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16/12/2016 | FRANCE | N°14/08856

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 16 décembre 2016, 14/08856


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 14/08856





[C]

[E]



C/

SOCIETE DISTRIBUTION CASINO FRANCE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 16 Octobre 2014

RG : F 13/00401











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 16 DECEMBRE 2016













APPELANTS :



[I] [C]

né le

[Date naissance 1] 1971 à [Localité 1] (33)

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par Me Flavien JORQUERA de la SCP FESSLER JORQUERA CAVAILLES, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Adrien RENAUD, avocat au barreau de GRENOBLE



[Z] [E] épouse [C]

née le [Date nai...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 14/08856

[C]

[E]

C/

SOCIETE DISTRIBUTION CASINO FRANCE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE

du 16 Octobre 2014

RG : F 13/00401

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 16 DECEMBRE 2016

APPELANTS :

[I] [C]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1] (33)

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Flavien JORQUERA de la SCP FESSLER JORQUERA CAVAILLES, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Adrien RENAUD, avocat au barreau de GRENOBLE

[Z] [E] épouse [C]

née le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 3] (26)

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Flavien JORQUERA de la SCP FESSLER JORQUERA CAVAILLES, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Adrien RENAUD, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE :

SOCIETE DISTRIBUTION CASINO FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Yann BOISADAM de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Octobre 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président

Chantal THEUREY-PARISOT, Conseiller

Marie-Christine DE LA SALLE, Conseiller

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 16 Décembre 2016, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président, et par Christine SENTIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES.

Les époux [I] et [Z] [C] exploitent à [Localité 2] (07) une supérette alimentaire à l'enseigne «'PETIT CASINO'» selon contrat de gérants mandataires non salariés conclu le 24 mai 2004 avec la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE .

Ce contrat, dont aucune des parties ne détiendrait une copie, faisait suite à deux précédents contrats de même nature portant sur la gestion de deux autres supérettes.

M. [C] a été désigné en mars 2008 en qualité de délégué syndical CGT, puis élu le 24 juin 2010 membre du comité d'établissement des gérants mandataires non salariés.

Les demandes de mutation des époux [C] n'ont pas été satisfaites, ce qui a amené ces derniers à se plaindre d'agissements discriminatoires, mais aussi de livraisons incomplètes.

Les 13 mars 2012 et 22 avril 2013 les époux [I] et [Z] [C] ont saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Étienne d'une demande en requalification du contrat de gérant mandataire non-salarié en contrat de travail de droit commun à durée indéterminée, en annulation de la clause de non-concurrence contenue dans le contrat de cogérance et en paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, de rappel d'heures supplémentaires, de rappel de rémunération sur heures de délégation exceptionnelle, de rappel de commissions et de dommages et intérêts pour divers préjudices.

Par jugement du 16 octobre 2014 le conseil de prud'hommes de Saint-Étienne a débouté les époux [C] de l'ensemble de leurs demandes, en considérant que la preuve d'un lien de subordination n'était pas rapportée, alors notamment que les époux [C] sont rémunérés par des commissions calculées sur le montant des ventes, qu'ils ont décidé librement de la répartition entre eux des commissions, que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE n'a exercé aucun contrôle sur leurs horaires de travail et que le litige entre les parties est d'ordre commercial.

Les époux [I] et [Z] [C] ont relevé appel de cette décision par lettre recommandée avec avis de réception du 12 novembre 2014 reçue le 13 novembre 2014.

Vu les conclusions soutenues à l'audience du octobre 2016 par les époux [I] et [Z] [C] qui demandent à la cour , par voie de réformation du jugement déféré de prononcer la requalification du contrat de cogérance en contrat de travail salarié et de condamner la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer :

À Monsieur [I] [C] les sommes de :

- 60 000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, outre intérêts de droits à compter de la demande ;

- 155 875 € bruts au titre des rappels d'heures supplémentaires, pour la période de janvier 2008 à février 2016 et 15 587 € bruts au titre des congés payés afférents outre intérêts de droits à compter de la demande ;

- 10.636,80 € bruts au titre des rappels de rémunération sur les heures de délégation exceptionnelles, outre intérêts de droits à compter de la demande ;

- 180 € bruts au titre des heures de délégation exceptionnelles réalisées en Juin et Juillet 2011, outre intérêts de droits à compter de la demande ;

- 102 767 euros bruts au titre des rappels sur commissions pour la période de janvier 2008 à février 2016, conformément aux minima prévus par l'accord collectif national du 18 Juillet 1963, outre 10 263 € bruts au titre des congés payés afférents ;

- 2871,24 € bruts au titre des retenues abusives effectuées sur les commissions , outre la somme de 287,12 € bruts au titre des congés payés afférents outre intérêts de droits à compter de la demande ;

- 2289,82 € bruts au titre des rappels de commissions supplémentaires mensuelles ;

- 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour violation des règles du code du travail en matière de santé et de sécurité au travail ;

- 10.000 € à titre-de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation de l'article 25 de l'accord collectif du 18 Juillet 1963 relatif à l'obligation d'entretien du magasin.

- 15000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du caractère nul de la clause de non-concurrence,

Ordonner à la société DCF d'organiser la visite médicale périodique auprès de la médecine du travail du lieu d'exercice dans un délai de 1 mois de la décision à intervenir et ce sous astreinte,

- 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

À Madame [Z] [C] les sommes de :

- 60 000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, outre intérêts de

droits à compter de,la demande ;

- 154 902 € bruts au titre des rappels d'heures supplémentaires de janvier 2008 à février 2016 et 15 490 € bruts au titre des congés payés afférents ;

- 102 635€ bruts au titre des rappels sur commissions conformément aux minima prévus par l'accord collectif national du 18 Juillet 1963, outre 10 263 € bruts au titre des congés payés afférents ;

- 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour violation des règles du code du travail en matière de santé et de sécurité au travail ;

- 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation de l'article 25 de l'accord collectif du 18 Juillet 1963 relatif à l'obligation d'entretien du magasin.

- 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la nullité de la clause de non concurrence ;

Ordonner à la société DCF d'organiser la visite médicale périodique auprès de la médecine du travail du lieu d'exercice dans un délai de 1 mois de la décision à intervenir et ce sous astreinte,

- 5000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur la requalification du contrat de gérant mandataire non-salarié les époux [C] font notamment valoir :

-qu'ils ne disposent d'aucune indépendance dans l'exercice de leur activité et que leurs conditions de travail sont déterminées par la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE , qui définit les règles en matière de commandes et de livraison, qui détermine les horaires d'ouverture et de fermeture du magasin, qui impose les périodes de congés, qui organise des contrôles réguliers, qui intervient directement dans la gestion informatique et qui impose des partenariats commerciaux,

-que leur rémunération n'est pas proportionnelle au montant des ventes, alors qu'à l'exception de la période estivale ils ont toujours été rémunérés sur la base d'un minimum conventionnel,

-qu'ils sont dans l'impossibilité matérielle d'embaucher des salariés ou de se faire remplacer.

Sur la discrimination syndicale :

-qu'à compter de la désignation de Monsieur [C] en qualité de délégué syndical et d'élu aucune de leurs demandes de mutation n'a été satisfaite,

-que la rémunération des temps de délégation est irrégulière et incomplète,

-que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE refuse de leur transmettre la liste complète et actualisée des gérants de la région,

-que les bulletins de commissions ne sont pas transmis régulièrement,

-que la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE a adopté un comportement commercial déloyal en invitant les habitants de la commune à se rendre à la supérette située dans une commune voisine,

Sur l'application de la rémunération minimale prévue par l'accord collectif national du 18 juillet 1963 :

-que la rémunération minimale conventionnelle est applicable à chacun des cogérants, puisqu'il est de principe constant que le gérant non salarié ne peut être privé d'une rémunération équivalente au SMIC,

Sur le paiement des commissions supplémentaires mensuelles instituées en faveur des gérants ayant réalisé un chiffre d'affaires mensuel en hausse par rapport à celui du même mois de l'année précédente :

-que le calcul et le versement du supplément de commissions doit se faire mensuellement et non pas par rapport à un chiffre d'affaires cumulé

Sur la nullité de la clause de non-concurrence :

-que la clause ne comporte aucune contrepartie financière.

La société DISTRIBUTION CASINO FRANCE s'oppose à l'ensemble des demandes formées par les époux [C] et demande à la cour de confirmer la décision déférée et de condamner les appelants au paiement de la somme de 3000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient en effet :

- que pour l'application du statut de gérant non salarié de succursale de commerce de détail défini par l'article L. 7321 '2 du code du travail il faut et il suffit que le gérant exploite une succursale moyennant des remises proportionnelles sur les ventes, que toute latitude lui soit laissée contractuellement pour embaucher du personnel, se substituer des remplaçants et pour organiser au quotidien son propre travail,

-que l'existence d'une dépendance économique n'implique pas l'existence d'un lien de subordination juridique, le contrat s'analysant en un mandat d'intérêt commun,

-que l'existence d'une relation de travail salarié dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle, la qualification ou la dénomination adoptée par les parties étant indifférente,

-qu'il appartient au gérant qui revendique le statut de salarié de démontrer qu'il a été soumis à une relation de subordination dans l'organisation de l'exercice personnel de son activité, c'est-à-dire aux ordres, aux directives et au contrôle de la société mandante dans l'organisation de son propre travail,

-que dans le cadre de l'aide qu'elle est tenue d'apporter aux gérants elle a mis en place un réseau de gérants mandataires intérimaires qui ont pour mission de remplacer les gérants titulaires partant en congé, ce dispositif ne présentant toutefois aucun caractère contraignant, les gérants mandataires titulaires demeurant libres d'organiser eux-mêmes leur remplacement,

-que le gérant mandataire intérimaire, comme le titulaire, ne peut revendiquer l'existence d'un contrat de travail qu'en démontrant l'existence d'une subordination dans l'exercice personnel de son activité,

-que ni les modalités commerciales d'exploitation de la succursale, ni la fourniture exclusive des marchandises à prix imposés, ni les conditions de gestion des commandes et des livraisons, ni l'obligation de participer à des actions commerciales, ni le suivi commercial de l'activité du gérant mandataire, qui s'inscrivent dans le cadre contractuel inhérent aux relations entre la maison-mère et les gérants, ne permettent de caractériser un lien de subordination effectif,

-que les conditions d'application du statut de gérant non salarié n'ont pas été méconnues en l'espèce, alors que les époux [C] ont été rémunérés proportionnellement aux ventes du magasin, qu'ils avaient contractuellement toute latitude pour embaucher du personnel, le fait qu'ils n'aient pas utilisé cette prérogative en raison de revenus insuffisants étant inopérant, que les contrats intervenus ne fixent pas les conditions de travail des cogérants qui déterminaient les horaires d'ouverture et de fermeture ainsi que le nombre d'heures travaillées et qui étaient libres de déterminer leurs périodes de congés,

-que les époux ne peuvent prétendre chacun à une rémunération minimum égale au SMIC, alors que le forfait de commissions est attribué au couple et que les époux décident librement de la répartition entre eux de cette rémunération,

-que les époux [C] ne peuvent prétendre au paiement d'heures supplémentaires, alors que les spécificités du statut de gérant non salarié font obstacle à l'application des règles relatives au décompte du temps de travail et qu'il n'est pas démontré en l'espèce qu'elle leur aurait imposé individuellement des durées de travail,

-qu'aucune contrepartie financière n'est due au titre de la clause de non-concurrence, alors que les gérants non salariés ne peuvent bénéficier sur ce point des dispositions protectrices du code du travail et qu'il n'est justifié d'aucun préjudice ,

-qu'en application de l'article 36 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963 Monsieur [C] a été rémunéré forfaitairement de ses heures de délégation,

-que la visite médicale périodique a été organisée.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont soutenues oralement lors de l'audience.

MOTIVATION.

Sur la demande de requalification du contrat de gérance non salarié en contrat de travail.

L'article L 7322-2 du code du travail, applicable à l'espèce, dispose en son alinéa 1er : «' Est gérant non salarié toute personne qui exploite, moyennant des remises proportionnelles au montant des ventes, les succursales des commerces de détail alimentaire ou des coopératives de consommation, lorsque le contrat intervenu ne fixe pas les conditions de son travail et lui laisse toute latitude d'embaucher des salariés ou de se faire remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité.'»

Dans son préambule, l'accord collectif national du 18 juillet 1963 mis à jour le 1er mars 2008, rappelle que ce statut spécifique de gérant mandataire résulte du fait que vis-à-vis de la clientèle, il se comporte comme un commerçant, ce qui implique indépendance du gérant dans la gestion de l'exploitation du fonds, c'est-à-dire autonomie dans l'organisation de son travail et intéressement direct à l'activité du magasin par des commissions calculées sur le montant des ventes, tout en bénéficiant, dans le cadre de ce mandat d'intérêt commun liant le propriétaire du fonds au gérant qui jouit d'une indépendance, partage les risques de l'exploitation mais bénéficie d'un statut social légal et conventionnel.

Le contrat de travail est constitué dès lors que se trouvent réunies trois conditions cumulatives: l'état de subordination juridique vis-à-vis de l'employeur, le versement d'une rémunération et la fourniture d'une prestation de travail; le lien de subordination juridique se caractérise par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Cette subordination juridique ne se confond ni avec la subordination économique ni avec l'intégration dans un service organisé.

La qualification d'une relation de travail ne dépend ni de la dénomination donnée par les parties à leur convention ni de la volonté qu'elles ont pu exprimer, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité.

Les époux [C] ont conclu plusieurs contrats de gérance non salariée, seul comptant, au titre de la requalification sollicitée, le dernier contrat de gérance conclu le 24 mai 2004, qui fait expressément référence aux dispositions des articles L 7322-1 et suivants du code du travail et aux clauses de l'accord collectif national des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hyper marchés du 18 juillet 1963 et à ses divers avenants.

C'est donc aux époux [C] qui revendiquent la requalification de leur contrat de gérants mandataires en contrat de travail, de prouver qu'ils se trouvaient dans un lien de subordination juridique à l'égard de la société DCF, étant précisé que cette subordination juridique ne se confond ni avec la dépendance économique ni avec l'intégration dans un service organisé.

Ainsi, indépendamment du mode de rémunération, le lien de subordination juridique implique l'impossibilité d'organiser librement l'exercice de l'activité professionnelle, notamment en ce qui concerne les relations avec la clientèle, les relations avec le personnel embauché, la possibilité de se faire remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité.

En l'espèce, les époux [C] font d'abord valoir que les clauses contenues dans leur contrat de cogérance en ce qu'elles fixaient des conditions de travail qui leur sont imposées, démontrent l'absence de toute indépendance .

'sur l'obligation de servir de point de retrait de colis Cdiscount , ils estiment qu'il s'agissait d'une tâche imposée supplémentaire, très contraignante et non prévue au contrat, et qui était en outre rémunérée de manière très dérisoire.

Toutefois, les époux [C] ne démontrent pas que cette tâche aurait été aussi prenante qu'ils l'allèguent, de sorte que son accomplissement ne peut en soi démontrer l'existence du lien de subordination allégué. Il s'agissait donc d'un service donné aux clients et dont l'accomplissement n'apparaît pas en outre avoir été imposé aux époux [C] mais qui s'intégrait dans le cadre d'un service organisé proposant certaines commodités à la clientèle.

'sur les commandes, les époux [C] allèguent qu'elles devaient être passées aux dates fixées par la société DCF et non en fonction des besoins du magasin, ils visent également l'obligation de porter la tenue de travail CASINO mais également de participer aux opérations commerciales, d'installer les présentoirs.

'sur le contrôle qu'exercerait la société DCF, via les remontées de caisse quotidiennes sur un système informatisé centralisé et les visites périodiques des managers commerciaux, il apparaît d'abord que c'est par les seules déclarations des gérants que la société DCF établit en fin de mois le stock théorique et la rémunération proportionnelle au chiffre d'affaires réalisé, ensuite, qu'il n'est démontré ni contrôle ni pression lors des passages des managers commerciaux, excédant le simple suivi des modalités commerciales d'exploitation, qui, comme cela a été dit ci-dessus, procède de l'essence même du contrat de gérance mandataire et permet au mandant de s'assurer de l'harmonisation entre les différents magasins faisant partie de son réseau .

Il apparaît donc d'abord que ces éléments tels que fixés au contrat de cogérance, sont conformes à l'article L 7322-2 du code du travail et à l'article 34 de l'accord collectif national en ce qu'il s'agit de modalités commerciales, sans incidence sur la nature du contrat et visant essentiellement à harmoniser les pratiques sur l'ensemble des points de vente et apporter aux gérants les informations utiles sur la réglementation applicable.

Ensuite, le contrôle sur les marchandises mises à disposition des cogérants pour les vendre et le respect des prix imposés sont justifiés par le fait que le mandant reste propriétaire des fonds faisant partie du réseau ainsi que des marchandises mises à la disposition des gérants pour être vendues.

Il est par ailleurs établi que les gérants étaient libres de procéder aux commandes des marchandises et que rien ne leur interdisait de modifier la fréquence des livraisons ou de solliciter des livraisons supplémentaires.

Concernant les horaires et les vacances, les époux [C] soutiennent que les horaires du magasin leur étaient imposés ainsi que les jours de fermeture , que de même, ils ne pouvaient poser leurs congés à leur convenance et se sont vus ainsi modifier unilatéralement des congés qu'ils avaient posés.

Les époux [C] ne démontrent pas toutefois, au moyen des plannings qu'ils versent aux débats qu'ils auraient été contraints à des modifications des plannings imposées par la société DCF ainsi qu'aux horaires d'ouverture des magasins des gérants titulaires, pas plus qu'ils ne démontrent ne pas avoir été libres de prendre leurs congés à leur guise.

En effet, les plannings et fiches de congés produits démontrent au contraire que, manifestement, les époux [C] bénéficiaient d'une autonomie dans l'organisation des horaires d'ouverture, sous réserve des coutumes locales et des habitudes de la clientèle ( article 1er du contrat de gérance) et pouvaient prendre leurs congés à leur convenance, le simple fait que la société DCF demande aux gérants de veiller à ce qu'aucune coupure commerciale n'intervienne marquant le souci du mandant de garantir une ouverture optimale des supérettes.

L'attestation de Monsieur [X] [U] sur ces différents points n'apporte pas d'éléments contraires, en ce qu'elle est rédigée en termes généraux et bien que le témoin soit également gérant non salarié, ne permet pas de retenir sa pertinence dans le cadre du litige ici soutenu.

'concernant l'entretien du magasin, il apparaît que le contrat de cogérance rappelle que le mandant reste propriétaire du fonds, de sorte que le fait que l'entretien lui en incombe ne démontre pas l'existence du lien de subordination juridique allégué mais l'exécution d'un contrat de mandat, dont il appartient au besoin au mandataire de faire respecter l'application.

Les époux [C] font ensuite valoir que leur rémunération n'était pas proportionnelle aux ventes et qu'ils n'avaient pas la possibilité matérielle d'embaucher des salariés ou de se faire remplacer à leurs frais et sous leur responsabilité.

Néanmoins, le contrat prévoyait bien une rémunération des co-gérants sous la forme d'une commission de 6 % calculée sur le chiffre d'affaires brut, outre un minimum mensuel garanti tel que fixé à l'article 6 de l'accord collectif national, destiné à compléter les commissions, afin de garantir aux co-gérants une commission mensuelle minimum, lequel a donc été perçue par les époux [C] à hauteur de 2300 euros puis de 2345 euros, en fonction d'une répartition convenue entre eux.

Le minimum conventionnel ne se substituait donc pas aux commissions mais était destiné au contraire à compléter des commissions faibles au regard précisément du volume insuffisant des ventes.

Par ailleurs, s'il apparaît que la société DCF faisait bénéficier ses gérants d'un certain nombre de garanties au titre de la législation de sécurité sociale, telles que leur affiliation au régime général de sécurité sociale ou l'adhésion à la mutuelle du groupe Casino , un régime de retraite complémentaire et un plan d'épargne salarié, il n'apparaît pas que ces dispositions démontrent l'existence d'un lien de subordination juridique alors qu'elles résultent au contraire de l'accord collectif national et tendent à faire bénéficier les gérants non salariés des garanties bénéficiant aux salariés au titre de la législation de sécurité sociale.

Les époux [C] ne démontrent pas plus que certaines charges leur incombaient au titre du contrat de cogérance notamment quand ils allèguent sans verser une quelconque pièce sur ce point qu'il leur était imposé de commander des toners d'encre ainsi que des ramettes de papier destinées à l'imprimante et que la société DCF leur débitait la sacherie qu'elle leur impose d'acquérir et ce alors que la société DCF démontre au contraire que les cogérants non salariés bénéficiaient gratuitement des fournitures pour machines de caisse et recevaient une indemnité pour l'entretien du magasin de même que pour l'électricité, le chauffage et l'entretien de leurs blouses.

Sur la latitude d'embaucher des salariés ou de se faire remplacer à leurs frais et sous leur responsabilité, il convient de rappeler que cette clause figurait au contrat et qu'il n'apparaît pas démontré par les époux [C] qu'ils ne pouvaient effectivement embaucher un salarié ni se faire remplacer du fait de la faiblesse de leur rémunération .

Dans ces conditions, il n'apparaît pas que les époux [C] démontrent à l'appui de leur demande de requalification, que le contrat de cogérance non salarié, faisait peser sur eux des sujétions incompatibles avec le statut ci-dessus rappelé et les plaçaient dans une situation de salariés vis-à-vis de la société DCF, de sorte que la décision déférée sera confirmée de ce chef.

Sur la discrimination syndicale.

Monsieur [C] qui a été élu au comité d'établissement et de la délégation unique du personnel Vallée du Rhône , et délégué syndical CGT, estime que pendant la durée de ces mandats , qui ont respectivement pris fin en Juin et en avril 2014 , il a subi des faits de discrimination syndicale caractérisés par des refus de mutation répétés, par le versement irrégulier des indemnités et frais de déplacement liés aux mandats, par la non-transmission de la liste complète et actualisée des gérants de la région, par le défaut d'envoi des bulletins de commissions et du courrier interne, par l'absence d'entretien du magasin et enfin par des faits de concurrence déloyale.

Le préambule de la Constitution de 1946 repris dans celle de 1958 rappelle le principe de la liberté syndicale dont les instruments de protection sont le principe général de non-discrimination posé à l'article L 1132-1 du code du travail et l'interdiction faite à l'employeur de prendre en considération l'appartenance syndicale ou son exercice comme critère de recrutement, de conduite et répartition du travail, d'avancement, de rémunération, posée par l'article 2141-5 du code du travail.

Conformément à l'article 1134-1 du code du travail, le salarié qui s'estime discriminé doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et au vu de ces éléments , il appartient alors à l'employeur de démontrer que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Sur les refus de mutation, les époux [C] allèguent que, conformément aux dispositions de l'article 20 du statut collectif national du 18 juillet 1963, qui prévoient que les entreprises adressent au moins une fois par an aux gérants mandataires non salariés une enquête pour recueillir leurs desiderata de changements de succursale et tiennent compte, dans la mesure du possible des renseignements obtenus à l'occasion de vacances ou création de succursales, ils ont adressé chaque année depuis 2005 des demandes de mutation, afin d'obtenir la gestion d'un magasin présentant un chiffre d'affaires supérieur au magasin de [Localité 5] qu'ils gèrent depuis le début de l'année 2004, qu'ils n'ont cependant reçu aucune réponse favorable, ce qu'ils lient à la désignation de Monsieur [C] en qualité de délégué syndical CGT en 2008.

Ils font valoir qu'en l'absence de réponse favorable de la société DCF, ils ont fait en janvier 2009 des demandes étendues à 4 directions régionales , Nord, Centre, Sud-Est et Sud-Ouest mais que la société DCF a soit allégué qu'ils avaient des critères impossibles à satisfaire soit que les succursales visées étaient déjà attribuées, ne leur faisant ainsi qu'une proposition en août 2011 dans un magasin situé à [Localité 6] qui, après examen s'est révélé en plein déclin en raison de l'ouverture d'un magasin concurrent. Enfin, ils soutiennent que la proposition de mutation à [Localité 7] a été faite alors que l'instance prudhommale était déjà engagée.

Il apparaît cependant sur ce point qu'il est démontré d'une part que les époux [C] avaient des demandes de mutation très restrictives, comme cela résulte d'un courrier du 16 février 2009, dans lequel ils indiquent souhaiter plus particulièrement aller en Côte Atlantique pour des emplois saisonniers , dans un magasin dont le chiffre d'affaires constant devait être d'un montant compris entre 60 000 et 120 000 euros, hors grandes villes, d'autre part, que la société DCF justifie avoir toujours répondu aux courriers adressés , en leur faisant remarquer que, compte-tenu de leur niveau d'exigences, leur demande de mutation allait être difficilement satisfaite.

Il est encore démontré que les succursales en milieu rural, telles que demandées par les époux [C] sont moins nombreuses que celles situées en ville et que , dès lors, au regard des nombreuses demandes de mutation à régler, celle des époux [C] n'a pu être satisfaite.

La société DCF démontre encore que concernant les demandes de reprise de supérettes faites en 2009 par les époux [C] , les magasins sollicités n'étaient pas disponibles.

Enfin, elle justifie que les deux propositions de mutation faites à [Localité 6] et à [Localité 7] correspondaient aux souhaits des époux [C] mais que ceux-ci les ont refusés sans même les visiter.

Dès lors, il n'apparait pas au vu des éléments soumis à l'appréciation de la Cour que des faits de discrimination syndicale soient démontrés concernant la manière dont la société DCF a traité les demandes de mutation des époux [C].

Concernant le paiement des indemnités et frais de déplacement liés au mandat de Monsieur [C], il apparaît que ce dernier reproche à la société DCF de ne décompter qu'une demi-journée pour les réunions d'établissement, alors qu'une journée entière est nécessaire , le temps de trajet entre [Localité 5] et [Localité 8] étant en effet de 6 heures aller-retour.

Il en a informé l'inspecteur du travail qui, le 10 février 2012, indiquait à la société DCF qu'il lui incombait de respecter les dispositions de la convention collective du 18 juillet 1963 en la matière.

Or, la société DCF justifie avoir indemnisé Monsieur [C] au titre de ses heures de délégation, conformément aux dispositions conventionnelles et au rappel formulé par l'inspecteur du travail dans son courrier, en lui versant, à titre de régularisation sur son bulletin de commission de févier 2012, la somme totale de 783 euros correspondant :

-à 2 fois 107 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de février 2012 pour son mandat de membre au comité des gérants mandataires non salariés et son mandat de délégué syndical ,

-à 2 fois 40 euros au titre de l'indemnisation de la réunion du comité de janvier 2012'

-à 34 euros à titre de rappel d'indemnités de déplacement pour la période antérieure à janvier 2012,

-à 107 euros au titre du forfait syndical pour le mois de juin 2010.

Il résulte donc des éléments soumis à l'appréciation de la Cour que les indemnités et frais de déplacement ont été versés à Monsieur [C], comme il le réclame, conformément aux termes du contrat de gérance et à l'accord collectif national, de sorte que le retard dans ce versement et la régularisation intervenue en février 2012, ne permettent pas de caractériser la discrimination syndicale alléguée de ce chef.

Sur la transmission de la liste complète des gérants non salariés, Monsieur [C] se fonde sur l'article 36-2 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963 qui stipule que, chaque année, les membres du comité doivent se voir remettre cette liste précise et actualisée, ce qui n'a pas été le cas, selon lui, la société DCF s'étant évertuée, malgré ses demandes répétées, à lui transmettre des listes incomplètes, alors qu'il sait que les listes adressées à un délégué syndical FO sont elles complètes.

La société DCF démontre cependant avoir transmis la liste demandée à Monsieur [C] et indique que la liste incomplète qu'il produit aux débats n'a pas été établie par elle.

Elle relève du reste que ces listes sont produites sans courrier d'accompagnement ni preuve d'envois et qu'elle a elle-même demandé à Monsieur [C], quand elle en a eu connaissance, de ne pas les diffuser, dès lors qu'elles n'étaient pas conformes aux listes officielles et contenaient des informations confidentielles; elle démontre en outre avoir communiqué à Monsieur [C] à de nombreuses reprises et en recommandé, les listes complètes et actualisées des gérants non-salariés, comme elle l'a fait à l'ensemble des délégués syndicaux qu'ils soient FO ou CGT, de sorte que Monsieur [C] ne fait pas ici la preuve de la différence de traitement qu'il allègue.

Concernant l'envoi du courrier interne et des bulletins de commissions, Monsieur [C] allègue d'une différence de traitement due à son appartenance syndicale.

Or, les courriers qu'il a adressés à la société DCF de mai à juillet 2012 sur ce point, révèlent que si la procédure habituelle prévoit que les bulletins de commissions doivent normalement parvenir par courrier interne aux gérants non-salariés avec leurs livraisons de marchandises «' frais'», des non-transmissions sont survenues qu'il suffisait de signaler à la société DCF pour qu'elle envoie un duplicata par courrier.

Or, en l'espèce, il est démontré que suite à des non-transmissions, dont rien ne laisse supposer qu'elles n'aient pas été la conséquence d'erreurs, la société DCF a procédé à des envois de duplicatas.

Partant, Monsieur [C] ne démontre pas que la non-transmission occasionnelle des bulletins de commissions par courrier interne, soit due à son appartenance syndicale.

Sur le non-entretien du magasin, il a d'ores et déjà été rappelé qu'elle est de par le contrat et l'accord collectif national à la charge de l'entreprise et que les dysfonctionnements allégués par les époux [C] concernant l'électricité de leur supérette ont été réparés par la société DCF .

Aucune démonstration n'est donc apporté sur ce point, d'une différence de traitement trouvant son origine dans l'appartenance syndicale de Monsieur [C].

Par ailleurs, les époux [C] forment une demande de dommages et intérêts à hauteur de 10 000 euros chacun pour venir indemniser le préjudice financier et moral subi par eux du fait de la violation de l'article 25 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963 relatif à l'obligation d'entretien du magasin, tout en alléguant que l'attitude de la société DCF témoigne du traitement discriminatoire qui leur est appliqué.

Or, d'une part, il n'apparaît pas que cela soit établi d'autre part que la discrimination syndicale puisse être alléguée par Mme [C] qui n'a exercé aucun mandat syndical ni électif;

Par ailleurs, il n'apparaît pas démontré que le retard de la société DCF dans l'entretien du magasin notamment concernant les dysfonctionnements électriques puisse caractériser le défaut d'entretien allégué.

Au surplus, concernant les travaux de sécurisation du magasin et de nettoyage des cabinets d'aisance, il apparaît que la société DCF démontre y avoir répondu.

Il n'apparaît pas plus que les époux [C] démontrent le préjudice financier et moral allégué du fait de l'attitude de la société DCF dans la prise en charge de l'entretien de leur magasin.

Enfin, les époux [C] reprochent à la société DCF d'avoir encouragé les habitants de la commune de [Localité 5] à se rendre dans le Petit Casino voisin situé dans la commune de [Adresse 3], et ce par l'envoi d'un courrier circulaire accompagné d'un bon de réduction de 5 euros utilisable dans ce magasin.

Ils estiment que cela démontre que la société DCF a volontairement cherché à détourner une partie de la clientèle du magasin qu'ils gèrent et indiquent que depuis leur chiffre d'affaires n'a cessé de baisser dans le cadre d'un magasin défraîchi et non rénové .

Il n'apparaît toutefois pas démontré que l'envoi de ce courrier circulaire ait été réalisé massivement sur la commune de [Localité 5], dès lors que le seul courrier produit , reçu par Mme [S] habitante de [Localité 5] apparaît l'avoir été non à raison de son lieu d'habitation mais du fait de ce qu'elle est titulaire d'une carte de fidélité dans le magasin de [Adresse 3], du reste situé à plus de 11 kms du magasin de [Localité 5].

Dès lors, il n'apparaît pas que les faits de concurrence déloyale alléguée soient constitués.

Au total, il n'apparaît pas que la discrimination syndicale alléguée soit démontrée ici par les époux [C] qui seront en conséquence déboutés de leur demande de dommages et intérêts de ce chef par confirmation de la décision déférée.

Sur les rappels d'heures accomplies.

Aux termes de l'article L 7322-1 al.2 du code du travail «'l'entreprise propriétaire de la succursale est responsable de l'application au profit des gérants non salariés des dispositions de l'article 1er de la troisième partie relative à la durée du travail, au repos et aux congés, ainsi que celles de la 4ème partie relatives à la santé et à la sécurité au travail lorsque les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ont été fixées par elle ou soumises à son accord.'»

Il apparaît que la société DCF soutient que depuis le 1er mai 2008, l'article L 782-7 du code du travail a été abrogé, de sorte que les époux [C] ne peuvent se prévaloir de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale, la nouvelle codification des articles L 7322-1 à L 7322-6 du code du travail concernant le statut légal des gérants non salariés n'étant pas intervenue à droit constant.

Il apparaît toutefois sur ce point que la modification rédactionnelle apportée à l'article L 7322-1 du code du travail, tel qu'il résultait de l'ordonnance du 12 mars 2007, avait été uniquement motivée par le souci d'apporter une clarification de rédaction, de sorte que la recodification s'est effectuée à droit constant et qu'en conséquence, l'abrogation d'une loi à la suite de sa codification à droit constant, ne modifie ni la teneur ni la portée des dispositions transférées.

Dans ces conditions, il apparaît que, contrairement à ce qu'affirme la société DCF, les gérants non salariés bénéficient de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale.

C'est ainsi qu'ils sont inscrits au régime général de sécurité sociale , bénéficient d'une adhésion à une mutuelle et des prestations sociales au même titre que les salariés et bénéficie d'un régime d'épargne salariale.

De son côté, la société DCF affirme qu'elle n'a jamais imposé les horaires d'ouverture et que l'exercice d'un contrôle ou d'un décompte de la durée du travail est en effet incompatible avec la statut de gérant non-salarié et la libre détermination de leurs conditions de travail, de sorte que la charge de la preuve des heures supplémentaires incomberait exclusivement aux gérants non salariés.

Par ailleurs, elle estime qu'il n'est pas démontré que l'amplitude horaire d'ouverture du magasin se confonde avec le temps de travail effectif réalisé par chacun d'eux.

Il apparaît toutefois d'abord que la société DCF, si elle n'impose pas les conditions de travail, de sorte que le lien de subordination juridique caractérisant l'existence d'un contrat de travail n'a pas été ici retenu, demande néanmoins aux gérants non salariés, concernant les horaires d'ouverture et de fermeture des succursales, de se conformer aux habitudes de la clientèle et aux coutumes locales et fait connaître les horaires d'ouverture sur le site internet, de sorte qu'elle exerce une vérification du respect de l'amplitude horaire dans le cadre du service organisé de succursales qu'elle dirige.

Dans ces conditions, il apparaît que le respect de l'amplitude horaire était soumis à son accord.

Il apparaît ensuite que, contrairement à ce qu'affirme la société DCF, la charge de la preuve des heures supplémentaires ne saurait peser sur les seuls appelants mais pèse également sur l'intimé .

Les époux [C] établissent par les pièces qu'ils produisent , qu'à leur arrivée dans la succursale de [Localité 5] pour la période allant de janvier 2008 à février 2016, ils ont dû respecter des horaires d'ouverture du magasin 6 jours par semaine, du lundi au samedi de 9 heures à 13 heures et de 15 heures à 20 heures, soit 54 heures d'ouverture, auxquelles ils démontrent que s'ajoutaient 16 heures par semaine de travail supplémentaire du fait des livraisons matinales quotidiennes, de la tenue d'un rayon presse, du rangement, du nettoyage, des opérations de caisse et comptables et des commandes, de sorte qu'ils effectuaient en moyenne chacun 70 heures de travail par semaine.

Il est en effet établi que, au regard des tâches multiples incombant aux gérants, il n'existait pas pour eux de possibilité de fonctionner en alternance.

La société DCF ne verse du reste aucun élément objectif de contestation sur les éléments produits par les époux [C], si ce n'est en indiquant que l'amplitude horaire ne se confond pas avec le temps de travail effectif des époux [C], ceux-ci ne prenant pas en compte les périodes d'inactivité qu'ils ont nécessairement alternativement rencontrées dans le cadre des horaires d'ouverture du magasin, thèse qui ne peut être retenue, au regard de la multiplicité des tâches devant être effectuées et que les cogérants devaient ainsi réaliser de manière concomitante.

Dans ces conditions, par réformation du jugement déféré, il convient d'accorder aux époux [C] des rappels d'heures supplémentaires sur la base de 35 heures par semaine, en tenant compte des majorations de 25 % pour les 8 premières heures supplémentaires et de 50 % pour les suivantes, de sorte qu'il convient d'allouer à Monsieur [C] la somme de 155 875 euros bruts outre 15 587 euros au titre des congés payés afférents et 154 902 euros bruts à Mme [C] outre 15 490 euros au titre des congés payés afférents.

Sur le minimum conventionnel.

Les époux [C] rappellent que pour une gérance non salariée de catégorie 2 c'est-à-dire une gérance attachée à une succursale nécessitant l'activité effective de plus d'une personne, la rémunération garantie par l'article 5 de l'accord collectif consiste en une commission mensuelle minimum de 2245 euros par mois, étant précisé que ce montant doit nécessairement être versé à chaque gérant non salarié et ce notamment conformément à l'article L 7322-3 du code du travail qui insiste sur le caractère individuel du contrat de gérant non salarié et du préambule de l'accord collectif . Ils estiment que la société DCF en faisant signer au couple de gérants un seul contrat, tente de dévoyer ces dispositions ce qui revient à rémunérer moins bien une gérance de 2ème catégorie qu'une gérance unique rémunérée à hauteur de 1545 euros par mois.

Ils demandent donc à percevoir chacun la somme minimale prévue par l'article 5 de l'accord national à titre de rappel de commissions soit 102 767 euros bruts pour Monsieur [C] et 102 635 euros par mois pour Mme [C] outre les sommes de 10277 euros bruts et 10263 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Les dispositions du code du travail applicables aux salariés doit ici trouver application en ce qui concerne la rémunération revenant individuellement à chacun des cogérants, de sorte qu'il convient de dire que la rémunération devant être garantie à chacun est la rémunération conventionnelle.

Toutefois, alors qu'il est acquis que cette rémunération conventionnelle a été perçue par les cogérants depuis 2008, il ne peut être fait droit à la demande formée devant la cour revenant à servir cette rémunération conventionnelle à nouveau à chacun des cogérants, de sorte qu'il convient de la fixer à la somme de 102 767 euros outre congés payés afférents et de dire qu'elle devra être payée par la société DCF à Madame [C] à titre de rappels de commissions, tout en allouant à Monsieur [C] au nom duquel les bulletins de commissions versées étaient émis, la somme de 10 263 euros au titre des congés payés sur les commissions perçues sur la base du minimum conventionnel, et ce par réformation de la décision déférée.

Sur les commissions.

Les époux [C] soutiennent d'une part que des retenues irrégulières ont été effectuées par la société DCF sur leurs bulletins de commissions et d'autre part que des commissions supplémentaires mensuelles ne leur ont pas été réglées.

Sur le premier point, il s'agit de la somme de 2871,24 euros que la société DCF indique avoir retenue pour combler des manquants de marchandises constatées lors des inventaires.

Force est cependant de constater que cette demande ne porte pas sur des commissions non versées donc sur des gains manquants mais sur l'application du contrat de gérance mandataire imputant au mandataire des pertes résultant de manquants de marchandises au moment d'inventaires et qu'ils n'ont jamais contestées , alors qu'il s'agit de sommes imputées sur les bulletins de commissions en février 2008, Octobre 2009, Janvier 2009, Octobre 2012, Mars 2010, Octobre 2011, Février 2011, Octobre 2012, Avril 20120 et Octobre 2013.

Il convient dès lors de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté les époux [C] de cette demande.

Sur les commissions supplémentaires mensuelles, les époux [C] font valoir qu'en septembre 2011, la branche proximité de la société DCF a mis en place le versement d'un pourcentage de commission supplémentaire mensuelle pour les magasins présentant un chiffre d'affaires mensuel en hausse par rapport à l'année précédente, fixée à 14 % du chiffre d'affaires pour un magasin dont le chiffre d'affaires mensuel est inférieur au minimum garanti.

Ils estiment n'avoir pas été payés intégralement de ces suppléments entre 2011 et janvier 2012 et doivent recevoir un rappel de 335,33 euros : ainsi en octobre 2011, ils ont perçu 108,67 euros alors qu'ils auraient dû recevoir 237 euros soit une différence de 128,33 euros, en novembre 2011, ils ont reçu 35,89 euros et auraient dû recevoir 175,27 euros soit une différence de 139,38 euros,et en janvier 2012, ils ont perçu 157,78 euros, alors qu'ils ont perçu 225,40 euros soit une différence de 67,62 euros.

Ils estiment par ailleurs qu'alors que leurs chiffres d'affaires de février, mars, mai, septembre et octobre 2012 ont été en hausse par rapport à l'année précédente, aucun supplément ne leur a été versé, de sorte qu'ils réclament une somme globale de 1954,49 euros.

Il apparaît que la demande au titre du calcul erroné apparaît bien fondée et n'est du reste pas contredite par la société DCF, de sorte que la somme de 335,33 euros est bien due aux époux [C] à titre de rappels de commissions supplémentaires.

Concernant les commissions supplémentaires réclamées à hauteur de la somme totale de 1954,49 euros, la société DCF conteste uniquement la réclamation au titre du mois de mai 2012 en indiquant que le chiffre d'affaires cumulé de mai 2012 était en effet en baisse par rapport à celui de 2011, ce qui a été effectivement expliqué aux époux [C].

Toutefois, cette explication qui apparaît pertinente pour le mois de mai 2012 n'apparait pas suffisante pour exclure le surplus des réclamations, de sorte que, faute de contestations de la société DCF sur les commissions supplémentaires de février, mars, septembre et octobre 2012, il convient de retenir l'augmentation par rapport aux mêmes mois en 2011 et d'allouer aux époux [C] les sommes de 517,24 euros ( février 2012), 596,89 euros ( mars 2012), 121,40 euros ( septembre 2012) et 96,12 euros ( octobre 2012) soit un total de 1331,75 euros, et ce par réformation de la décision déférée.

Sur le paiement des heures de délégation.

Il est de principe que les délégués syndicaux ne doivent subir aucune perte de salaire du fait de l'exercice de leurs fonctions.

L'article 36 de l'accord collectif national du 18 juillet 1963 prévoit que le gérant non salarié membre du comité gérants non-salariés, délégué syndical ou représentant syndical est indemnisé forfaitairement au titre de l'activité de délégation qu'il déploie.

Monsieur [C] estime que la somme forfaitaire de 107 euros qui lui a été versée par la société DCF au titre de son activité de délégué syndical gérant non-salarié et qui correspond à 20 heures de délégation, dont bénéficient les membres du comité d'établissement, revient à indemniser ces heures au taux de 5,35 euros, donc bien en deçà du taux horaire du SMIC.

Il apparaît en effet que les dispositions conventionnelles contredisent ici celles légales dont la société DCF ne peut priver les gérants non salariés, alors même que ceux-ci bénéficient des protections accordées aux salariés en matière de protection sociale.

Dans ces conditions, il convient de dire que l'indemnité devant être versée pour les heures de délégation ne saurait être inférieure au SMIC et en conséquence condamner la société DCF à payer à Monsieur [C] la somme de 10 636,80 euros correspondant à la différence entre ce qu'il a perçu ( 13 928 euros) et ce qu'il aurait dû percevoir ( 23 618,80 euros) .

Par ailleurs, il est établi que la société DCF n'a pas payé à Monsieur [C] ses heures de délégation exceptionnelles c'est-à-dire les 20 heures de délégation pour circonstances exceptionnelles qui lui avaient été attribuées par le délégué syndical central CGT.

La société DCF doit donc payer à Monsieur [C] la somme de 180 euros de ce chef.

Sur l'organisation de la visite médicale périodique.

L'employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Il doit ainsi organiser des visites médicales périodiques, au moins tous les 24 mois par le médecin du travail.

Conformément à l'article L 7322-1 du code du travail, les gérants non-salariés doivent bénéficier de tous les avantages accordés aux salariés par la législations sociale, de sorte qu'ils doivent bénéficier de la visite médicale périodique.

Les époux [C] soutiennent que la société DCF a toujours refusé de les faire bénéficier de la visite médicale périodique et a du reste reçu un courrier de l'inspection du travail le 14 mai 2013, lui rappelant ses obligations en la matière et dressant ensuite procès-verbal à son encontre le 24 septembre 2013.

Ils ajoutent que la société DCF a finalement organisé une visite de reprise , suite à une période d'arrêt maladie de Monsieur [C].

Ils estiment donc que la société DCF doit être condamnée sous astreinte à organiser la visite médicale périodique et doit être condamnée à leur verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des règles du code du travail en matière de santé et de sécurité.

Il apparaît toutefois que, d'abord les dispositions de l'article R 4624-16 du code du travail ne peuvent bénéficier aux gérants non-salariés dès lors qu'il n'est pas établi que la société DCF fixerait ou soumettrait à son accord les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement dont la gestion leur a été confiée, que par ailleurs, conformément à l'article 9 de l'accord collectif national, une visite médicale annuelle peut être réalisée, à l'initiative des gérants par les services de médecine préventive, aux frais de l'entreprise, qu'il existe par ailleurs un examen médical pratiqué au moment de la conclusion du premier contrat de cogérance, par les services de médecine préventive outre un examen de reprise organisé après une absence de plus de 21 jours pour maladie, que dès lors ce dispositif apparaît comme conforme au contrat conclu, de sorte qu'il convient de confirmer la décision déféré en ce qu'elle a débouté les époux [C] tant de leur demande tendant à l'organisation de la visite périodique sous astreinte que de leur demande de dommages et intérêts.

Sur la nullité de la clause de non-concurrence.

Il est de principe que pour être valable, une clause de non-concurrence doit respecter des conditions cumulatives suivantes :

-être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise,

-être limitée dans le temps et dans l'espace,

-tenir dompte des spécificités de l'emploi du salarié,

-constater l'obligation pour l'employeur de verser une contrepartie financière.

En l'espèce, la clause de non-concurrence telle que rédigée ne comporte aucune contrepartie financière, de sorte qu'elle encourt nullité.

Les époux [C] estiment par ailleurs que compte-tenu de l'absence de contrepartie financière, ils ont subi une préjudice, de sorte que la somme de 15 000 euros doit leur être allouée à chacun à titre de dommages et intérêts, l'existence d'une clause de non-concurrence nulle leur causant nécessairement préjudice.

Il apparaît toutefois que l'existence d'une clause de non-concurrence nulle ne dispense pas les appelants de démontrer le préjudice subi. En l'espèce, alors que la clause de non-concurrence n'a pas été ici mise en jeu, le contrat n'ayant pas été rompu, il n'apparaît pas que les époux [C] viennent démontrer l'existence d'un quelconque préjudice indemnisable de ce chef, de sorte qu'ils seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts, par confirmation de la décision déférée.

Il serait inéquitable de laisser à la charge des époux [C] leurs frais non recouvrables, de sorte qu'il convient de condamner la société DCF à payer à chacun des époux [C] la somme de 3000 euros de ce chef.

PAR CES MOTIFS.

LA COUR,

Statuant publiquement par décision contradictoire, après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté les époux [C] :

- de leur demande de requalification du contrat de gérance mandataire non salarié en contrat de travail à durée indéterminée,

- de leur demande de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale,

- de leur demande tendant à contraindre, sous astreinte, la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à organiser des visites médicales périodiques,

- de leur demande de dommages et intérêts au titre des visites médicales périodiques,

- de leur demande de dommages et intérêts au titre du défaut d'entretien du magasin,

- de leur demande de dommages et intérêts au titre de la clause de non-concurrence sans contrepartie financière,

- de leur demande de paiement de la somme de 2871,24 euros outre congés payés afférents au titre de retenues abusives,

LA REFORME sur le surplus des dispositions,

Statuant à nouveau :

CONDAMNE la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer :

à Monsieur [C] :

- la somme de 155 875 euros bruts au titre des heures accomplies pour la période de janvier 2008 à février 2016 outre 15 587 euros au titre des congés payés afférents,

- la somme de 10 636,80 bruts au titre des heures de délégation et 180 euros pour les heures de délégation exceptionnelles réalisées en juin et juillet 2011 outre intérêts de droit à compter de la demande ,

- la somme de 10 263 euros au titre des congés payés afférents aux commissions perçues,

à Mme [C] :

- la somme de 154 902 euros bruts au titre des heures accomplies pour la période de janvier 2008 à février 2016 outre 15 490 euros au titre des congés payés afférents,

- 102 767 euros bruts au titre des rappels de commissions sur la base du minimum conventionnel pour la période de janvier 2008 à février 2016 outre 10 277 euros bruts au titre des congés payés afférents,

à Monsieur et Madame [C] la somme de 1667,28 euros bruts au titre des rappels de commissions supplémentaires mensuelles outre intérêts de droit à compter de la demande ,

DEBOUTE Monsieur [C] du surplus de ses demandes concernant les rappels de commissions sur la base du minimum conventionnel,

CONDAMNE la société DISTRIBUTION CASINO FRANCE à payer à Monsieur et Madame [C] pour chacun la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

LA CONDAMNE aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRELa PRESIDENTE

Christine SENTISElizabeth POLLE-SENANEUCH


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 14/08856
Date de la décision : 16/12/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon SC, arrêt n°14/08856 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-12-16;14.08856 ?
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