérant non salarié n'ont pas été méconnues en l'espèce, alors que les cogérants ont été rémunérés proportionnellement aux ventes du magasin, qu'ils avaient contractuellement toute latitude pour embaucher du personnel, le fait qu'ils n'aient pas utilisé cette prérogative en raison de revenus insuffisants étant inopérant, que les contrats intervenus ne fixent pas les conditions de travail des cogérants qui déterminaient les horaires d'ouverture et de fermeture ainsi que le nombre d'heures travaillées et qui étaient libres de déterminer leurs périodes de congés,

-que la résiliation de la relation contractuelle ayant lié les cogérants et la société DCF s'est effectuée dans le respect de l'article 14 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963 et énonce un motif réel et sérieux étant en outre précisé que concernant Monsieur [K], celui-ci a mis fin au contrat sans avoir jamais préalablement émis le moindre grief à l'encontre de la société CASINO, et que concernant Mme [O], la rupture est intervenue conformément à la clause d'indivisibilité figurant au contrat.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIVATION.

Sur la demande de requalification du contrat de cogérance salarié en contrat de travail.

L'article L 7322-2 du code du travail, applicable à l'espèce, dispose en son alinéa 1er : «' Est gérant non salarié toute personne qui exploite, moyennant des remises proportionnelles au montant des ventes, les succursales des commerces de détail alimentaire ou des coopératives de consommation, lorsque le contrat intervenu ne fixe pas les conditions de son travail et lui laisse toute latitude d'embaucher des salariés ou de se faire remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité.'»

Dans son préambule, l'accord collectif national du 18 juillet 1963 mis à jour le 1er mars 2008, rappelle que ce statut spécifique de gérant mandataire résulte du fait que vis-à-vis de la clientèle, il se comporte comme un commerçant, ce qui implique indépendance du gérant dans la gestion de l'exploitation du fonds, c'est-à-dire autonomie dans l'organisation de son travail et intéressement direct à l'activité du magasin par des commissions calculées sur le montant des ventes, tout en bénéficiant, dans le cadre de ce mandat d'intérêt commun liant le propriétaire du fonds au gérant qui jouit d'une indépendance, du partage les risques de l'exploitation mais du bénéficie d'un statut social légal et conventionnel.

Le contrat de travail est constitué dès lors que se trouvent réunies trois conditions cumulatives: l'état de subordination juridique vis-à-vis de l'employeur, le versement d'une rémunération et la fourniture d'une prestation de travail; le lien de subordination juridique se caractérise par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Cette subordination juridique ne se confond ni avec la subordination économique ni avec l'intégration dans un service organisé.

La qualification d'une relation de travail ne dépend ni de la dénomination donnée par les parties à leur convention ni de la volonté qu'elles ont pu exprimer, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité.

Les cogérants Monsieur [K] et Mme [O] avaient conclu avec la société DCF divers contrats comme gérants non-salariés mais également comme salariés , seul comptant, au titre de la requalification sollicitée, le dernier contrat de gérance conclu le 23 avril 2010 et résilié à effet du 5 juillet 2012, qui fait expressément référence aux dispositions des articles L 7322-1 et suivants du code du travail et aux clauses de l'accord collectif national des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés du 18 juillet 1963 et à ses divers avenants.

C'est donc aux cogérants Monsieur [K] et Mme [O] qui revendiquent la requalification de leur contrat de gérants mandataires en contrat de travail, de prouver qu'ils se trouvaient dans un lien de subordination juridique à l'égard de la société DCF,

En l'espèce, les cogérants Monsieur [K] et Mme [O] font d'abord valoir que les stipulations contractuelles sont en elles-mêmes totalement incompatibles avec l'indépendance commerciale dont doivent bénéficier les gérants non-salariés.

Cette simple affirmation ne permet pas en soi toutefois de démontrer l'existence du lien de subordination allégué.

Sur la latitude d'embaucher des salariés ou de se faire remplacer à leurs frais et sous leur responsabilité, les cogérants Monsieur [K] et Mme [O] affirment qu'ils n'ont eu aucune liberté sur ce point, car ils ont dû au début du contrat litigieux reprendre une salariée qui travaillait dans le magasin depuis 1990 , laquelle était rémunérée pas la société DCF, qui a ensuite elle-même mené la procédure de licenciement.

Il apparaît toutefois que les circonstances tenant au déroulement du contrat de la salariée déjà présente dans les lieux au moment du début du contrat de cogérance et à la rupture conventionnelle intervenue ne démontrent pas l'existence d'un lien de subordination entre la société DCF et les cogérants, contrairement à ce qui est péremptoirement affirmé, aucun élément ne venant en effet confirmer l'ingérence alléguée de la société DCF dans l'embauche ou le licenciement des salariés embauchés par les cogérants.

Les cogérants prétendent ensuite que la société DCF aurait opéré des prélèvements irréguliers sur leurs bulletins de commissions, transférant d'autorité une partie de leurs gains au crédit du compte général de dépôt du magasin afin de combler les manquants de marchandises prétendument constatées lors d'inventaires.

Il apparaît toutefois que les cogérants ne viennent pas démontrer qu'il s'agissait de la part de la société DCF de prélèvements non justifiées sur leurs commissions mais d'une situation d'inventaire opérant un rapprochement entre les mouvements des marchandises et celui des recettes sur la base non de la liste des marchandises mais de leur valeur.

Au surplus, la responsabilité des cogérants dans la survenance du déficit de gestion a été reconnue par le tribunal de commerce de Mende dans un jugement du 19 février 2016, retenant qu'ils n'avaient jamais contesté au cours de la gestion de leur supérette, les états d'inventaire et les arrêtés de compte qui ont suivi, alors qu'ils en avaient la faculté.

Les cogérants allèguent également que la société DCF leur aurait imposé des sujétions de divers ordres:

'sur l'obligation de servir de point de retrait de colis Cdiscount , ils estiment qu'il s'agissait d'une tâche imposée supplémentaire, très contraignante et non prévue au contrat, et qui était en outre rémunérée de manière très dérisoire.

Toutefois, les cogérants ne démontrent pas que cette tâche aurait été aussi prenante qu'ils l'allèguent, de sorte que son accomplissement ne peut en soi démontrer l'existence du lien de subordination allégué. Il s'agissait donc d'un service donné aux clients et dont l'accomplissement n'apparaît pas en outre avoir été imposé aux cogérants mais qui s'intégrait dans le cadre d'un service organisé proposant certaines commodités à la clientèle.

'sur les commandes, les cogérants allèguent qu'elles devaient être passées aux dates fixées par la société DCF et non en fonction des besoins du magasin, ils visent également l'obligation de porter la tenue de travail CASINO mais également de participer aux opérations commerciales, d'installer les présentoirs.

'sur le contrôle qu'exercerait la société DCF, via les remontées de caisse quotidiennes sur un système informatisé centralisé et les visites périodiques des managers commerciaux, il apparaît que c'est par les seules déclarations des gérants que la société DCF établit en fin de mois le stock théorique et la rémunération proportionnelle au chiffre d'affaires réalisé et qu'il n'est démontré ni contrôle ni pression lors des passages des managers commerciaux, excédant le simple suivi des modalités commerciales d'exploitation, qui, comme cela a été dit ci-dessus, procède de l'essence même du contrat de gérance mandataire et permet au mandant de s'assurer de l'harmonisation entre les différents magasins faisant partie de son réseau .

Il apparaît donc d'abord que ces éléments tels que fixés au contrat de cogérance, sont conformes à l'article L 7322-2 du code du travail et à l'article 34 de l'accord collectif national en ce qu'il s'agit de modalités commerciales, sans incidence sur la nature du contrat et visant essentiellement à harmoniser les pratiques sur l'ensemble des points de vente et apporter aux gérants les informations utiles sur la réglementation applicable.

Ensuite, le contrôle sur les marchandises mises à disposition des cogérants pour les vendre et le respect des prix imposés sont justifiés par le fait que le mandant reste propriétaire des fonds faisant partie du réseau ainsi que des marchandises mises à la disposition des gérants pour être vendues.

Il est par ailleurs établi que les gérants étaient libres de procéder aux commandes des marchandises et que rien ne leur interdisait de modifier la fréquence des livraisons ou de solliciter des livraisons supplémentaires.

'concernant les horaires et les vacances, les cogérants soutiennent que les horaires du magasin leur étaient imposés ainsi que les jours de fermeture , que de même, ils ne pouvaient poser leurs congés à leur convenance et se sont vus ainsi modifier unilatéralement des congés qu'ils avaient posés.

Les cogérants ne démontrent pas toutefois, au moyen des plannings qu'ils versent aux débats qu'ils auraient été contraints à des modifications des plannings imposées par la société DCF ainsi qu'aux horaires d'ouverture des magasins des gérants titulaires, pas plus qu'ils ne démontrent ne pas avoir été libres de prendre leurs congés à leur guise.

En effet, les plannings et fiches de congés produits démontrent au contraire que, manifestement, les cogérants bénéficiaient d'une autonomie dans l'organisation des horaires d'ouverture, sous réserve des coutumes locales et des habitudes de la clientèle ( article 1er du contrat de gérance) et pouvaient prendre leurs congés à leur convenance, le simple fait que la société DCF demande aux gérants de veiller à ce qu'aucune coupure commerciale n'intervienne marquant le souci du mandant de garantir une ouverture optimale des supérettes.

L'attestation de Monsieur [S] [P] sur ces différents points n'apporte pas d'éléments contraires, en ce qu'elle est rédigée en termes généraux et bien que le témoin soit également gérant non salarié, ne permet pas de retenir sa pertinence dans le cadre du litige ici soutenu.

'concernant l'entretien du magasin, il apparaît que le contrat de cogérance rappelle que le mandant reste propriétaire du fonds, de sorte que le fait que l'entretien lui en incombe ne démontre pas l'existence du lien de subordination juridique allégué mais l'exécution d'un contrat de mandat, dont il appartient au besoin au mandataire de faire respecter l'application.

'sur la commande de matériels ( toners d'encre et ramettes de papier), il est démontré par la société DCF que les cogérants en étaient indemnisés.

Dans ces conditions, il n'apparaît pas que les cogérants Monsieur [K] et Mme [O] démontrent à l'appui de leur demande de requalification, que le contrat de cogérance non salarié, faisait peser sur eux des sujétions totalement incompatibles avec le statut ci-dessus rappelé et les plaçaient dans une situation de salariés vis-à-vis de la société DCF, de sorte que la décision déférée sera confirmée de ce chef.

Sur la rupture des contrats de cogérance.

Même en l'absence de requalification du contrat, les co gérants non salariés sont bien fondés à solliciter, en application des dispositions de l'article L 782-7 recodifié à droit constant sous les articles L 7322-1 et suivants, le bénéfice des règles protectrices de fond et de forme des articles L 122-4 et suivants devenus L 1233-1 et suivants, relatifs à la rupture du contrat à durée déterminée.

En effet, la société DCF soutient à tort que depuis le 1er mai 2008, l'article L 782-7 du code du travail a été abrogé, de sorte que Monsieur [K] et Mme [O] ne peuvent se prévaloir de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale, la nouvelle codification des articles L 7322-1 à L 7322-6 du code du travail concernant le statut légal des gérants non salariés n'étant pas intervenue à droit constant.

Il apparaît toutefois sur ce point que la modification rédactionnelle apportée à l'article L 7322-1 du code du travail, tel qu'il résultait de l'ordonnance du 12 mars 2007, avait été uniquement motivée par le souci d'apporter une clarification de rédaction, de sorte que la recodification s'est effectuée à droit constant et qu'en conséquence, l'abrogation d'une loi à la suite de sa codification à droit constant, ne modifie ni la teneur ni la portée des dispositions transférées.

Dans ces conditions, les gérants non salariés bénéficient de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale.

C'est ainsi qu'ils sont inscrits au régime général de sécurité sociale , bénéficient d'une adhésion à une mutuelle et des prestations sociales au même titre que les salariés et bénéficie d'un régime d'épargne salariale.

Monsieur [K] soutient que la lettre de démission qu'il a adressée à la société DCF est équivoque étant motivée par des circonstances antérieures et contemporaines de la rupture.

Sa lettre de démission est en effet rédigée comme suit :

« Par la présente, je vous informe de ma démission du poste de gérant mandataire que j'occupe au Petit Casino E7023 situé à ISPAGNAC.

Cette démission est motivée par l'absence de la moindre assistance de la part de la direction Distribution Casino France ainsi que par les nombreuses erreurs comptables qui n'ont pas été corrigées malgré mes demandes.

En effet, gérant seul le magasin avec une charge de travail imposée de plus en plus lourde, et des commissions ne me permettant pas l'embauche d'un employé, je suis contraint de travailler 7 jours sur 7, magasin ouvert de 7h30 à 20h30 non-stop.

Les commissions que je perçois sont souvent inférieures au SMIC et ne me permettent pas d'embaucher le personnel nécessaire pour assurer l'ouverture du magasin, selon l'amplitude des horaires qu'on m'impose d'effectuer.

Dès lors, il m'est impossible d'assumer une autre saison dans de telles conditions.

D'autres parts, nous avons eu plusieurs déficits importants que nous ne nous expliquons pas et qui ne peuvent relever que d'erreur comptables de votre part.

Ayant 2 enfants, je ne veux pas aujourd'hui prendre le risque d'aggraver cette situation.

Comme convenu dans mon contrat, j'effectuerai un mois de préavis.

Je m'engage à laisser le magasin en bonne tenue.

Aimant mon métier, c'est avec regret que je le quitte aujourd'hui, mais depuis deux ans, je travaille à perte et sans soutien de la part de votre société. »

Il convient de rappeler que, pendant le congé parental de Mme [O] qui a été notifié à la société DCF le 1er mars 2012, le contrat de cogérance était suspendu .

Un contrat en date du 24 mars 2012 avait du reste été régularisé entre le société DCF et Monsieur [K] précisant la suspension momentanée du contrat de cogérance tant concernant celui-ci, un contrat de gérance mandataire non salarié s'y substituant momentanément, que concernant Mme [O] au regard de son congé parental.

Ce contrat momentané prévoyait au surplus que, à la reprise de son activité de cogérance mandataire non salariée par Mme [O], ce contrat de gérance mandataire non salarié sera purement et simplement annulé et l'ancien contrat de cogérance reprendra tous ses effets.

Dans ces conclusions, Monsieur [K] évoque à la fois les conditions d'exercice du contrat de cogérance et du contrat de gérance puisqu'il reproche à la société DCF l'imputation à tort du déficit de gestion mais également le défaut d'assistance commerciale et professionnelle, le fait que sa rémunération soit inférieure au SMIC et enfin qu'il ait du effectuer de nombreuses heures supplémentaires.

Si Monsieur [K] ne démontre pas clairement les manquements qu'il reproche à la société DCF concernant le déficit de gestion, alors même que la responsabilité des gérants a été reconnue sur ce point par le Tribunal de commerce, il démontre toutefois que, dans le cadre de l'exercice des fonctions de gérant, il a été contraint, malgré des commissions insuffisantes, voire inférieures au SMIC, d'effectuer de nombreuses heures supplémentaires pour remplir les tâches lui incombant .

Ainsi, la rupture du contrat de gérance qu'il a notifiée à la société DCF était largement motivée par la surcharge de ses tâches notamment pendant l'absence de sa conjointe.

Il en résulte que la lettre de démission ne pouvait concerner que le contrat de gérance et que au regard des manquements de la société DCF dans l'exécution de ce contrat, la démission doit être requalifiée en prise d'acte de la rupture du contrat de gérance aux torts de la société DCF et produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, concernant le contrat de cogérance, la société DCF ne pouvait tirer de ce courrier que Monsieur [K] souhaitait mettre fin au contrat de cogérance qui était en effet suspendu jusqu'à reprise par Mme [O] de son activité, de sorte que la rupture du contrat de cogérance selon courrier en date du 16 juin 2012 est abusive et doit en conséquence produire les effets d'un licenciement abusif.

Il apparaît que la rupture du contrat de Mme [O] était au surplus fondée sur l'application de la clause d'indivisibilité prévue au contrat.

Or, une telle clause apparaît priver le gérant non salarié, dès l'origine, du bénéfice des règles protectrices d'ordre public relatives à la rupture des relations contractuelles.

Elle ne pouvait donc justifier en elle-même la rupture du contrat de Mme [O], de sorte qu'elle apparaît abusive et doit également produire les effets d'un licenciement abusif.

Il en résulte que la résiliation du contrat de cogérance concernant Monsieur [K] comme Mme [O] est abusive de sorte que tous deux apparaissent fondés à réclamer, telle que formulées par eux, l'indemnité conventionnelle de rupture conformément à l'article 1er du contrat et de l'article 15 de l'accord collectif national et calculée sur la base de 3/30e de mois par année d'ancienneté dans la tranche de 1 à 5 ans, de sorte que Mme [O] qui a 5 années d'ancienneté a droit à 712,85 euros et que Monsieur [K] qui a 6 ans d'ancienneté a droit à 1093 euros.

Par ailleurs, tous deux ont droit à l'indemnité compensatrice de préavis fixée par l'article 15 de l'accord national à 2 mois pour les gérants comptant 2 ans d'ancienneté à la date de la rupture, de sorte que sur la base du SMIC, Mme [O] a droit à 2851,54 euros outre les congés payés afférents ( 285,13 euros) de même que Monsieur [K].

Enfin, au regard de leur ancienneté à la date de la rupture, il convient de leur allouer pour chacun d'eux, la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice financier et moral subi du fait de la rupture abusive du contrat.

Il serait enfin inéquitable de laisser à Monsieur [K] et à Mme [O] la charge de ses frais non recouvrables.

PAR CES MOTIFS.

LA COUR,

Statuant publiquement par décision contradictoire, après en avoir délibéré,

CONFIRME la décision déférée en ce qu'elle a débouté Monsieur [K] et Mme [O] de leur demande de requalification du contrat de cogérance mandataire non salarié en contrat de travail,

LA REFORME sur le surplus,

Statuant à nouveau ,

DIT que la rupture des relations contractuelles intervenue le 16 juillet 2012 concernant Monsieur [K] doit s'analyser en une prise d'acte de la rupture du contrat de gérance produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT que la rupture du contrat de cogérance concernant Monsieur [K] comme concernant Mme [O] est abusive et doit produire les effets d'un licenciement abusif,

En conséquence,

CONDAMNE la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à Monsieur [Q] [K] les sommes suivantes :

- 1 093 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de rupture,

- 2 851,34 euros outre les congés payés afférents (285,13 euros) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la rupture abusive du contrat,

CONDAMNE la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à Mme [H] [O] les sommes suivantes :

- 712,85 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de rupture,

- 2851,34 euros outre les congés payés afférents ( 285,13 euros) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la rupture abusive du contrat,

CONDAMNE la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à Mme [O] et à Monsieur [K], pour chacun d'eux, la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

LAISSE les dépens à la charge de la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE.

LA GREFFIÈRELa PRESIDENTE

Christine SENTISElizabeth POLLE-SENANEUCH


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 14/09356
Date de la décision : 16/12/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°14/09356 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-12-16;14.09356 ?
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