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14/12/2016 | FRANCE | N°15/00463

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 14 décembre 2016, 15/00463


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 15/00463





société ISERBA



C/

[T]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 08 Janvier 2015

RG : F 13/01439











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2016







APPELANTE :



société ISERBA

[Adresse 1]

[Localité 1]



représ

entée par Me Denis ROUANET, avocat au barreau de LYON substitué par Me Frédéric LALLIARD de la SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET, avocat au barreau de LYON







INTIMÉE :



[C] [T]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 2] (59)

Domicile Elu chez Me [P]

[Adresse 2]

[Local...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 15/00463

société ISERBA

C/

[T]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 08 Janvier 2015

RG : F 13/01439

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2016

APPELANTE :

société ISERBA

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Denis ROUANET, avocat au barreau de LYON substitué par Me Frédéric LALLIARD de la SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

[C] [T]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 2] (59)

Domicile Elu chez Me [P]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparante en personne, assistée de Me [Q] [P] de la SELARL DELGADO & [P], avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 19 Octobre 2016

Présidée par Ambroise CATTEAU, Vice-Président placé magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Michel SORNAY, président

- Didier PODEVIN, conseiller

- Ambroise CATTEAU, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 14 Décembre 2016 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

Le 12 juillet 2010, Madame [T] a été embauchée par la société ISERBA, exerçant une activité de maintenance immobilière et comptant près de 700 salariés, sous contrat à durée déterminée renouvelée à deux reprises, puis sous contrat à durée indéterminée en tant que responsable juridique et ressources humaines à compter du 1er avril 2011, la relation de travail étant soumise à la convention collective nationale du bâtiment ( ETAM et IAC ).

Le 5 octobre 2012, Madame [T] était placée en arrêt de travail pour une durée d'un mois à l'issue de laquelle, le médecin du travail délivrait, le 4 novembre suivant, un avis d'inaptitude en raison du danger grave et imminent auquel elle était exposée dans l'entreprise.

Le 12 décembre 2012, la société ISERBA proposait par courrier à Madame [T] six postes de reclassement après avis des délégués du personnel, lesquels étaient refusés par courrier en date du 19 décembre suivant.

Le 20 décembre 2012, Madame [T] était convoquée à un entretien préalable auquel elle n'assistait pas pour raison médicale et par courrier reçu le 7 janvier 2013, la société ISERBA lui notifiait son licenciement pour inaptitude en raison de son reclassement impossible et du refus des postes proposés.

Le 28 mars 2013, Madame [T] saisissait le Conseil des Prud'hommes de Lyon aux fins de contestation de la validité de son licenciement et de paiement des indemnités de rupture et de diverses sommes.

Par jugement du 8 janvier 2015, le Conseil des Prud'hommes de Lyon jugeait que le licenciement de Madame [T] est sans cause réelle et sérieuse et condamnait la société ISERBA à lui payer les sommes de :

- 39 000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de cause réelle et sérieuse,

- 2 460 € au titre de la prime de progrès du second semestre 2012,

- 12 300 € au titre de l'indemnité de préavis

- 1 256,50 € au titre du rappel d'indemnité spéciale de licenciement,

- 1 500 € au titre de ses frais irrépétibles.

En outre, il ordonnait la remise du certificat de congés payés afférents aux droits nés de la prime de progrès et de l'indemnité de préavis et le remboursement aux organismes intéressés des indemnités de chômage versés dans la limite de trois mois.

Enfin, il déboutait Madame [T] de sa demande de paiement des heures supplémentaires et ordonnait l'exécution provisoire des condamnations pour un montant de 20 000 €.

Par courrier reçu le 16 janvier 2015 au greffe de la Cour d'appel de Lyon, la société ISERBA interjetait appel du jugement précité.

L'affaire était plaidée à l'audience du 19 octobre 2016 et mise en délibéré le 7 décembre 2016 prorogée le 14 décembre 2016 à ce jour par mise à disposition au greffe.

La société ISERBA demande à la Cour, de réformer le jugement dans toutes ses dispositions sauf celles déboutant Madame [T] de ses demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et de l'indemnité de repos compensateur et en conséquence, de débouter Madame [T] de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer une indemnité de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles.

Elle conteste que l'inaptitude résulte d'un fait fautif de l'employeur et notamment en raison de la surcharge de travail allégué aux motifs que :

- les reproches de la salariée reposent sur ses seules allégations et ne sont corroborées par aucun élément objectif , cette dernière n'ayant par exemple reçu que la copie pour information d'un courriel en cours d'arrêt maladie,

- le départ de Mesdames [Z] et [N] a été compensé par l'arrivée de Messieurs [Q] et [E] dans un service ressources humaines composé de 8 personnes et de 8 assistants d'agence,

- l'organigramme ne met pas à sa charge la conclusion des contrats de travail et la négociation des ruptures, l'administration du personnel étant confiée au responsable du pôle recrutement,

- le plan d'action pour l'égalité professionnelle homme-femme a été délégué à des membres du service Ressources Humaines et la mise en conformité aux dispositions légales du système d'astreinte faisait partie de ses missions et a été faite en collaboration avec les chefs d'agence et les membres du service ressources humaines.

Elle invoque l'absence de divergence sur la politique de ressources humaines en l'absence de toute preuve rapportée de propos vexatoires et injurieux de Messieurs [Z] et [L] [C] au cours des réunions des 1er et 4 octobre 2012 , Madame [T] n'étant pas visée de façon nominative par ledit courriel adressé à trois autres personnes dont Madame [K], membre de la famille fondatrice. De plus, elle relève l'absence de mesure vexatoire ou de sanction injustifiée invoquée par Madame [T], laquelle ne peut se prévaloir de certificats médicaux ne faisant que reprendre ses allégations alors qu'elle n'a jamais alerté ni son employeur, ni le médecin ou l'inspecteur du travail.

La société ISERBA affirme avoir respecté son obligation de reclassement en interrogeant les sociétés du groupe sur les postes disponibles susceptibles d'être proposés à Madame [T] et lui avoir proposé six postes qu'elle aurait pu occuper y compris si nécessaire à la suite d'une formation complémentaire. Elle soutient que les postes de responsable de paie et de directeur RH étaient incompatibles avec l'avis d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise du médecin du travail et l'exposaient à être en relation avec les mêmes responsables hiérarchiques.

Elle conclut sur les demandes financières à un salaire moyen de 4 017,98 € et non

4 495 €, une ancienneté inférieure à trois ans, une absence de démarche entre le 7 janvier 2013 et les 31 mai 2014, l'absence d'indemnité due au titre d'un préavis non exécuté, et l'absence d'indemnité spéciale due en raison de l'origine non professionnelle de son prétendu accident du travail en date du 1er octobre 2012.

Elle conteste l'exigibilité de la prime de progrès du second semestre 2012 au motif qu'elle était en cours de départ suite à la convocation envoyée le 20 décembre 2012 à entretien préalable.

Enfin, elle soutient que la demande de paiement des heures supplémentaires n'est pas fondée en l'absence de réclamation pendant l'exécution du contrat sur le paiement des 500 heures allégués de travail supplémentaire sur deux ans, les tableaux établis unilatéralement étant à eux seuls insuffisants comme les relevés de télépéage ne tenant pas compte des trajets hors autoroute et du temps perdu dans les encombrements ; En outre, elle relève l'absence de justificatif d'un travail particulier alors que le Directeur des ressources humains atteste avoir les moyens d'exécuter le travail demandé dans le cadre du temps contractuel.

Madame [T] demande à la Cour de confirmer les condamnations prononcées par le jugement déféré sauf à porter le montant des dommages et intérêts pour défaut de cause réelle et sérieuse à 53 952 €.

Elle forme appel incident et demande la condamnation de la société ISERBA, à lui payer les sommes de 15 427,80 € au titre des heures supplémentaires impayées de 2010 à 2012 et de 6 934,35 € au titre du défaut d'information et de la non prise des repos compensateurs pour les années 2010 à 2012, et à lui remettre le certificat de congés payés y afférents. Enfin, elle demande une indemnité de 3 000 € au titre de ses frais irrépétibles.

Elle soutient que son inaptitude résulte d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de protection de sa santé en raison :

- d'une forte charge de travail aux motifs de la récupération de 2/3 des missions de Madame [M] à l'origine d'un malaise sur son lieu de travail en date du 5 avril 2011, de l'augmentation de sa charge de travail suite au départ de Mesdames [N] et [Z], d'un turn over important ( 50 licenciements et 7 ruptures conventionnelles entre janvier et octobre 2012) , d'une restructuration de la région Est, d'une négociation d'un plan d'action sur l'égalité professionnelle homme/femme, d'un projet d'action pénibilité et d'une mise en conformité des astreintes à la réglementation.

- d'une divergence de vue sur la politique des ressources humaines sur un refus de paiement des heures d'un salarié en instance de départ en raison d'un défaut de preuve de ses absences, d'une consultation reprochée du Comité d'entreprise sur la fermeture de l'entreprise les 24 et 31 décembre 2012 ayant donné lieu à des courriels à caractère violent et une agression verbale par Monsieur [C].

Elle invoque un certificat médical du docteur [Y] établissant le lien entre sa souffrance au travail et la dégradation subite de son état de santé fondant son inaptitude.

En outre, elle fonde sa demande sur le non-respect de l'obligation de reclassement, la société ISERBA ne justifiant pas avoir consulté six des sept sociétés du groupe alors que deux offres d'emploi de novembre 2012 ( responsable de paie et directrice des ressources humaines ) et trois postes de chargé de clientèle auraient du lui être proposés.

Elle évalue son préjudice à 12 mois de salaire en l'état d'une grave dégradation de son état de santé et d'une indemnisation par Pôle Emploi jusqu'au 31 mai 2013. Elle invoque un reliquat d'indemnité spéciale de licenciement de 1 256,30 € en raison de l'origine professionnelle de son inaptitude.

Elle soutient que la prime de progrès du second semestre 2012 lui est due au motif qu'aucune condition ne peut lui être opposée et qu'elle n'était pas en instance de départ au 31 décembre 2012, son entretien préalable étant fixé au 2 janvier 2013.

Elle fonde sa demande de paiement d'heures supplémentaires sur un tableau d'heures versé au débat et les relevés de télépéage et invoque l'absence de pièces produites par la société ISERBA de nature à établir les heures de travail effectivement réalisées. En outre, elle invoque les repos compensateurs, contrepartie des heures supplémentaires, dont elle n'a pas bénéficié.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées, qu'elles ont fait viser par le greffier lors de l'audience de plaidoiries et qu'elles ont à cette occasion expressément maintenues et soutenues oralement en indiquant n'avoir rien à y ajouter ou retrancher.

MOTIFS:

Chacune des parties ayant comparu, le présent arrêt sera contradictoire.

1/ Sur les demandes fondées sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse de Madame [T],

Selon les dispositions des articles L 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs lesquelles comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

En application de la directive-cadre 89/391, relative à la mise en oeuvre des mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail, les employeurs doivent prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Cette obligation couvre également les problèmes de stress au travail lorsqu'ils présentent un risque pour la santé et la sécurité.

Ainsi, l'absence de réponse à une alerte du salarié sur sa charge anormale de travail pendant plusieurs mois et la tenue de propos injurieux de l'employeur au salarié peuvent caractériser un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, lequel a pour effet l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement dès lors que ledit manquement a contribué de façon déterminante à l'inaptitude.

En l'espèce, Madame [T] justifie avoir subi un malaise asthénique sur son lieu de travail, le 5 avril 2011, ayant motivé un arrêt de travail de trois jours, sans que la société ISERBA ne justifie d'aucune mesure de prévention, ni s'être interrogé sur son lien avec les conditions de travail.

De plus, il résulte du courriel, en date du 13 décembre 2011 que Madame [T] signalait à Madame [P] [C] épouse [K], l'omission de la période d'essai sur le contrat de travail d'un salarié et justifiait cette erreur par sa charge de travail très importante. Les termes utilisés par Madame [T] tels que ' J'ai récemment soulevé à plusieurs reprises auprès de [P] que je ' me faisais peur et que j'allais commettre des erreurs' compte tenu de la charge de travail........et malheureusement, je suis 'victime' du fort turn-over et du volume à traiter ( la plupart dans l'urgence, la veille pour le lendemain )' sont explicites sur les difficultés éprouvées.

Ainsi, il résulte de ce courriel que Madame [T] alertait son employeur d'une erreur commise et de sa charge de travail jugée excessive. Le courriel mentionne que sa supérieur hiérarchique directe, Madame [K] avait été informée ' à plusieurs reprises', qu'elle travaillait ' la tête dans le guidon' sans pouvoir disposer d'un temps de réflexion nécessaire. Malgré les termes particulièrement explicites dudit courriel sur les difficultés de Madame [T], la société ISERBA ne justifie pas lui avoir fait réponse, ni avoir fait diligenter une forme d'audit pour vérifier la réalité de ses dires, ni avoir pris les mesures de prévention pour remédier à la situation dénoncée en termes clairs et insistants.

Si Monsieur [X], directeur des ressources humaines, a attesté avoir été en mesure d'exercer ses attributions dans le temps contractuel, il n'exerçait pas la même fonction que Madame [T] et aucun élément ne permet d'établir qu'il travaillait dans les mêmes conditions, en terme de charge de travail, une mesure d'enquête interne ou d'audit, si elle avait été diligentée par l'employeur, ayant permis à ce dernier d'établir, le cas échéant, que l'organisation du travail et la charge de travail de Madame [T] étaient adaptés.

Ainsi, l'absence de réponse au courriel en date du 13 décembre 2011, l'absence d'enquête ou d'audit diligenté en réponse, et l'existence d'une activité importante en matière de rupture de contrat de travail, sont des éléments suffisants pour établir une surcharge de travail de nature à porter atteinte à la santé psychologique de Madame [T].

Par ailleurs, l'obligation de préserver la santé psychologique du salarié impose à l'employeur de respecter ce dernier et d'adopter une communication en termes respectueux. L'existence de propos injurieux est un fait juridique dont la preuve se rapporte par tous moyens.

A ce titre, il résulte d'un échange de courriels de mars 2012 qu'au titre du non-paiement des heures de travail d'un salarié en instance de départ pour cause d'absence, Madame [T] avait adopté une position prudente pour le paiement de ses heures au motif de l'absence de preuve de ses absences, le chef d'agence ayant pris la position inverse. Il résulte du courriel de Monsieur [Z] [C] en date du 22 mars 2013 qu'il arbitre en faveur du chef d'agence en affirmant ' nous verrons plus tard qui a tort ou raison' et en ajoutant que Madame [T] n'est pas en contact permanent avec les techniciens et ' S'il vous plaît, n'en rajouter pas une couche'. Ainsi, Madame [T] constatait que sa décision n'était pas soutenue par la direction mais qu'en plus, cette dernière lui était reprochée à travers une expression aussi familière que discourtoise l'invitant à ne pas ' en rajouter une couche'.

Il résulte aussi d'un courriel en date du 4 octobre 2012 que Monsieur [L] [C] s'adressait à son père en affirmant ' voilà ou nous en sommes encore avec le service RH' à propos d'une consultation du comité d'entreprise sur les fermetures des 24 et 31 décembre 2012, Madame [T] présidant cette réunion sur délégation. Ce dernier répondait à 4 personnes dont Madame [T] en précisant que l'encadrement devait comprendre une bonne fois pour toute qu'il était là pour défendre les intérêts de l'entreprise, et se positionnait ' du bon coté de la table' et être solidaire des choix de la direction à défaut de quoi, ' nous n'avons rien à faire ensemble, j'espère que chacun a bien compris le message pour le présent et l'avenir'.

De plus, par courriel, en date du 5 octobre suivant, Madame [T] s'expliquait auprès de Messieurs [Z] et [L] [C] sur l'obligation légale de consulter le comité d'entreprise sous peine de délit d'entrave et dénonçait les propos tenus le lundi 1er octobre 2012 par Monsieur [L] [C] en le citant : ' Je le faisais chier, l'emmerdais avec mes mails...que je pouvais d'ailleurs donner ma démission immédiatement'. D'autre part, Madame [T] justifie avoir confirmé ses propos dans un courriel en date du 9 octobre 2012 adressé à un autre salarié, Monsieur [E] et la société ISERBA ne produit aucun écrit de Monsieur [L] [C] contenant dénégation des propos précités et constituant l'attitude normale d'une personne accusée injustement de propos dont il ne pouvait ignorer la portée.

L'attestation de Madame [P] [K] née [C], soeur de Monsieur [L] [C], en date du 28 mai 2014, soit 18 mois après la saisine du Conseil des Prud'hommes, contestant la tenue des propos injurieux précités, n'a pas de valeur probatoire alors que la société ISERBA ne produit pas le témoignage de Monsieur [Q], seul témoin des faits extérieur à la famille.

En outre, si la Caisse de sécurité sociale a refusé de retenir le caractère professionnel de l'arrêt de travail du 5 octobre au 12 novembre 2012, le choc psychologique généré par les propos injurieux précités est confirmé par cet arrêt de travail délivré pour un syndrome dépressif réactionnel.

De même, le certificat médical du docteur [Y], médecin légiste et neuro-psychiatre, en date du 28 novembre 2012, établit l'absence de prédisposition organique à l'origine de l'état actuel de Madame [T] et constate une pathologie réactionnelle

' à l'évidence l'événement du 1er octobre 2012" et tous les éléments cliniques habituels d'un psychotraumatisme avec troubles anxieux généralisés, mésestime de soi, cauchemars et troubles fonctionnels avec des nausées. Ainsi, les conclusions médicales de l'expert [Y] confirment l'existence d'un traumatisme subi par Madame [T] qu'il considère comme étant en lien avec les faits évoqués par cette dernière en date du 1er octobre 2012. Enfin, l'existence d'un seul avis médical d'inaptitude compte tenu du danger immédiat pour la santé de Madame [T] confirme l'existence d'un traumatisme constitué par les faits dénoncés le 7 octobre 2012.

Ainsi, les éléments précités ( courriel du 7 octobre 2012, absence de contestation écrite par Monsieur [L] [C], confirmation de l'altercation verbale à un autre salarié, arrêt de travail pour syndrome réactionnel et avis médical du docteur [Y]) établissent l'existence de propos grossiers tenus par Monsieur [L] [C] à Madame [T]. Ces derniers constituent un manquement de l'employeur à ses obligations de sécurité et de protection de la santé mentale de cette dernière à l'origine de l'inaptitude et ayant pour effet le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement de cette dernière.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.

2/ Sur les indemnités dues à Madame [T],

Pour déterminer le revenu mensuel moyen, le premier juge a valablement retenu le salaire annuel des douze derniers mois, soit 48 205,79 € outre 5 746 € de congés payés par la Caisse du Bâtiment, soit un revenu mensuel moyen de 4 495,98 €.

- Sur l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité spéciale de licenciement,

Selon les dispositions de l'article 1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus à l'article L 1226-12 alinéa 2 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui sauf, dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L 1234-9.

En l'état de l'inexécution du préavis imputable au fait fautif de son employeur, Madame [T] a droit à une indemnité de préavis de trois mois selon l'article 7.1 de la convention collective des cadres du bâtiment. Il convient de confirmer les motifs non critiqués du jugement déféré ayant retenu un salaire annuel de 48 205,79 € au titre du salaire annuel d'octobre 2011 à septembre 2012, outre 5 746 € de congés payés, soit un salaire mensuel moyen de 4 495,98 € et une indemnité compensatrice de préavis de 12 300 €.

De plus, l'indemnité spéciale de licenciement doit être égale au double de l'indemnité conventionnelle de licenciement, soit 4 878,50 € sur la base d'un salaire mensuel moyen des trois derniers mois de 4 435 €, de sorte que la société ISERBA est débitrice d'un rappel de 1 256,50 €.

- Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Selon les dispositions de l'article 1235-3 du code du travail, en l'absence de réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En l'espèce, en l'état de l'âge de la salariée au jour de son licenciement, de son ancienneté de sa rémunération, ainsi que d'un préjudice moral subi du fait d'un licenciement imputable au fait fautif de l'employeur, de la dégradation de son état de santé, de l'absence d'emploi retrouvé avant le 31 mai 2014, le premier juge a justement évalué le préjudice subi à 39 000 € de sorte que le jugement déféré sera confirmé à ce titre.

3/ Sur la demande de paiement d'une prime de progrès,

Le contrat de travail de Madame [T] stipule une prime semestrielle basée sur un contrat de progrès sans aucune précision sur les conditions et modalités de paiement de ladite prime.

Le contrat de progrès, en date du 25 juin 2012, signé par les parties au titre du premier semestre 2012, donne droit à une prime de 2 460 € au profit de Madame [T]. ainsi, il est établi un usage d'examiner l'octroi de la prime en fin de semestre.

Pour s'opposer à cette demande, la société ISERBA fait valoir qu'en signant ce contrat de progrès, Madame [T] a accepté ses conditions d'application et notamment, celle de ' ne pas être en cours de départ quelque soit le motif...', et qu'en l'espèce elle était bien en cours de départ au sens de cette clause puisqu'elle avait été convoquée le 20 décembre 2012 à un entretien préalable à son licenciement fixé au 2 janvier suivant.

Il apparaît toutefois ce n'est qu'à cause du manquement de la société ISERBA à son obligation de veiller à la santé et à la sécurité de la salariée que celle-ci s'est trouvée "en cours de départ" au 31 décembre 2012.

Cet employeur ne saurait dans ce contexte être fondé à opposer à la salariée un cas d'exclusion de la prime dans lequel il a lui-même placé  fautivement la demanderesse.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société ISERBA à payer à Madame [T] la somme de 2 460 € au titre de cette prime de progrès.

4/ Sur la demande de paiement des heures supplémentaires,

- Sur le rappel d'heures supplémentaires,

En application des dispositions de l'article L 3171- 4 du code du travail, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Selon celles de l'article D 3171- 8 du code du travail, lorsque le salarié travaille en équipe mais selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail est décomptée quotidiennement par enregistrement des heures de début et de fin de période et chaque semaine par récapitulation selon tous moyens du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié.

En l'espèce, la société ISERBA ne produit aucune pièce relative au temps de travail de Madame [T] alors qu'elle avait l'obligation, au titre des dispositions précitées de l'article D 3171-8 du code du travail, d'établir un décompte quotidien par enregistrement et une récapitulation hebdomadaire des heures de travail de cette dernière. Il a été démontré ci-dessus que l'employeur a été informé par courriel de Madame [T] en date du 13 décembre 2011 d'une alerte sur sa charge de travail qu'elle estimait excessive, sans qu'il ne décide de la mise en place d'un décompte de son temps de travail. L'attestation de Monsieur [X] sur la concordance entre sa charge de travail et son temps contractuel n'est pas probante dès lors qu'il occupait la fonction de directeur du service des ressources humaines différente de celle de Madame [T] et à une époque différente de sorte que les charges de travail ne peuvent être utilement comparées.

D'autre part, le contrat de travail de Madame [T] stipule un forfait mensuel d'heures supplémentaires de 13 heures majorées de 25 % en sus des 151,67 heures mensuelles.

Madame [T] étaye sa demande en produisant un tableau précis des heures de travail supplémentaires quotidiennes entre le 23 août 2010 et le 5 octobre 2012, date de son arrêt maladie. Le décompte quotidien des heures est corroboré par le relevé des passages au péage du périphérique nord de [Localité 4], passage obligé pour assurer le trajet entre [Localité 5] et son lieu de travail, à [Localité 6], le télépéage n'ayant pas été utilisé pendant ses jours d'absence. Enfin, l'extrait du site internet Mappy établit un temps de trajet de 7 minutes en moyenne entre son lieu de travail et le passage au péage.

Ainsi, l'employeur ne produit aucune pièce sur le décompte des heures de travail de Madame [T] et la demande de paiement des heures supplémentaires est sérieusement soutenue de sorte que le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Il résulte des décomptes produits que Madame [T] a effectué :

- au titre de l'année 2010, 69,26 heures supplémentaires majorées de 25 % ainsi que 15,12 heures supplémentaires majorées de 50 %, soit un rappel de salaire de

1 907,25 + 499,53 = 2 406, 78 €,

- au titre de l'année 2011, 176,76 heures supplémentaires majorées à 25 % ainsi que 50,98 heures supplémentaires majorées à 50 %, soit un rappel de salaire de 4 995,81 € + 1 717,85 = 6 713,66 €,

- au titre de l'année 2012, 144,66 heures supplémentaires majorées à 25 % ainsi que 51,67 heures supplémentaires majorées à 50 %, soit un rappel de salaire de 4 415,09 + 1 892,27 = 6 307,36 €.

En définitive, la société ISERBA sera condamnée à payer à Madame [T] la somme de 15 427,80 € au titre du paiement du rappel d' heures supplémentaires au titre des années 2010,2011 et 2012.

- Sur la demande d'indemnisation de la contrepartie obligatoire en repos,

Selon les dispositions de l'article L 3121-11 du code du travail, chaque heure supplémentaire effectuée au-delà du contingent ouvre droit, en plus des majorations de salaire habituelles, à une contrepartie obligatoire en repos, laquelle est de 100 % pour les entreprises de plus de 20 salariés. L'article D 3121-14 du même code précise qu'en cas de rupture du contrat avant que le salarié ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos, le salarié reçoit une indemnité correspondante. Enfin, l'article 34 de la convention collective applicable fixe le contingent annuel conventionnel à 180 heures.

En l'espèce, il résulte du décompte du contingent d'heures annuel de l'année 2011 que le dépassement a généré 186,95 heures de contrepartie obligatoire en repos, soit une indemnisation de 4 286,31 €.

Il résulte du décompte du contingent d'heures annuel de l'année 2012 que le dépassement a généré 108,45 heures de contrepartie obligatoire en repos, soit une indemnisation de

2 648,04 €.

Par conséquent, le jugement sera réformé sur ce point et la société ISERBA sera condamnée à payer à Madame [T], une somme de 6 934,45 € à titre d'indemnisation de la contrepartie obligatoire en repos acquise pendant la relation de travail.

Enfin, il sera ordonné à la société ISERBA de produire le certificat de congés payés afférent aux droits à congés payés nés du rappel d'heures supplémentaires et des repos compensateurs des années 2010 à 2012.

5/ Sur les demandes accessoires,

Madame [T] a été contrainte d'engager de nouveaux frais irrépétibles devant la Cour de sorte que l'équité commande de lui allouer une indemnité de 1 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société ISERBA, partie perdante, supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition des parties après que ces dernières aient été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame [C] [T] de ses demandes au titre du rappel d'heures supplémentaires et de l'indemnisation de la contrepartie obligatoire en repos ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société ISERBA à payer à Madame [C] [T] la somme de

15 427,80 € au titre du rappel d'heures supplémentaires impayées et une indemnité de

6 934,35 € au titre du défaut d'information et de la non prise des repos compensateurs, au titre des années 2010 à 2012,

Ordonne à la société ISERBA de produire le certificat de congés payés destiné à la Caisse des congés payés du bâtiment afférent aux droits à congés payés nés du rappel d'heures supplémentaires et des repos compensateurs au titre des années 2010 à 2012,

- Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la société ISERBA à payer à Madame [C] [T], une indemnité complémentaire de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais exposés en cause d'appel;

Condamne la société ISERBA aux entiers dépens d'appel.

Le greffierLe Président

Sophie MascrierMichel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 15/00463
Date de la décision : 14/12/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°15/00463 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-12-14;15.00463 ?
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