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14/12/2016 | FRANCE | N°14/03425

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 14 décembre 2016, 14/03425


AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE







R.G : 14/03425





société SOPREMA ENTREPRISES



C/

[I]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 25 Mars 2014

RG : 12/00708











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2016













APPELANTE :



société SOPREMA ENTREPRISES

[Adresse 1

]

[Localité 1]



représentée par Me Laurent BROQUET de la SELARL CROSET- BROQUET ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON







INTIMÉ :



[E] [I]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 2] (16)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]



représenté par Me Denis ROUANET, a...

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

R.G : 14/03425

société SOPREMA ENTREPRISES

C/

[I]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 25 Mars 2014

RG : 12/00708

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2016

APPELANTE :

société SOPREMA ENTREPRISES

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Laurent BROQUET de la SELARL CROSET- BROQUET ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[E] [I]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 2] (16)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Denis ROUANET, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Octobre 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Michel SORNAY, Président

Didier PODEVIN, Conseiller

Laurence BERTHIER, Conseiller

Assistés pendant les débats de Sophie MASCRIER, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 14 Décembre 2016, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président, et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

Monsieur [E] [I] a été engagé par la société SOPREMA ENTREPRISES en son agence travaux de [Localité 4] selon contrat de travail et durée indéterminée à effet au 5 novembre 2007 en qualité d' « étancheur - chargé de travaux EDF ».

Au dernier état de ses fonctions, il percevait une rémunération mensuelle brute de 1744,20 euros, outre diverses primes.

Après avoir reçu des formations particulières pour la bonne exécution de son contrat de travail, Monsieur [I] a accédé aux sites dits sensibles des centrales nucléaires EDF pour effectuer différents travaux, dont le nettoyage et la maintenance de l'étanchéité des toitures et des terrasses des bâtiments.

Il a fait l'objet de plusieurs avertissements et d'une mise à pied disciplinaire de la part de son employeur .

Le 24 août 2011, Monsieur [F], chef de mission sécurité du Centre Nucléaire de Production d'Electricité (CNPE) du [Localité 5], a été informé de la présence de deux salariés - Monsieur [E] [I] et Monsieur [G] [M] qui travaillait sous l'encadrement du premier - effectuant des travaux de maintenance sur une toiture en terrasse sans protection contre les risques de chutes en hauteur. Aussi a-t-il donné l'ordre d'arrêter immédiatement cette activité en toiture.

Il ressort du rapport d'incident établi le jour-même que Monsieur [I] avait ensuite pris l'initiative de rencontrer directement Monsieur [F] pour lui demander de ne pas parler de l'incident à son employeur de peur d'être renvoyé.

Convoqué le 9 septembre 2011 à un entretien préalable fixé au 30 septembre suivant en vue de son licenciement, Monsieur [I] a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 septembre 2011 pour le motif ainsi énoncé :

«' Vous avez volontairement négligé l'obligation du port des E.P.I. lors de votre intervention sur le bâtiment 35 du C.N.P.E. [Localité 5]. Ce n'est malheureusement pas la première fois que vous ne respectez pas les règles élémentaires de sécurité puisque vous aviez fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire en février 2009 pour notamment jet du matériel par-dessus la terrasse lors du repli de chantier.

D'autre part, vous avez reconnu avoir pris l'initiative d'aller rencontrer le Chef de Mission de Sécurité et Radioprotection du site du [Localité 5] qui vous avait surpris sans E.P.I., afin d'essayer de minimiser le caractère grave de la situation. Cette attitude a été très mal perçue par celui-ci qui s'est interrogé sur la capacité de notre société à faire respecter les règles élémentaires de sécurité.

Après avoir entendu vos explications, nous vous informons que nous ne pouvons tolérer ces manquements aux règles de sécurité les plus élémentaires mettant en danger votre propre intégrité et absence de réserves professionnelles nuisant aux relations avec nos clients.

Ces agissements récurrents constituent une faute grave rendant impossible la poursuite de votre activité au service de l'entreprise même pendant un préavis' »

Après avoir contesté la mesure de licenciement prise à son encontre par lettre du 14 novembre 2011 à laquelle son employeur n'a apporté aucune réponse, Monsieur [I] a saisi la juridiction prud'homale le 20 février 2012 en demandant la condamnation de la société SOPREMA ENTREPRISES à lui payer les sommes suivantes :

- 3.596,84 € au titre de l'indemnité de préavis, outre 359,68 € au titre des congés payés afférents,

- 1.420,77 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 32.371,56 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

- 43.162,08 € à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation générale de prévention et de sécurité au travail,

- 1.798,82 € à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation d'information relative au DIF,

- 1.798,42 € à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation d'information relative à la portabilité des garanties de prévoyance,

- 2.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société SOPREMA ENTREPRISES s'est opposée à ses demandes et a sollicité reconventionnellement l'octroi de la somme de 3.000,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile .

Par jugement rendu le 25 mars 2014, le conseil de prud'hommes de Lyon, section industrie, dans sa formation de départage, a :

' Déclaré abusif le licenciement de Monsieur [I] ;

En conséquence,

' Condamné la société SOPREMA ENTREPRISES à lui payer les sommes suivantes :

- 3.596,84 € au titre de l'indemnité de préavis, outre 359,68 € au titre des congés payés afférents, avec intérêt au taux légal à compter du 21 février 2012 ;

- 1.428,77 € au titre de l'indemnité de licenciement, avec intérêt au taux légal à compter du 21 février 2012 ;

- 16.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

' Condamné la société SOPREMA ENTREPRISES à payer à Monsieur [I] la somme de 1.500,00 € à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation générale de prévention et de sécurité au travail ;

' Condamné la société SOPREMA ENTREPRISES à payer à Monsieur [I] la somme de 500,00 € à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation d'information relative au DIF ;

' Condamné la société SOPREMA ENTREPRISES à payer à Monsieur [I] la somme de 1.500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Fixé le salaire mensuel moyen de Monsieur [I] au cours des trois derniers mois de son exercice professionnel à la somme de 1.844,17 € ;

' Prononcé l'exécution provisoire ;

' Rejeté les autres demandes ;

' Condamné la société SOPREMA ENTREPRISES à rembourser à PÔLE EMPLOI la totalité des indemnités de chômage versées à Monsieur [I] du jour de son licenciement à celui de ce jugement et cela dans la limite de 6 mois d'indemnités ;

' Condamné la société SOPREMA ENTREPRISES aux dépens.

Par déclaration enregistrée le 25 avril 2014 au greffe de la cour d'appel, la société SOPREMA ENTREPRISES a régulièrement interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 26 mars 2014. Elle en demande l'infirmation en reprenant oralement à l'audience du 4 octobre 2016, par l'intermédiaire de son conseil, les conclusions régulièrement communiquées qu'elle a fait déposer le 27 janvier 2015 et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de ses prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, et tendant à :

Réformant le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne la portabilité des garanties de prévoyance dont la demande de Monsieur [I] a été rejetée,

Dire et juger que le licenciement notifié à Monsieur [I] selon courrier du 30 septembre 2011 est bien fondé sur motif des fautes graves ;

Dire et juger que Monsieur [I] ne justifie pas du contraire ni, en tout état de cause de ses demandes indemnitaires, que ce soit dans leur principe ou leur quantum sur chacun des postes présentés ;

En conséquence,

Rejeter l'ensemble des demandes indemnitaires de Monsieur [I] comme étant infondées et pour le moins injustifiées ;

En revanche,

Condamner Monsieur [I] à payer à la société SOPREMA ENTREPRISES la somme de 24.007,01 € en remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire attachée au jugement de départition du 25 mars 2014 et ce, avec intérêt au taux légal à compter du 12 mai 2014, outre capitalisation des intérêts ;

Condamner Monsieur [I] à payer à la société SOPREMA ENTREPRISES la somme de 5.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance.

Monsieur [I] a pour sa part fait reprendre à cette audience par l'intermédiaire de son conseil les conclusions régulièrement communiquées qu'il a transmises le 13 avril 2015 et auxquelles il est pareillement référé pour l'exposé de ses prétentions et moyens, aux fins de voir:

Confirmer la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a, d'une part, dit et jugé abusif le licenciement prononcé à l'encontre de Monsieur [I] et d'autre part, dit que Monsieur [I] est fondé à solliciter la condamnation de son employeur au paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Y ajoutant,

Condamner la société SOPREMA ENTREPRISES à verser à Monsieur [I] la somme nette de 32.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société SOPREMA ENTREPRISES à verser à Monsieur [I] la somme nette de 43.000,00 € à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation générale de prévention et de sécurité au travail ;

Condamner la société SOPREMA ENTREPRISES à verser à Monsieur [I] la somme nette de 1.798,42 € à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation d'information relative au DIF ;

Condamner la société SOPREMA ENTREPRISES à verser à Monsieur [I] la somme nette de 1.798,42 € à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation d'information relative à la portabilité des garanties de prévoyance ;

Condamner la société SOPREMA ENTREPRISES à verser à Monsieur [I] la somme nette de 2.000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la même aux entiers dépens.

SUR CE,

La Cour,

1°) Sur le licenciement :

Attendu que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée même limitée du préavis ; qu'il appartient à l'employeur qui s'en prévaut d'en rapporter la preuve ;

Attendu que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, reproche principalement à Monsieur [I] d'avoir volontairement négligé l'obligation de port de son Equipement de Protection Individuelle (EPI) lors de son intervention sur le bâtiment 35 du Centre Nucléaire de Production d'Electricité du [Localité 5] , alors qu'il avait déjà fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire au mois de février 2009 pour avoir jeté du matériel par-dessus la terrasse lors du repli d'un chantier ;

Attendu que la matérialité des faits est démontrée par la société SOPREMA ENTREPRISES qui verse aux débats la photographie prise le 24 août 2011 de deux ouvriers couvreurs de l'entreprise effectuant des travaux de maintenance sur la toiture en terrasse d'un bâtiment du CNPE du [Localité 5] sans la moindre protection contre les risques de chutes ;

que cette photo a été transmise au chef de la mission sécurité du site qui a fait arrêter le chantier le jour-même dans l'attente de sa mise en sécurité ;

Attendu que Monsieur [I] ne conteste pas avoir travaillé ce jour en hauteur sans ses équipements de protection individuelle contre les risques de chute, mais en impute la responsabilité à la société SOPREMA ENTREPRISES ;

que dans sa lettre du 14 novembre 2011, antérieure à la saisine du conseil de prud'hommes, il écrivait déjà à son employeur :

« Je porte à votre connaissance que c'est vous et le donneur d'ordre qui m'avez mis dans la situation que vous me reprochez. En effet, il y a une terrasse de toit sur dix qui est en sécurité ' » ;

Attendu que pour contester le jugement rendu par le conseil de prud'hommes ayant déclaré abusif le licenciement de Monsieur [I] au motif que l'employeur ne pouvait reprocher au salarié d'avoir commis une faute en n'utilisant pas de harnais à défaut pour lui de prouver que les équipements individuels pouvaient être ancrés sur des points pouvant les supporter et identifiés comme tels, la société SOPREMA ENTREPRISES soutient que Monsieur [I] disposait bien du matériel nécessaire à une mise en sécurité du site, et notamment d'un harnais qu'il pouvait fixer à un point d'ancrage, et que ceux-ci étaient en nombre suffisant ainsi qu'en a attesté Monsieur [G] [M] qui travaillait avec lui ce jour ;

Attendu qu'il est reconnu par les parties qu'il n'existait aucun dispositif de protection collective le 24 août 2011 pour prévenir les chutes du personnel de la société SOPREMA ENTREPRISES travaillant sur la toiture en terrasse du bâtiment 35 du CNPE du [Localité 5] ;

que l'inspecteur du travail de l'Autorité de Sûreté Nucléaire, seul compétent en matière de bâtiments nucléaires, a ensuite procédé le 19 décembre 2011 à une inspection des toitures et terrasses des bâtiments du site et a fait connaître par lettres du 31 janvier 2012 aux sociétés concernées que :

« la majorité des toitures et terrasses ne sont pas sécurisées par des protections collectives de type garde-corps, dans des proportions variant d'environ 50 % pour les bâtiments industriels à près de 80 % pour les bâtiments administratifs. Certaines toitures comportent par ailleurs des lanterneaux ne disposant pas de système de protection contre les chutes. Enfin, la grande majorité de ces toitures n'est pas non plus équipée de lignes de vie ou points d'ancrage, éléments nécessaires à l'utilisation effective des protections individuelles (type harnais) par les intervenants » ;

Attendu qu'un plan de prévention avait cependant été établi avant le début des travaux par les sociétés EDF et SOPREMA ENTREPRISES conformément aux dispositions de l'article R. 4512-6 du code du travail ;

qu'il en ressort qu'après avoir procédé à une inspection commune préalable, ces deux sociétés avaient défini les mesures à prendre pour pallier les risques de chutes en hauteur de la toiture ou de la terrasse, et qu'elles consistaient pour la société SOPREMA ENTREPRISES, au titre des mesures particulières, dans le port du harnais de sécurité pour ses salariés ;

que toutefois, l'analyse commune des risques par les deux sociétés « aurait dû révéler l'absence de sécurisation de nombreuses toitures et l'impossibilité pour les salariés de mettre en 'uvre les équipements de protection individuelle mis à disposition » ainsi que l'a relevé l'inspecteur du travail ;

Attendu que pour écarter toute suspicion de faute de sa part, la société SOPREMA ENTREPRISES soutient que Monsieur [I] avait reçu les formations nécessaires en matière de sécurité pour pouvoir mettre lui-même en place le dispositif de sécurité opportun, ainsi qu'il en avait directement l'obligation selon le livret de sécurité qu'elle verse aux débats, et que les points d'ancrage étaient en nombre suffisant comme en a attesté Monsieur [M] ;

Mais attendu que le livret de sécurité est un manuel remis à l'ensemble du personnel de l'entreprise définissant d'une manière générale les risques encourus, les mesures de prévention et la conduite à tenir en cas d'accident, sans aucune force contraignante ;

que Monsieur [M], ouvrier étancheur, ne disposait d'aucune compétence en matière de sécurité pour apprécier l'existence ou non de points d'attache auxquels auraient pu être fixés les harnais du personnel travaillant sur la toiture du bâtiment 35;

Attendu enfin que l'article R. 4323-61 met à la charge du seul employeur la définition et la localisation des points d'ancrage et dispositifs d'amarrage :

« Lorsque les dispositifs de protection collective ne peuvent être mis en 'uvre à partir d'un plan de travail, la protection individuelle des travailleurs est assurée au moyen d'un système d'arrêt de chute approprié ne permettant pas une chute libre de plus d'un mètre ou limitant dans les mêmes conditions les effets d'une chute de plus grande hauteur'

L'employeur précise dans une notice les points d'ancrage, les dispositifs d'amarrage et les modalités d'utilisation de l'équipement de protection individuelle » ;

qu'il s'ensuit que la société SOPREMA ENTREPRISES est mal fondée à reprocher à Monsieur [I] d'avoir commis une faute en s'abstenant d'utiliser son équipement individuel de protection consistant en un harnais et d'avoir omis de déterminer les points d'ancrage pouvant être utilisés pour le soutenir en cas de chute, alors qu'il lui appartenait de définir elle-même préalablement ces points d'ancrage et dispositifs d'amarrage des harnais ainsi que les modalités d'utilisation de cet équipement, et de les préciser dans une notice remise aux salariés devant opérer sur la terrasse en toiture;

que tel était au demeurant l'avis exprimé le 30 janvier 2012 par l'inspecteur du travail dans sa correspondance adressée au directeur de la société SOPREMA ENTREPRISES :

« Par ailleurs, j'ai été informé du licenciement d'un de vos salariés, Monsieur [I], pour faute grave. Il est reproché à cette personne l'absence du port de ces équipements de protection individuelle (harnais) alors qu'il intervenait en août 2011 sur la toiture du bâtiment administratif n°35 du centre nucléaire de production d'électricité de [Localité 5]. Lors de ma visite du 19 décembre 2011, j'ai pu constater que le toit du bâtiment n°35 n'était pas équipé de lignes de vie ou de points d'ancrage qui auraient pu être utilisés par ce salarié pour se mettre en sécurité. Ce constat m'a été confirmé par le représentant d'EDF DIRRAA et par les rapports d'entretien de votre société pour les années 2010 et 2011. Dans ces conditions, il paraît difficile de reprocher à un salarié l'absence de port de protection individuelle, les conditions d'utilisation de cette protection n'étant pas mises en place par l'employeur. Je pointe en revanche l'absence d'analyse de risque pertinente et des conditions nécessaires pour assurer la sécurité de vos salariés vis-à-vis du risque de chute. Aussi, au vu de ces éléments, il paraît improbable de retenir la faute grave à l'encontre de votre salarié » ;

que la société SOPREMA ENTREPRISES ne pouvait dès lors répondre qu'en l'absence de protection collective, ses salariés avaient pour consigne d'installer eux-mêmes tous les équipements de protection individuelle normalisés mis à leur disposition pour travailler en toute sécurité, tels que harnais, stop chute, anneaux d'ancrage, lignes de vie provisoires, et de les démonter après chaque intervention, alors qu'il ressort expressément du texte précité qu'elle avait l'obligation réglementaire de définir elle-même dans une notice les points d'ancrage et dispositifs d'amarrage avant le début des travaux, ce dont elle s'est abstenue ;

Attendu que la société SOPREMA ENTREPRISES reproche enfin à Monsieur [I] son intervention auprès du chef de mission de sécurité et radioprotection du site du [Localité 5] afin de tenter de minimiser la gravité de la situation, son attitude ayant été très mal perçue par ce dernier qui se serait interrogé sur la capacité de la société à faire respecter les règles élémentaires de sécurité ;

que dans ses conclusions déposées devant la cour, elle fait état d'une attitude de dénigrement du salarié à l'égard de l'entreprise qui aurait été révélatrice de la conscience qu'il avait de la situation ;

Attendu cependant que Monsieur [I] prétend n'avoir jamais tenté de minimiser quoi que ce soit, mais avoir seulement souhaité obtenir des renseignements sur la situation au regard de la sécurité ;

que la société SOPREMA ENTREPRISES ne verse aux débats aucun élément de nature à établir les propos qu'elle impute au salarié ;

qu'elle ne démontre pas davantage que sa démarche auprès du chef de la mission sécurité aurait engendré des conséquences qui lui auraient été défavorables ;

que le grief ne peut dès lors être retenu, et plus encore être constitutif de faute grave ;

Attendu qu'il importe dans ces conditions de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit qu'aucune faute grave ne pouvait être reprochée à Monsieur [I] et que son licenciement ne reposait pas même sur une cause réelle et sérieuse de sorte qu'il était abusif ;

2°) Sur les demandes indemnitaires afférentes au licenciement :

Attendu que son licenciement ne reposant pas sur une faute grave, Monsieur [I] est fondé à percevoir une indemnité compensatrice de préavis correspondant à 2 mois de salaire en application de la convention collective nationale du bâtiment , dans la mesure où il disposait d'une ancienneté de plus de 2 ans dans l'entreprise, soit la somme de 3.596,84 € brut, outre 359,68 € brut au titre des congés payés afférents;

que le jugement déféré mérite d'être confirmé sur ce point ;

Attendu qu'il convient en outre d'accorder au salarié, qui disposait d'une ancienneté de 3 ans 10 mois et 27 jours, soit 3,9 années de présence effective dans l'entreprise au jour de son licenciement, une indemnité légale de licenciement calculée non sur sa dernière rémunération mensuelle brute mais sur la moyenne de sa rémunération des trois derniers mois, soit 1.519,25 euros brut, plus favorable que la somme de 1.518,52 euros brut correspondant à la moyenne des douze derniers mois de salaire ;

que l'indemnité de licenciement doit en conséquence être fixée à la somme de :

1.519,25 € / 5 x 3,9 = 1.185,02 € ;

qu'il convient dès lors de réformer en ce sens le jugement déféré ;

Attendu enfin qu'en raison de l'effectif supérieur à 11 salariés dans l'entreprise et à l'ancienneté de plus de 2 ans de Monsieur [I], il doit être fait application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de l'absence de cause réelle et sérieuse à son licenciement ;

que la perte injustifiée de son emploi a causé un préjudice important à Monsieur [I] qui est encore à ce jour sans emploi et bénéficie du RSA, tout en éprouvant des difficultés financières importantes dont il justifie par les emprunts souscrits et l'attestation de la présidente du comité du Secours Catholique de [Localité 6] (Ain) intervenue pour des dépannages alimentaires ;

qu'il importe en conséquence d'élever à 18.000,00 € l'indemnité allouée à Monsieur [I] en réparation de son préjudice résultant de son licenciement sans cause réelle et sérieuse par application de l'article précité ;

3°) Sur l'obligation générale de prévention et de sécurité au travail :

Attendu qu'il résulte des développements qui précèdent que la société SOPREMA ENTREPRISES, qui assurait régulièrement l'entretien des toitures et des terrasses du CNPE du [Localité 5] avec EDF DIRRAA, faisait travailler ses salariés en hauteur sur certaines toitures ne disposant pas de système de protection collective contre les chutes ni même de points d'ancrage ou de lignes de vie permettant d'y amarrer des harnais, en méconnaissance de la réglementation en vigueur lui imposant la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés pour prévenir les risques de chutes ;

que dans ces conditions, elle a violé l'obligation générale de prévention énoncée à l'article L. 4121-2 du code du travail ;

qu'il importe en conséquence de la condamner à la réparation du préjudice ainsi causé au salarié, ressortant de son exposition à un risque de chute qui aurait pu lui être fatal, en accordant à ce dernier la somme de 5.000,00 € à titre de dommages-intérêts ;

que le jugement entrepris mérite dès lors d'être encore réformé sur le montant de la somme allouée ;

4°) Sur l'information des droits au DIF :

Attendu qu'aux termes de l'ancien article L. 6323-19 alors applicable, l'employeur devait informer le salarié de ses droits en matière de droit individuel à la formation (DIF) dans la lettre de licenciement ; qu'à défaut, le salarié était fondé à obtenir la réparation de son préjudice ;

Attendu que la lettre de licenciement adressée à Monsieur [I] ne comporte aucune mention relative au DIF ;

Mais attendu que la société SOPREMA ENTREPRISES justifie par le certificat de travail remis au salarié que celui-ci mentionne expressément son solde d'heures acquis et non utilisé au titre du droit individuel à la formation égal à 78,49 heures correspondants à 718,18 euros, ainsi que les coordonnées de l'Organisme Paritaire Collecteur Agréé (OPCA) compétent au titre du DIF ;

qu'en outre Monsieur [I] ne fait état d'aucun préjudice qui lui aurait été occasionné du fait du défaut d'information de ses droits au DIF dans la lettre de licenciement mais seulement 13 jours plus tard lors de la réception de son certificat de travail ;

qu'il ne peut dans ces conditions qu'être débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts présentée à ce titre et le jugement déféré ainsi réformé ;

5°) Sur l'information relative à la portabilité des garanties de prévoyance :

Attendu qu'aux termes de l'article 14 de l'Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail, l'employeur a l'obligation d'informer le salarié, au moment de la rupture de son contrat de travail, soit le dernier jour du préavis et en cas de faute grave dès la lettre de licenciement, sur la portabilité de ses droits santé et prévoyance et, à défaut pour lui de le faire, il s'expose au paiement de dommages-intérêts dès lors que ce défaut d'information a causé un préjudice au salarié ;

qu'en l'espèce, Monsieur [I] a été informé de ses droits par une lettre remise en main propre le 13 octobre 2011 ;

que pour prétendre à l'existence d'un préjudice, le salarié fait valoir qu'en raison de cette information tardive, il n'a pu bénéficier du délai de 10 jours ressortant de l'accord national interprofessionnel précité pour se renseigner utilement sur le bénéfice du maintien des garanties ;

Mais attendu que Monsieur [I] a expressément renoncé à conserver ses garanties de prévoyance et complémentaire santé dès le 13 octobre 2011, et a demandé à la société SOPREMA ENTREPRISES de lui rembourser le montant des cotisations retenues sur son solde de tout compte ;

qu'il ne peut des lors se prévaloir d'aucun préjudice du fait de son information tardive;

que le jugement du conseil de prud'hommes doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts présentée à ce titre en considérant qu'il n'avait pas fait valoir son droit à bénéficier de la portabilité des garanties de prévoyance et qu'il ne démontrait aucun préjudice né du retard apporté à son information ;

Attendu par ailleurs que, pour assurer la défense de ses intérêts devant la cour, l'intimé a été contraint d'exposer des frais non inclus dans les dépens qu'il paraît équitable de laisser, au moins pour partie, à la charge de la société appelante ;

qu'il convient dès lors de condamner la société SOPREMA ENTREPRISES à payer à Monsieur [I] une indemnité de 2.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Attendu enfin que la société SOPREMA ENTREPRISES, qui succombe, ne peut obtenir l'indemnité qu'elle sollicite sur le fondement du même article et supporte la charge des entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement par arrêt rendu public par mise à disposition des parties, après que ces dernières aient été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement rendu le 25 mars 2014 par le conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a :

- déclaré abusif le licenciement de Monsieur [I] ,

- condamné la société SOPREMA ENTREPRISES à lui payer les sommes de 3.596,84 € au titre de l'indemnité de préavis, outre 359,68 € au titre des congés payés afférents, 1.500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société SOPREMA ENTREPRISES à rembourser à PÔLE EMPLOI les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois d'indemnités ;

- débouté Monsieur [I] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour défaut d'information de ses droits à la portabilité des garanties de prévoyance ;

INFIRME le jugement déféré en ses autres dispositions,

et statuant à nouveau,

Condamne la société SOPREMA ENTREPRISES à payer à Monsieur [E] [I] les somme de :

- 1.185,02 € (MILLE CENT QUATRE VINGT CINQ EUROS ET DEUX CENTIMES) à titre d'indemnité de licenciement, outre intérêts au taux légal à compter du 21 février 2012 ;

- 18.000,00 € (DIX HUIT MILLE EUROS) à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

- 5.000,00 € (CINQ MILLE EUROS) à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation générale de prévention et de sécurité au travail ;

DEBOUTE Monsieur [E] [I] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour violation de l'obligation d'information relative au droit individuel à la formation (DIF) ;

FIXE le salaire mensuel moyen de Monsieur [E] [I] au cours des 3 derniers mois de son exercice professionnel à la somme de 1.519,25 euros brut ;

CONDAMNE la société SOPREMA ENTREPRISES à payer à Monsieur [E] [I] la somme de 2.000,00 € (DEUX MILLE EUROS) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

DEBOUTE la société SOPREMA ENTREPRISES de sa demande présentée sur le fondement du même article et la condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le greffierLe Président

Sophie MascrierMichel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 14/03425
Date de la décision : 14/12/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon SA, arrêt n°14/03425 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-12-14;14.03425 ?
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