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25/11/2016 | FRANCE | N°15/03177

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 25 novembre 2016, 15/03177


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





R.G : 15/03177





[B]



C/

SA GL EVENTS CITE CENTRE DE CONGRES LYON







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 26 Mars 2015

RG : F 13/04285

COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2016



APPELANT :



[Q] [B]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 2]


>Comparant en personne, assisté de Me Julie SANDOR, avocat au barreau de PARIS



INTIMÉE :



SA GL EVENTS CITE CENTRE DE CONGRES LYON

[Adresse 3]

[Adresse 4]



Représentée par Me Joseph AGUERA de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

R.G : 15/03177

[B]

C/

SA GL EVENTS CITE CENTRE DE CONGRES LYON

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 26 Mars 2015

RG : F 13/04285

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2016

APPELANT :

[Q] [B]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Comparant en personne, assisté de Me Julie SANDOR, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

SA GL EVENTS CITE CENTRE DE CONGRES LYON

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentée par Me Joseph AGUERA de la SCP JOSEPH AGUERA & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Septembre 2016

Présidée par Natacha LAVILLE, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Michel SORNAY, président

- Didier JOLY, conseiller

- Natacha LAVILLE, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 Novembre 2016 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Michel SORNAY, Président et par Gaétan PILLIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société GL EVENTS CITE CENTRE DES CONGRES LYON, ci-après dénommée la société GL EVENTS CCCL, est spécialisée dans l'événementiel et fait partie du groupe GL EVENTS.

Suivant contrat à durée déterminée, la société SECIL, aux droits de laquelle intervient la société GL EVENTS CCCL, a engagé [Q] [B] en qualité de comptable, position 2, catégorie 1, coefficient 275, pour une période de six mois à compter du 15 novembre 1996 pour un surcroît d'activité.

Au dernier état de la relation contractuelle qui s'est poursuivie pour une durée indéterminée et qui a fait l'objet de plusieurs avenants, [Q] [B] a occupé le poste de responsable du service comptable, statut cadre, position 2.3, coefficient 150, moyennant une rémunération forfaitaire brute annuelle s'établissant à la somme de 44 863 euros versée en 12 mensualités pour 215 jours travaillés sur l'année; une rémunération variable pour l'année 2009 a été prévue par avenant .

La relation de travail était régie par la Convention Collective Nationale applicable au Personnel des Bureaux d'Études Techniques, des Cabinets d'Ingénieurs-Conseils et des Sociétés de Conseils, dite convention SYNTEC.

[Q] [B] a été placé en arrêt de travail pour maladie ininterrompu à compter du 14 mai 2013.

[Q] [B] a par l'intermédiaire de son avocat fait savoir à son employeur par courrier du 1er juin 2013 qu'il était victime d'une surcharge de travail et que ces faits constituaient un harcèlement moral; qu'il avait droit à la rémunération afférente au poste de directeur administratif et financier; qu'il n'avait pas perçu sa prime variable en 2009; et qu'il avait droit au paiement d'heures supplémentaires faute de convention individuelle de forfait. Par courrier du 10 juin 2013, il a chiffré toutes ses demandes indemnitaires pour un montant total d'environ 160 000 euros.

Dans le cadre de la visite de reprise de son poste dans l'entreprise, [Q] [B] a été examiné les 2 et 18 juillet 2013 par le médecin du travail qui a conclu le second examen comme suit:

'Suite aux visites du 2 juillet et de ce jour, suite à l'étude de poste du 9 juillet, est déclaré inapte à son poste de travail.

Serait apte à un poste de travail dans un autre environnement '.

Par courrier du 19 juillet 2013 qui est resté sans suite, la société GL EVENTS CCCL a demandé au médecin du travail de préciser la nature de la restriction que le terme 'environnement' employé dans l'avis d'inaptitude sous-entendait.

Le même jour, la société GL EVENTS CCCL a adressé à [Q] [B] un questionnaire préalable à un reclassement éventuel au sein du groupe à l'étranger.

A l'issue des recherches menées au sein du groupe, la société GL EVENTS CCCL a proposé à [Q] [B] par courrier du 24 juillet 2013 trois postes de reclassement: un de chargé d'affaires à [Localité 2]; un de coordinateur ADV à [Localité 3]; un de coordinateur événements à [Localité 4]. Puis, par courrier du 31 juillet 2013, l'employeur a proposé deux autres postes de reclassement: comptable clients/fournisseurs à [Localité 5]et coordinateur dépôt à [Localité 6].

Par lettre du 9 août 2013, [Q] [B] a refusé toutes les propositions de reclassement au motif que les postes visés étaient d'un niveau hiérarchique très inférieur au poste qu'il occupait.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 19 août 2013, la société GL EVENTS CCCL a convoqué [Q] [B] le 26 août 2013 en vue d'un entretien préalable à son licenciement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 juillet 2013, la société GL EVENTS CCCL a notifié à [Q] [B] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement dans les termes suivants:

'Cher [Q],

(...)

Le médecin du travail vous a en effet reconnu entièrement inapte à assumer vos fonctions de responsable service comptable en raison de votre incapacité à effectuer les missions qui sont les vôtres dans votre environnement de travail.

Au vu des recommandations du médecin du travail, nous avons alors cherché activement les possibilités de vous reclasser au sein de notre société et du groupe auquel nous appartenons dans un poste compatible avec les contraintes liées à vos capacités physiques.

En dépit des offres de reclassement que nous vous avons proposées en date du 24 juillet et du 31 juillet 2013 et que vous avez refusées, il ne nous a pas été possible de vous proposer d'autres postes de reclassement conformes aux dispositions faites par le médecin du travail au sein de notre entreprise et du groupe auquel nous appartenons.

Dans ces conditions, et compte tenu de l'impossibilité dans laquelle nous nous trouvons de vous proposer un poste de travail compatible avec votre état de santé, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour inaptitude physique non professionnelle.

(...)'

Le 12 septembre 2013, [Q] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON en lui demandant:

- à titre principal de juger que l'inaptitude est liée à un harcèlement moral, que le licenciement est donc nul, et de condamner en conséquence la société GL EVENTS CCCL au paiement de dommages et intérêts pour nullité du licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, de dommages et intérêts pour préjudice moral, de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de prévention du harcèlement moral et de dommages-intérêts pour licenciement nul,

- à titre subsidiaire de juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner en conséquence la société GL EVENTS CCCL au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents,

- de condamner la société GL EVENTS CCCL au paiement d'un rappel de salaire au titre de la prime 2009 et les congés payés afférents, d'un rappel de salaire au titre de la prime variable 2013 et les congés payés afférents, d'un rappel de salaire au titre de son classement au niveau directeur administratif et financier et les congés payés afférents, d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et les congés payés afférents du fait de la nullité de la convention de forfait, de dommages et intérêts pour absence de formation professionnelle, d'une indemnité pour travail dissimulé et d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société GL EVENTS CCCL à la capitalisation des intérêts et à la remise d'une attestation Pôle Emploi rectifiée.

Par jugement rendu le 26 mars 2015, le conseil de prud'hommes a:

- dit que le licenciement de [Q] [B] n'est pas nul, qu'il repose sur une cause réelle et sérieuse, et a débouté [Q] [B] de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail,

- débouté [Q] [B] de sa demande au titre de la prime de l'année 2009,

- condamné la société GL EVENTS CCCL à payer à [Q] [B] la somme de 3 847.50 euros au titre de la prime 2013 et 348.75 euros au titre des congés payés afférents,

- jugé que [Q] [B] doit être classé directeur administratif et financier, coefficient 210, position 3.2 de la convention collective, et a condamné la société GL EVENTS CCCL au paiement de la somme de 7 685.60 euros à titre de rappel de salaire et 768.56 euros au titre des congés payés afférents,

- débouté [Q] [B] de sa demande au titre du préjudice moral,

- débouté [Q] [B] de sa demande au titre du non respect de l'obligation de prévention du harcèlement moral,

- jugé que la convention de forfait de [Q] [B] est nulle et de nul effet, que le régime des heures supplémentaires s'applique à [Q] [B] et a condamné la société GL EVENTS CCCL au paiement de la somme de 24 391.61 euros à titre de rappel de salaire pour des heures supplémentaires et 2 493.16 euros au titre des congés payés afférents,

- débouté [Q] [B] de sa demande au titre du travail dissimulé,

- condamné la société GL EVENTS CCCL au paiement de la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de formation professionnelle,

- ordonné à la société GL EVENTS CCCL de délivrer à [Q] [B] une attestation Pôle Emploi conforme au jugement,

- fait droit à la demande de capitalisation des intérêts,

- condamné la société GL EVENTS CCCL au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

- condamné la société GL EVENTS CCCL aux dépens.

°°°°°°°°°°°°°°°°°

La cour est saisie de l'appel interjeté le 13 avril 2015 par [Q] [B].

Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 28 septembre 2016, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, [Q] [B] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sur le rappel de salaire au titre de la prime variable 2013 avec les congés payés afférents, sur le classement au niveau directeur administratif et financier et le rappel de salaire subséquent avec les congés payés afférents, sur la nullité de la convention de forfait, sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires avec les congés payés afférents, sur les dommages et intérêts pour absence de formation professionnelle, sur l'attestation Pôle Emploi et sur l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour le surplus, [Q] [B] demande à la cour de réformer le jugement entrepris et:

- à titre principal de juger que l'inaptitude est liée à un harcèlement moral, que le licenciement est nul et de condamner en conséquence la société GL EVENTS CCCL au paiement des sommes suivantes:

* 59 665.68 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement,

* 11 934 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1 193.40 euros au titre des congés payés afférents,

- à titre subsidiaire de juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse pour manquement à l'obligation de sécurité et manquement à l'obligation de reclassement, et de condamner en conséquence la société GL EVENTS CCCL au paiement des sommes suivantes:

* 59 665.68 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 11 934 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1 193.40 euros au titre des congés payés afférents,

- de condamner la société GL EVENTS CCCL à la capitalisation des intérêts, à la remise d'une attestation Pôle Emploi rectifiée ainsi qu'au paiement des dépens et des sommes suivantes:

* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

* 1 350 euros à titre de rappel de la prime 2009 et 135 euros au titre des congés payés afférents,

* 23 868 euros pour travail dissimulé du fait de l'absence de convention de forfait,

* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de suivi des modalités du forfait jours (demande omise dans le dispositif mais qui figure en page 23 des conclusions de [Q] [B]),

* 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions régulièrement communiquées, visées par le greffier et développées oralement à l'audience du 28 septembre 2016, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, la société GL EVENTS CCCL demande à la cour:

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [Q] [B] de ses demandes au titre du harcèlement moral, du bien-fondé du licenciement et de la prime variable sur l'année 2009,

- de réformer pour le surplus et de débouter [Q] [B] de l'intégralité de ses demandes,

- de condamner [Q] [B] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

1 - sur le harcèlement moral et la validité du licenciement

Attendu qu'en application des dispositions des articles L1152-1 et suivants du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet des dégradations de ses conditions de travail susceptibles notamment d'altérer sa santé physique ou mentale;

Attendu qu'en vertu de l'article L 1152-4 du code du travail, l'employeur est tenu de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Attendu que l'indemnisation du salarié au titre des agissements de harcèlement moral résultant du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité se cumule avec celle au titre du manquement de l'employeur à son obligation de prévention des agissements de harcèlement moral.

Attendu que le licenciement prononcé pour une inaptitude physique qui a pour origine des faits de harcèlement moral est nul de plein droit.

Attendu qu'en cas de litige reposant sur des faits de harcèlement moral, le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement; qu'il appartient ensuite au juge d'apprécier si ces éléments pris séparément ou dans leur ensemble permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Attendu qu'en l'espèce, [Q] [B] fait valoir qu'il a subi des faits constitutifs de harcèlement moral qui sont à l'origine de son inaptitude; qu'il demande à la cour de condamner la société GL EVENTS CCCL 'pour harcèlement moral' sans préciser toutefois le montant de dommages et intérêts qui seraient sollicités au titre des agissements de harcèlement moral; qu'il appartient donc à la cour de se prononcer sur l'existence d'une situation de harcèlement moral.

Attendu que la cour considère en outre qu'elle est saisie d'une demande en paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de prévention du harcèlement moral; que cette demande a en effet été présentée devant le conseil de prud'hommes qui a débouté [Q] [B] de ce chef; que la demande n'a pas été reprise expressément dans le dispositif des conclusions de [Q] [B]; que ce dernier a toutefois fait appel de l'intégralité des dispositions du jugement qui l'a débouté de ses prétentions;

Attendu que [Q] [B] demande enfin à la cour de prononcer la nullité de son licenciement au motif que l'inaptitude a pour origine des faits de harcèlement moral, et de condamner la société GL EVENTS CCCL au paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul et du préavis.

Attendu qu'ainsi, la cour doit apprécier en premier lieu la réalité des agissements de harcèlement moral invoqués pour ensuite se prononcer sur les demandes ainsi présentées.

Attendu que l'appelant invoque les agissements suivants de la société GL EVENTS CCCL qui constituent selon lui un harcèlement moral:

- les attributions de responsable administratif et financier de [Q] [B] ont été alourdies par les missions du responsable des ressources humaines qui a quitté ses fonctions en 2005 d'une part et les missions du contrôleur de gestion à la suite de son départ en 2011 d'autre part;

- le poste de contrôleur de gestion a été pourvu par des intérimaires et n'a fait l'objet d'aucun recrutement pérenne alors que les effectifs du service de [Q] [B] étaient réduits à un comptable et un aide-comptable;

- l'employeur n'a donné aucune suite aux multiples correspondances de [Q] [B] (courrier du 17 juillet 2006; courriel du 24 novembre 2011; courriel du 23 décembre 2011; courrier du 2 janvier 2012; courriel du 12 janvier 2012; courrier du 30 juin 2012) et à ses déclarations lors de ses entretiens annuels d'évaluation (en 2010 et en 2011) par lesquels le salarié persistait à dénoncer sa surcharge de travail;

- l'épuisement et le surmenage professionnels ont provoqué chez [Q] [B] un état d'anxiété qui a conduit successivement à des arrêts de travail, à une inaptitude, au licenciement et à l'impossibilité d'assumer à nouveau des postes à responsabilité.

Attendu qu'il ressort des pièces du dossier que:

- les alertes de [Q] [B] adressées à son employeur pour l'avertir de la surcharge de travail pesant sur lui-même et son service d'une part et pour obtenir la création d'un poste de contrôleur de gestion d'autre part ont été effectuées en 2006 (courriels des 5 et 6 juillet 2006 suivi d'un courriel du 17 juillet 2006); ces alertes ont été suivies d'effet puisque [S] [S], salarié qui exerçait au sein du service de [Q] [B], a occupé les fonctions contrôleur de gestion à partir de l'année 2007 ainsi que cela ressort de l'attestation de l'intéressé versé aux débats;

- qu'à la fin de l'année 2011, date de la vacance du poste de contrôleur de gestion à la suite du départ de [S] [S] qui n'avait été affecté que de manière temporaire, [Q] [B] a refusé par courriel du 2 janvier 2012 la proposition de la société GL EVENTS CCCL tendant à pourvoir le poste de contrôleur de gestion d'abord par un intérimaire durant trois mois, puis dans le cadre d'une mobilité interne au groupe auquel appartient la société GL EVENTS CCCL;

- que la cour est dans l'impossibilité de vérifier l'imputation de l'état d'anxiété dont souffre incontestablement [Q] [B] aux conditions de travail de ce salarié; que les pièces versées correspondent à des certificats médicaux qui constatent un état mais qui en aucun cas ne se prononcent de manière formelle sur le lien de causalité allégué entre cet état et les conditions de travail du salarié; que [Q] [B] n'est donc pas fondé à s'en prévaloir pour soutenir qu'il a été victimes de faits constitutifs de harcèlement moral sur son lieu de travail.

Attendu qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que [Q] [B] n'établit pas la matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, soient de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral en ce qu'ils auraient eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible notamment d'altérer sa santé physique ou mentale.

Attendu que [Q] [B] se trouve dès lors mal fondé à soutenir que son licenciement pour inaptitude trouve son origine dans des faits de harcèlement moral ; que le licenciement se trouve dès lors valable; que [Q] [B] doit être débouté de l'intégralité de ses demandes au titre du harcèlement moral et de l'intégralité de ses demandes au titre du licenciement nul; que le jugement déféré sera confirmé de ces chefs.

2 - sur le bien-fondé du licenciement

Attendu qu'il résulte des articles L.1232-1 et L 1232-6 du code du travail que le licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse et résulte d'une lettre de licenciement qui en énonce les motifs;

qu'en vertu de l'article 1235-1 du code du travail, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles; que si un doute subsiste, il profite au salarié;

que la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

Attendu qu'en l'espèce, [Q] [B] conteste son licenciement en invoquant à l'encontre de la société GL EVENTS CCCL à titre principal un manquement à son obligation de sécurité de résultat et à titre subsidiaire un manquement à son obligation de reclassement.

2.1. sur l'obligation de sécurité de résultat

Attendu qu'aux termes de l'article L 4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu, pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, de prendre les mesures nécessaires qui comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés; que doit l'employeur veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Attendu que [Q] [B] reproche à la société GL EVENTS CCCL de n'avoir pris aucune mesure de protection à son égard alors que le salarié l'avait alertée à de multiples reprises sur sa surcharge de travail, et d'avoir ainsi maintenu son organisation de travail; que cette abstention caractérise selon [Q] [B] un manquement de la société GL EVENTS CCCL à son obligation de sécurité de résultat qui se trouve à l'origine de l'inaptitude et qui rend donc le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mais attendu qu'il convient de rappeler au vu pièces du dossier:

- que [Q] [B] a réclamé en 2006 à son employeur à l'occasion de diverses correspondances la création d'un poste de contrôleur de gestion au sein de son service afin de soulager sa charge de travail;

- que le salarié a été satisfait puisque ce poste a été pourvu en 2007 avec l'affectation de [S] [S] de manière temporaire;

- que l'employeur ne prévoyant pas de pérenniser ce poste à la fin de l'année 2011, la société GL EVENTS CCCL a proposé à [Q] [B] de pourvoir le poste de contrôleur de gestion d'abord par un intérimaire durant trois mois puis dans le cadre d'une mobilité interne au groupe auquel appartient la société GL EVENTS CCCL; que [Q] [B] a refusé cette proposition par courriel du 2 janvier 2012.

Attendu qu'il s'ensuit que l'employeur justifie bien en l'espèce avoir pris les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, si bien que le manquement allégué à son encontre tiré d'une violation de son obligation de sécurité n'est pas caractérisé; que le moyen n'est donc pas fondé.

2.2. sur l'obligation de reclassement pour inaptitude

Attendu que l'article L1226-2 du code du travail dispose que:

'Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.'

Attendu que si le médecin du travail a constaté l'inaptitude physique d'origine non professionnelle d'un salarié, l'employeur est tenu à une obligation de reclassement de ce salarié; qu'à ce titre, il doit faire des propositions loyales et sérieuses, et doit assurer l'adaptation du salarié à son emploi en lui assurant le cas échéant une formation complémentaire; que l'obligation de reclassement s'impose à l'employeur; qu'à défaut, le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse; que l'obligation de reclassement n'est cependant pas une obligation de résultat; que l'employeur n'est donc pas tenu de proposer au salarié déclaré inapte un poste qui n'existe pas.

Attendu qu'en l'espèce, [Q] [B] soutient que les recherches de reclassement menées par la société GL EVENTS CCCL ne sont ni loyales ni sérieuses.

Attendu qu'il ressort des pièces du dossier:

- que la société GL EVENTS CCCL a interrogé le médecin du travail sur les termes de l'avis d'inaptitude par courrier du 19 juillet 2013; que la circonstance que ce courrier est resté sans réponse ne doit pas être imputée à l'employeur;

- que la société GL EVENTS CCCL justifie qu'elle a procédé à des recherches au sein de l'ensemble du groupe par la production aux débats de son courrier du 23 juillet 2013 adressé au responsable des ressources humaines du groupe mentionnant les informations sur la situation de [Q] [B];

- que la société GL EVENTS CCCL a proposé à [Q] [B] par courrier du 24 juillet 2013 trois postes de reclassement (un chargé d'affaires à [Localité 2]; un coordinateur ADV à [Localité 3]; un coordinateur événements à [Localité 4]) et par courrier du 31 juillet 2013 deux autres postes de reclassement (un comptable clients/fournisseurs à [Localité 5]; un coordinateur dépôt à [Localité 6]);

- que [Q] [B] a par lettre du 9 août 2013 refusé lesdites propositions de reclassement au motif que les postes visés étaient d'un niveau hiérarchique très inférieur au poste qu'il occupait.

Attendu qu'il s'ensuit que la société GL EVENTS CCCL a procédé à une recherche loyale et sérieuse de reclassement de [Q] [B]; que le second moyen soulevé par [Q] [B] n'est donc pas fondé.

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse; que [Q] [B] se trouve mal fondé en ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse; que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté [Q] [B] de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail.

3 - sur le préjudice moral

Attendu que [Q] [B] sollicite le paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil en réparation du préjudice subi du fait du burn-out dont il a été victime à l'occasion de son emploi au sein de la société GL EVENTS CCCL et qui l'empêche d'exercer à nouveau un poste à responsabilité.

Attendu que [Q] [B] ne justifie par aucune pièce de la réalité d'agissements imputables à la société GL EVENTS CCCL qui seraient à l'origine de son épuisement professionnel et de l'impossibilité de poursuivre une carrière comportant des postes à responsabilité; que l'appelant se trouve donc mal fondé en sa demande; que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté [Q] [B] de ce chef.

4 - sur la qualification professionnelle

Attendu qu'il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant

de la classification qu'il revendique.

Attendu qu'en l'espèce, [Q] [B] bénéficie du titre de responsable du service comptable, statut cadre, position 2.3, coefficient 150; qu'il revendique à compter du mois de décembre 2011 la qualification de directeur administratif et financier prévue par la convention collective SYNTEC et la classification à la fonction 3.2. coefficient 210 qui résulte de l'avenant du 21 octobre 2011 sur la classification.

Attendu que la qualification revendiquée par [Q] [B] est ainsi définie par la convention collective SYNTEC:

'- Très larges initiatives et responsabilités

- Oriente et contrôle le travail de ses subordonnés (cadres et non cadres) Coefficient 210

- Très larges initiatives et responsabilités'.

Attendu qu'à l'appui de sa réclamation, [Q] [B] justifie que la mention de directeur administratif et financier apparaît tant sur ses cartes de visite professionnelles remises par son employeur que sur ses signatures professionnelles des courriels;

Qu'il est en outre produit l'entretien d'évaluation pour l'année 2008 établi par [B] [H] en qualité de directeur général de la société GL EVENTS CCCL, soit le titulaire du niveau hiérarchique le plus élevé de l'entreprise; qu'il apparaît que la rubrique consacrée à la fonction est renseignée comme suit: 'directeur administratif et financier'.

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société GL EVENTS CCCL a reconnu sans discussion possible que [Q] [B] a assuré de façon permanente des tâches et responsabilités relevant des fonctions de directeur administratif et financier à compter du mois de décembre 2011;

Qu'aucun élément n'établit que [Q] [B] se serait lui-même attribué ces fonctions comme le soutient à tort l'intimée.

Attendu qu'il s'ensuit que le titre de directeur administratif et financier ainsi que la classification fonction 3.2. coefficient 210 correspondante doivent être appliqués à [Q] [B] au moins depuis l'année 2008;

Qu'il convient en conséquence de faire droit à la demande de [Q] [B] en rappel de salaire présentée par le salarié pour la période du mois de décembre 2011 au mois d'août 2013 à hauteur de 7 685.60 euros qui n'est pas discutée à titre subsidiaire par la société GL EVENTS CCCL; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a jugé que [Q] [B] doit être classé directeur administratif et financier, coefficient 210, position 3.2 de la convention collective, et en ce qu'il a condamné la société GL EVENTS CCCL au paiement de la somme de 7 685.60 euros à titre de rappel de salaire et 768.56 euros au titre des congés payés afférents.

5 - sur les primes variables

Attendu que [Q] [B] sollicite des rappels de salaire comme suit:

- 1 350 euros au titre de la prime variable de 2009 et 135 euros au titre des congés payés afférents,

- 3 847.50 euros au titre du prorata de la prime variable de 2013 et 348.75 euros au titre des congés payés afférents.

5.1. sur la prime variable de 2009

Attendu qu'il est constant que le contrat de travail stipule une rémunération fixe au profit de [Q] [B].

Attendu que pour l'année 2009, les parties ont prévu le versement d'une rémunération variable; qu'à cet effet, elles ont établi un avenant au contrat de travail en date du 3 février 2009 stipulant que la rémunération variable courant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009 se compose de plusieurs primes dont le versement est effectué dans les deux mois suivant la clôture de l'exercice; que ces primes se présentent comme suit:

- une prime annuelle de 1 800 euros pour la réalisation d'un objectif de chiffre d'affaires de 19 880 k€ et un résultat de l'exercice de 1 646 k€;

- une prime annuelle pouvant atteindre 6 300 euros pour la réalisation d'objectifs d'actions sur sites;

- une prime annuelle pouvant atteindre 900 euros pour la réalisation de l'objectif visant à travailler à la mutualisation avec Eurexpo.

Attendu que [Q] [B] a perçu au titre de sa rémunération variable pour l'année 2009 la somme de 5 850 euros.

Attendu que [Q] [B] sollicite le paiement de la somme de 1 350 euros à titre de complément de prime 2009 et 135 euros au titre des congés payés afférents en faisant valoir que ce complément correspond à la partie de sa rémunération variable pour l'année 2009 qui a été supprimée par la société GL EVENTS CCCL;

Qu'il fait valoir que cette suppression est abusive en ce que les objectifs fixés étaient supérieurs à ceux de l'année 2008 et qu'ils n'étaient pas atteignables dans un contexte économique fortement dégradé par la crise financière survenue en 2008.

Attendu toutefois que la cour ne dispose d'aucun élément sérieux établissant que les objectifs fixés pour l'année 2009 n'étaient pas réalisables, alors qu'ils avaient été fixés dans le cadre de l'avenant précité à son contrat de travail d'un commun accord entre l'employeur et le salarié, sans que celui ci n'émette à l'époque la moindre réserve ;

Qu'en outre [Q] [B] ne conteste pas qu'il n'a pas atteint l'intégralité des objectifs fixés pour l'année 2009; que ce salarié ne peut donc pas prétendre au versement de l'intégralité de la rémunération variable de 2009 et sa demande à ce titre doit être rejetée; que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté [Q] [B] de ce chef.

5.2. sur la prime variable de 2013

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats les faits suivants :

' le contrat de travail liant [Q] [B] à la société GL EVENTS CCCL ne prévoyait pas de part variable de sa rémunération mais seulement un salaire fixe ;

' en 2009, les parties ont signé un avenant à ce contrat de travail fixant à [Q] [B] des objectifs en fonction desquels il pouvait percevoir une rémunération variable, cet avenant ne concernant expressément que l'exercice 2009 ;

' bien qu'aucun nouvel avenant n'ait été conclu entre les parties pour les années 2011 et 2012, la société GL EVENTS CCCL a réglé à [Q] [B] une rémunération variable au titre de ces deux exercices la somme de 9 300 euros en mars 2012 qui correspond donc à une prime variable pour l'année 2011, et celle de 9 355 euros en mars 2013 qui correspond donc à une prime variable pour l'année 2012, les parties n'ayant fourni aucune information sur l'éventuel paiement d'une prime sur l'objectif au titre de l'exercice 2010.

Attendu que [Q] [B] sollicite la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 3847 € au titre de sa prime variable pour 2013, montant calculé au prorata du temps qu'il a passé dans l'entreprise au cours de cette année et sur la base du montant de la prime variable de 2012 ;

Que la société GL EVENTS CCCL s'oppose cette demande au motif que le paiement de cette prime sur objectifs n'est prévu ni par le contrat de travail initial, ni par aucun avenant postérieur ;

Attendu que la cour relève qu'en pratique, même si l'avenant du 3 février 2009 ne portait que sur la rémunération variable fixée pour une durée déterminée limitaient l'exercice 2009, l'employeur a continué à verser les années suivantes au salarié une prime sur objectifs d'un montant sensiblement équivalent à celui prévu par l'avenant du 3 février 2009, soit 9000 €;

Que cette reconduction de la rémunération variable au cours de l'exercice suivant a conféré à ces primes sur objectifs une valeur contractuelle opposable à l'employeur ;

Attendu toutefois que [Q] [B] a quitté l'entreprise en cours d'exercice 2013, à la suite de son licenciement pour inaptitude intervenu le 29 juillet 2013 ;

Que le droit au paiement 'prorata temporis' d'une indemnité dite d'objectifs à un membre du personnel ayant quitté l'entreprise, quel qu'en soit le motif, avant la date de son versement ne peut résulter que d'une convention ou d'un usage dont il appartient au salarié de rapporter la preuve ;

Qu'en l'espèce, la cour ne peut que constater que [Q] [B] ne rapporte pas cette preuve et doit donc être débouté de sa demande en paiement de sa rémunération variable au titre de l'exercice 2013 ;

Que le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.

6 - sur la convention de forfait

Attendu que la durée légale du travail effectif des salariés est fixé à 35 heures par semaine.

Attendu qu'il résulte des articles L 3121-43 et suivants du code du travail dans leur version applicables à l'espèce que les salariés qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés, peuvent conclure pour la durée de leur travail une convention individuelle de forfait en jours sur l'année prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.

Attendu que l'article L 3121-46 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce prévoit qu'un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année; que cet entretien porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

Attendu que la méconnaissance des dispositions relatives à l'entretien annuel individuel constitue une exécution déloyale du contrat de travail imputable à l'employeur qui ouvre droit à des dommages et intérêts au profit du salarié.

Attendu que les conventions individuelles de forfait conclues en vertu de l'accord de branche du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail pris en application de la convention collective SYNTEC applicable à l'espèce sont nulles; qu'en effet, il est constant que les modalités de suivi prévues par l'accord de branche ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé.

Attendu que la cour retient que [Q] [B] a conclu avec la société GL EVENTS CCCL une convention individuelle de forfait qui résulte de l'avenant au contrat de travail stipulant que [Q] [B] perçoit une rémunération forfaitaire brute annuelle de 44 863 euros versée en 12 mensualités pour 215 jours travaillés sur l'année.

Attendu que par application des principes susvisés, la convention de forfait conclue par [Q] [B] est nulle.

Attendu que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a jugé que la convention de forfait de [Q] [B] est nulle et de nul effet.

Attendu en outre que pour la première fois en cause d'appel, [Q] [B] présente une autre demande reposant sur la convention de forfait; qu'il sollicite en effet le paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence d'entretien annuel individuel.

Attendu que la société GL EVENTS CCCL n'apporte pas aux débats la moindre pièce faisant la démonstration de ce qu'elle a satisfait aux dispositions de l'article L 3121-46 du code du travail précitées en organisant pour chaque période annuelle l'entretien individuel prévu par ce texte;

Que pour autant, en l'état de la nullité de cette convention de forfait, la cour ne peut que constater que [Q] [B] ne démontre aucunement avoir subi un quelconque préjudice résultant de ce manquement de l'employeur à son obligation d'organiser des entretiens annuels pour suivre avec le salarié les modalités de mise en oeuvre de cette convention de forfait.

Que ce chef de demande sera donc rejeté.

7 - sur les heures supplémentaires

Attendu que les heures effectuées au-delà de la durée légale du travail effectif sont des heures supplémentaires qui donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des 8 premières heures (de la 36ème à la 43ème incluse) et de 50% à partir de la 44ème heure.

Attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, et le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Attendu que la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties; que le salarié est tenu de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande et l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Attendu qu'en l'espèce, la convention de forfait conclue par [Q] [B] étant privée d'effet, le régime des heures supplémentaires exposé ci-dessus lui est dès lors applicable; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a dit que le régime des heures supplémentaires s'applique à [Q] [B].

Attendu qu'il résulte de la pièce n°83 versée par [Q] [B] que celui-ci sollicite le paiement de 24 391.61 euros à titre de rappel de salaire pour 536 heures supplémentaires qu'il a accomplies entre 2010 et 2013, et 2 493.16 euros au titre des congés payés afférents.

Attendu que cette pièce n°83, qui constitue le seul élément produit par [Q] [B] à l'appui de sa demande, correspond à un tableau manifestement établi par les soins de l'appelant; que ce tableau mentionne pour chacune des années de 2010 à 2013 le nombre d'heures supplémentaires que [Q] [B] prétend avoir accomplies sur la base de 134 heures par mois en moyenne.

Attendu que force est de constater que ce tableau, qui fait état d'un nombre d'heures, ne détaille pas les horaires que [Q] [B] prétend avoir effectivement réalisés au-delà de la durée légale du travail;

Que ce tableau n'est en outre corroboré par aucun élément extérieur; que le tableau versé par [Q] [B] en pièce n°8 qui présente le détail de l'emploi du temps d'un responsable comptable n'a aucune valeur probatoire puisqu'il concerne la période 2010/2011 et qu'il rend compte d'un nombre invraisemblable de chiffres que la cour est bien en peine d'interpréter.

Attendu qu'il s'ensuit que le tableau dont se prévaut l'appelant en pièce n°83 n'est pas un élément suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés chaque semaine par le salarié pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments; que [Q] [B] se trouve dès lors mal fondé en sa demande au titre des heures supplémentaires; que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la société GL EVENTS CCCL au paiement de la somme de 24 391.61 euros à titre de rappel de salaire pour des heures supplémentaires et 2 493.16 euros au titre des congés payés afférents; que [Q] [B] sera débouté de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.

8 - sur la capitalisation des intérêts

Attendu qu'il convient de confirmer le jugement déféré concernant la capitalisation des intérêts.

9 - sur le travail dissimulé

Attendu qu'il résulte de l'article L.8221-1 du code du travail qu'est prohibé le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d'emploi salarié; qu'aux termes des dispositions de l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à la déclaration préalable à l'embauche, de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, de se soustraire intentionnellement à l'obligation de délivrer un bulletin de paie et de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales;

Attendu qu'il résulte de l'article L 8223-1 du code du travail qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du code du travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Attendu qu'en l'espèce, [Q] [B] sollicite le paiement de la somme de 23 868 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé en faisant valoir que la société GL EVENTS CCCL ne lui avait jamais fait conclure de convention de forfait.

Mais attendu qu'il résulte de ce qui précède que certes la convention de forfait conclue par [Q] [B] est dépourvue d'effet; que pour autant, il est établi qu'elle a été réellement été conclue;

Qu'en outre, il a été jugé ci-dessus qu'il n'est pas justifié que [Q] [B] a effectué les heures supplémentaires qu'il allègue.

Attendu qu'il s'ensuit qu'aucun travail dissimulé ne peut être imputé à la société GL EVENTS CCCL concernant l'emploi de [Q] [B], lequel doit donc être débouté de sa demande au titre du travail dissimulé; que le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

10 - sur la formation professionnelle

Attendu que la réparation d'un préjudice suppose que celui qui s'en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir l'existence et l'étendue de celui-ci.

Attendu qu'il n'est pas contesté en l'espèce que [Q] [B] n'a bénéficié d'aucune formation durant le temps de sa collaboration au sein de la société GL EVENTS CCCL, mais aussi qu'il ne justifie pas en avoir demandé à son employeur.

Attendu que force est de constater cependant que l'appelant ne produit aucun élément de nature à établir l'existence et l'étendue du préjudice qu'il prétend avoir subi du fait de l'absence de formation professionnelle; qu'il n'est donc pas fondé en sa demande;

Que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la société GL EVENTS CCCL au paiement de la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de formation professionnelle; que [Q] [B] sera débouté de sa demande de ce chef.

11 - sur les demandes accessoires

Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par la société GL EVENTS CCCL.

Attendu que l'équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a:

- dit que le licenciement de [Q] [B] n'est pas nul et qu'il repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté [Q] [B] de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail,

- débouté [Q] [B] de sa demande au titre de la prime de l'année 2009,

- jugé que [Q] [B] doit être classé directeur administratif et financier, coefficient 210, position 3.2 de la convention collective,

- condamné la société GL EVENTS CCCL au paiement de la somme de 7 685.60 euros à titre de rappel de salaire et 768.56 euros au titre des congés payés afférents,

- débouté [Q] [B] de sa demande au titre du préjudice moral,

- débouté [Q] [B] de sa demande au titre du non respect de l'obligation de prévention du harcèlement moral,

- dit que la convention de forfait conclue par [Q] [B] est nulle et dit que le régime des heures supplémentaires s'applique à [Q] [B],

- débouté [Q] [B] de sa demande au titre du travail dissimulé,

- fait droit à la demande de capitalisation des intérêts,

L'INFIRME en toutes ses autres dispositions,

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT,

DEBOUTE [Q] [B] de sa demande de rappel de salaire au titre de la prime variable de 2013,

DEBOUTE [Q] [B] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

DEBOUTE [Q] [B] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail dans le cadre de la convention de forfait;

DEBOUTE [Q] [B] de sa demande au titre de la formation professionnelle,

CONDAMNE la société GL EVENTS CCCL à remettre à [Q] [B] une attestation Pôle Emploi conforme aux dispositions du présent arrêt,

CONDAMNE la société GL EVENTS CCCL aux dépens de première instance et d'appel,

CONDAMNE la société GL EVENTS CCCL à payer à [Q] [B] la somme de 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel.

Le GreffierLe Président

Gaétan PILLIEMichel SORNAY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 15/03177
Date de la décision : 25/11/2016

Références :

Cour d'appel de Lyon SB, arrêt n°15/03177 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-25;15.03177 ?
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